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21/06/2011 | FRANCE | N°10VE00124

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 21 juin 2011, 10VE00124


Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. et Mme Guy A, élisant domicile au cabinet de Me Schiele, ..., par Me Schiele ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0806289 en date du 16 novembre 2009 par laquelle le président de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant, à titre principal, à la restitution totale de la retenue à la source ayant grevé les dividendes qui leur ont été distribués par des sociétés françaises au

cours des années 2004 à 2007 et, à titre subsidiaire, à la restitution par...

Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. et Mme Guy A, élisant domicile au cabinet de Me Schiele, ..., par Me Schiele ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0806289 en date du 16 novembre 2009 par laquelle le président de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant, à titre principal, à la restitution totale de la retenue à la source ayant grevé les dividendes qui leur ont été distribués par des sociétés françaises au cours des années 2004 à 2007 et, à titre subsidiaire, à la restitution partielle de ladite retenue ;

2°) à titre principal, de lui accorder la restitution sollicitée et, à titre subsidiaire, de prononcer le remboursement d'une somme de 1 414 euros correspondant à la différence entre la retenue opérée au taux de 25 % et celle qui aurait résulté de l'application du taux de 15 % prévu par les stipulations de l'article 15-2° b de la convention fiscale franco-belge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens de l'instance, une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que l'ordonnance attaquée est entachée d'une erreur de droit pour avoir appliqué l'article R. 431-8 du code de justice administrative qui est contraire à la Constitution et au droit communautaire, à l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 et à l'article 45 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'en effet, en exigeant des seuls contribuables non résidents, à peine d'irrecevabilité de leur demande, qu'ils fassent élection de domicile, non seulement en France, mais dans le ressort du Tribunal saisi du litige, le pouvoir réglementaire a méconnu le principe de libre accès aux tribunaux et a mis à la charge de ces justiciables une contrainte discriminatoire leur rendant excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire ; que, de surcroît, le premier juge ne pouvait leur faire grief de ne pas avoir élu domicile dans le ressort du Tribunal administratif de Montreuil dès lors qu'ils n'ont pas été invités à accomplir cette formalité ; qu'il ressort de l'arrêt Amurta de la Cour de justice des communautés européennes, dont les principes sont transposables à la présente espèce, que les Etats membres, dès lors qu'ils entendent exercer leur souveraineté fiscale, sur les dividendes distribués par les sociétés résidentes, doivent appliquer aux actionnaires non résidents le même traitement qu'aux actionnaires résidents ; que le mécanisme de retenue à la source instituée par l'article 119 bis 2 du code général des impôts, en ce qu'il ne concerne que les non résidents, instaure une discrimination qui, non justifiée par des motifs d'intérêt général, est prohibée par les dispositions de l'article 56 du traité CE ; qu'en outre, et à titre subsidiaire, ils sont fondés à demander à ce que la retenue à la source ayant grevé les dividendes perçus soit calculée non au taux de 25 % mais au taux de 15 % conformément aux stipulations de l'article 15-2 b° de la convention fiscale franco-belge, l'administration disposant de tous les éléments justifiant l'application de ce taux ; que le Cour pourra, si nécessaire, saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions soulevées par la présente requête ;

.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 2009-945 du 29 juillet 2009 portant création d'un tribunal administratif à Montreuil et modifiant le code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2011 :

- le rapport de M. Huon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Dhers, rapporteur public,

- et les observations de Me Schiele ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 juin 2011, présentée pour M. et Mme A ;

