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23/10/2012 | FRANCE | N°11VE02934

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 23 octobre 2012, 11VE02934


Vu la requête, enregistrée le 4 août 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Murat A demeurant ..., par Me Guilloux, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0808466 en date du 9 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2002 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la d

charge sollicitée ;

Il soutient, en premier lieu, que le rappel litigieux, qui...

Vu la requête, enregistrée le 4 août 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Murat A demeurant ..., par Me Guilloux, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0808466 en date du 9 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2002 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

Il soutient, en premier lieu, que le rappel litigieux, qui fait suite à la consultation d'un dossier pénal, à la vérification de la comptabilité de la SAS ECM, dont il est directeur commercial et qui a donné lieu à un rapprochement avec ses déclarations, constitue ainsi non un simple contrôle sur pièces mais un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, lequel, faute d'envoi d'un avis de vérification, a été irrégulièrement engagé ; qu'en second lieu, c'est à tort que le service a refusé de saisir la commission départementale des impôts à raison de la qualification de revenus distribués conférés aux sommes imposées, alors que ces sommes, qui proviennent d'un détournement de fonds, se rattachent ainsi à la catégorie des bénéfices non commerciaux, lesquels relèvent de la compétence de la commission ; qu'en troisième lieu, il ne saurait lui être infligé la pénalité de 80 % pour manoeuvres frauduleuses dès lors que, comme l'a relevé le tribunal correctionnel, statuant sur le volet pénal de cette affaire, les contrats d'assurance-vie souscrits à son bénéfice au moyen de chèques émis par la SAS ECM, ne l'ont pas été par lui mais par M. David B, gérant de la société ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2012 :

- le rapport de M. Huon, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

Considérant qu'à l'occasion de la vérification de comptabilité de la SAS Europe Construction Moderne (ECM) au sein de laquelle M. Murat A exerce les fonctions de directeur commercial et dont le gérant est M. David B, frère de ce dernier, le service vérificateur, s'appuyant notamment sur des informations obtenues auprès des services judiciaires, a relevé que le requérant avait, au cours de l'année 2002, bénéficié de sommes prélevées sur les comptes bancaires de la société au moyen de factures fictives afin d'alimenter des contrats d'assurance-vie ; qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces des déclarations de M. A, l'administration, tirant les conséquences de cette vérification, aux termes d'une proposition de rectification du 21 décembre 2005, a rapporté les sommes en cause, soit 46 046 euros, aux revenus imposables de l'intéressé de l'année 2002 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions de l'article 111-c du code général des impôts et a assorti les rappels correspondant de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses ; que M. A relève appel du jugement du 9 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été ainsi assujetti au titre de l'année 2002 ainsi que des pénalités y afférentes ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements. / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications, ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. " ; qu'aux termes de l'article L. 47 du même livre: " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix " ;

