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29/12/2009 | FRANCE | N°09VE00058

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 29 décembre 2009, 09VE00058


Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. Christian A, demeurant ..., et élisant domicile chez Me Corbel, SELARL Chandellier-Corbel, 24 rue Marbeuf à Paris (75008) ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0711612-0711610 du 18 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant de trois avis à tiers détenteur, émis le 22 juin 2007 et adressés aux sociétés Dynaloc, SMD Solutions et Fortis Banque France, en vue du recouvr

ement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des ...

Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. Christian A, demeurant ..., et élisant domicile chez Me Corbel, SELARL Chandellier-Corbel, 24 rue Marbeuf à Paris (75008) ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0711612-0711610 du 18 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant de trois avis à tiers détenteur, émis le 22 juin 2007 et adressés aux sociétés Dynaloc, SMD Solutions et Fortis Banque France, en vue du recouvrement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 1987 à 1989, à hauteur de 131 109,06 euros ;

2°) de le décharger de l'obligation de payer résultant de ces avis à tiers détenteurs ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement est entaché d'irrégularité, en ce qu'il ne comporte pas de réponse au moyen tiré de ce que les avis à tiers détenteurs ne pouvaient être émis dès lors que la créance fiscale n'était plus garantie par le privilège du trésor ; que l'administration ne pouvait sans erreur de droit faire prévaloir une disposition de nature réglementaire, l'article R. 281-2 du livre des procédures fiscales, sur une disposition de nature législative, l'article L. 274 du livre des procédures fiscales ; que les dispositions de l'article R. 281-2 du livre des procédures fiscales ne peuvent lui être opposées, dès lors qu'elles sont entachées d'incompétence, seule la loi pouvant disposer en matière de prescription, compte tenu de l'atteinte portée aux principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales ; qu'en poursuivant le recouvrement de créances qu'elle savait prescrites, l'administration a violé son devoir de loyauté à l'encontre des contribuables ; que l'article R. 281-2 du livre des procédures fiscales ne peut lui être opposé pour recouvrer la créance atteinte de prescription, dès lors qu'il méconnaît les principes d'accessibilité et d'intelligibilité des normes ; que, sur le terrain de la doctrine, et en application du deuxième alinéa de l'article L. 80-1 dans sa rédaction issue de l'article 47 de la loi du 30 décembre 2008, l'administration n'était pas en droit d'effectuer des actes de poursuite, dès lors que la créance était prescrite, sauf à revenir sur la doctrine 12C-6 en ses paragraphes 165 et 169 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 décembre 2009 :

- le rapport de Mme Grand d'Esnon, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Dhers, rapporteur public ;

Considérant que le trésorier de Chantilly a émis trois avis à tiers détenteur, le 22 juin 2007, pour recouvrer des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, dues par M. A au titre des années 1987, 1988 et 1989, mises en recouvrement le 31 mai 1993 ; que M. A fait appel du jugement du Tribunal administratif de Versailles du 18 novembre 2008 qui a rejeté ses demandes en décharge de l'obligation de payer les sommes en cause résultant de ces avis à tiers détenteurs ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, dans ses écritures enregistrées le 13 février 2008 devant le tribunal administratif, M. A a soulevé un nouveau moyen tiré de ce que les avis à tiers détenteur étaient dépourvus de base légale, dès lors qu'en raison de sa prescription, la créance fiscale n'était plus garantie par le privilège du Trésor ; que ce moyen, relatif à la péremption de l'inscription du privilège du Trésor, constituait une contestation relative à la régularité en la forme de l'acte de poursuite, et était, par suite, inopérant devant le juge administratif ; qu'il suit de là que les premiers juges ont pu régulièrement s'abstenir d'y répondre ;

