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03/06/2010 | FRANCE | N°09VE01848

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 03 juin 2010, 09VE01848


Vu, I, la requête, enregistrée sous le n° 09VE01848 le 5 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société TRANSNUMERIC, dont le siège est 26 rue Pagès à Suresnes (92150), par Me Vailhen ; elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0610858 en date du 26 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre

des exercices 2001, 2002 et 2003 ; subsidiairement, de réformer le jugement en ...

Vu, I, la requête, enregistrée sous le n° 09VE01848 le 5 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société TRANSNUMERIC, dont le siège est 26 rue Pagès à Suresnes (92150), par Me Vailhen ; elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0610858 en date du 26 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2001, 2002 et 2003 ; subsidiairement, de réformer le jugement en tant qu'il n'a pas réduit les impositions supplémentaires en proportion de la seule partie considérée comme excessive des commissions et en tant qu'il ne l'a pas déchargée de la retenue à la source pour l'exercice 2003 ;

2°) de prononcer la décharge ou la réduction de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le tribunal a reconnu la réalité de la prestation d'entremise réalisée par la société Jam Multimédia Technologies et qu'elle a apporté les éléments justifiant la normalité des commissions versées ; que, subsidiairement, aux termes de la doctrine administrative référencée 4C-93 du 30 octobre 1997, seule aurait due être réintégrée la partie des commissions apparaissant comme anormale ou exagérée ; que les premiers juges se sont insérés dans la gestion de la société en portant un jugement sur le contenu et la portée des études commandées à la société Unisea, lesquelles ont été utiles à une réorientation de sa stratégie ; qu'à tout le moins, la retenue à la source au titre de l'année 2003 doit être dégrevée en raison de sa situation déficitaire et du fait que les bénéficiaires des commissions et honoraires ne font pas partie de ses associés ;

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Vu, II, la requête, enregistrée sous le n° 09VE01849 le 5 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la même société, par Me Vailhen ; elle demande à la Cour, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de prononcer la suspension de l'exécution des avis de mise en recouvrement des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, à la retenue à la source et des pénalités contestées ;

Elle soutient que le recouvrement des impositions litigieuses entraînerait des conséquences graves eu égard à sa situation financière très fragile ; que la légalité des impositions est contestée par les moyens développés dans la requête déposée devant la Cour de céans sous le n° 09VE01848 ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2010 :

- le rapport de M. Bruand, président assesseur,

- les conclusions de M. Dhers, rapporteur public,

- et les observations de Me Vailhen ;

Considérant que les requêtes de la société TRANSNUMERIC concernent les mêmes impositions et ont été soumises à une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre afin qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 238 A du code général des impôts : Les intérêts, arrérages et autres produits des obligations, créances, dépôts et cautionnements, les redevances de cession ou concession de licences d'exploitation, de brevets d'invention, de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication et autres droits analogues ou les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. / Pour l'application de l'alinéa qui précède, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au contribuable, dans tous les cas, que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires ait été saisie ou non, de justifier du principe de la déductibilité des charges comme de la réalité de la prestation ; qu'aux termes du point 2 de l'article 119 bis dudit code : Sous réserve des dispositions de l'article 239 bis B, les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par le 1 de l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société TRANSNUMERIC spécialisée dans la conception, le déploiement et l'exploitation de réseaux informatiques, l'administration a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 238 A du code général des impôts, réintégré dans les bénéfices imposables, d'une part, les commissions versées au titre des années 2001 à 2003 à la société Jam Multimédia Technologies, établie sur l'île de Sercq, d'autre part, les honoraires versés au titre des années 2002 et 2003 à la société Unisea, installée à Hong-Kong ; que l'administration a, en outre, regardé les sommes litigieuses comme des revenus distribués au bénéfice de sociétés domiciliées hors de France devant être soumis à la retenue à la source prévue par le 2 de l'article 119 bis du code précité ; que la société TRANSNUMERIC ne conteste pas que les sociétés Jam Multimédia Technologies et Unisea sont soumise, respectivement à Sercq et Hong-Kong, à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du code général des impôts ;

En ce qui concerne les commissions versées à la société Jam Multimédia Technologies :

Considérant, d'une part, que la société TRANSNUMERIC a signé le 5 mai 1999 un contrat de courtage international avec la société Jam Multimédia Technologies prévoyant l'entremise de cette dernière aux fins de participer à la mise en place d'un réseau de télécommunications privé entre les entreprises du groupe LVMH, moyennant le versement d'une commission de 20 % assise sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé par la requérante avec les sociétés du groupe LVMH ; que la société requérante doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce et ainsi que l'a d'ailleurs estimé la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, comme justifiant de la réalité de l'opération d'entremise de la société Jam Multimédia Technologies par la production du contrat prévoyant cette intervention, d'une attestation du coordonnateur télécom du groupe LVMH et par l'apport de précisions sur le développement du courant d'affaires avec ce groupe qui a porté un chiffre d'affaires de la société TRANSNUMERIC de l'ordre de 500 000 euros en 1998 à 1,8 millions d'euros en 1999, dont près de la moitié a été réalisé avec le groupe LVMH, puis s'est poursuivi par un volume d'affaires de l'ordre de 3,3 millions d'euros entre 2001 et 2008 ; qu'il résulte également de l'instruction que l'intervention de la société Jam Multimédia Technologies, qui a consisté à proposer au groupe LVMH une solution globale pour le déploiement de son réseau associant l'équipementier Nortel et le prestataire informatique TRANSNUMERIC préalablement agréé par Nortel, a permis à la société requérante de participer à la mise en place d'une infrastructure à l'échelle mondiale pour laquelle elle n'aurait pu proposer ses services directement en raison de sa taille modeste ;

