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28/02/2012 | FRANCE | N°10VE00567

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 28 février 2012, 10VE00567


Vu, I, la requête, enregistrée le 23 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE (CTPO), dont le siège social est 115 rue Jules Lecesne, BP 83, au Havre Cedex (76050), par le CMS Bureau Francis Lefebvre ; la société CTPO demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0806925 du 17 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en restitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 d

cembre 2004 sur les contributions financières que lui a versées la comm...

Vu, I, la requête, enregistrée le 23 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE (CTPO), dont le siège social est 115 rue Jules Lecesne, BP 83, au Havre Cedex (76050), par le CMS Bureau Francis Lefebvre ; la société CTPO demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0806925 du 17 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en restitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 sur les contributions financières que lui a versées la communauté d'agglomération du Havre ;

2°) de prononcer la restitution demandée de 3 541 218 euros avec intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE soutient, en premier lieu, que le mécanisme condamné par la Cour de justice des Communautés européennes est le même que celui qui lui a été appliqué ; que l'instruction du 21 janvier 1985 subordonnait le droit à déduction des exploitants des services publics de transport de voyageurs à la condition que le coût des investissements constitue un élément du prix du service public soumis à la taxe ou, en d'autres termes, si ce coût est répercuté dans les recettes imposables des services ; que la Cour de justice des Communautés européennes a condamné les paragraphes 150 et 151 de l'instruction de 1994 au motif que le droit à déduction des assujettis était subordonné à la condition que les amortissements de ces biens soient répercutés dans le prix des opérations effectuées par l'assujetti ; que les dispositions de l'instruction de 1985 étaient strictement identiques ; que la Cour de justice a condamné à titre général toute limitation dans l'exercice des droits à déduction liée à une condition de montants de recettes assujetties à la TVA ; que ceci résulte clairement du paragraphe 33 de l'arrêt de la Cour ; que cette condition est incompatible avec la sixième directive ; en deuxième lieu, que les Etats membres ont l'obligation d'appliquer cet arrêt ; que lorsqu'un manquement est établi par la Cour, il résulte de la jurisprudence de celle-ci qu'il incombe au juge national de tenir compte des éléments juridiques fixés dans l'arrêt en vue de déterminer la portée des dispositions du droit communautaire qu'il a mission d'appliquer ; que la constatation du manquement implique l'illégalité de toutes les dispositions incompatibles, reposant sur des éléments juridiques identiques, avec les obligations communautaires de l'Etat membre ; que, par suite, l'arrêt rendu a condamné l'ensemble de la doctrine qui en France fait application de la condition financière ; que si la Cour de céans avait un doute sur ce point, il lui appartiendrait de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle ; en troisième lieu, que s'agissant des subventions de fonctionnement destinées à équilibrer son budget, l'exposante a considéré que sur ce point également lui avait été appliqué le mécanisme de la condition financière qui résulte du § 153 de l'instruction de 1994 ; que ses droits à restitution sont dès lors établis alors même que la commission n'a pas poursuivi la France pour des manquements sur ces points, les droits des particuliers découlant des dispositions communautaires ayant un effet direct dans l'ordre interne des Etats membres ; en quatrième lieu, que s'agissant de l'application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et du c de l'article R.