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17/06/2010 | FRANCE | N°09VE00130

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 17 juin 2010, 09VE00130


Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société CARELS DISTRIBUTION FRANCE, ayant son siège 18, rue de la Robertsau à Bischheim (67800), par Me Richert ; la société CARELS DISTRIBUTION FRANCE, venant aux droits de la société Délices de la tour, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0608608 en date du 16 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été as

sujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1999 ;

2°) d...

Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société CARELS DISTRIBUTION FRANCE, ayant son siège 18, rue de la Robertsau à Bischheim (67800), par Me Richert ; la société CARELS DISTRIBUTION FRANCE, venant aux droits de la société Délices de la tour, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0608608 en date du 16 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1999 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation en ce qu'il a omis de répondre aux moyens tirés de ce que l'obligation de produire l'original d'une facture pour exercer son droit à déduction méconnaît le principe communautaire de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que le principe d'égalité des contribuables devant l'impôt et qu'il n'a pas indiqué les mentions manquantes sur la copie de la facture produite au regard de l'article 289 du code général des impôts et de l'article 242 nonies de l'annexe II au même code ; que l'impossibilité de fournir un original de la facture est due à l'incendie des locaux de la société d'archivage, ce qui constitue un cas de force majeure ; que les dispositions de l'article 286 du code général des impôts ne font pas obstacle à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dans l'hypothèse de l'espèce dès lors qu'elle peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle faite à M. Deschizeaux, député, le 22 avril 1961 ; que cette réponse précise qu'en cas de disparition ou de destruction de documents comptables à la suite d'un cas de force majeure, la réalité de l'opération taxable déductible peut être établie par tout moyen ; que l'obligation de produire l'original de la facture méconnaît le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques, tel que garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, dès lors que cette exigence la contraint de reverser la taxe sur la valeur ajoutée déduite et fait peser sur elle une charge fiscale supplémentaire par rapport à d'autres entreprises ; que l'exigence d'un original de la facture pour ouvrir droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée viole le principe communautaire de neutralité de cette taxe ; que les dispositions des articles 18 et 22 § 3 de la sixième directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 ne s'opposent pas au droit à la déduction lorsque l'assujetti ne dispose plus d'un original de la facture et que la réalité de l'opération à l'origine de la déduction a été établie ; que l'abandon de créance a été soumis de bonne foi à la taxe sur la valeur ajoutée, laquelle a été reversée au Trésor public par la Société française de boulangerie, ce qui lui ouvre droit à la déduction de la taxe facturée ; qu'elle peut se prévaloir des termes de l'article 178 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ; que l'omission des mentions prévues par les articles 289 du code général des impôts et 242 nonies A de l'annexe II du même code entraîne uniquement l'application de l'amende prévue par l'article 1740 ter A dudit code mais ne remet pas en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 et notamment son préambule ;

Vu la sixième directive n° 77/388/CEE modifiée du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juin 2010 :

- le rapport de M. Bresse, président assesseur,

- et les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public ;

Considérant que la société Délices de la tour, absorbée par la société CARELS DISTRIBUTION, aux droits de laquelle vient la société CSM COMPAGNIE, exerçait l'activité de fabrication et de commercialisation de produits de boulangerie et de viennoiseries industrielles ; qu'en 1998, elle a absorbé sa filiale, la société Biotechnologies du sud-est (BSE), qui fournissait une autre de ses filiales, la Société française de boulangerie (SFB) ; qu'à la suite d'un litige survenu entre les deux sociétés, la société Biotechnologie du sud-est a consenti un abandon de créance à la Société française de boulangerie, laquelle lui a adressé, le 23 juin 1998, une facture d'un montant de 8 200 000 F HT auquel s'ajoutait 1 689 200 F, soit 257 517 euros, de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société Délices de la tour, l'administration lui a notifié un rappel portant sur la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur cette facture et déduite par elle aux motifs qu'elle n'avait pas été en mesure de présenter l'original de la facture sur laquelle figurait ce montant, que les mentions figurant sur le double de la facture étaient insuffisantes et que l'abandon de créance consenti ne relevait pas du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la société CARELS DISTRIBUTION FRANCE relève appel du jugement en date du 16 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1999 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : Les jugements sont motivés ; que le Tribunal administratif de Versailles a omis de statuer sur le moyen tiré de la violation du principe communautaire de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, qui n'était pas inopérant ; que, dès lors, les premiers juges ont entaché d'irrégularité leur jugement ; que, par suite, celui-ci doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société CARELS DISTRIBUTION FRANCE devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes du II de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession (...) desdites factures (...) ; qu'aux termes de l'article 286 du même code : (...) les pièces justificatives relatives à des opérations ouvrant droit à une déduction doivent être d'origine ; qu'aux termes de l'article 289 de ce code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : I. Tout assujetti doit délivrer une facture ou un document en tenant lieu pour les biens livrés ou les services rendus à un autre assujetti ou à une personne morale non assujettie, ainsi que pour les acomptes perçus au titre de ces opérations lorsqu'ils donnent lieu à exigibilité de la taxe (...) ; qu'il résulte de ces dispositions, et notamment de l'article 286 qui exige la détention de pièces justificatives d'origine, que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée d'amont est subordonné à la production de l'original de la facture ou du document en tenant lieu ;