Sur l'application de la loi fiscale :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription. ; qu'aux termes de son article R. 282-1 : Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef du service du département ou de la région dans lesquels est effectuée la poursuite. (...) ; qu'aux termes de son article R. 281-2 : La demande prévue par l'article R. 281-1 doit, sous peine de nullité, être présentée au trésorier-payeur général dans un délai de deux mois à partir de la notification de l'acte si le motif invoqué est un vice de forme ou, s'il s'agit de tout autre motif, dans un délai de deux mois après le premier acte qui permet d'invoquer ce motif. ;

Considérant, en premier lieu, qu'en l'absence de toute argumentation nouvelle à cet égard devant le juge de l'appel, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés, en premier lieu, de ce qu'en poursuivant le recouvrement de créances qu'elle savait prescrites, l'administration aurait violé un prétendu devoir de loyauté à l'encontre des contribuables et commis un abus de pouvoir, en deuxième lieu, de ce que les dispositions de l'article R. 281-2 du livre des procédures fiscales sur lesquelles l'administration s'est fondée seraient entachées d'incompétence, seule la loi pouvant disposer en matière de prescription, compte tenu de l'atteinte qui serait portée au principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales, et, en troisième lieu, de ce que ces dispositions méconnaîtraient les principes d'accessibilité et d'intelligibilité des normes ;

Considérant, en deuxième lieu, que si, aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) , ces stipulations ne sont pas applicables aux contestations relatives aux procédures fiscales, lesquelles n'ont pas le caractère de contestation sur des droits ou obligations de caractère civil ; qu'en outre, en l'absence de toute contestation propre aux pénalités, elles ne peuvent pas davantage être utilement invoquées pour la partie du litige concernant les poursuites menées pour obtenir recouvrement des sommes correspondant aux sanctions fiscales ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ; qu'il résulte des termes mêmes de cet article que le droit au respect de ses biens reconnu à toute personne physique ou morale ne porte pas atteinte au droit de chaque Etat de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires pour assurer le paiement des impôts ; que si M. A soutient que l'administration fiscale, en engageant des poursuites alors que la créance était prescrite, aurait porté atteinte à ses droits patrimoniaux et à ses biens, les dispositions précitées de l'article R. 281-2 du livre des procédures fiscales ne sauraient être regardées, compte tenu de leur objectif et de leur portée, comme portant par elles-mêmes atteinte au respect des biens du contribuable au sens de cet article ;

Sur le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative pour 2008 du 30 décembre 2008 susvisée : Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ;

Considérant que M. A invoque, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80-A précité du livre des procédures fiscales, le paragraphe 165 de la documentation administrative 12-C-6-3 selon lequel : Toutefois, l'action en recouvrement ne devra pas être poursuivie lorsque la prescription d'une créance est constatée même si le débiteur ne l'invoque pas ; qu'il se prévaut également du paragraphe 169 de cette même documentation, relatif aux demandes de remboursement fondées sur la prescription présentées par des contribuables ayant procédé à un versement volontaire, selon lequel : (...) dès lors qu'il est normalement exclu que le Trésor agisse en recouvrement forcé après le terme de la prescription, il conviendra de rembourser les sommes détenues dans ces conditions en cas de demande du contribuable ; que, toutefois, dès lors que la documentation administrative en cause ne concerne que les impôts recouvrés par la Direction générale des impôts par voie d'avis de mise en recouvrement, M. A, qui a été recherché en paiement de cotisations d'impôt sur le revenu mises à sa charge par les services du Trésor par voie de rôle, n'entre pas dans les prévisions des doctrines ainsi invoquées, et ne saurait, par suite, utilement s'en prévaloir ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

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N° 09VE00058 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 09VE00058
Date de la décision : 29/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - TEXTES FISCAUX - OPPOSABILITÉ DES INTERPRÉTATIONS ADMINISTRATIVES (ART - L - 80 A DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES) - EXTENSION DE L'OPPOSABILITÉ DES INTERPRÉTATIONS ADMINISTRATIVES AUX TEXTES RELATIFS AU RECOUVREMENT DE L'IMPÔT (ART - 47 DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2008) - ENTRÉE EN VIGUEUR - APPLICATION IMMÉDIATE - Y COMPRIS AUX INSTANCES EN COURS (SOL - IMPL - ) - INVOCATION DE LA DOCTRINE RELATIVE AUX IMPÔTS RECOUVRÉS PAR LES COMPTABLES PUBLICS DE L'ANCIENNE DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS À L'ENCONTRE D'UN ACTE DE POURSUITES ÉMIS PAR UN COMPTABLE PUBLIC DE L'ANCIENNE DIRECTION GÉNÉRALE DE LA COMPTABILITÉ PUBLIQUE - MOYEN INOPÉRANT.