* 196-1 du même livre, l'arrêt a révélé la non-conformité des dispositions nationales au droit communautaire ; que l'administration fiscale a pris acte de la non-conformité de ces dispositions à la directive par une instruction du 27 janvier 2006 qui affirme que la condition financière ne constitue plus une condition du droit à déduction ; que, comme il a déjà été indiqué ci-dessus, le juge national doit interpréter la portée des dispositions de droit communautaire qu'il a mission d'appliquer ; que, dans un arrêt d'assemblée n° 234560, le Conseil d'Etat l'a ainsi appliqué ; que, dès lors, la société doit être regardée comme ayant été contrainte de soumettre indûment à la TVA les compensations forfaitaires perçues au titre des années 2002 et 2003 ; qu'elle a droit à la restitution de la TVA dans les délais prescrits par l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; qu'au titre des années 2003 et 2004, le service a considéré, à tort, que sa demande était frappée de forclusion ; qu'elle peut bénéficier des dispositions de l'alinéa 4 de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et doit obtenir la restitution de la TVA majorée des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; en cinquième lieu, que le Tribunal a violé les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 13 de la même convention car la taxe indûment collectée pour l'Etat constituait un bien pour la requérante dont elle doit obtenir la restitution ; qu'à cet égard, l'interprétation que le Tribunal a fait des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales n'est pas conforme au droit communautaire ; qu'en limitant le champ d'application des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales aux seules décisions rendues à l'encontre de la France et contre les seules dispositions expressément condamnées par la Cour de justice des Communautés européennes à l'exception de toutes les autres dispositions reposant sur une base juridique identique, le Tribunal a incontestablement fait une interprétation déraisonnable d'une exigence procédurale empêchant l'examen au fond de la demande et emportant violation du droit à une protection effective par les cours et tribunaux ; que l'application que le Tribunal a fait des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales crée une restriction contraire aux stipulations combinées des articles 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 13 de la même convention en ce qu'elle limite l'accès au tribunal des seuls recours fondés sur une assiette réduite limitée dans le temps, interdisant à la requérante de faire un recours sur la totalité de la créance dont elle dispose ; qu'en outre, elle subordonne le bénéfice du délai de répétition au comportement de tiers puisque c'est seulement si la commission fait un recours en manquement qu'elle peut voir ses droits reconnus ; que l'application de l'article L. 190 tel qu'elle a été faite par le Tribunal porte atteinte aux biens de la requérante et à son droit à un recours efficace ; qu'enfin l'application de la jurisprudence Transalliance devait conduire l'exposante à être rétroactivement placée dans la situation qui aurait dû être la sienne en application de la loi sans que la doctrine puisse lui être opposée ; que l'exposante a expressément rompu en 2005 l'engagement qui était le sien, pris initialement pour une période de dix ans, d'assujettir ses subventions à la TVA ; que la renonciation à cet engagement conduit à une remise en cause rétroactive du régime optionnel appliqué par l'exposante ; que cette renonciation s'est traduite par le dépôt d'une réclamation contentieuse tendant à la restitution de la TVA collectée et d'autre part par le non assujettissement à la TVA de ses subventions à compter de cette même année ; que la société aurait dû être rétroactivement placée dans la situation qui aurait dû être la sienne en application de la loi ; que le jugement ne s'est pas prononcé sur ce point ; que le jugement devra également être censuré car en vertu du principe de neutralité de la TVA, il n'existait aucun risque de perte fiscale pour le Trésor dès lors que la collectivité délégante n'était pas en droit de déduire la TVA et ne l'a pas fait ; qu'en application de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, l'administration ainsi que le contribuable peut faire valoir tout moyen nouveau dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicitée ; que le Tribunal a inexactement appliqué cet article en jugeant le moyen irrecevable ; qu'il a jugé à tort que les dispositions de l'article 207 III nouveau de l'annexe II au code général des impôts ne se substituent pas à celles de l'article 210 de l'annexe II audit code alors qu'elles s'y substituent purement et simplement et que la réforme s'est effectuée à droit constant ;

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Vu, II, la requête, enregistrée le 19 mars 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE (CTPO), dont le siège social est 115 rue Jules Lecesne, BP 83, au Havre Cedex (76050), par le CMS Bureau Francis Lefebvre ; la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0711293 du 28 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en restitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 sur les contributions financières que lui a versées la communauté d'agglomération du Havre ;

