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15/11/2011 | FRANCE | N°09VE04012

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 15 novembre 2011, 09VE04012


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 10 décembre 2009, présentée pour M. et Mme Jean-Philippe A, demeurant au ..., par Me Di Dio, avocat à la Cour ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601170 du Tribunal administratif de Versailles du 15 octobre 2009 en tant que, par ce jugement, le tribunal ne leur a accordé qu'une réduction de la majoration pour opposition à contrôle fiscal assortissant les impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu, la contribution sociale généralisée, la contri

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 10 décembre 2009, présentée pour M. et Mme Jean-Philippe A, demeurant au ..., par Me Di Dio, avocat à la Cour ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601170 du Tribunal administratif de Versailles du 15 octobre 2009 en tant que, par ce jugement, le tribunal ne leur a accordé qu'une réduction de la majoration pour opposition à contrôle fiscal assortissant les impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu, la contribution sociale généralisée, la contribution pour le remboursement de la dette sociale et le prélèvement social auxquelles ils ont a été assujettis au titre des années 2002 et 2003 à raison de revenus provenant de la SCI Agathe et a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge desdites impositions et pénalités ;

2°) de leur accorder la décharge des impositions et pénalités restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent, en premier lieu, que la procédure d'imposition a été irrégulière ; que, d'une part, une société civile, dont l'objet social est la location de locaux nus et qui perçoit à ce titre des revenus fonciers, n'est pas astreinte à la tenue d'une comptabilité et ne peut, dès lors, faire l'objet de la vérification sur place de comptabilité prévue aux articles L. 13 et L. 47 du livre des procédures fiscales ; que l'administration ne peut recourir à la procédure de vérification de comptabilité que pour contrôler les revenus déterminés à partir d'une comptabilité, et non pour les revenus imposables dans la catégorie des revenus fonciers ; que le contrôle des sociétés civiles immobilières n'est pas une vérification de comptabilité mais constitue un contrôle sui generis que le Conseil d'Etat dénomme contrôle sur place des documents comptables et qui est prévu à l'article 46 D de l'annexe III au code général des impôts ; que l'administration a d'ailleurs en conséquence prévu un imprimé spécifique pour ce contrôle ; qu'en considérant qu'il n'avait pas été exigé de la SCI Agathe qu'elle produise d'autres documents que ceux qu'elle avait l'obligation de présenter, tout en relevant que, par la mention des articles L. 13 et L. 47 du livre des procédure fiscales, elle avait été informée loyalement de ses droits et obligations, le tribunal a entaché son jugement d'une contradiction de motifs ; que, par ailleurs, l'administration ne pouvait ignorer que la SCI Agathe était sortie du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée depuis 1998, ne souscrivant plus de déclarations à ce titre depuis cette date ; qu'il suit de là que les exposants n'ont pas été loyalement informés de leurs droits et obligations et que l'administration a nécessairement exigé de la SCI qu'elle produise des documents autres que ceux qu'elle avait l'obligation de présenter ; que, d'autre part, la notification de redressements qui leur a été adressée le 20 décembre 2004 n'est pas suffisamment motivée en violation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle ne comporte pas en annexe la proposition de rectification adressée à la SARL L'Amnésia alors que les redressements notifiés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers résultaient de redressements apportés aux résultats de cette société dans le cadre d'une vérification de comptabilité à laquelle les requérants sont restés totalement étrangers ; qu'en l'absence de communication par le service des informations et calculs qui justifiaient le montant des rectifications apportées à leurs revenus de capitaux mobiliers, s'agissant en particulier de la détermination des bases imposables, les exposants ne pouvaient répondre utilement à la proposition de rectification du service sur ce point ; que, par ailleurs, c'est à tort que l'administration a mis en oeuvre la procédure d'opposition à contrôle fiscal ; que l'autorité absolue de la chose jugée s'attache aux seules constatations de faits relatifs au bien-fondé de l'imposition opérées par le juge pénal, et non aux faits relatifs à la procédure d'imposition ou aux qualifications juridiques portées par ce juge ; qu'il n'y a pas opposition à contrôle fiscal lorsque les exigences de l'administration quant au déroulement du contrôle ne sont pas justifiées ; qu'en l'espèce, un seul et unique avis de vérification est parvenu à la SCI Agathe, à l'adresse de son gérant portée sur ses déclarations 2072, les autres courriers ayant été expédiés à des adresses erronées ; que cet avis de vérification mentionnait une première intervention au siège social de la SCI, sis Ile des Loisirs - L'Amnésia au Cap d'Agde (34300) alors qu'elle ne dispose d'aucun local à cette adresse, cet immeuble étant loué à la SARL l'Amnésia qui ne les exploite qu'aux mois de juillet et août et la SCI n'ayant ainsi pas accès à ces locaux, fermés en dehors de la période estivale, circonstances que l'administration n'ignorait pas ; qu'en outre, les exigences du service quant à la présentation d'une comptabilité par la SCI Agathe n'étaient pas justifiées ; que, par ailleurs, le procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal du 9 novembre 2004 qui n'a pas été précédé d'une déclaration de procès-verbal au contribuable ou à son gérant et ne comporte ni