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14/10/2009 | FRANCE | N°08VE00469

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 14 octobre 2009, 08VE00469


Vu la requête, enregistrée le 19 février 2008, présentée pour Mme Frédérique A, demeurant ..., par la SCP Kerouaz ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600474 du 6 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer du 10 novembre 2005 annulant une décision de l'inspecteur du travail des transports du 21 mars 2005 et autorisant son licenciement pour faute ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette déci

sion ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre ...

Vu la requête, enregistrée le 19 février 2008, présentée pour Mme Frédérique A, demeurant ..., par la SCP Kerouaz ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600474 du 6 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer du 10 novembre 2005 annulant une décision de l'inspecteur du travail des transports du 21 mars 2005 et autorisant son licenciement pour faute ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que, bien qu'elle ait critiqué la qualification des faits retenue par le ministre et relevé que celui-ci n'avait pu légalement considérer que ces faits étaient fautifs, en l'absence d'élément intentionnel, le tribunal administratif n'a apporté aucune réponse à ce moyen ; que son jugement est donc irrégulier au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ; que le tribunal administratif a inversé la charge de la preuve et qualifié de fautifs les agissements qui lui étaient reprochés, alors que le ministre s'était limité à relever des négligences ; que la décision du ministre est insuffisamment motivée ; que celui-ci n'a procédé à aucun contrôle de la matérialité et de l'imputabilité des faits avant d'accorder l'autorisation de licenciement à son employeur ; que le ministre a retenu à son encontre une erreur de caisse de 1 415,51 euros alors que l'employeur a produit un tableau dépourvu de valeur comptable et une attestation de complaisance établie par l'expert comptable le 28 juin 2005, soit postérieurement à l'introduction de son recours hiérarchique ; qu'en ce qui concerne le retrait d'espèces de 2 000 euros, la demande d'autorisation adressée à l'inspecteur du travail se réfère au dépôt d'un chèque à la Société Générale le 25 novembre 2004 qui, toutefois, n'est pas daté et n'est pas signé par Mme A ; que l'attestation de la banque, qui a d'ailleurs été établie postérieurement au licenciement, ainsi que la décision du ministre, retiennent la date du 9 décembre 2004 ; qu'il existe donc une contradiction de date se rapportant au retrait d'espèces litigieux ; que sa signature a été imitée sur la remise du chèque à la banque ; qu'elle ne disposait pas d'une délégation permanente de signature pour les remises de chèques à la banque ; que sa culpabilité n'a pas été établie par l'enquête pénale ; que les erreurs d'écritures comptables ne sont pas établies par des documents probants ; que ses écritures de caisse étaient validées par le cabinet d'expertise comptable ; que si des erreurs ont pu se glisser, elles étaient involontaires et ne caractérisent pas une faute suffisamment grave de nature à justifier son licenciement ; que le grief de mauvaise gestion pièces comptables, qui se subdivise en vingt accusations différentes, n'est étayé par aucun document ; que l'employeur, qui lui a enfin reproché d'avoir, le 6 février 2005, validé une course commandée par un client à la société Skippy mais effectuée par un chauffeur pour son compte personnel, n'a produit qu'une attestation de ce chauffeur, dépourvue de tout caractère probant et qui, au surplus, ne comporte aucune accusation à l'encontre de la salariée ; qu'il n'a pas été démontré que les faits qui lui étaient reprochés lui étaient imputables ; que, dès lors qu'elle n'a pas caractérisé l'élément intentionnel ou inexcusable des agissements reprochés par son employeur, l'autorité administrative ne pouvait pas conclure à l'existence de fautes d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 octobre 2009 :

- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,

- et les observations de Me Tuminelli, substituant Me Kerouaz, pour Mme A et de Me Touchard, pour la société Skippy ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'après avoir énuméré avec précision les faits qui sont à l'origine de l'autorisation de licenciement de Mme A, parmi lesquels figurait un retrait d'espèces non justifié, le tribunal administratif a considéré, à l'issue de son analyse, que cet agissement présentait le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier, à lui seul, le licenciement de la salariée ; que, dès lors que les premiers juges ont expressément indiqué qu'à supposer même que les autres agissements ne soient pas établis, le ministre aurait pris la même décision s'il n'avait retenu à l'encontre de Mme A que le retrait susmentionné de la somme de 2 000 euros, ils n'étaient nullement tenus de procéder au contrôle de l'exactitude matérielle desdits agissements et de se prononcer sur leur qualification juridique ; que, par suite, Mme A n'est pas fondée à invoquer une motivation insuffisante du jugement attaqué ;

Sur la légalité de la décision du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer du 10 novembre 2005 :

