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22/05/2012 | FRANCE | N°10VE02439-11VE01454

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 22 mai 2012, 10VE02439-11VE01454


Vu I°), sous le n° 10VE02439, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 26 juillet 2010, présentée pour la société AUCHAN FRANCE, dont le siège social est sis 200, rue de la Recherche à Villeneuve-d'Ascq (59650), par la société d'avocats Landwell et Associés ; la société AUCHAN FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901125 en date du 10 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre d

e la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 ainsi que des pénalités...

Vu I°), sous le n° 10VE02439, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 26 juillet 2010, présentée pour la société AUCHAN FRANCE, dont le siège social est sis 200, rue de la Recherche à Villeneuve-d'Ascq (59650), par la société d'avocats Landwell et Associés ; la société AUCHAN FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901125 en date du 10 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la restitution des impositions et pénalités en litige, soit la somme de 1 261 464 euros, assortie des intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société AUCHAN FRANCE soutient que, dans le cadre du programme de fidélisation " Waaoh " mis en place au sein de l'ensemble des hypermarchés Auchan, elle est le mandataire de ses fournisseurs ; qu'à ce titre, elle fait l'avance des réductions de prix accordés par ceux-ci aux consommateurs et gère les droits à réduction qui alimentent le compte personnel " Waaoh " du client ; que chaque fournisseur participant reçoit un état statistique qui reprend les euros accordés par lui aux clients et qui permet à la société AUCHAN FRANCE de justifier du montant du remboursement de l'avance consentie par elle au fournisseur ; que les relations entre les fournisseurs, la société AUCHAN FRANCE, via la société Eurauchan, et le client final sont donc encadrées par la notion de mandat ; qu'il convient donc de tirer la juste conséquence de l'application des règles du mandat ; que l'obligation prise par la société AUCHAN FRANCE, dans le cadre du contrat de mandat passé avec les fournisseurs, d'octroyer la remise accordée par le fournisseur au client a été définitivement et irrémédiablement exécutée lors de l'inscription de l'avantage sur le compte du client ; que cet avantage est alors acquis définitivement au client qui est propriétaire des sommes et en a l'entière et libre disposition ; qu'une requalification ultérieure de cet avantage accordé par le fournisseur au consommateur n'est pas concevable tant d'un point de vue juridique que technique ; que la requérante facture au consommateur et reverse au Trésor un montant de taxe sur la valeur ajoutée calculé sur la base de la totalité de son prix de vente, le Trésor n'étant par conséquent en aucune manière lésé ; que, par ailleurs, les sommes abandonnées par le client final entre les mains de la société AUCHAN FRANCE constituent pour elle un produit exceptionnel ; que ces sommes ne sont pas constitutives d'un chiffre d'affaires taxable dans la mesure où elles ne s'analysent pas en la contrepartie directe d'une livraison de biens effectuée par la requérante au profit du client ;

.........................................................................................................