le nom, ni la qualité, ni le domicile de la personne morale ou physique à l'encontre de laquelle le procès-verbal est dressé, est entaché de nullité ; qu'en conséquence, irrégulier, il ne leur est pas opposable ; qu'enfin, la procédure de taxation d'office mise en oeuvre par le service est manifestement abusive ; que si l'opposition à contrôle fiscal se déroule sans incident et n'est accompagnée d'aucun outrage par geste, parole ou menaces, le service doit avoir soin de surseoir à l'imposition d'office et de procéder auparavant à la mise en garde du contribuable comme le prévoit la documentation administrative 13 L-1442 § 2 à 4 ; qu'en cas de contentieux consécutif à l'évaluation d'office des bases d'imposition pour opposition à contrôle, il incombe à l'administration d'établir le bien-fondé du recours à la procédure suivie ; que la lettre du 9 novembre 2004 a été rédigée le jour même du procès-verbal et ne révèle donc aucun esprit de conciliation ; que, compte-tenu des circonstances précitées, le comportement de la SCI Agathe et de son gérant ne sont pas constitutifs d'une opposition à contrôle fiscal ; que la SCI Agathe, personne morale, n'a d'ailleurs jamais fait l'objet d'une condamnation pour opposition à contrôle fiscal ; en deuxième lieu, que les redressements ne sont pas fondés ; que, d'une part, s'agissant des revenus fonciers, le service a exclu de manière arbitraire toutes les charges mentionnées sur les déclarations n° 2072 souscrites par la SCI Agathe alors qu'il disposait du bail, de tous les indices collectés dans la comptabilité de la SARL L'Amnésia, locataire, des déclarations n° 2072 et de renseignements internes à l'administration et, en particulier, le montant des impôts fonciers payés par la SCI ; que les exposants produiront l'ensemble des pièces justificatives des charges déduites dès qu'ils en auront obtenu copie ; que, d'autre part, et s'agissant des redressements en matière de revenus de capitaux mobiliers, l'administration doit, pour pouvoir mettre en oeuvre la présomption de distribution , rapporter la preuve d'une mise à disposition effective de l'associé ; que, lorsque les avances sont consenties à un associé par une personne interposée, l'administration doit alors prouver, d'une part, que les sommes en cause ont été mises à la disposition dudit associé, d'autre part, que la tierce personne n'est qu'une personne interposée entre l'associé et la société ; qu'enfin, la documentation administrative 4 J-1212 n° 22 du 1er novembre 1995 prévoit qu'aucune imposition ne peut être mise en recouvrement si le contribuable fait la preuve du remboursement des sommes avancées ; que le vérificateur s'est trompé dans l'appellation des sommes inscrites au compte fournisseur de la SCI Agathe dans les livres de la SARL L'Amnésia dès lors qu'elles ont été qualifiées de solde du compte à la clôture des exercices considérés alors qu'elles correspondent à la variation de ce solde ; que le vérificateur de la SARL n'a tiré aucune conséquence de ses constatations vis-à-vis des associés personnes physiques de la SARL L'Amnésia et n'a pas mis en oeuvre la procédure prévue à l'article 117 du code général des impôts ; que le service ne pouvait pas inclure dans la procédure de taxation d'office de la SCI Agathe les constatations opérées par un autre vérificateur dans le cadre d'une procédure de vérification de comptabilité d'une autre société mais devait notifier les éventuels redressements directement aux associés des sociétés Agathe et L'Amnésia dans le cadre de la procédure contradictoire ; qu'au surplus, les sommes en cause ne pouvaient être qualifiées d'avantages occultes dès lors qu'elles étaient parfaitement identifiables en comptabilité et étaient justifiées par des relevés bancaires attestant des versements et du bénéficiaire ; que le tribunal administratif ne pouvait, par ailleurs, accorder la substitution de base légale demandée par l'administration dès lors qu'elle n'était appuyée d'aucun moyen de nature à en établir le bien-fondé et que le contribuable ne pouvait en discuter utilement ; que, lorsque le nouveau fondement légal invoqué devant le juge résulte de l'utilisation de renseignements recueillis auprès de tiers, il incombe à l'administration d'informer le contribuable de la teneur de ces renseignements afin de lui permettre, le cas échéant, d'en obtenir la communication ; qu'en l'espèce, l'administration a fait état de nouvelles sommes versées à titre d'avances sur loyers sans communiquer aux exposants, ni au tribunal, la copie de la proposition de rectification adressée à la SARL L'Amnésia ou tout autre document justificatif ; que le service n'apporte pas la preuve que les sommes considérées seraient des avances sur loyers ; que, d'ailleurs, le tribunal n'a pas, dans le dispositif de son jugement, décidé d'accorder à l'administration la substitution de base légale sollicitée, ni quantifié celle-ci ; enfin, que la pénalité prévue à l'article 1730 du code général des impôts a été mise en recouvrement à leur encontre sans que l'administration n'ait jamais motivé cette sanction par le comportement et l'attitude des exposants ; que l'administration ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de leur participation consciente à des faits d'opposition à contrôle fiscal, cette infraction devant pourtant être caractérisée par un élément matériel et un élément moral ; que le code général des impôts pose le principe de personnalisation des peines qui s'impose à l'administration et fait obstacle à ce que la pénalité de l'article 1730 du code général des impôts puisse être appliquée à un contribuable à l'encontre duquel aucun comportement répréhensible n'a été relevé ; que, par conséquent, les exposants sont bien fondés à demander le dégrèvement intégral des pénalités notifiées en application de l'article 1730 du code général des impôts ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2011 :

