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10/04/2012 | FRANCE | N°10VE00533

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 10 avril 2012, 10VE00533


Vu, I, sous le n° 10VE00533 la requête, enregistrée le 18 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN, dont le siège est 169 avenue Georges Clémenceau à Nanterre (92000), par Mes Grousset et Bertacchi, avocats à la Cour ; la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0808606 du 17 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en restitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période du 1er j

anvier 2001 au 31 décembre 2006 sur les contributions financières que lui o...

Vu, I, sous le n° 10VE00533 la requête, enregistrée le 18 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN, dont le siège est 169 avenue Georges Clémenceau à Nanterre (92000), par Mes Grousset et Bertacchi, avocats à la Cour ; la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0808606 du 17 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en restitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2006 sur les contributions financières que lui ont versées les différentes communautés urbaines dont elle a exploités les transports publics soit Saint-Lô, Vierzon, Cannes, Béziers, Nancy, Aix, Pompey et Montluçon et rejeté sa demande au titre des intérêts moratoires ;

2°) de prononcer la restitution demandée de la TVA collectée à concurrence de 5 549 517 euros et de lui accorder le bénéfice des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dont le montant sera fixé ultérieurement ;

La société VEOLIA TRANSPORT URBAIN soutient, en premier lieu, que dans son jugement, le Tribunal s'est mépris sur les textes applicables ; que ce n'est pas en application des dispositions de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts que les subventions qu'elle a perçues ont été assujetties à la TVA ; que les articles 271 du code général des impôts et 216 bis et 216 ter à l'annexe II dudit code fixent un principe général de droit à déduction lié à l'existence d'une condition financière dont les paragraphes 150 et 151 de l'instruction 3 CA 94 du 8 septembre 1994 constituaient l'illustration ; que le mécanisme condamné par la Cour de justice des Communautés européennes est le même que celui qui a été appliqué à l'exposante ; que l'instruction du 21 janvier 1985 subordonnait le droit à déduction des exploitants des services publics de transport de voyageurs à la condition que le coût des investissements constitue un élément du prix du service public soumis à la taxe, ou en d'autres termes si ce coût est répercuté dans les recettes imposables des services ; que la Cour de justice des Communautés européennes a condamné les paragraphes 150 et 151 de l'instruction de 1994 au motif que le droit à déduction des assujettis était subordonné à la condition que les amortissements de ces biens soient répercutés dans le prix des opérations effectuées par l'assujetti ; que les dispositions de l'instruction de 1985 étaient strictement identiques ; que la Cour de justice des Communautés européennes a condamné, à titre général, toute limitation dans l'exercice des droits à déduction liée à une condition de montants de recettes assujetties à la TVA ; que ceci résulte clairement du paragraphe 33 de l'arrêt de la Cour ; que cette condition est incompatible avec la sixième directive ; en deuxième lieu, que les Etats membres ont l'obligation d'appliquer cet arrêt ; que lorsqu'un manquement est établi par la Cour, il incombe au juge national de tenir compte des éléments juridiques fixés dans l'arrêt en vue de déterminer la portée des dispositions du droit communautaire qu'il a mission d'appliquer ; que la constatation du manquement implique l'illégalité de toutes les dispositions du droit communautaire incompatibles reposant sur des éléments juridiques identiques avec les obligations communautaires de l'Etat membre ; que, par suite, l'arrêt rendu a condamné l'ensemble de la doctrine qui en France fait application de la condition financière ; que si la Cour de céans avait un doute sur ce point, il lui appartiendrait de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle ; en troisième lieu, que s'agissant des subventions de fonctionnement destinées à équilibrer son budget, l'exposante a considéré que sur ce point également lui avait été appliqué le mécanisme de la condition financière qui résultait du paragraphe 153 de l'instruction de 1994 qui a été censurée par la Cour de justice des Communautés européennes ; que ses droits à restitution sont dès lors établis, alors même que la commission n'a pas poursuivi la France pour des manquements sur ces points, les droits des particuliers découlant des dispositions communautaires ayant un effet direct dans l'ordre interne des Etats membres ; en quatrième lieu, que s'agissant de l'application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et du c de l'article R.