2°) de prononcer la restitution demandée de 279 633 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE soutient, en premier lieu, que dans son jugement, le Tribunal s'est mépris sur les textes applicables ; que ce n'est pas en application des dispositions de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts que les subventions qu'elle a perçues ont été assujetties à la TVA ; que les articles 271 du code général des impôts et 216 bis et 216 ter à l'annexe II du même code fixent un principe général de droit à déduction lié à l'existence d'une condition financière dont les paragraphes 150 et 151 de l'instruction 3 CA 94 du 8 septembre 1994 constituaient l'illustration ; que le mécanisme condamné par la Cour de justice des Communautés européennes est le même que celui qui a été appliqué à l'exposante ; que l'instruction du 21 janvier 1985 subordonnait le droit à déduction des exploitants des services publics de transport de voyageurs à la condition que le coût des investissements constitue un élément du prix du service public soumis à la taxe ou, en d'autres termes, si ce coût est répercuté dans les recettes imposables des services ; que la Cour de justice des Communautés européennes a condamné les paragraphes 150 et 151 de l'instruction de 1994 au motif que le droit à déduction des assujettis était subordonné à la condition que les amortissements de ces biens soient répercutés dans le prix des opérations effectuées par l'assujetti ; que les dispositions de l'instruction de 1985 étaient strictement identiques ; que la Cour de justice des Communautés européennes a condamné à titre général toute limitation dans l'exercice des droits à déduction liée à une condition de montants de recettes assujetties à la TVA ; que ceci résulte clairement du paragraphe 33 de l'arrêt de la Cour de justice ; que cette condition est incompatible avec la sixième directive ; en deuxième lieu, que les Etats membres ont l'obligation d'appliquer cet arrêt ; que lorsqu'un manquement est établi par la Cour, il résulte de la jurisprudence de celle-ci qu'il incombe au juge national de tenir compte des éléments juridiques fixés dans l'arrêt en vue de déterminer la portée des dispositions du droit communautaire qu'il a mission d'appliquer ; que la constatation du manquement implique l'illégalité de toutes les dispositions incompatibles, reposant sur des éléments juridiques identiques, avec les obligations communautaires de l'Etat membre ; que, par suite, l'arrêt rendu a condamné l'ensemble de la doctrine qui en France fait application de la condition financière ; que si la Cour de céans avait un doute sur ce point il lui appartiendrait de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle ; en troisième lieu que, s'agissant de l'application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et du c de l'article R. 196-1 du même livre, l'arrêt a révélé la non-conformité des dispositions nationales au droit communautaire ; que l'administration fiscale a pris acte de la non-conformité de ces dispositions à la directive par une instruction du 27 janvier 2006 qui affirme que la condition financière ne constitue plus une condition du droit à déduction ; que comme il a déjà été indiqué ci-dessus le juge national doit interpréter la portée des dispositions de droit communautaire qu'il a mission d'appliquer ; que, dans un arrêt d'assemblée n° 234560, le Conseil d'Etat l'a ainsi appliqué ; que dès lors, la société doit être regardée comme ayant été contrainte de soumettre indûment à la TVA les compensations forfaitaires perçues au titre des années 2002 et 2003 ; qu'elle a droit à la restitution de la TVA dans les délais prescrits par l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; qu'elle a présenté une réclamation initiale le 6 juillet 2007 ; qu'au titre des années 2003 et 2004, le service a considéré, à tort, que sa demande était frappée de forclusion ; qu'elle peut bénéficier des dispositions de l'alinéa 4 de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et doit obtenir la restitution de la TVA majorée des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; en quatrième lieu, que le Tribunal a violé les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 13 de la même convention car la taxe indûment collectée pour l'Etat constituait un bien pour la requérante dont elle doit obtenir la restitution ; qu'à cet égard l'interprétation que le Tribunal a fait des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales n'est pas conforme au droit communautaire ; qu'en effet, elle subordonne le bénéfice du délai de répétition au comportement d'un tiers, en l'occurrence la Commission, qui n'a pas saisi la Cour de justice sur ce point ; que l'application de la jurisprudence Transalliance devait conduire l'exposante à être rétroactivement placée dans la situation qui aurait dû être la sienne en application de la loi sans que la doctrine puisse lui être opposable ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 6 octobre 2005 Commission c / République française (C- 243/03) et Commission c / Royaume d'Espagne (C- 204/03) ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2012 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Bertacchi, pour la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE ;