- le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

Considérant qu'à la suite de l'évaluation d'office des bases d'imposition de la SCI Agathe, dont Mme A détenait 50 % des parts composant le capital, M. et Mme A se sont vu assigner, au titre des années 2002 et 2003, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, assorties d'intérêts de retard ainsi que de la pénalité pour opposition à contrôle fiscal au taux de 150 %, alors prévu par l'article 1730 du code général des impôts ; qu'ils font appel du jugement du Tribunal administratif de Versailles du 15 octobre 2009 en tant que, par ce jugement, le tribunal ne leur a accordé qu'une réduction de la majoration pour opposition à contrôle fiscal en application de l'article 13 de l'ordonnance du 7 décembre 2005, qui a ramené à 100 % le taux de cette majoration, et a rejeté le surplus de leur demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que le tribunal administratif a pu, sans contradiction de motif, relever, d'une part, que la circonstance que l'administration ait adressé à la SCI Agathe un avis de vérification de comptabilité et non pas un avis de contrôle sur place était sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition dès lors, notamment, qu'il n'avait pas été exigé d'elle qu'elle produise des documents autres que ceux qu'elle avait l'obligation de présenter et considérer, d'autre part, que l'administration avait informé la société de ses droits et obligations en joignant à cet avis des extraits des articles L. 13 et L. 47 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions édictent des garanties bénéficiant à l'ensemble des contribuables vérifiés et, notamment, aux sociétés qui font l'objet du contrôle prévu par l'article 46 D de l'annexe III au code général des impôts, dont fait partie la SCI Agathe ;