Considérant que, suite au rejet de la réclamation qu'ils avaient formée en ce sens, M. et Mme A, demeurant 17 avenue des Albatros à Bruxelles (Belgique), ont, par requête enregistrée le 2 juin 2008 au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, demandé, à titre principal la restitution totale de la retenue à la source prélevée sur les dividendes qui leur ont été distribués par des sociétés françaises au cours des années 2004 à 2007 en invoquant la méconnaissance du droit communautaire et, à titre subsidiaire, la restitution partielle de ladite retenue ; que, par lettre en date du 6 juin 2008, reçue le 20 juin suivant, les intéressés ont été notamment invités à régulariser leur requête au regard des dispositions de l'article R. 431-8 du code de justice administrative, qui imposent aux parties non représentées devant le Tribunal qui ont leur domicile à l'étranger de faire élection de domicile dans le ressort de la juridiction ; qu'estimant cette formalité discriminatoire, les requérants ont, par mémoire du 30 juin 2008, annoncé qu'ils entendaient faire élection de domicile dans la commune du Touquet-Paris-Plage (62520) ; que, par ordonnance du 15 septembre 2009, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, en application de l'article 7 du décret n° 2009-945 susvisé, transmis la requête de M. et Mme A au Tribunal administratif de Montreuil ; que, par l'ordonnance attaquée du 16 novembre 2009, le président de la 1ère chambre de ce Tribunal a, en vertu du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté la demande des intéressés, comme manifestement irrecevable, au motif qu'en dépit de la demande qui leur avait été adressée, ils n'avaient pas élu domicile dans le ressort du Tribunal administratif de Montreuil ;

Sur les exceptions d'inconstitutionnalité et d'inconventionnalité de l'article R. 431-8 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 431-8 du code de justice administrative : Les parties non représentées devant un tribunal administratif qui ont leur résidence hors du territoire de la République doivent faire élection de domicile dans le ressort de ce tribunal. ;

Considérant, en premier lieu, que M. et Mme A soutiennent que les dispositions précitées méconnaissent le droit à un recours effectif devant un Tribunal, énoncé au paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ; que, toutefois, ces stipulations ne sauraient être utilement invoquées dans un litige ayant uniquement trait à l'assiette de l'impôt et qui ne porte, par suite, ni sur une contestation de caractère civil ni sur une accusation en matière pénale, au sens desdites stipulations ;

Considérant, en deuxième lieu, que la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée par le Conseil européen le 7 décembre 2000 et reprise dans un acte inter-institutionnel publié le 18 décembre 2000, était dépourvue, en l'état du droit à la date de l'édiction de l'ordonnance attaquée, de la force juridique qui s'attache à un traité introduit dans l'ordre juridique interne et ne figurait pas au nombre des actes du droit communautaire dérivé susceptibles d'être invoqués devant les juridictions nationales ; que le moyen tiré de sa méconnaissance par le premier juge ne peut, dès lors, qu'être écarté ; qu'au demeurant l'article R. 431-8 du code de justice administratif ne porte pas atteinte, par lui-même, au principe de liberté de circulation et de séjour des citoyens de l'Union européenne sur le territoire des Etats membres consacré par l'article 45 de la charte, seul invoqué par les requérants ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes qu'en l'absence de réglementation communautaire en matière de restitution des impositions nationales indûment perçues, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque Etat membre de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l'effet direct du droit communautaire, étant entendu que ces modalités doivent toutefois respecter les principes d'équivalence et d'effectivité ce qui implique qu'elles ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des réclamations semblables fondées sur des dispositions de droit interne ni aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire ;

Considérant, d'une part, que le principe d'équivalence ne saurait être interprété comme obligeant un Etat membre à prévoir des modalités identiques de recours en justice pour les résidents et non résidents dès lors que ces deux catégories de demandeurs, se trouvent, à raison même de leur domicile, dans des situations objectivement différentes eu égard aux contraintes de l'instruction et, notamment, à la nécessité qui s'attache, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, au bon accomplissement des diligences qui incombent tant au Tribunal qu'aux parties ; qu'ainsi et dès lors que l'obligation prévue par les dispositions de l'article R. 431-8 du code de justice administrative s'applique à l'ensemble des non résidents, sans distinction de nationalité, que leur demande soit fondée sur la méconnaissance du droit communautaire ou d'une norme purement interne et ce, en outre, quel que soit l'objet du litige, l'obligation en cause ne méconnaît pas le principe d'équivalence ;