Considérant que les requêtes susvisées de la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE présentent à juger des questions similaires relatives à l'assujettissement à la TVA de subventions versées par des collectivités locales ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE, qui exploite un réseau urbain de transports publics de voyageurs en vertu d'une délégation de service public pour le compte de la communauté de l'agglomération havraise, a soumis, pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004, à la taxe sur la valeur ajoutée, la contribution financière destinée à équilibrer son budget d'exploitation, et, au titre des années 2002 à 2005, à la taxe sur la valeur ajoutée, la subvention forfaitaire d'exploitation versée par la collectivité délégante, en compensation de la redevance d'usage résultant des tarifs adoptés par l'autorité organisatrice, égale à l'amortissement technique des biens concédés nécessaires à l'exploitation du service, afin de se conformer aux prévisions de l'instruction du 21 janvier 1985 rappelant les dispositions de l'article 216 ter de l'annexe II au code général des impôts, instituant une obligation de répercussion du coût des biens dans le prix des services soumis à la taxe ; qu'à la suite de l'intervention de l'arrêt du 6 octobre 2005 de la Cour de justice des Communautés européennes statuant sur un recours introduit par la Commission contre la République française, il a été constaté un manquement de la France à ses obligations d'application du droit communautaire ; que la société a réclamé, respectivement pour chaque catégorie de subvention, le 20 décembre 2007 puis le 28 décembre 2007, la restitution de la TVA collectée à tort en se prévalant dudit arrêt, qui censure l'instruction administrative 3 CA-94 du 8 septembre 1994, soumettant la déductibilité de la TVA à une condition financière ; que l'administration fiscale, qui a partiellement fait droit à sa demande, lui a opposé, pour rejeter le surplus, la forclusion de celle-ci au titre des années les plus anciennes 2002 à 2004 en application des articles L. 190 et R.* 196-1 b) du livre des procédures fiscales ; que la requérante relève régulièrement appel des jugements par lesquels le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes en jugeant que l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes ne constituait par un évènement susceptible de rouvrir le délai de réclamation au sens des dispositions du c) de l'article R.* 196-1 du livre des procédures fiscales ;

Sur la régularité des jugements de première instance :

Considérant que la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE fait valoir que les premiers juges, dans les deux jugements susvisés, ont omis de statuer sur le moyen qu'elle a soulevé, tiré de l'application d'une jurisprudence du Conseil d'Etat ; que les premiers juges, qui ont visé ce moyen, n'étaient pas tenus d'y répondre dès lors qu'il était inopérant ; qu'ils ont également visé le moyen tiré de ce que le refus de restitution de la TVA serait contraire au principe de neutralité de la TVA et l'ont expressément écarté comme inopérant ; que, par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par une décision en date du 31 janvier 2012, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, prenant acte de ce que l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes constituait un événement rouvrant le délai de réclamation, a accordé à la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE un dégrèvement au titre de la TVA nette payée pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 pour un montant total de 87 335 euros, soit 10 642 euros pour le mois de janvier 2002, 29 692 euros pour le mois de décembre 2002, 17 242 euros pour le mois de janvier 2003 et 29 759 euros pour le mois de mai 2004 ; que, dans cette mesure, les conclusions de la requérante sont devenues sans objet ;

Sur le surplus des conclusions :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue " ; qu'aux termes de l'article R.* 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation " ;