Considérant, en second lieu, qu'en faisant droit, dans les motifs du jugement, à la substitution de base légale demandée par l'administration s'agissant du redressement relatif aux revenus de capitaux mobiliers à hauteur de la totalité de ce chef de redressement, et en rejetant, dans le dispositif, les conclusions des requérants tendant à la décharge des impositions supplémentaires résultant dudit redressement, le tribunal administratif, qui n'avait pas à constater cette substitution dans un article du dispositif de sa décision, a statué sur l'ensemble des conclusions dont il était saisi et n'a commis aucune irrégularité ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la régularité de l'avis de vérification :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des dispositions de l'article 172 bis du code général des impôts, ainsi que des dispositions réglementaires des articles 46 B à D de l'annexe III audit code prises pour leur application, qu'afin d'examiner les documents comptables et autres pièces justificatives que ces dernières dispositions imposent de tenir aux sociétés civiles immobilières qui donnent leurs immeubles en location, l'administration peut légalement procéder à un contrôle sur place de ces documents, dans le respect des garanties bénéficiant à l'ensemble des contribuables vérifiés ; que, notamment, le contrôle d'une société civile immobilière de gestion doit être précédé de l'envoi d'un avis de vérification ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a adressé à la SCI Agathe un avis en date du 6 octobre 2004 l'informant qu'il serait procédé à la vérification de l'ensemble de ses déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées et portant sur la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 lors d'un contrôle devant se dérouler à son siège social le 4 novembre 2004 et précisant qu'elle devait tenir à la disposition du vérificateur ses documents comptables et pièces justificatives ; que si cet avis se référait à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, lequel vise seulement l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu et la vérification de comptabilité, les dispositions de cet article édictent des garanties bénéficiant à l'ensemble des contribuables vérifiés et applicables, notamment, aux sociétés qui font l'objet du contrôle prévu par l'article 46 D de l'annexe III au code général des impôts ; que cet avis précisait, en outre, que le contribuable avait la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ; qu'il résulte de ces éléments que la circonstance que ledit avis ait mentionné une vérification de comptabilité et non un contrôle sur place n'a pu, comme le soutiennent les requérants, induire en erreur la société sur l'étendue de la vérification à laquelle elle serait soumise et n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition ; que le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas loyalement informé le contribuable de ses droits et obligations ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

En ce qui concerne la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ;