* 196-1 du même livre, l'arrêt a révélé la non-conformité des dispositions nationales au droit communautaire ; que l'administration fiscale a pris acte de la non-conformité de ces dispositions à la directive par une instruction du 27 janvier 2006 qui affirme que la condition financière ne constitue plus une condition du droit à déduction ; que comme il a déjà été indiqué ci-dessus, le juge national doit interpréter la portée des dispositions de droit communautaire qu'il a mission d'appliquer ; que, dans un arrêt d'assemblée n° 234560, le Conseil d'Etat l'a ainsi appliqué ; que, dès lors, la société doit être regardée comme ayant été contrainte de soumettre indûment à la TVA les compensations forfaitaires perçues au titre des années 2002 et 2003 ; qu'elle a droit à la restitution de la TVA dans les délais prescrits par l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; qu'elle a présenté une réclamation initiale le 6 juillet 2007 ; qu'au titre des années 2003 et 2004, le service a considéré, à tort, que sa demande était frappée de forclusion ; qu'elle peut bénéficier des dispositions de l'alinéa 4 de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et doit obtenir la restitution de la TVA majorée des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; en cinquième lieu, que le Tribunal a violé les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 13 de la même convention car la taxe indûment collectée pour l'Etat constituait un bien, pour la requérante, dont elle doit obtenir la restitution ; qu'à cet égard, l'interprétation que le Tribunal a fait des dispositions de l'article L.190 du livre des procédures fiscales n'est pas conforme au droit communautaire ; qu'en limitant le champ d'application des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales aux seules décisions rendues à l'encontre de la France et contre les seules dispositions expressément condamnées par la Cour de justice à l'exception des toutes autres dispositions reposant sur une base juridique identique, le Tribunal a incontestablement fait une interprétation déraisonnable d'une exigence procédurale empêchant l'examen au fond de la demande et emportant violation du droit à une protection effective par les cours et tribunaux ; que l'application que le Tribunal a fait des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales crée une restriction contraire aux stipulations combinées des articles 13 et 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle limite l'accès au tribunal des seuls recours fondés sur une assiette réduite limitée dans le temps interdisant à la requérante de faire un recours sur la totalité de la créance dont elle dispose ; qu'en outre, elle subordonne le bénéfice du délai de répétition au comportement de tiers puisque c'est seulement si la commission fait un recours en manquement qu'elle peut voir ses droits reconnus ; que l'application de l'article L. 190, telle qu'elle a été faite par le Tribunal, porte atteinte aux biens de la requérante et à son droit à un recours efficace ; qu'enfin, l'application de la jurisprudence Transalliance devait conduire l'exposante à être rétroactivement placée dans la situation qui aurait dû être la sienne en application de la loi sans que la doctrine puisse lui être opposée ; que l'exposante a expressément rompu en 2005 l'engagement qui était le sien pris initialement pour une période de dix ans d'assujettir ses subventions à la TVA ; que la renonciation à cet engagement conduit à une remise en cause rétroactive du régime optionnel appliqué par l'exposante ; que cette renonciation s'est traduite par le dépôt d'une réclamation contentieuse tendant à la restitution de la TVA collectée et d'autre part, par le non assujettissement à la TVA de ses subventions à compter de cette même année ; que le jugement ne s'est pas prononcé sur ce point ; qu'il ne s'est pas prononcé non plus sur le moyen tiré de ce qu'il n'existait aucun risque de perte fiscale pour le Trésor dès lors que la collectivité délégante n'était pas en droit de déduire la TVA et ne l'a pas fait alors qu'en application de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, l'administration ainsi que le contribuable peut lui faire valoir tout moyen nouveau dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicitée ; que le Tribunal a inexactement appliqué cet article ; que le principe de neutralité de la TVA a été méconnu puisque le Tribunal a jugé à tort que les dispositions de l'article 207 III nouveau de l'annexe II au code général des impôts ne se substituent pas à celles de l'article 210 de l'annexe II audit code alors qu'elles s'y substituent purement et simplement et que la réforme s'est effectuée à droit constant ;

