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17/12/2010 | FRANCE | N°08VE02827

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 17 décembre 2010, 08VE02827


Vu la requête, enregistrée le 28 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SA ETUDES COMPTABLES ET FINANCIERES (ECF) dont le siège est 14 rue Guynemer à Garches (92380), par Me Michelot ; la SA ECF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400387 du 10 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge ou à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titr

e des exercices clos en 1998, 1999 et 2000, ainsi que des pénalités y affére...

Vu la requête, enregistrée le 28 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SA ETUDES COMPTABLES ET FINANCIERES (ECF) dont le siège est 14 rue Guynemer à Garches (92380), par Me Michelot ; la SA ECF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400387 du 10 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge ou à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1998, 1999 et 2000, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge ou la réduction demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, en premier lieu, que l'indemnité de résiliation du bail de l'appartement qu'elle a mis à la disposition de son dirigeant constitue une charge déductible de son résultat ; en deuxième lieu, que s'il est constant que le compte courant d'associé ouvert au nom de son dirigeant dans ses écritures devait être productif d'intérêts, la méthode utilisée par le service pour déterminer le montant des intérêts éludés est contestable dès lors qu'ils ont été calculés sans tenir compte des périodes où ledit compte courant était créditeur ; en troisième lieu, que les opérations de clearing ont consisté à compenser les dettes et les créances exigibles entre sociétés apparentées et ne peuvent être regardées comme des cessions de créance emportant substitution de créancier ainsi que l'a estimé l'administration ; que ces opérations de trésorerie intragroupe ne sont pas soumises aux formalités prévues par l'article 1690 du code civil ; qu'ainsi, c'est à tort que le service les a qualifiées d'abandons de créances en l'absence de ces formalités ; en dernier lieu, que les deux dettes qu'elle a constatées dans ses écritures en 1999 et en 2000 au profit de son dirigeant se rattachent aux opérations de clearing susévoquées et sont justifiées par la production de deux chèques de remboursement établis à son ordre par la société Paréage Deperrier Dumas ; que les pénalités de mauvaise foi ne sont pas fondées ; qu'au demeurant le service a renoncé à les appliquer au rehaussement afférent au passif injustifié ;

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 2010 :

- le rapport de Mme Garrec, premier conseiller,

- les conclusions de M. Soyez, rapporteur public,

- et les observations de Me Grambini succédant à Me Michelot, pour la SA ECF ;

Considérant que la SA ETUDES COMPTABLES ET FINANCIERES (ECF), spécialisée dans l'expertise comptable, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 1997 au 31 août 2000 à l'issue de laquelle des redressements lui ont été notifiés procédant de la remise en cause, par l'administration, de la déduction d'une indemnité de résiliation de bail, d'opérations de clearing qu'elle a regardées comme des cessions de créances, d'avances sans intérêt sur le compte courant débiteur ouvert au nom de son dirigeant dans ses écritures et, enfin, d'un passif qu'elle a estimé non justifié ; que la SA ECF relève appel du jugement du 10 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge ou à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % à cet impôt ainsi que des pénalités exclusives de bonne foi auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1998, 1999 et 2000 en conséquence de ces redressements ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne l'indemnité de résiliation de bail :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; que si, en vertu des règles gouvernant la dévolution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant, en premier lieu, que, par bail conclu le 30 janvier 1992, la SA ECF a pris en location, pour une durée de six ans, un appartement sis à Eaubonne qu'elle a mis à la disposition de son président directeur général, M. Dumas ; que, par avenant du 2 janvier 1996, la société civile immobilière propriétaire des locaux a accordé à la SA ECF une réduction de loyer en contrepartie de l'allongement de la durée du bail et de sa renonciation à résilier le contrat de location à tout moment ; que la SA ECF a toutefois résilié ledit bail par anticipation, le 31 août 1998, et a dû verser en contrepartie au bailleur une indemnité de 90 000 F (13 720,41 euros) ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas sérieusement contesté que cette résiliation est intervenue à la demande de M. Dumas, pour des raisons de convenance personnelle ; que, par suite c'est à bon droit que l'administration a estimé que cette dépense n'avait pas été engagée dans l'intérêt de l'entreprise et a rejeté la déduction de la charge correspondante du résultat imposable de la SA ECF ;

Considérant, en second lieu, qu'il n'est pas davantage contesté par la SA ECF, qui ne produit aucun élément nouveau en appel, que l'appartement qu'elle a mis à la disposition de son dirigeant n'était pas utilisé dans l'intérêt direct de l'entreprise mais constituait pour lui un avantage en nature qu'elle a au demeurant régulièrement déclaré en tant que tel au titre de l'exercice en litige ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans son résultat imposable les sommes correspondant aux dépenses d'électricité, d'assurance et de parking afférentes audit logement ;

En ce qui concerne les intérêts sur avances :