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions de l'article 172 bis du code général des impôts, ainsi que celles des articles 46 B à D de l'annexe III audit code, imposent aux sociétés civiles immobilières de tenir des documents comptables et autres pièces justificatives de nature à justifier l'exactitude des renseignements portés sur les déclarations de résultats qu'elles doivent établir et prévoient que l'administration peut procéder à un contrôle sur place de ces documents ; qu'il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en l'absence de possibilité de contrôle, les revenus fonciers de la SCI Agathe ne pouvaient faire l'objet de la procédure d'évaluation d'office prévue par l'article L. 74 précité du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en deuxième lieu, que, par un jugement du Tribunal correctionnel de Béziers en date du 4 mai 2005, confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 17 novembre 2005, M. Grégory Boudou, gérant de la SCI Agathe, a été déclaré coupable du fait d'opposition à l'accomplissement des fonctions des agents des impôts, infraction alors prévue et réprimée par l'article 1737 du code général des impôts, et condamné à 3 000 euros d'amende de ce chef ; que le juge pénal, dont les constatations de fait sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée et à ce titre opposables erga omnes, a notamment constaté que deux avis de vérification, en date du 21 septembre 2004 et 6 octobre 2004, fixant une première intervention au 3 novembre 2004, avaient été successivement envoyés par l'administration, dont le second aux différentes adresses connues de la société ou de son gérant, et qu'ils étaient revenus non réclamés, à l'exception de l'un, retiré le 8 octobre 2004 par M. Grégory Boudou, lequel ne s'est néanmoins pas présenté le 3 novembre 2004 ; que le juge pénal a également relevé que M. Grégory Boudou n'a pas répondu à la lettre du 9 novembre 2004, dont il a eu connaissance, par laquelle l'inspecteur des impôts lui a proposé, dans un esprit de conciliation, de fixer un rendez-vous pour remise d'un nouvel avis de vérification et fixation d'une date pour une première intervention et que seule la proposition de rectification du 6 décembre 2004 a suscité une réaction de la part de la SCI Agathe et de son gérant ; que, dans ces conditions, et compte-tenu de l'inertie du gérant de la SCI Agathe, qui n'a porté à la connaissance de l'administration aucune circonstance s'opposant au contrôle, les requérants ne sauraient prétendre que le choix du lieu de la première intervention, dans un immeuble que cette société donnait à bail et auquel elle n'aurait prétendument pas eu accès, aurait fait obstacle au déroulement du contrôle ; qu'il suit de là que c'est donc à bon droit que l'administration a, sur le fondement de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales précité, recouru à la procédure d'évaluation d'office des bénéfices réalisés par la SCI Agathe ;

Considérant, en troisième lieu, que la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue, en cas d'opposition à contrôle fiscal, par l'article L. 74 précité du livre des procédures fiscales, n'est assortie d'aucune mise en demeure ou autre formalité préalable ; que, par ailleurs, l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales n'étant pas applicable en matière de procédure d'imposition, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de cet article, de la documentation administrative 13 L-1542 § 2 à 4 qui prévoit la possibilité d'adresser une mise en garde au contribuable avant de procéder à l'imposition d'office ;

Considérant, en quatrième lieu, que dès lors que la situation d'opposition à contrôle fiscal est, ainsi qu'il vient d'être dit, caractérisée compte tenu des faits constatés par le juge pénal, le moyen tiré de ce que le procès-verbal pour opposition à contrôle fiscal dressé le 9 novembre 2004 par l'inspecteur des impôts de la direction des services fiscaux de l'Hérault serait irrégulier pour n'avoir pas été précédé d'une déclaration à la SCI Agathe ou à son gérant et pour ne pas comporter la désignation de la personne à l'encontre de laquelle il a été établi, est inopérant ;

Considérant, enfin, que la procédure d'évaluation d'office prévue par l'article L. 74 précité du livre des procédures fiscales ne constituant pas une sanction, les requérants ne peuvent utilement soutenir que la procédure d'imposition suivie à leur égard serait irrégulière au motif qu'elle aurait contrevenu au principe de personnalité des peines ;

En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure (...). / Il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure (...) si un contrôle fiscal n'a pu avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. ; qu'aux termes de l'article L. 76 du même livre : Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) Les dispositions du présent article ne sont pas applicables dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 67. ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, lorsque les bases de l'imposition d'un contribuable ont été évaluées d'office à la suite de son opposition au contrôle fiscal, le législateur a entendu priver l'intéressé, qui s'est de lui-même placé en dehors des règles applicables à la procédure d'imposition, des garanties dont bénéficient les contribuables, qu'ils soient imposés selon la procédure contradictoire ou selon une procédure d'imposition d'office et, notamment, de celles tenant à l'envoi de la notification de redressement prévue par l'article L. 76 précité du livre des procédures fiscales ou à l'obligation qui pèse sur le service d'informer l'intéressé de la teneur et de l'origine des renseignements qu'il a pu recueillir par l'exercice de son droit de communication ou qu'il a utilisés pour arrêter les bases de l'imposition ; que, par suite, alors même que l'administration a adressé une notification de redressement à la SCI Agathe, les requérants ne peuvent utilement soutenir que cette notification serait insuffisamment motivée ou qu'elle ne comporterait pas d'indications relatives à la teneur et de l'origine des renseignements utilisés pour arrêter les bases de l'imposition ;

