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27/03/2012 | FRANCE | N°10VE01024

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 27 mars 2012, 10VE01024


Vu I°), sous le n° 10VE01024, la requête, enregistrée le 30 mars 2010, présentée pour la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE, dont le siège est sis Tour Manhattan à Paris La Défense Cedex (92095), par Me Chatel, avocat à la Cour ; la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0612239 du 4 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003 ;
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Vu I°), sous le n° 10VE01024, la requête, enregistrée le 30 mars 2010, présentée pour la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE, dont le siège est sis Tour Manhattan à Paris La Défense Cedex (92095), par Me Chatel, avocat à la Cour ; la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0612239 du 4 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- sur la prise de position formelle de l'administration fiscale : que compte tenu de la procédure d'échange d'information mise en oeuvre par le service lors de l'instruction des demandes de plafonnement formulées initialement par la société, la décision de dégrèvement prise alors était suffisamment explicite pour constituer une prise de position formelle de l'administration fiscale qui ne saurait être remise en cause ultérieurement à défaut de démontrer la mauvaise foi du contribuable ou l'inexactitude des informations transmises au service lors de l'instruction de la demande de plafonnement ; que la position du service tend à mettre en échec l'objectif de sécurité juridique qui a justifié l'adoption et les modifications ultérieures de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- sur la détermination de la valeur ajoutée : que l'article 1647 B sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années 2002 et 2003 ne prévoit pas que les sommes comptabilisées en " transferts de charges " soient prises en compte dans le calcul de la valeur ajoutée ; que ce n'est que dans le cadre de la loi de finances pour 2006 que le gouvernement a présenté un amendement visant à inclure désormais les transferts de charge dans la valeur ajoutée ; qu'en application de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts, en l'absence de dispositions contraires de la loi fiscale, les règles comptables sont applicables pour déterminer la matière imposable ; qu'il n'existe aucune disposition fiscale imposant l'inclusion des transferts de charges dans la valeur ajoutée au titre des années antérieures à 2007 ; que le calcul de la valeur ajoutée opéré par la société l'a été en parfaite conformité avec les règles comptables édictées à l'article 38 quater ; que l'instruction 6 E-10-85 du 18 décembre 1985 détermine de façon limitative les éléments à prendre en compte dans le calcul de la valeur ajoutée ; que l'administration y confirme qu'il y a lieu de neutraliser le poste " transferts de charges " dans le calcul de la valeur ajoutée servant au plafonnement ; que le pouvoir de requalification des écritures inscrites en compte de transferts de charges a été strictement défini par le Conseil d'Etat ; que ce pouvoir est strictement limité à l'hypothèse des écritures qui contreviennent à la réalité économique de l'opération ; que le Tribunal ne précise pas en quoi les sommes légalement inscrites en transferts de charges constitueraient des prestations de services concourant à la détermination de la production de l'exercice ; que l'opération mise en place en 1969 par le groupe Exxonmobil en vue de l'exploitation du site industriel de la société Socabu repose sur un mode particulier de gestion salariale ; que les coûts de personnel sont bien engagés pour le compte de la société Socabu et c'est donc à juste titre que les refacturations de ces coûts ont été comptabilisées dans un compte de transferts de charges ; que l'administration porte atteinte aux droits fondamentaux dont la société peut légitimement se prévaloir, notamment au regard de la sécurité juridique ; que le critère pour faire échec à l'application littérale de l'article 1647 B sexies du code général des impôts est celui du caractère indu ou non de l'inscription en compte de transferts de charges ;

- sur les modalités de la remise en cause partielle du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée : que le formulaire 1634 MI utilisé pour effectuer le recouvrement de la taxe professionnelle et des pénalités correspondantes en litige est illégal au double motif qu'il fait référence à la procédure de répétition de l'indu et que le formulaire lui-même est inadapté à une remise en cause d'un dégrèvement de taxe professionnelle déjà accordé ; que le Conseil d'Etat a jugé que lorsque l'administration entend remettre en cause un allègement de taxe professionnelle accordé au titre de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, elle doit se prévaloir à l'encontre du contribuable d'une créance fiscale recouvrable par la voie de l'établissement d'un rôle supplémentaire de taxe professionnelle ; que le mécanisme de répétition de l'indu visé à l'article 1376 du code civil ne peut trouver à s'appliquer au cas particulier ; que le formulaire 1634 MI qui lui a été adressé ne peut s'analyser en un rôle supplémentaire de taxe professionnelle et doit être annulé pour défaut de respect du formalisme exigé par la loi ; que les rôles homologués tels que produits par le service révèlent d'importantes irrégularités ; qu'ils ne comportent à aucun moment l'identification du contribuable concerné ; qu'ils ne comportent aucune référence de l'imposition concernée ; qu'à partir du moment où la remise en cause d'un plafonnement se fait au profit exclusif de l'Etat, justifiant le respect de l'ensemble des droits de la défense édictés à l'article L. 56 du livre des procédures fiscales, la procédure est irrégulière à défaut pour le contribuable d'avoir pu bénéficier de l'ensemble des garanties offertes par ladite procédure ; que le jugement contesté est insuffisamment motivé sur ce point ;

..........................................................................................................