Considérant qu'il est constant qu'au cours des années en litige le compte courant ouvert au nom de M. Dumas dans les écritures de la SA ECF a fait apparaître des soldes débiteurs non productifs d'intérêts ; que le service a considéré à bon droit qu'en renonçant à percevoir ces intérêts auxquels elle pouvait prétendre, la société avait commis un acte anormal de gestion et a réintégré dans ses bénéfices imposables les sommes correspondantes ; que si la SA ECF, pour contester, dans leur principe, les redressements correspondants qu'elle a acceptés au titre des années 1999 et 2000, fait valoir en appel qu'elle ne pouvait réclamer ces intérêts à son dirigeant dès lors qu'ils avaient pour contrepartie son implication dans la gestion des sociétés du groupe , elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations ; que, s'agissant, par ailleurs, du montant des redressements en litige, dont elle soutient qu'ils sont excessifs, elle se borne à verser au dossier les mêmes tableaux chiffrés d'échelles d'intérêts élaborés par ses soins après les opérations de contrôle, lesquels ne sont pas de nature à remettre en cause le calcul desdits intérêts tel qu'effectué par l'administration sur la base des seuls soldes débiteurs du compte courant d'associé de son président directeur général et, par suite, l'exagération de ses bases imposables ;

En ce qui concerne les substitutions de créanciers :

Considérant qu'aux termes de l'article 38-2 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ; qu'aux termes de l'article 1690 du code civil : Le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique ;

Considérant, en premier lieu, que l'administration a relevé, lors des opérations de contrôle, que la SA ECF avait débité des comptes de tiers au titre des exercices clos les 31 août 1998, 1999 et 2000 sous le libellé clearing et crédité les sommes correspondantes en opérations diverses sur d'autres comptes de tiers ; qu'en l'absence de document permettant d'établir que les formalités prévues à l'article 1690 du code civil en matière de transfert de créances avaient été respectées, l'administration a estimé que ces écritures, qui constataient l'extinction de la dette de la société à l'égard de certains de ses débiteurs, retraçaient des abandons de créance entraînant une augmentation de l'actif net de la société et que les sommes correspondantes étaient imposables à l'impôt sur les sociétés entre les mains de celle-ci ; que si la SA ECF, à laquelle il incombe de justifier des écritures portées sur un compte de tiers, fait valoir que ces opérations avaient pour objet de compenser à l'intérieur d'un groupe, en les soldant, les dettes et les créances exigibles entre les sociétés apparentées, elle se borne à verser au dossier les procès-verbaux des assemblées générales entérinant ces pratiques, sans produire la convention cadre de centralisation de trésorerie dont elle se prévaut ; qu'elle ne produit pas davantage de pièces permettant de justifier de la substitution de créanciers qu'elle a constatée selon les modalités susévoquées dans ses écritures ; qu'ainsi, en notifiant à la SA ECF les rehaussements en litige, l'administration n'a pas méconnu la portée de l'article 1690 du code civil et a fait une exacte application de l'article 38-2 du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, que la SA ECF n'est pas fondée, en tout état de cause, à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la réponse ministérielle à M. Lebas, député, en date du 4 avril 1969 selon laquelle, pour déterminer si une convention a été conclue dans des conditions nouvelles, il convient d'examiner les conditions dans lesquelles sont habituellement conclues les convention semblables dans la société en cause dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, elle n'a pas été en mesure de produire lors de la vérification de comptabilité la convention de trésorerie dont elle se prévaut ;

En ce qui concerne le passif injustifié :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA ECF a enregistré en comptabilité deux sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé de son dirigeant d'un montant de 49 000 F (7 470 euros), le 31 août 1999, et de 100 000 F (15 244,90 euros), le 31 mai 2000 dont elle fait valoir qu'elles correspondent à des dettes qu'elle aurait contractées auprès de celui-ci ; qu'elle se borne, toutefois, à produire la copie de deux chèques émis à son ordre, le 31 août 1999, par la SCI Paréage, lesquels, s'ils justifient d'une créance détenue par la SA ECF sur la SCI Paréage, ne sont pas de nature à justifier de la réalité des dettes alléguées ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les sommes en litige devaient être regardées comme un passif injustifié et les a réintégrées dans le résultat imposable de la société ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'art. 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p.100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'en relevant que la SA ECF était spécialisée dans l'expertise comptable et qu'elle avait utilisé des méthodes comptables et des procédés non explicites, s'agissant notamment des opérations de clearing , destinés à dissimuler une partie de ses bases imposables, l'administration, qui l'assortit d'une motivation suffisante, établit l'intention délibérée de la SA ECF d'éluder l'impôt ; que la SA ECF n'est pas, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que le service a assorti les droits rappelés de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, alors même qu'il aurait renoncé à appliquer lesdites pénalités au redressement afférent au passif injustifié ;

Considérant, en second lieu, que si la SA ECF se prévaut de l'instruction du 19 février 2007 référencée 13 N-1-07 qui impose à l'administration de prouver le caractère délibéré des insuffisances, inexactitudes ou omissions des déclarations de résultats souscrites par les contribuables, cette preuve est en tout état de cause apportée par le service ;

Considérant qu'il résulte ce qui précède que la SA ECF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA ECF est rejetée.

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N° 08VE02827


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 08VE02827
Date de la décision : 17/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. HAÏM
Rapporteur ?: Mme Sylvie GARREC
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : MICHELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-12-17;08ve02827 ?
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