Considérant, d'autre part, que l'administration fiscale n'est pas tenue, pour opérer les redressements du revenu global d'un associé d'une des sociétés de personnes énumérées à l'article 8 du code général des impôts, résultant, à concurrence de ses droits dans la société, des rehaussements de bénéfices de celle-ci, de suivre à son égard une procédure contradictoire ; qu'il suit de là que les requérants ne peuvent utilement faire valoir que la notification de redressement qui leur a été adressée ne satisferait pas aux exigences de motivation prévues par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dont les dispositions, relatives aux propositions de rectification adressées dans le cadre de procédure de rectification contradictoire, ne leur sont pas applicables ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ; qu'en application de ces dispositions, il incombe à M. et Mme A d'apporter la preuve de l'exagération des impositions supplémentaires qui leur ont été assignées en conséquence du redressement, selon la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal, des résultats de la SCI Agathe dont Mme A est associée ;

Considérant, en premier lieu, que s'agissant du redressement des revenus fonciers résultant de la réintégration dans le résultat imposable des charges mentionnées sur les déclarations n° 2072 souscrites par la SCI Agathe, et dont l'administration fiscale n'a pas tenu compte en conséquence de l'absence de toute pièce justificative, les requérants se bornent à annoncer la production de documents justificatifs, qu'ils n'ont toutefois pas produits, et à reprendre leurs moyens de première instance selon lesquels l'administration a exclu de manière arbitraire l'ensemble des charges en cause alors qu'elle disposait de certains renseignements et, notamment, du montant des impôts fonciers payés par la SCI Agathe ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif, d'écarter lesdits moyens ;

Considérant, en second lieu, que l'administration est en droit à tout moment de la procédure contentieuse, de demander, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, que soit substituée une base légale à celle qui avait été initialement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition ; que, dans le cas où l'administration a utilisé des documents ou des renseignements obtenus de tiers pour fonder le redressement au titre de la nouvelle base légale dont elle se prévaut au cours de la procédure contentieuse, il lui appartient, lors de l'instance devant le juge saisi pour la première fois de la demande de substitution de base légale ou, le cas échéant, lors de l'instance d'appel, et au cas où cette obligation n'aurait pas déjà été satisfaite au cours de la procédure d'imposition, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur de ces documents ou de ces renseignements, dans des délais permettant à l'intéressé d'en demander, le cas échéant, la communication et le mettant à même, après celle-ci, de présenter utilement ses observations avant la clôture de l'instruction ;

Considérant que l'administration fiscale qui avait initialement imposé, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, la somme de 49 697 euros, correspondant à la variation des soldes débiteurs du compte fournisseur de la SCI Agathe dans les écritures comptables de la SARL L'Amnésia sur le fondement de l'article 111 c) du code général des impôts, a demandé au tribunal administratif de requalifier ces sommes comme constituant des revenus fonciers de la SCI Agathe en faisant valoir que l'analyse de ce compte, auquel l'administration s'était livrée lors de la vérification de comptabilité de la SARL L'Amnésia, avait permis de constater que cette dernière avait notamment consenti le 31 août 2002 à la SCI Agathe une avance de loyers d'un montant de 102 747 euros ; que l'administration, qui a produit en première instance, une copie des extraits pertinents de la proposition de rectification adressée le 23 juillet 2004 à la SARL L'Amnésia, produit en appel une copie d'un extrait du compte ouvert au nom de la SCI Agathe dans les écritures de la SARL L'Amnésia sur lequel est retracée une écriture débitrice d'un montant de 102 747 euros passée le 31 août 2002 et qualifiée de loyers payés d'avance ; qu'il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration ne justifierait pas du bien-fondé de la nouvelle base légale invoquée, laquelle n'a privé le contribuable d'aucune des garanties prévue par la loi en matière de procédure d'imposition, ni qu'elle aurait omis de les informer de l'origine et de la teneur des documents ou des renseignements obtenus de tiers pour fonder le redressement au titre de la nouvelle base légale dont elle s'est prévalue au cours de la procédure contentieuse ; que, par voie de conséquence, les moyens tendant à contester le bien-fondé des redressements initialement opérés dans la catégorie des revenus capitaux mobiliers sont inopérants ;

