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02/02/2010 | FRANCE | N°09VE00123

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 02 février 2010, 09VE00123


Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2009, présentée pour Mme Marie-Rose A, demeurant ..., par Me Pailhes ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0608948-0609084 du Tribunal administratif de Versailles en date du 20 novembre 2008 en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1999 à 2003 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée concernant la période du 1er janvier 1999 au 31 janvier 2003, ainsi que des pénalités co

rrespondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ...

Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2009, présentée pour Mme Marie-Rose A, demeurant ..., par Me Pailhes ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0608948-0609084 du Tribunal administratif de Versailles en date du 20 novembre 2008 en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1999 à 2003 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée concernant la période du 1er janvier 1999 au 31 janvier 2003, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

Elle soutient que les impositions en cause ont été notifiées au terme d'une procédure irrégulière, dans la mesure où les conditions d'application du 3° de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, qui dispensent l'administration de l'envoi d'une mise en demeure pour une activité non déclarée au centre de formalités des entreprises, n'étaient pas réunies ; qu'en effet, l'activité illégale de proxénétisme hôtelier ne pouvait, par nature, faire l'objet d'une déclaration ; qu'elle ne pouvait être ignorée de l'administration, dans la mesure où elle avait fait l'objet d'une première condamnation pénale le 17 mars 2000 et où le jugement de condamnation avait nécessairement été transmis à l'administration en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales ; qu'elle est fondée à se prévaloir de l'instruction administrative référencée 13 L-1218 mise à jour au 1er juillet 2002 ; que les impositions en cause sont prescrites pour les années 1999 à 2001, dans la mesure où les conditions d'application du droit de reprise spécial de six années prévu aux articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales n'étaient pas réunies ; qu'en effet, son activité de proxénétisme hôtelier ne pouvait, par nature, faire l'objet d'une déclaration au centre de formalité des entreprises ; que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires retenue par l'administration, qui ne tenait compte ni de la vacance périodique des locaux, faute de locataires, ni de leur inoccupation pendant les mois d'été présente un caractère radicalement vicié ou à tout le moins excessivement sommaire ; que son activité ne présentait pas de caractère occulte et que, par suite, l'administration ne pouvait faire application de la pénalité de 80 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 94-126 du 11 février 1994 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 janvier 2010 :

- le rapport de M. Morri, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales (...) lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...). / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ; qu'aux termes de l'article L. 68 du même livre : La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure si le contribuable (...) ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce (...) ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 2 de la loi du 11 février 1994 susvisée et des articles 371 AI et 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts qu'étaient notamment soumises à l'obligation de se faire connaître d'un centre de formalités des entreprises les personnes assujetties à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A exerçait, au cours des années en litige, une activité de mise à disposition de locaux à des personnes s'y livrant à la prostitution ; que cette activité de proxénétisme hôtelier revêtait, en raison de son caractère habituel et de sa finalité lucrative, un caractère professionnel et que les revenus qui en étaient retirés relevaient de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que cette activité était soumise, à ce titre, à l'obligation de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises dès lors que, contrairement à ce que soutient la requérante, ni le caractère illégal de son activité, ni le fait que celle-ci avait déjà donné lieu à une condamnation pénale le 17 mars 2000, ne la dispensait de respecter cette obligation de déclaration ; qu'à défaut pour elle d'avoir procédé à une telle déclaration, et quels que soient les motifs pour lesquels elle s'est abstenue d'y procéder, il n'y avait pas lieu pour l'administration de procéder à une mise en demeure avant de mettre en oeuvre la procédure d'évaluation d'office prévue au 1° de l'article L. 73 précité du livre des procédures fiscales ; que la requérante ne saurait utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les termes du paragraphe 8 de l'instruction administrative référencée 13-L 1218 du 1er juillet 2002, qui est relative à la procédure d'imposition ;

Considérant, par suite, que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'évaluation d'office présentait un caractère irrégulier ;

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

En ce qui concerne le délai de reprise :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : Pour l'impôt sur le revenu (...), le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. ; qu'aux termes de l'article L. 176 du même livre, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible (...). Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible (...) lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ;