Considérant, en premier lieu, que la société CARELS DISTRIBUTION FRANCE fait valoir que l'original de la facture du 23 juin 1998 a été détruit dans l'incendie survenu le 28 janvier 2002 dans les locaux de la société d'archivage qui détenait sa comptabilité, ce qui constituerait un cas de force majeure l'empêchant de fournir ce document ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que le service vérificateur a demandé, durant les opérations de contrôle sur place commencées le 26 février 2001, la production de l'original de la facture et a confirmé cette demande dans la notification de redressements en date du 18 décembre 2001 ; qu'ainsi, la requérante a disposé de plusieurs mois pour produire cet original avant l'incendie du 28 janvier 2002 ; que, par suite, ce sinistre n'a pas constitué, en l'espèce, un cas de force majeure de nature à mettre la société CARELS DISTRIBUTION FRANCE dans l'impossibilité d'apporter la preuve qui lui incombe ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société CARELS DISTRIBUTION FRANCE n'a produit qu'une photocopie de la facture du 23 juin 1998 ; qu'une simple photocopie ne peut, en application des dispositions précitées de l'article 286 du code général des impôts, être admise comme ouvrant droit à déduction ; que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'exigence d'un original est contraire à la sixième directive du Conseil des communautés européennes dès lors que les articles 18 § 1 a) et 22 § 3 de ladite directive autorisent les Etats membres à entendre par facture non seulement l'original mais également tout autre document en tenant lieu qui répond aux critères fixés par ces Etats membres et leur ouvrent la possibilité d'exiger la production de l'original pour pouvoir justifier le droit à déduction ainsi que celui d'admettre, lorsque l'assujetti ne le détient plus, d'autres preuves établissant que la transaction a bien eu lieu et laissent ainsi à ces Etats la liberté de déterminer les modalités selon lesquelles un assujetti doit justifier de ce droit ; que, par suite, l'exigence de production de l'original d'une facture ne méconnaît ni la sixième directive précitée, ni le principe communautaire de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que cette mesure est nécessaire et proportionnée pour assurer l'exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude ; que, par ailleurs, la société requérante ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article 178 de la directive n° 2006/112 CE du 28 novembre 2006, qui a été adoptée postérieurement aux impositions en litige ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu de l'article R. 771-3 du code de justice administrative issu de l'article 1er du décret du 16 février 2010 susvisé, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit, à peine d'irrecevabilité, être soulevé dans un mémoire distinct et motivé et qu'en vertu de l'article 7 de ce même décret, pour les instances en cours au 1er mars 2010, une question prioritaire de constitutionnalité doit, pour être recevable, être présentée sous la forme d'un mémoire distinct et motivé produit postérieurement à cette date ; que, par suite, le moyen tiré de que les dispositions précitées du II de l'article 271 et de l'article 286 du code général des impôts méconnaîtraient le principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt, tel qu'il est garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, est en tout état de cause irrecevable faute d'avoir été réitéré par mémoire distinct et motivé après le 1er mars 2010 ;

Considérant, enfin, que la société CARELS DISTRIBUTION FRANCE ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle faite le 22 avril 1961 à M. Deschizeaux, député, qui ne concerne pas la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par la société CARELS DISTRIBUTION FRANCE, aux droits de laquelle vient la société CSM COMPAGNIE, devant le Tribunal administratif de Versailles doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société CSM COMPAGNIE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 0608608 en date du 16 décembre 2008 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société CARELS DISTRIBUTION FRANCE devant le Tribunal administratif de Versailles et le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetés.

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N° 09VE00130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE00130
Date de la décision : 17/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme COROUGE
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : RICHERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-06-17;09ve00130 ?
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