Sur les pénalités :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1730 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 1987, applicable aux pénalités en litige : Dans le cas d'évaluation d'office des bases d'imposition prévues à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, les suppléments de droits mis à la charge du contribuable sont assortis, outre l'intérêt de retard visé à l'article 1727 calculé dans les conditions définies à l'article 1727 A et au 2 de l'article 1729, d'une majoration de 150 p. 100 ; que les dispositions de l'article 13 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 portant réforme des pénalités ont ramené de 150 % à 100 % le taux de la majoration pour opposition à contrôle fiscal, prévue désormais à l'article 1732 du code général des impôts ;

Considérant qu'il appartient au juge de l'impôt d'exercer un plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration pour appliquer une pénalité fiscale, telle l'amende sanctionnant l'infraction d'opposition à contrôle fiscal, et de décider, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir cette amende, soit d'en prononcer la décharge ;

Considérant que, pour infliger la pénalité en litige à M. et Mme A, l'administration fiscale s'est bornée à relever dans la proposition de rectification adressée aux intéressés et fait à nouveau seulement valoir devant le juge de l'impôt que, dans le cas d'évaluation d'office des bases d'imposition prévue par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, les suppléments de droits mis à la charge du contribuable sont assortis, outre de l'intérêt de retard, d'une majoration de 150 % et que, dès lors qu'elle a à bon droit recouru à la procédure d'évaluation d'office des bénéfices réalisés par la SCI Agathe sur le fondement de l'article L. 74, les associés de cette société encouraient, de ce seul fait, la pénalité alors prévue à l'article 1730 précité du code général des impôts ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est pas soutenu par l'administration que Mme A ait participé à la gestion de la SCI Agathe dans laquelle elle était associée, ni qu'elle ait été informée de l'intention de l'administration de procéder au contrôle de cette société et, a fortiori, de l'opposition de son gérant à l'exercice de ce contrôle ; qu'ainsi, Mme A doit être regardée comme n'ayant pris aucune part à l'opposition à contrôle fiscal dont s'est rendue coupable la SCI Agathe ; que, dans ces conditions, la sanction prévue à l'article 1730 précité du code général des impôts, devenu l'article 1732 de ce code, a été appliquée à tort à M. et Mme A, sans qu'à cet égard, l'administration puisse utilement se prévaloir des dispositions de l'article 8 du code général des impôts, qui ne sont relatives qu'à l'impôt, ou du principe d'égalité devant la loi ; que les requérants sont donc fondés à demander la décharge de la pénalité litigieuse ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'en application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : M. et Mme A sont déchargés de la majoration pour opposition à contrôle fiscal, assortissant les impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2002 et 2003 à raison de revenus provenant de la SCI Agathe, maintenue à leur charge par le Tribunal administratif de Versailles.

Article 2 : Le jugement n° 0601170 du 15 octobre 2009 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A est rejeté.

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N° 09VE04012 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 09VE04012
Date de la décision : 15/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal.

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.


Composition du Tribunal
Président : Mme de BOISDEFFRE
Rapporteur ?: Mme Corinne SIGNERIN-ICRE
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : DI DIO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-11-15;09ve04012 ?
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