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Vu, II, sous le n° 10VE01773, la requête, enregistrée le 7 juin 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN, anciennement dénommée CGFTE, dont le siège est 163-169 avenue George Clémenceau à Nanterre (92000), par Mes Grousset et Bertacchi ; la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0711705 du 8 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en en restitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 sur les contributions financières que lui a versées la Communauté Urbaine du Grand Nancy (CUGN) ;

2°) de prononcer la restitution demandée à concurrence de 57 566 euros avec intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dont le montant sera fixé ultérieurement ;

La société VEOLIA TRANSPORT URBAIN, anciennement dénommée CGFTE, soutient, en premier lieu que, dans son jugement, le Tribunal, s'est mépris sur les textes applicables ; que ce n'est pas en application des dispositions de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts que les subventions qu'elle a perçues ont été assujetties à la TVA ; que c'est en application des dispositions de l'article 216 bis et 216 ter de l'annexe II du code général des impôts, telles qu'elles ont été interprétées par l'administration dans sa doctrine notamment les doctrines 3D 1232 à jour au 2 novembre 1996 et 3 D 1-85 du 21 janvier 1985 relatives aux services publics du transport de voyageurs que les subventions qu'elle a perçues ont été assujetties à la TVA ; que les articles 271 du code général des impôts et 216 bis et 216 ter à l'annexe II du même code fixent un principe général de droit à déduction lié à l'existence d'une condition financière dont les paragraphes 150 et 151 de l'instruction 3 CA 94 du 8 septembre 1994 constituaient l'illustration ; que le mécanisme condamné par la CJCE est le même que celui qui a été appliqué à l'exposante ; que l'instruction du 21 janvier 1985 subordonnait le droit à déduction des exploitants des services publics de transport de voyageurs à la condition que le coût des investissements constitue un élément du prix du service public soumis à la taxe ou en d'autres termes si ce coût est répercuté dans les recettes imposables des services ; que la Cour de justice des Communautés européennes a condamné les paragraphes 150 et 151 de l'instruction de 1994 au motif que le droit à déduction des assujettis était subordonné à la condition que les amortissements de ces biens soient répercutés dans le prix des opérations effectuées par l'assujetti ; que les dispositions de l'instruction de 1985 étaient strictement identiques ; que la Cour de justice des Communautés européennes a condamné à titre général toute limitation dans l'exercice des droits à déduction liée à une condition de montants de recettes assujetties à la TVA ; que ceci résulte clairement du paragraphe 33 de l'arrêt de la Cour ; que cette condition est incompatible avec la sixième directive ; en deuxième lieu, que les Etats membres ont l'obligation d'appliquer cet arrêt ; que lorsqu'un manquement est établi par la Cour, il résulte de la jurisprudence de celle-ci qu'il incombe au juge national de tenir compte des éléments juridiques fixés dans l'arrêt en vue de déterminer la portée des dispositions du droit communautaire qu'il a mission d'appliquer ; que la constatation du manquement implique l'illégalité de toutes les dispositions du droit communautaire incompatibles reposant sur des éléments juridiques identiques avec les obligations communautaires de l'Etat membre ; que, par suite, l'arrêt rendu a condamné l'ensemble de la doctrine qui en France fait application de la condition financière ; que si la Cour de céans avait un doute sur ce point, il lui appartiendrait de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle ; en troisième lieu, que s'agissant des subventions de fonctionnement, destinées à équilibrer son budget, l'exposante a considéré que sur ce point également lui avait été appliqué le mécanisme de la condition financière ; que ses droits à restitution sont dès lors établis alors même que la commission n'a pas poursuivi la France pour des manquements sur ces points, les droits des particuliers découlant des dispositions communautaires ayant un effet direct dans l'ordre interne des Etats membres ; en quatrième lieu, que s'agissant de l'application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et du c de l'article R.* 196-1 du même livre, l'arrêt a révélé la non-conformité des dispositions nationales au droit communautaire ; que l'administration fiscale a pris acte de la non-conformité de ces dispositions à la directive par une instruction du 27 janvier 2006 qui affirme que la condition financière ne constitue plus une condition du droit à déduction ; que comme il a déjà été indiqué ci-dessus le juge national doit interpréter la portée des dispositions de droit communautaire qu'il a mission d'appliquer ; que, dans un arrêt d'assemblée n° 234560, le Conseil d'Etat l'a ainsi appliqué ; que, dès lors, la société doit être regardée comme ayant été contrainte de soumettre indûment à la TVA les compensations forfaitaires perçues au titre des années 2002 et 2003 ; qu'elle a droit à la restitution de la TVA dans les délais prescrits par l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; qu'elle a présenté une réclamation initiale le 6 juillet 2007 ; qu'au titre des années 2002 et 2003, le service a considéré, à tort, que sa demande était frappée de forclusion ; qu'elle peut bénéficier des dispositions de l'alinéa 4 de l'article L 190 du livre des procédures fiscales et doit obtenir la restitution de la TVA majorée des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; en cinquième lieu, que le Tribunal a violé les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 13 de la même convention, qui lui ouvre droit à un recours effectif, car la taxe indûment collectée pour l'Etat constituait un bien pour la requérante dont elle doit obtenir la restitution ; qu'à cet égard, l'interprétation que le Tribunal a fait des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales n'est pas conforme au droit communautaire ; qu'en effet, elle subordonne le bénéfice du délai de répétition au comportement de tiers ; que l'application de la jurisprudence Transalliance devait conduire l'exposante à être rétroactivement placée dans la situation qui aurait dû être la sienne en application de la loi sans que la doctrine puisse lui être opposée ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le traité de l'Union européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 6 octobre 2005 Commission c / République française (C- 243/03) et Commission c / Royaume d'Espagne (C- 204/03) ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2012 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Bertacchi, de la CMS Bureau Francis Lefebvre ;