Vu II°), sous le n° 10VE02893, la requête, enregistrée le 30 août 2010, présentée pour la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE, dont le siège est sis Tour Manhattan à Paris La Défense Cedex (92095), par Me Chatel, avocat à la Cour ; la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0706073-0903620 du 29 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 et 2005 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- sur la prise de position formelle de l'administration fiscale : que compte tenu de la procédure d'échange d'information mise en oeuvre par le service lors de l'instruction des demandes de plafonnement formulées initialement par la société, la décision de dégrèvement prise alors était suffisamment explicite pour constituer une prise de position formelle de l'administration fiscale qui ne saurait être remise en cause ultérieurement à défaut de démontrer la mauvaise foi du contribuable ou l'inexactitude des informations transmises au service lors de l'instruction de la demande de plafonnement ; que la position du service tend à mettre en échec l'objectif de sécurité juridique qui a justifié l'adoption et les modifications ultérieures de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- sur la détermination de la valeur ajoutée : que l'article 1647 B sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années 2004 et 2005 ne prévoit pas que les sommes comptabilisées en " transferts de charges " soient prises en compte dans le calcul de la valeur ajoutée ; que ce n'est que dans le cadre de la loi de finances pour 2006 que le gouvernement a présenté un amendement visant à inclure désormais les transferts de charge dans la valeur ajoutée ; qu'en application de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts, en l'absence de dispositions contraires de la loi fiscale, les règles comptables sont applicables pour déterminer la matière imposable ; qu'il n'existe aucune disposition fiscale imposant l'inclusion des transferts de charges dans la valeur ajoutée au titre des années antérieures à 2007 ; que le calcul de la valeur ajoutée opéré par la société l'a été en parfaite conformité avec les règles comptables édictées à l'article 38 quater ; que l'instruction 6 E-10-85 du 18 décembre 1985 détermine de façon limitative les éléments à prendre en compte dans le calcul de la valeur ajoutée ; que l'administration confirme qu'il y a lieu de neutraliser le poste " transferts de charges " dans le calcul de la valeur ajoutée servant au plafonnement ; que le pouvoir de requalification des écritures inscrites en compte de transferts de charges a été strictement défini par le Conseil d'Etat ; que ce pouvoir est strictement limité à l'hypothèse des écritures qui contreviennent à la réalité économique de l'opération ; que le Tribunal ne précise pas en quoi les sommes légalement inscrites en transferts de charges constitueraient des prestations de services concourant à la détermination de la production de l'exercice ; que l'opération mise en place en 1969 par le groupe Exxonmobil en vue de l'exploitation du site industriel de la société Socabu repose sur un mode particulier de gestion salariale ; que les coûts de personnel sont bien engagés pour le compte de la société Socabu et c'est donc à juste titre que les refacturations de ces coûts ont été comptabilisées dans un compte de transferts de charges ; que l'administration porte atteinte aux droits fondamentaux dont la société peut légitimement se prévaloir, notamment au regard de la sécurité juridique ; que le critère pour faire échec à l'application littérale de l'article 1647 B sexies du code général des impôts est celui du caractère indu ou non de l'inscription en compte de transferts de charges ;

- sur les modalités de la remise en cause partielle du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée : que le formulaire 1634 MI utilisé pour effectuer le recouvrement de la taxe professionnelle et des pénalités correspondantes en litige est illégal au double motif qu'il fait référence à la procédure de répétition de l'indu et que le formulaire lui-même est inadapté à une remise en cause d'un dégrèvement de taxe professionnelle déjà accordé ; que le Conseil d'Etat a jugé que lorsque l'administration entend remettre en cause un allègement de taxe professionnelle accordé au titre de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, elle doit se prévaloir à l'encontre du contribuable d'une créance fiscale recouvrable par la voie de l'établissement d'un rôle supplémentaire de taxe professionnelle ; que le mécanisme de répétition de l'indu visé à l'article 1376 du code civil ne peut trouver à s'appliquer au cas particulier ; que le formulaire 1634 MI qui lui a été adressé ne peut s'analyser en un rôle supplémentaire de taxe professionnelle et doit être annulé pour défaut de respect du formalisme exigé par la loi ; qu'à partir du moment où la remise en cause d'un plafonnement se fait au profit exclusif de l'Etat, justifiant le respect de l'ensemble des droits de la défense édictés à l'article L. 56 du livre des procédures fiscales, la procédure est irrégulière à défaut pour le contribuable d'avoir pu bénéficier de l'ensemble des garanties offertes par ladite procédure ; que le jugement contesté est insuffisamment motivé sur ce point ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2012 :

- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Chatel, avocat de la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE ;

Considérant que la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE, d'une part, et la SNC ExxonMobil Chemical Polymères, aux droits de laquelle vient la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE, d'autre part, ont obtenu des dégrèvements de leurs cotisations de taxe professionnelle respectivement pour les années 2002 à 2004 et pour les années 2004 et 2005, en application des dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts ; qu'à la suite de différentes procédures de contrôle, l'administration fiscale a constaté que des sommes inscrites au compte " transfert de charges " et correspondant à la facturation par lesdites sociétés, d'une part, à la société du caoutchouc Butyl (SOCABU) et, d'autre part, au GIE Compagnie industrielle des polyéthylènes de Normandie (CIPEN), de frais de personnels mis à leur disposition n'avaient pas été prises en compte dans les demandes de plafonnement des cotisations de taxe professionnelle ; que le service, estimant que les sommes en cause devaient être retenues dans le calcul de la valeur ajoutée définie par les dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, a partiellement remis en cause les allègements de taxe professionnelle initialement accordés ; que, par jugement n° 0612239 du 4 février 2010, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle ainsi mises à sa charge au titre des années 2002 et 2003 ; que, par jugement n°s 0706073-0903620 du 29 juin 2010, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société tendant à la décharge, d'une part, de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle mises à sa charge au titre de l'année 2004 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires mises à sa charge au titre des années 2004 et 2005 en tant qu'elle s'était substituée aux droits et obligations de la SNC ExxonMobil Chemical Polymères ; que, par les requêtes susvisées, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt dès lors qu'elles concernent un même contribuable, la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE relève appel desdits jugements ;

Sur la régularité des jugements contestés :

Considérant, en premier lieu, s'agissant du jugement n° 0612239 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, que, pour écarter le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de redressement, les premiers juges ont indiqué, d'une part, qu'en application des dispositions de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales, la procédure de redressement contradictoire n'était pas applicable en matière de taxe professionnelle et cela alors même que les cotisations supplémentaires en litige avaient été perçues par l'Etat, d'autre part, que la société requérante a été mise à même de présenter ses observations avant la mise en recouvrement des impositions et, qu'enfin, elle ne pouvait se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une doctrine administrative relative à la procédure d'imposition ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement pour écarter le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition ;

Considérant, en second lieu, s'agissant du jugement n°s 0706073-0903620 du Tribunal administratif de Montreuil, que, d'une part, les premiers juges ont également suffisamment motivé le rejet du moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de redressement ; que, d'autre part, si la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE fait valoir que ce jugement ne se prononce pas sur l'existence de prises de positions formelles de l'administration à la fin des années 1980 lors de la création du site de Notre-Dame de Gravenchon, il ne ressort pas des écritures de première instance que de tels éléments aient été soumis à l'appréciation du Tribunal ; qu'il suit de là que les premiers juges, qui au surplus avaient estimé qu'en tout état de cause les conditions d'application des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales n'étaient pas remplies, n'avaient pas à se prononcer sur ce point ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE n'est pas fondée à soutenir que les jugements qu'elle conteste sont entachés d'irrégularité ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales : " La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : 1° En matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales ou d'organismes divers ; (...) " ;

Considérant que la taxe professionnelle, qui constitue une imposition directe perçue au profit des collectivités locales, entre dans le champ d'application de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales ; que l'allègement de taxe professionnelle prévu par l'article 1647 B sexies du code général des impôts revêt la forme d'une réduction de l'imposition à laquelle les contribuables ont été assujettis ; qu'il suit de là que le reversement des sommes indûment restituées au titre du plafonnement ne constitue pas une imposition distincte de la taxe professionnelle ; que, dès lors, la circonstance que les sommes en litige aient été recouvrées au profit de l'Etat et non au profit des collectivités territoriales, ne saurait avoir pour effet de faire obstacle à l'application des dispositions précitées de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE, la procédure de redressement contradictoire n'était pas applicable au présent litige ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante, qui ne soutient plus en appel que l'administration fiscale n'aurait pas respecté les obligations qui découlent du principe général des droits de la défense, n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité ;

Sur la régularité des avis d'imposition et des rôles supplémentaires :

Considérant qu'aux termes de l'article 1658 du code général des impôts : " Les impôts directs (...) sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet. / Pour l'application du premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs au directeur des services fiscaux et aux collaborateurs de celui-ci ayant au moins le grade de directeur divisionnaire (...) " ;