Vu II°) sous le n° 11VE01454, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 20 avril 2011, présentée pour la société AUCHAN FRANCE, dont le siège social est sis 200, rue de la Recherche à Villeneuve-d'Ascq (59650), par la société d'avocats Landwell et Associés ; la société AUCHAN FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000184 en date du 3 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2005 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la restitution des impositions et pénalités en litige, soit la somme de 684 384 euros, assortie des intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société AUCHAN FRANCE soutient que, dans le cadre du programme de fidélisation " Waaoh " mis en place au sein de l'ensemble des hypermarchés Auchan, elle est le mandataire de ses fournisseurs ; qu'à ce titre, elle fait l'avance des réductions de prix accordés par ceux-ci aux consommateurs et gère les droits à réduction qui alimentent le compte personnel " Waaoh " du client ; que chaque fournisseur participant reçoit un état statistique qui reprend les euros accordés par lui aux clients et qui permet à la société AUCHAN FRANCE de justifier du montant du remboursement de l'avance consentie par elle au fournisseur ; que les relations entre les fournisseurs, la société AUCHAN FRANCE et le client final sont donc encadrées par la notion de mandat ; que l'obligation prise par la société AUCHAN FRANCE, dans le cadre du contrat de mandat passé avec les fournisseurs, d'octroyer la remise accordée par le fournisseur au client a été définitivement et irrémédiablement exécutée lors de l'inscription de l'avantage sur le compte du client ; que cet avantage est alors acquis définitivement au client qui est propriétaire des sommes et en a l'entière et libre disposition ; qu'une requalification ultérieure de cet avantage accordé par le fournisseur au consommateur n'est pas concevable tant d'un point de vue juridique que technique ; que la requérante facture au consommateur et reverse au Trésor un montant de taxe sur la valeur ajoutée calculé sur la base de la totalité de son prix de vente, le Trésor n'étant par conséquent en aucune manière lésé ; que, par ailleurs, les sommes abandonnées par le client final entre les mains de la société AUCHAN FRANCE constituent pour elle un produit exceptionnel ; que ces sommes ne sont pas constitutives d'un chiffre d'affaires taxable dans la mesure où elles ne s'analysent pas en la contrepartie directe d'une livraison de biens effectuée par la requérante au profit du client ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 août 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient que le traitement fiscal des réductions non utilisées par le consommateur réalisé par la société AUCHAN FRANCE est contraire au principe de neutralité en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que la base d'imposition de la taxe sur la valeur ajoutée à percevoir par les autorités fiscales ne peut être différente de la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur la contrepartie effectivement payée par le consommateur final puisque le mécanisme de la taxe sur la valeur ajoutée vise à faire supporter l'intégralité de la charge à ce dernier ; que la société AUCHAN FRANCE permet à ses fournisseurs de minorer leur base d'imposition du montant des avantages octroyés alors que, d'une part, les réductions correspondantes ne sont pas encore effectives et que, d'autre part, pour certaines d'entre elles, elles ne le seront jamais ; que la société AUCHAN FRANCE ayant perçu l'ensemble du produit des avantages échus qui ont, malgré tout, donné lieu à minoration de la taxe sur la valeur ajoutée collectée de ses fournisseurs sur la base des documents de reddition qu'elle a elle-même établis, il lui revient donc de reverser le montant de la taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort par les fournisseurs en traitant le " produit exceptionnel " comme un avoir accordé par ces mêmes fournisseurs sous forme de réduction du prix des marchandises vendues au distributeur et ce en application des dispositions de l'article 267 II 1° du code général des impôts ; que la société AUCHAN FRANCE qui a déduit la totalité de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur ses factures d'achat était donc tenue, en application des dispositions des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts de diminuer le montant de cette taxe sur la valeur ajoutée déductible à concurrence de la taxe résultant de cet avoir ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 septembre 2011, présenté pour la société AUCHAN FRANCE, concluant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que le traitement des euros non utilisés ne contrevient nullement au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, s'il se peut que les fournisseurs aient diminué leur base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée des réductions en euros accordées aux clients détenteurs de la carte " Waaoh ", l'administration ne peut toutefois en tirer la moindre conséquence au niveau de la requérante ; que le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ne peut conduire à ce qu'entre dans le champ d'application de la taxe un montant qui a été perçu sans qu'aucun service n'ait été rendu ni aucun bien vendu ; que le fait que les fournisseurs aient diminué leur base d'imposition ne peut avoir d'impact sur la base d'imposition ou les droits à déduction de la requérante au titre des réductions perdues par le consommateur et conservées par elle ; qu'il s'agit de deux flux différents et donc de deux analyses différentes du droit à déduction au niveau de chacun des deux contribuables, que sont le fournisseur d'un côté et la requérante de l'autre, sans préjudice pour le Trésor ; qu'en l'absence de lien direct entre les sommes conservées et une quelconque prestation de service rendue, ces montants ne peuvent être constitutifs de chiffre d'affaires taxable ; qu'il en résulte que de telles sommes n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 mai 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; le ministre conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2012 :

- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Alparslan, pour la société AUCHAN FRANCE ;