Considérant que les requêtes susvisées de la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN présentent à juger des questions similaires relatives à la restitution de la TVA auxquelles les subventions versées par des collectivités locales ont été assujetties ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que, d'une part, la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN, qui exploite le réseau urbain de transports publics de voyageurs de plusieurs communautés urbaines à Saint-Lô, Vierzon, Cannes, Béziers, Nancy, Aix, Pompey et Montluçon a soumis, au titre des années 2001 à 2006, à la taxe sur la valeur ajoutée, la subvention forfaitaire d'exploitation versée par la collectivité délégante, en compensation de la redevance d'usage résultant des tarifs adoptés par l'autorité organisatrice, égale à l'amortissement technique des biens concédés nécessaires à l'exploitation du service afin de se conformer aux prévisions de l'instruction du 21 janvier 1985 instituant une obligation de répercussion du coût des biens dans le prix des services soumis à la taxe ; qu'elle a en outre reçu une contribution financière destinée à équilibrer son budget d'exploitation également assujettie à la TVA dans les mêmes conditions ; que, d'autre part, la CGFTE du groupe société VEOLIA TRANSPORT URBAIN, qui exploite un réseau urbain de transports publics de voyageurs pour les lignes 10, 12 et 14 par délégation de service public du syndicat mixte des transports en commun suburbains de la région de Nancy et dans cadre d'une convention de gestion et d'exploitation passée le 18 décembre 1996 avec la communauté urbaine du grand Nancy (CUGN), a soumis, au titre des années 2002 et 2003, à la taxe sur la valeur ajoutée, la subvention forfaitaire d'exploitation versée par la collectivité délégante afin de se conformer aux prévisions de la même instruction du 21 janvier 1985 ; qu'elle a, en outre, reçu une contribution financière destinée à équilibrer son budget d'exploitation également assujettie à la TVA dans des conditions similaires ; qu'après l'intervention de l'arrêt du 6 octobre 2005 de la Cour de justice des Communautés européennes constatant un manquement de la France à ses obligations d'application du droit communautaire, la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN a réclamé, le 29 décembre 2006 et le 28 décembre 2007, la restitution de la TVA collectée à tort en se prévalant dudit arrêt, qui censure l'instruction administrative 3 CA-94 du 8 septembre 1994, soumettant le remboursement de la TVA à une condition financière mais que l'administration lui a opposé, pour rejeter ses demandes, la forclusion de celles-ci au titre des années les plus anciennes ; qu'elle relève régulièrement appel des jugements par lesquels le Tribunaux administratifs de Montreuil et de Cergy-Pontoise ont rejeté ses demandes en jugeant que l'arrêt de la Cour ne constituait par un évènement susceptible de rouvrir le délai de réclamation au sens des dispositions du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par une décision du 8 février 2012, postérieure à l'introduction des requêtes d'appel, l'administration fiscale, prenant acte de ce que l'arrêt rendu par la Cour de justice des communautés européennes avait rouvert le délai de réclamation au sens du c) de l'article R.* 196-1 du livre des procédures fiscales, a prononcé le dégrèvement de la TVA débitrice des mois d'août, septembre, octobre 2001 et février 2004 pour un montant total de 526 521 euros ; que, dans cette mesure, les conclusions de la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN sont devenues sans objet ;