Considérant que Mme A n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire au titre de l'impôt sur le revenu et de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle n'a pas davantage procédé à la déclaration de son activité auprès du tribunal de commerce ou du centre de formalités des entreprises alors que, pour les raisons déjà indiquées, elle n'était pas dispensée de procéder à une telle déclaration ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les conditions d'application du délai spécial de reprise de six années prévu aux articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales n'étaient pas réunies doit être écarté ;

En ce qui concerne la reconstitution de recettes :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ;

Considérant que, pour reconstituer les recettes de l'activité de proxénétisme hôtelier de Mme A, le service s'est fondé sur le nombre de prostituées hébergées au cours de chaque année en cause et sur le montant des tarifs de location ; qu'il a distingué les tarifs de location du matin et de l'après midi et qu'il a soustrait du montant des recettes une somme forfaitaire de 10 % pour les charges ; que, pour déterminer le nombre d'occupantes et les tarifs pratiqués, il s'est fondé, d'une part, sur les déclarations de Mme A aux services de police, et notamment sur un procès-verbal d'audition du 20 janvier 2004, et, d'autre part, sur les constatations du jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 20 avril 2005 statuant en matière correctionnelle, qui a notamment relevé que Mme A mettait son studio à disposition de huit prostituées ;

Considérant, d'une part, que si Mme A fait valoir que l'administration aurait dû tenir compte de l'inoccupation des locaux au cours des mois de juillet et août et du fait que le studio connaissait des vacances périodiques entre le départ et le remplacement de certaines locataires, elle se borne, sur ce point, à de simples allégations, sans produire aucun justificatif qui contredirait les constatations opérées ou la méthode du vérificateur ;

Considérant, d'autre part, que Mme A soutient que le chiffre de quatre prostituées le matin et quatre prostituées l'après-midi retenu par le vérificateur pour les années 2001 à 2003 présentait un caractère exagéré et que, contrairement à ce qu'elle avait déclaré lors de son audition du 20 janvier 2004, le nombre de prostituées occupant le studio n'a jamais dépassé deux par demi-journée ; qu'elle se fonde notamment sur un courrier adressé au juge d'instruction le 23 septembre 2004, dans lequel elle revenait sur ses premières déclarations et, tout en reconnaissant son activité, contestait le chiffre de huit prostituées au cours d'une journée, et sur l'attestation d'un commandant de police honoraire indiquant que les services de police ne toléraient que la présence d'une prostituée le matin et d'une autre l'après midi ; que, toutefois, ni l'attestation de ce fonctionnaire, qui porte sur la période antérieure au 30 juillet 2001, ni le fait que l'intéressée soit revenue sur ses premières déclarations, ne suffisent à apporter la preuve de l'exagération du chiffre d'affaires retenu ;

Considérant que la méthode d'évaluation adoptée par l'administration n'étant ni radicalement viciée, ni excessivement sommaire, Mme A n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré des bases d'imposition retenues ;

Sur la pénalité de 80 % pour activité occulte :

Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux pénalités contestées : 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 p. 100. (...) / 3. La majoration visée au 1 est portée à : (...) 80 p. 100 en cas de découverte d'une activité occulte ;

Considérant qu'en relevant que l'activité de Mme A n'avait fait l'objet d'aucune déclaration aux services fiscaux, au centre de formalités des entreprises ou au tribunal de commerce, l'administration a apporté la preuve, qui lui incombe, du caractère occulte de l'activité en cause ; que ni la circonstance que cette activité était tolérée par les services de police, ni le fait qu'elle avait donné lieu à une première condamnation pénale au cours de l'année 2000, n'étaient de nature à remettre en cause le caractère occulte de cette activité au sens du 3 de l'article 1728 précité du code général des impôts ; qu'ainsi, Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration lui a fait application, pour les années 2000 à 2003, de la pénalité de 80 % prévue par cet article en cas d'activité occulte ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a partiellement rejeté ses demandes tendant à la décharge des impositions et pénalités contestées ;

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

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N° 09VE00123 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE00123
Date de la décision : 02/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Johan MORRI
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : PAILHES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-02-02;09ve00123 ?
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