Considérant que la société AUCHAN FRANCE a fait l'objet de procédures de vérifications de comptabilité portant sur les périodes du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004, d'une part, et du 1er janvier au 31 décembre 2005, d'autre part, à l'issue desquelles des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont notamment été mis à sa charge ; que, par les requêtes susvisées, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt dès lors qu'elles présentent à juger les mêmes questions, la société AUCHAN FRANCE relève appel des jugements des 10 juin 2010 et 3 février 2011 par lesquels le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société AUCHAN FRANCE a mis en place un système de fidélisation destiné aux clients de ses hypermarchés, dénommé " Waaoh " et dont la gestion a été confiée par mandat à la société Eurauchan ; qu'à cet effet, la requérante a conclu avec certains de ses fournisseurs une " convention d'utilisation du processus cagnotte " aux termes de laquelle lesdits fournisseurs ont accepté d'accorder des réductions sur certains produits ; que, lors de l'achat de ces produits signalés en magasin, la société AUCHAN FRANCE crédite la carte de fidélité du client concerné du montant de la réduction en euros ainsi accordée ; que la requérante transmet régulièrement à ses fournisseurs un état statistique précisant le montant des réductions crédité sur les comptes " Waaoh " de ses clients, à la réception duquel les fournisseurs lui remboursent le montant des réductions ainsi octroyées ; que les sommes ainsi cumulées par les clients des hypermarchés Auchan leur permettent de régler leurs achats ultérieurs ; que, toutefois, à l'issue d'un certain délai, les euros crédités sur les cartes de fidélité sont définitivement perdus et restent acquis à la société AUCHAN FRANCE, qui les comptabilise comme des produits exceptionnels ne devant pas être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à la suite des opérations de contrôle dont la société a fait l'objet, l'administration fiscale a toutefois estimé que les sommes ainsi conservées par la requérante constituaient des avoirs accordés par ses fournisseurs sous forme de réduction du prix des marchandises vendues et qu'en conséquence, la société, qui avait déduit la totalité de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur ses factures d'achat, était tenue de diminuer le montant de sa taxe sur la valeur ajoutée déductible à concurrence de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces avoirs ; que l'administration a en conséquence rappelé cette taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort pour des montants de 580 666 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2003, de 471 950 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2004 et de 600 337 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2005 ;

Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 272 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture. " ; qu'aux termes du 4 de l'article 283 du même code : " Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée. " ; qu'aux termes du II de l'article 267 dudit code : " Ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition : 1° Les escomptes de caisse, remises, rabais, ristournes et autres réductions de prix consenties directement aux clients " ;

Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, lors de chaque achat d'un produit concerné par l'opération, le fournisseur de la société AUCHAN FRANCE restitue à cette dernière le montant de la réduction accordée au consommateur et ce, quelle que soit l'utilisation que celui-ci fait des euros crédités sur son compte " Waaoh " ; que, lorsque les clients n'utilisent pas les euros ainsi crédités sur leur compte, ce remboursement par le fournisseur, qui bénéficie à la seule société AUCHAN FRANCE, constitue pour elle une réduction de prix dont il lui appartient, par suite, de tenir compte pour déterminer le montant de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont à ses fournisseurs et qu'elle est autorisée à déduire ; qu'à cet égard d'ailleurs, il n'est pas contesté que les fournisseurs de la société ont diminué leur taxe sur la valeur ajoutée collectée à concurrence des remboursements ainsi effectués au profit de la requérante ; que, dans ces conditions, la société AUCHAN FRANCE n'est pas fondée à soutenir que, dès lors qu'elle n'aurait agi qu'en tant que mandataire de ses fournisseurs, les sommes correspondant aux crédits des comptes " Waaoh " non utilisés par ses clients devraient être regardés comme constituant pour elle des produits exceptionnels n'entrant pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il suit de là qu'elle n'était pas en droit de déduire la totalité de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures initiales de ces fournisseurs ; que, dès lors, le service a pu à bon droit rappeler la taxe sur la valeur ajoutée afférentes aux réductions non utilisées par les clients des hypermarchés Auchan ;

Considérant qu'il résulte de tout de qui précède que la société AUCHAN FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la société AUCHAN FRANCE sont rejetées.

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Nos 10VE02439-11VE01454


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02439-11VE01454
Date de la décision : 22/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : CHASTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-05-22;10ve02439.11ve01454 ?
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