Considérant qu'aux termes du IV de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article 242-0 A de l'annexe II au code général des impôts, pris sur le fondement de l'article 271 précité : " Le remboursement de la TVA déductible dont l'imputation n'a pu être opérée doit faire l'objet d'une demande des assujettis. Le remboursement porte sur le crédit de taxe déductible constaté au terme de chaque année civile " ; qu'aux termes de l'article 242-0 C de la même annexe, dans sa rédaction applicable à la présente affaire : " I. 1. Les demandes de remboursement doivent être déposées au cours du mois de janvier (...). II. 1. Par dérogation aux dispositions du I, les assujettis soumis de plein droit ou sur option au régime normal d'imposition peuvent demander un remboursement au titre d'un trimestre civil lorsque chacune des déclarations de ce trimestre fait apparaître un crédit de taxe déductible. La demande de remboursement est déposée au cours du mois suivant le trimestre considéré (...) " ; que s'il résulte des dispositions précitées des articles 242-0 A et 242-0 C que si le redevable ne peut demander le remboursement du crédit de TVA dont il dispose que dans des délais déterminés, ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à ce que ce redevable puisse ultérieurement, si ce crédit demeure, non seulement procéder à son imputation sur une taxe due, mais encore, le cas échéant, en demander le remboursement au cours du mois de janvier de l'année suivante ou au cours du mois suivant un trimestre civil où chacune des déclarations de ce trimestre fait apparaître un crédit de taxe déductible ;

Considérant que lorsqu'un contribuable en situation de crédit permanent de TVA constate un crédit de TVA déductible supplémentaire, il n'est pas recevable à présenter une réclamation contentieuse dans les formes prescrites à l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; qu' il lui appartient seulement de reporter sur les déclarations suivantes l'excédent de crédit de taxe déductible pour en permettre l'imputation ultérieure sur la TVA à collecter, puis, le cas échéant, de formuler une demande de remboursement de l'excédent de TVA déductible dans les conditions fixées par les articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE était en situation de crédit permanent de TVA pour la période 2002 à 2004 pour les sommes restées en litige ; qu'il lui appartenait, pour obtenir le remboursement du crédit supplémentaire de TVA résultant de sa nouvelle situation après l'intervention de la décision de dégrèvement accordée par l'administration, de présenter une demande dans les formes prescrites par les articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts ; que l'exigence de présentation de sa demande dans lesdites formes, dès lors que la requérante dispose d'un droit à un recours effectif dans des conditions de délai équivalentes à celles applicables en droit interne permettant l'examen de sa demande au fond et le respect de son droit de propriété, n'est contraire ni aux principes du droit communautaire d'équivalence et d'effectivité, ni au principe de neutralité de la TVA, ni aux stipulations combinées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 13 de la même convention ; qu'en l'absence d'une telle demande, les conclusions de la société requérante tendant au remboursement de la TVA collectée au titre de la période 2002 à 2004 ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables ; que, par ailleurs, si la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE se prévaut de la doctrine du 10 mai 1990 référencée BOI 13 O-2-90, reprise à la documentation de base 13 O-1141 nos 2 à 5 à jour au 30 avril 1996, cette doctrine n'est, en tout état de cause, pas invocable, dès lors qu'elle porte sur les règles de procédure applicables en matière de réclamation contentieuse ; que, par suite, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes ; que ses conclusions tendant au versement des intérêts moratoires ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence ;

Sur les conclusions de la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions des requêtes de la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE à hauteur des sommes de 10 642 euros pour le mois de janvier 2002, 29 692 euros pour le mois de décembre 2002, 17 242 euros pour le mois de janvier 2003 et 29 759 euros pour le mois de mai 2004.

Article 2 : L'Etat versera à la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes nos 10VE00567 et 10VE00885 de la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS DE LA PORTE OCEANE est rejeté.

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Nos 10VE00567-10VE00885 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE00567
Date de la décision : 28/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-02-02-02 Contributions et taxes. Règles de procédure contentieuse spéciales. Réclamations au directeur. Délai.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE ; C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE ; C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-02-28;10ve00567 ?
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