19-01-01-03 Le requérant contestait trois avis à tiers détenteur émis par un comptable public de l'ancienne direction générale de la comptabilité publique en vue de recouvrer des cotisations d'impôt sur le revenu. Il soutenait que leur recouvrement était prescrit et invoquait notamment les paragraphes 165 et 169 de la documentation administrative 12-C-63.,,,La Cour a implicitement estimé que l'article 47 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, qui étend le champ d'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales (LPF) aux textes relatifs au recouvrement de l'impôt, est d'application immédiate, y compris dans les instances en cours.,,,Elle a cependant écarté le moyen pour inopérance au motif, plus en aval, que le requérant n'entrait pas dans les prévisions de la doctrine invoquée qui ne concerne que les impôts recouvrés par les comptables publics de l'ancienne direction générale des impôts. [RJ1], [RJ2].

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RECOUVREMENT - ACTION EN RECOUVREMENT - PRESCRIPTION - EXTENSION DE L'OPPOSABILITÉ DES INTERPRÉTATIONS ADMINISTRATIVES AUX TEXTES RELATIFS AU RECOUVREMENT DE L'IMPÔT (ART - 47 DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2008) - ENTRÉE EN VIGUEUR - APPLICATION IMMÉDIATE - Y COMPRIS AUX INSTANCES EN COURS (SOL - IMPL - ) - INVOCATION DE LA DOCTRINE RELATIVE AUX IMPÔTS RECOUVRÉS PAR LES COMPTABLES PUBLICS DE L'ANCIENNE DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS À L'ENCONTRE D'UN ACTE DE POURSUITES ÉMIS PAR UN COMPTABLE PUBLIC DE L'ANCIENNE DIRECTION GÉNÉRALE DE LA COMPTABILITÉ PUBLIQUE - MOYEN INOPÉRANT.

19-01-05-01-005 Le requérant contestait trois avis à tiers détenteur émis par un comptable public de l'ancienne direction générale de la comptabilité publique en vue de recouvrer des cotisations d'impôt sur le revenu. Il soutenait que leur recouvrement était prescrit et invoquait notamment les paragraphes 165 et 169 de la documentation administrative 12-C-63.,,,La Cour a implicitement estimé que l'article 47 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, qui étend le champ d'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales (LPF) aux textes relatifs au recouvrement de l'impôt, est d'application immédiate, y compris dans les instances en cours.,,,Elle a cependant écarté le moyen pour inopérance au motif, plus en aval, que le requérant n'entrait pas dans les prévisions de la doctrine invoquée qui ne concerne que les impôts recouvrés par les comptables publics de l'ancienne direction générale des impôts.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, 27 avril 2009, M. Bouget, 295346 : RJF 7/09 n° 667, BDCF 7/09 n° 81 conclusions N. Escaut ;

CE, 24 novembre 1997, M. Brun, 168995, p. 439 : RJF 1/98 n° 85, BDCF 1/98 n° 20 conclusions G. Bachelier.,,

[RJ2]

Comp. CE, 12 avril 1972, 81456, p. 265 : Dr. fisc. n° 48/1972 comm. 1702 conclusions M. Schmeltz.


Composition du Tribunal
Président : M. GAILLETON
Rapporteur ?: Mme Jenny GRAND d'ESNON
Rapporteur public ?: M. DHERS
Avocat(s) : CORBEL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2009-12-29;09ve00058 ?
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