Considérant qu'il ressort de la proposition de rectification du 21 décembre 2005 que, pour asseoir le rehaussement litigieux, le service s'est borné à comparer les déclarations de M. A avec les renseignements obtenus auprès de l'autorité judiciaire dans le cadre de son droit de communication et les constations opérées au cours de la vérification de comptabilité de la SAS ECM ; qu'un tel contrôle, limité à la taxation de sommes regardées comme distribuées par cette société, n'a pas eu pour objet de vérifier la cohérence globale entre l'ensemble des revenus déclarés par M. A et sa situation de trésorerie, sa situation patrimoniale ou son train de vie, et ainsi n'a pas revêtu le caractère d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ; que, par suite, le moyen tiré par le requérant et tiré de ce que la procédure engagée à l'encontre du requérant serait entachée d'irrégularité faute pour le service de lui avoir préalablement adressé l'avis prévu par les dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en second lieu, que M. A soutient que, s'agissant de détournements de fonds, l'administration devait imposer les sommes en litige sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, et non sur le fondement de l'article 111-c en tant que revenus distribués dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et qu'en raison de cette erreur de qualification, il a été privé à tort de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales : " I. - La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; / 2° Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles, à l'exception de la qualification des dépenses de recherche mentionnées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts ; / 3° Sur l'application du 1° du 1 de l'article 39 et du d de l'article 111 du même code relatifs aux rémunérations non déductibles pour la détermination du résultat des entreprises industrielles ou commerciales, ou du 5 de l'article 39 du même code relatif aux dépenses que ces mêmes entreprises doivent mentionner sur le relevé prévu à l'article 54 quater du même code ; / 4° Sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée, en application du 6° et du 1 du 7° de l'article 257 du même code (...) ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) " ; qu'un avantage consenti sans contrepartie par une entreprise à un tiers doit être qualifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et son bénéficiaire dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, ladite libéralité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et, en particulier, de l'arrêt du 15 mars 2007 par lequel la Cour d'appel de Versailles a notamment confirmé la condamnation de M. A des chefs de recel d'abus de biens sociaux et de blanchiment et il n'est d'ailleurs nullement contesté que l'intéressé a souscrit à son profit, le 12 décembre 2002, un contrat d'assurance-vie pour une somme de 46 046 euros, versée au moyen de plusieurs chèques tirés sur le compte de la société ECM ; qu'il n'est pas plus contesté que ces prélèvements ont été opérés sous couvert de fausses factures établies au nom de sociétés de sous-traitance avec l'assentiment et en toute connaissance du gérant de la société ECM, qui n'est autre que le frère du requérant et qui, au demeurant, a également appréhendé dans des conditions similaires une partie des bénéfices sociaux ; qu'ainsi, dès lors que ces avantages sans contrepartie n'apparaissent pas en tant que telles dans les écritures comptables de la société, c'est à bon droit que l'administration a regardé les sommes litigieuses comme des rémunérations occultes et les a imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions précitées de l'article 111-c du code général des impôts ; que la commission départementale des impôts directs n'étant pas compétente pour se prononcer sur des redressements opérés dans cette catégorie de revenus, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été irrégulièrement privé de la possibilité de saisir ladite commission ;

Sur le bien-fondé des pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1759 du code général des impôts, applicable à l'espèce : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses (...) " ;

Considérant que, pour justifier l'application de la majoration pour manoeuvres frauduleuses au rehaussement contesté, l'administration fait valoir que la société ECM a eu recours à des factures fictives de sous-traitance permettant de présenter sous une forme d'une opération régulière une libéralité en réalité consentie à M. A ; que, si l'intéressé se prévaut de sa qualité de simple salarié de l'entreprise pour faire valoir qu'il n'a pas directement participé à l'opération en cause, il ressort des constatations de fait qui sont le support nécessaire du dispositif de l'arrêt susmentionné du 15 mars 2007 de la Cour d'Appel de Versailles, devenu définitif - constatations qui s'imposent au juge administratif avec l'autorité absolue de la chose jugée au pénal - que M. A a personnellement souscrit plusieurs contrats d'assurance-vie individuels auprès des AGF, dont le premier le 12 décembre 2002, tous alimentés par des chèques émis par la société ECM et a effectué le 18 mai 2004 un rachat partiel de ses contrats pour un montant de 50 000 euros versés sur un compte bancaire personnel ; que le juge pénal a également souligné que M. A connaissait nécessairement en sa double qualité de responsable commercial de la société ECM, dont son frère était le gérant, et d'ancien dirigeant de sociétés l'origine des fonds et la fraude de l'enregistrement comptable ; qu'en ayant ainsi participé à l'émission et en ayant personnellement conservé le règlement de fausses factures dans un but d'enrichissement personnel, le contribuable a non seulement entendu intentionnellement soustraire à l'impôt des sommes, dont il n'ignorait pas le caractère taxable, mais aussi activement participé à la mise en place un système organisé destiné à masquer des omissions déclaratives délibérées ; qu'eu égard à ces éléments, le service établit que M. A a usé de procédés destinés à égarer ou à restreindre son pouvoir de contrôle des revenus personnels de l'intéressé ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a regardé le requérant comme s'étant livré à des manoeuvres frauduleuses et a assorti les droits rappelés de la majoration de 80 % prévue en pareil cas par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

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N° 11VE02934 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11VE02934
Date de la décision : 23/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Redressement - Commission départementale.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : BRUNO BELOUIS ET ALLAIN GUILLOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-10-23;11ve02934 ?
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