Sur la régularité du jugement n°0808606 :

Considérant que la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN fait valoir que les premiers juges, dans le jugement susvisé, ont omis de statuer sur le moyen qu'elle a soulevé, tiré de l'application d'une jurisprudence du Conseil d'Etat ; que ceux-ci, qui ont visé cet argument, n'étaient pas tenus d'y répondre dès lors qu'il ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments présentés au soutien d'un moyen, en tout état de cause inopérant ; qu'ils ont également visé le moyen tiré de ce que le refus de restitution de la TVA serait contraire au principe de neutralité de la TVA et l'ont expressément écarté comme inopérant ; qu'enfin, les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre aux autres moyens inopérants que la société faisait valoir, qu'ils n'ont pas, contrairement à ce que fait valoir la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN, regardé comme irrecevables ; que, par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;

Sur la recevabilité des demandes au titre des années 2005, 2006 et 2007 :

Considérant que, s'agissant des sommes en litige au titre des périodes 2005 à 2006, la requérante a obtenu la restitution de cette taxe le 1er décembre 2008 dans le cadre d'un remboursement de crédit de taxe ; qu'elle a également obtenu un dégrèvement de 588 554 euros assorti des intérêts moratoires dans la décision d'admission partielle que l'administration lui a notifiée ; que si, dans le dernier état de ses écritures le 1er février 2012, elle présente de nouvelles prétentions en appel au titre de sommes qu'elle aurait effectivement versées sur ses déclarations CA 3 pour les périodes 2005 et 2006, ces conclusions, qui excèdent ses prétentions de première instance par leur quantum sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ; qu'au titre de la période de l'année 2007, aucune demande n'ayant été présentée à ce titre en première instance ses prétentions, également irrecevables, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur le surplus des conclusions des requêtes de la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN en tant qu'il porte sur la TVA collectée au titre des années plus anciennes :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue " ; qu'aux termes de l'article R.* 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation " ;

Considérant qu'aux termes du IV de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article 242-0 A de l'annexe II au code général des impôts, pris sur le fondement de l'article 271 précité : " Le remboursement de la TVA déductible dont l'imputation n'a pu être opérée doit faire l'objet d'une demande des assujettis. Le remboursement porte sur le crédit de taxe déductible constaté au terme de chaque année civile " ; qu'aux termes de l'article 242-0 C de la même annexe, dans sa rédaction applicable à la présente affaire : " I. 1. Les demandes de remboursement doivent être déposées au cours du mois de janvier (...). II. 1. Par dérogation aux dispositions du I, les assujettis soumis de plein droit ou sur option au régime normal d'imposition peuvent demander un remboursement au titre d'un trimestre civil lorsque chacune des déclarations de ce trimestre fait apparaître un crédit de taxe déductible. La demande de remboursement est déposée au cours du mois suivant le trimestre considéré (...) " ; que s'il résulte des dispositions précitées des articles 242-0 A et 242-0 C que si le redevable ne peut demander le remboursement du crédit de TVA dont il dispose que dans des délais déterminés, ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à ce que ce redevable puisse ultérieurement, si ce crédit demeure, non seulement procéder à son imputation sur une taxe due, mais encore, le cas échéant, en demander le remboursement au cours du mois de janvier de l'année suivante ou au cours du mois suivant un trimestre civil où chacune des déclarations de ce trimestre fait apparaître un crédit de taxe déductible ;