Considérant que, lorsque l'administration, qui, à la demande du contribuable, a fait droit à une demande de dégrèvement de cotisations de taxe professionnelle au titre de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, estime ultérieurement qu'elle a accordé ce dégrèvement à tort, il lui appartient, conformément aux dispositions de l'article 1658 du même code, de procéder au recouvrement de la créance fiscale dont elle se prévaut, en vertu d'un rôle homologué ; que ce rôle doit comporter l'identification du contribuable, ainsi que le total par nature d'impôt et par année des sommes à acquitter ;

Considérant, d'une part, que l'utilisation de l'expression " restitution indue de taxe professionnelle " tant dans les avis d'imposition que dans les articles des rôles supplémentaires n'implique pas que l'administration aurait entendu procéder à une action en répétition d'un indu au sens de l'article 1376 du code civil, contrairement à ce que soutient la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a, pour le recouvrement des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle mises à la charge de la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE, émis des rôles supplémentaires datés des 21 novembre 2005, 26 février 2007 et 22 septembre 2008, rendus exécutoires ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, ces rôles comportaient l'identification de l'entreprise redevable, l'indication exacte des impôts à recouvrer, ainsi que le montant des sommes à acquitter ; que la requérante ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de l'instruction codificatrice de la comptabilité publique référencée n° 95-027-A1 du 1er mars 1995 dès lors que celle-ci ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale ;

Considérant, enfin, que la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE ne peut utilement reprocher à l'administration fiscale d'avoir porté à sa connaissance les impositions supplémentaires en litige par un avis d'imposition modèle 1634 MI normalement utilisé pour l'impôt sur les sociétés dès lors qu'en tout état de cause, les irrégularités susceptibles d'entacher les avis relatifs aux impositions recouvrées par voie de rôle sont sans influence sur la régularité ou le bien-fondé de ces impositions ;

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires en litige :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

Considérant qu'aux termes de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I. Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée (...) / II. 1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers (...) / 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : / d'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes, les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; / et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au même code : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt. " ; que les dispositions précitées de l'article 1647 B sexies du code général des impôts fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle et qu'il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit, que l'administration a estimé que la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE et la SNC ExxonMobil Chemical Polymères avaient exclu à tort du calcul de leur valeur ajoutée les recettes perçues en contrepartie de la mise à disposition de la société Socabu et du GIE CIPEN d'une partie de leur personnel, lesdites recettes ayant été comptabilisées au compte " transfert de charges " ; qu'elle a, en conséquence, réintégré ces sommes pour le calcul de la valeur ajoutée produite par les sociétés au cours de chacune des années concernées et a, en conséquence, demandé le reversement d'une partie du dégrèvement qu'elles avaient initialement obtenu au titre du plafonnement de la taxe professionnelle ;

Considérant que les sommes dont s'agit correspondent à la facturation de charges de personnels mis à la disposition permanente de la société et du groupement susmentionnés, et non pas à des frais supportés pour leur compte ; que les refacturations ainsi réalisées constituent, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, des ventes et prestations de services concourant à la détermination de la production de l'exercice et auraient, d'ailleurs, pu être comptabilisées comme telles ; que la circonstance qu'elles aient été enregistrées dans un compte de transfert de charges et qu'elles aient été refacturées à prix coûtant ne fait pas obstacle à ce qu'elles soient prises en compte, pour le calcul de la valeur ajoutée des entreprises, au nombre des produits d'exploitation ; que, de même, la société requérante ne peut utilement se prévaloir tant de l'ancienneté desdites mises à disposition des personnels que de la circonstance qu'elle exercerait une activité différente de celle de la société Socabu ou du GIE CIPEN ; que, par suite, c'est par une exacte application de la loi fiscale que l'administration a estimé que les sommes dont s'agit devaient être retenues pour le calcul de la valeur ajoutée produite par la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE servant au plafonnement de la taxe professionnelle en application de l'article 1647 B sexies du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit que, contrairement à ce que la requérante soutient, les redressements en litige ne résultent pas de l'application rétroactive par l'administration fiscale des dispositions introduites à l'article 1647 B sexies du code général des impôts par l'article 85 de la loi de finances pour 2006 ; que, dès lors, la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu le principe de sécurité juridique ou les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne le bénéfice des garanties prévues par les dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. " ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) " ;

Considérant que la remise à la charge du contribuable de sommes précédemment dégrevées dans le cadre du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée ne constitue pas un rehaussement d'impositions au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'il suit de là que la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des instructions administratives qu'elle invoque ; qu'elle ne peut davantage se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de prises de position formelle de l'administration ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, les tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise et de Montreuil ont rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la société EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE sont rejetées.

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N°s 10VE01024-10VE02893


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE01024
Date de la décision : 27/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04-05 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Questions relatives au plafonnement.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : CHATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-03-27;10ve01024 ?
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