Considérant, d'autre part, que dès lors que la prestation de la société Jam Multimédia Technologies de mise en relation de la société requérante avec des interlocuteurs du groupe LVMH s'inscrivait dans une mission plus globale de coordination et de collaboration entre plusieurs entreprises et que, nonobstant un taux nominal de commission prévu au contrat de 20 %, les commissions réellement versées par la société TRANSNUMERIC à la société Jam Multimédia Technologies, limitées à une période de trois ans, ont été calculées sur la base de taux compris entre 8 % et 16 % des factures pour un total de 166 336 euros au cours des années vérifiées, la société requérante doit être regardée, eu égard au chiffre d'affaires développé, comme apportant la preuve qui lui incombe en vertu des dispositions de l'article 238 A du code général des impôts, que les commissions litigieuses étaient la rémunération non excessive d'opération réelles, alors qu'aucune confusion d'intérêts entre les sociétés TRANSNUMERIC et Jam Multimédia Technologies n'est par ailleurs établie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société TRANSNUMERIC est fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la retenue à la source afférentes aux commissions versées à la société Jam Multimédia Technologies au titre des années 2001 à 2003 ;

En ce qui concerne les honoraires versés à la société Unisea :

Considérant que pour justifier les honoraires versés à la société Unisea basée à Hong-Kong, la société TRANSNUMERIC a produit les contrats de commande à celle-ci de cinq études de marchés sur les télécommunications, l'internet et le téléphone mobile en Chine, en Thaïlande et au Vietnam, la copie des factures de la société Unisea et des rapports réalisés ; que la société requérante ne justifie toutefois pas que ces rapports ne contenant que des descriptions d'ordre général des marchés en cause non ciblées sur ses besoins propres ont été réalisés dans son intérêt ; que si la société TRANSNUMERIC soutient que ces études de première connaissance des marchés l'ont amenée à abandonner tout projet de développement propre dans les pays concernés et à développer un chiffre d'affaires en s'adossant à de grandes entreprises françaises auxquelles elle a proposé ses services, l'intéressée ne saurait se prévaloir, pour démontrer l'intérêt des rapports litigieux, de la réalisation de ce courant d'affaires qui, à le supposer établi, est sans lien direct avec eux ; qu'en outre, eu égard au caractère général des informations apportées par les rapports commandés, la société requérante, qui n'apporte aucun élément sur le coût de leur élaboration, ne démontre pas que le prix payé n'aurait pas un caractère anormal ou exagéré ; que, par suite, la société TRANSNUMERIC n'est pas fondée à contester le rejet par l'administration de la déduction des charges dont s'agit au titre des années 2002 et 2003 ;

En ce qui concerne la retenue à la source restant en litige :

Considérant qu'en vertu de l'article 111-c du code général des impôts, les rémunérations et avantages occultes consentis pas les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés sont regardés comme des revenus distribués qui sont, par suite, imposables à l'impôt sur le revenu, au nom des bénéficiaires, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; et qu'aux termes de l'article 119 bis 2 du code général des impôts : les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France ; que l'administration a pu, à bon droit, appliquer la retenue à la source susmentionnée aux sommes versées par la société TRANSNUMERIC à la société Unisea, regardées comme constituant un avantage occulte consenti à un tiers domicilié hors de France constitutif de revenus distribués sur le fondement du c) de l'article 111 du code précité ;

Considérant que la société TRANSNUMERIC demande à titre subsidiaire, sur le fondement d'une doctrine administrative, au demeurant précisée tardivement dans une note en délibéré, la décharge de la retenue à la source appliquée en 2003 aux sommes versées à la société Unisea aux motifs qu'elle était en situation déficitaire et que la société Unisea ne faisait pas partie de ses associés ; qu'en tout état de cause, la société requérante n'entre pas dans les prévisions du point 4 de la documentation de base 4 C 93 du 30 octobre 1997 qu'elle invoque, qui concernent la qualification de revenus distribués sur le fondement des dispositions de l'article 109-1 1° et 2° du code général des impôts et non de celles mises en oeuvre en l'espèce du c) de l'article 111 du code précité qui sont applicables même si la société est déficitaire et si le bénéficiaire n'en est pas associé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société TRANSNUMERIC est seulement fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la retenue à la source afférentes aux commissions versées à la société Jam Multimédia Technologies au titre des années 2001 à 2003 ;

Sur la requête en suspension de l'exécution des avis de mise en recouvrement :

Considérant que la Cour statue par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de la société TRANSNUMERIC contre le jugement du Tribunal administratif de Versailles du 26 mars 2009 qui a rejeté ses demandes en décharge des rappels d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source ; que, par suite, les conclusions de la requête en référé susvisée tendant à ce que la Cour suspende la mise en recouvrement des impositions en cause sont devenues sans objet ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société TRANSNUMERIC de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La SOCIETE TRANSNUMERIC est déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la retenue à la source afférentes aux commissions versées à la société Jam Multimédia Technologies au titre des années 2001 à 2003, ainsi que des pénalités y afférentes.

Article 2 : L'Etat versera à la société TRANSNUMERIC la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 09VE01848 est rejeté.

Article 4 : Le jugement n° 0610858 du Tribunal administratif de Versailles du 26 mars 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 09VE01849.

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N° 09VE01848-09VE01849 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 09VE01848
Date de la décision : 03/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GAILLETON
Rapporteur ?: M. Thierry BRUAND
Rapporteur public ?: M. DHERS
Avocat(s) : VAILHEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-06-03;09ve01848 ?
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