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée mentionne les articles du code du travail dont il a été fait application à Mme A ainsi que les faits qui lui sont reprochés ; qu'après avoir déterminé avec précision les griefs formulés par la société Skippy à l'encontre de sa salariée, l'autorité administrative a considéré que la réalité des agissements en cause ne pouvait être contestée et que, à l'exception de l'un d'entre eux, ces agissements étaient d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressée ; que la décision mentionne, en outre, l'absence de relation entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat exercé par Mme A, au titre duquel la requérante bénéficiait d'une protection particulière ; qu'ainsi, la décision attaquée est suffisamment motivée au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient Mme A, il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que le ministre, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail des transports en raison de son insuffisante motivation, s'est livré à un examen approfondi de l'ensemble des éléments de l'affaire avant de conclure que la matérialité des faits reprochés à l'intéressée était établie et qu'ils étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que l'instruction du recours hiérarchique a donné lieu à une enquête réalisée par les services de la direction régionale du travail des transports au cours de laquelle chacune des parties a été entendue ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'autorité administrative n'aurait procédé à aucun contrôle doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 425-1 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant que Mme A occupait un emploi d'assistante administrative au sein de la société Skippy et détenait un mandat de déléguée du personnel suppléante ; que la société Skippy, qui exerce une activité de location de véhicules avec chauffeurs, l'avait chargée de fonctions administratives et comptables pour son propre compte et pour le compte de sa filiale, la société Eureka, avec laquelle elle avait conclu une convention de gestion ; que, pour autoriser le licenciement de Mme A, le ministre chargé des transports a estimé, par sa décision du 10 novembre 2005, qu'il était établi que l'intéressée avait commis une erreur de caisse, des erreurs d'écriture comptable, qu'elle était responsable d'un retrait d'espèces pour un montant de 2 000 euros le 9 décembre 2004, qu'elle avait entériné les déclarations d'un chauffeur qui avait exécuté une course à titre payant à l'insu de la société et qu'elle avait fait preuve de nombreux manquements dans l'exécution des tâches de gestion et de comptabilité lui incombant ; que Mme A conteste cette décision en faisant valoir que la matérialité des faits reprochés par son employeur n'a pas été établie et que les agissements litigieux, qui ne constituent que des négligences, ne présentent pas un caractère suffisant de gravité pour justifier son licenciement ;

Considérant qu'il résulte d'une attestation établie le 30 juin 2005 par l'agence de la Société Générale située au Chesnay que, le 9 décembre 2004, Mme A, sur présentation d'une pièce d'identité, a retiré une somme de 2 000 euros en espèces contre remise d'un chèque de même montant tiré sur le compte de la société Eureka ; qu'il n'a pas été reproché à Mme A d'avoir signé le chèque, qui d'ailleurs n'est pas revêtu de sa signature, mais d'avoir procédé, moyennant présentation de ce chèque à la banque, au retrait en espèces de cette somme qui n'a pas été versée dans la caisse de l'entreprise et n'a donné lieu à aucune écriture comptable ; qu'il ressort des pièces du dossier que le reçu de la somme de 2 000 euros comporte la signature de Mme A et que cette dernière a elle-même reconnu avoir effectué le retrait en espèces le 9 décembre 2004, lors de son audition par les services de police le 1er juin 2005 ; que la requérante n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle aurait été victime d'une falsification de sa signature sur le reçu de la somme qui lui a été remise ; que si Mme A relève des anomalies dans les déclarations de la société Skippy en faisant valoir que celle-ci avait successivement fait état d'un retrait d'espèces le 25 novembre 2004 puis le 9 décembre 2004, il ressort des pièces du dossier et, notamment, du relevé du compte bancaire de la société Eureka et d'une attestation de l'expert comptable en date du 28 juin 2005 que le chèque n° 197 d'un montant de 2 000 euros a été émis le 25 novembre 2004 et que le retrait correspondant est intervenu le 9 décembre 2004 ; que les allégations de discordances invoquées par Mme A ne sont donc pas corroborées par les pièces du dossier ; que si, dans le dernier état de ses écritures, la requérante relève que la société Skippy s'est abstenue de produire une délégation l'habilitant à procéder au retrait de la somme de 2 000 euros en espèces, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que l'agence bancaire exigeait ce document pour une opération de cette nature ; que Mme A indique d'ailleurs elle-même que la société Skippy n'a pas davantage produit une délégation générale ; que la circonstance que les attestations de la banque et du cabinet d'expertise comptable aient été établies postérieurement au recours hiérarchique qu'elle a présenté au ministre chargé des transports n'est pas de nature à leur enlever leur valeur probante ; qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la matérialité des faits qui lui sont reprochés ne serait pas établie et que le ministre chargé des transports aurait inversé la charge de la preuve ; que ces agissements ont constitué une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de Mme A ; qu'enfin, si cette dernière fait valoir que la plainte déposée par la société Skippy a donné lieu à une décision de classement sans suite par le ministère public, cette décision, au demeurant non motivée, qui n'est pas au nombre de celles auxquelles s'attache l'autorité de chose jugée, n'est, en tout état de cause, pas de nature à limiter le pouvoir du juge de l'excès de pouvoir d'apprécier, au vu du dossier, la matérialité des faits reprochés ;

Considérant que le seul motif tiré du retrait, par Mme A, de la somme de 2 000 euros, qui n'a pas été reversée dans la caisse que détenait l'entreprise pour payer le carburant des véhicules et n'a fait l'objet d'aucune inscription dans les écritures comptables, était de nature à justifier l'autorisation de licenciement accordée par le ministre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, au même titre, de mettre à la charge de Mme A le versement à la société Skippy d'une somme de 1 500 euros ;

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Mme A versera une somme de 1 500 euros à la société Skippy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 08VE00469 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 08VE00469
Date de la décision : 14/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CHELLE
Rapporteur ?: Mme Françoise BARNABA
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : TOUCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2009-10-14;08ve00469 ?
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