Considérant que lorsqu'un contribuable en situation de crédit permanent de TVA constate un crédit de TVA déductible supplémentaire, il n'est pas recevable à présenter une réclamation contentieuse dans les formes prescrites à l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; qu'il lui appartient seulement de reporter, sur les déclarations suivantes, l'excédent de crédit de taxe déductible pour en permettre l'imputation ultérieure sur la TVA à collecter, puis, le cas échéant, de formuler une demande de remboursement de l'excédent de TVA déductible dans les conditions fixées par les articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN était en situation créditrice de TVA pour les sommes restées en litige ; qu'il lui appartenait, pour obtenir le remboursement du crédit supplémentaire de TVA résultant de sa nouvelle situation de présenter une demande dans les formes prescrites par les articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts ; que l'exigence de présentation de sa demande dans lesdites formes, dès lors que la requérante dispose d'un droit à un recours effectif dans des conditions de délai équivalentes à celles applicables en droit interne permettant l'examen de sa demande au fond et le respect de son droit de propriété, n'est contraire ni aux principes du droit communautaire d'équivalence et d'effectivité, ni au principe de neutralité de la TVA, ni aux stipulations combinées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 13 et 14 de la même convention ; que la forme imposée à cette demande n'est pas non plus contraire au principe d'effet direct du droit communautaire ; que la circonstance que le droit de réclamation en matière de TVA, qui est limité à l'impôt versé, serait moins favorable pour les impôts régis par le livre des procédures fiscales que pour les impositions qui relèvent de l'article R. 772-2 du code de justice administrative et de l'article 352 ter du livre des douanes est sans influence sur la solution du litige ; que la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN ne peut davantage utilement se prévaloir des dispositions du règlement modifié n°1553/89 du Conseil du 29 mai 1989 qui concernent le régime uniforme définitif de perception des ressources propres provenant de la TVA, qui ne font pas obstacle au droit des Etats d'organiser des modalités propres de restitution ou de remboursement aux contribuables de la TVA collectée à tort ; qu'enfin, la différence de traitement entre contribuables, ou entre des situations différentes dans lesquelles se trouve un même contribuable, selon qu'il est en situation de crédit ou de débit de TVA, n'est pas discriminatoire mais est justifiée par la différence de sa situation au regard de sa créance de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en l'absence d'une demande présentée dans les formes indiquées, les conclusions de la société requérante tendant au remboursement de la TVA collectée ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables ; que, par ailleurs, si la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN se prévaut de la doctrine du 10 mai 1990 référencée BOI 13 O-2-90, reprise à la documentation de base 13 O-1141 nos 2 à 5 à jour au 30 avril 1996, cette doctrine n'est, en tout état de cause pas invocable, dès lors qu'elle porte sur les règles de procédure applicables en matière de réclamation contentieuse ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant au versement des intérêts moratoires :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration des impôts à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul de l'imposition, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement (...) " ; que ces intérêts sont, en application de l'article R.* 208-1 du même livre, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts " ;

Considérant qu'à la date à laquelle la société requérante a saisi le Tribunal administratif de conclusions tendant au paiement des intérêts moratoires sur les sommes en litige au titre des années 2001 à 2004, il n'existait aucun litige né et actuel entre le comptable responsable du remboursement et ladite société, qui n'avait formulé aucune réclamation relative au paiement desdits intérêts, et que le litige n'est pas davantage né en cours d'instance ; qu'il suit de là que la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN, dont les conclusions susmentionnées n'étaient pas recevables, n'est pas fondée à demander le versement desdits intérêts devant la Cour ;

Sur les conclusions de la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions des requêtes de la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN à hauteur des sommes de 248 557 euros pour le mois d'août 2001, 116 265 euros pour le mois de septembre 2001, 149 726 euros pour le mois d'octobre 2001 et 11 973 euros pour le mois de février 2004.

Article 2 : L'Etat versera à la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de la société VEOLIA TRANSPORT URBAIN est rejeté.

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Nos 10VE00533-10VE01773 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE00533
Date de la décision : 10/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions - Remboursements de TVA.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE ; C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE ; C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-04-10;10ve00533 ?
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