Considérant, d'autre part, que M. et Mme A font valoir que les impératifs de la procédure contentieuse ne sauraient justifier que les demandeurs non résidents fassent élection de domicile, non seulement en France, mais dans le ressort même du Tribunal sauf à rendre concrètement impossible l'exercice de leur droit au recours ; que, toutefois, il résulte des termes de l'article R. 431-8 qu'un telle obligation n'existe qu'à l'égard des parties non représentées et n'est ainsi pas opposable au demandeur qui, ainsi qu'il lui est loisible de le faire, a constitué un mandataire lequel peut être non seulement un avocat mais aussi, en matière fiscale et par application de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales, toute personne physique ou morale à la seule condition, rappelée à l'article R. 197-4 du même livre, qu'elle justifie d'un mandat régulier ; qu'à cet égard, et s'agissant de l'hypothèse, évoquée en termes généraux par M. et Mme A, des demandeurs n'ayant pas les moyens de disposer des services d'un avocat, ce derniers peuvent, le cas échéant, bénéficier de l'aide juridictionnelle conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; qu'à défaut d'être représentés, les demandeurs non résidents peuvent se conformer à l'exigence de l'article R. 431-8 en élisant domicile chez toute personne de leur choix, laquelle, si elle doit elle-même demeurer dans le ressort du tribunal, peut être toute personne physique ou morale, y compris une société de domiciliation ; qu'ainsi, et compte tenu des possibilités qui sont offertes aux requérants concernés, la condition de recevabilité posée par les dispositions contestées ne saurait être regardée comme de nature à rendre en pratique impossible ou même excessivement difficile l'exercice des droits qui leur sont conférés par l'ordre juridique communautaire ;

Considérant, enfin qu'il résulte de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen qu'il ne doit pas en principe être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction ; que, toutefois, et pour les motifs qui viennent d'être exposés, M. et Mme A ne sont pas fondés à prétendre que les dispositions de l'article R. 438-1 du code de justice administrative méconnaîtraient leur droit à un recours effectif protégé par cette disposition ;

Sur la recevabilité de la demande présentée devant le Tribunal administratif :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 221-1 du code de justice administrative : Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ; qu'aux termes de l'article 612-1 du même code : Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7. ; qu'enfin, aux termes de l'article 7 du décret n° 2009-945 du 29 juillet 2009 : I. Le tribunal administratif de Montreuil est compétent pour connaître des requêtes qui, relevant de sa compétence territoriale en vertu de l'article 2, seront enregistrées à compter du 1er novembre 2009. En outre, les requêtes qui relèvent de la compétence territoriale du tribunal administratif de Montreuil en vertu de l'article 2 et qui, enregistrées au greffe du tribunal administratif de Cergy-Pontoise à compter du 1er juin 2008, n'ont pas été inscrites à un rôle de ce tribunal avant le 1er novembre 2009 sont transmises au tribunal administratif de Montreuil par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise auprès duquel elles ont été enregistrées. (...) / Les actes de procédure accomplis régulièrement devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise restent valables devant le tribunal administratif de Montreuil. ;

Considérant que l'auteur de l'ordonnance attaquée ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, rejeter la demande présentée par les époux A le 2 juin 2008 en se bornant à relever que ces derniers n'avaient pas élu domicile dans le ressort du Tribunal administratif de Montreuil, compétent pour le département de la Seine-Saint-Denis, dès lors que la demande qui leur avait été adressée le 6 juin 2008 par le greffe du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise les invitait à faire élection de domicile dans le ressort de ce tribunal, lequel comprenait alors, non seulement le département de la Seine-Saint-Denis mais aussi celui du Val-d'Oise et que cette demande, par application des dispositions précitées, demeurait valable, devant le Tribunal administratif de Montreuil auquel le dossier de la requête avait été transféré ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A, qui n'étaient pas représentés devant le Tribunal, n'ont, ni dans le délai imparti ni d'ailleurs avant que le premier juge ne statue, élu domicile dans aucun des deux départements précités ; que leur conclusions étaient par suite manifestement irrecevables pour cet autre motif ; que les intéressés ne sont, dès lors, pas fondés à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions des requérants tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

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N° 10VE00124 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE00124
Date de la décision : 21/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-07-01-04-04 Procédure. Pouvoirs et devoirs du juge. Questions générales. Moyens. Exception d'illégalité.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: M. DHERS
Avocat(s) : SCHIELE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-06-21;10ve00124 ?
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