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03/12/2013 | FRANCE | N°12VE02082

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 03 décembre 2013, 12VE02082


Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2012, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Marechal, avocat ; Mme B... demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1006041 en date du 11 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 94 484,97 euros résultant d'un procès-verbal de saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières délivré le 21 avril 2010 au Crédit Mutuel de Sèvres pour avoir paiement de rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assign

és au titre de la période allant du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2000 a...

Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2012, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Marechal, avocat ; Mme B... demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1006041 en date du 11 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 94 484,97 euros résultant d'un procès-verbal de saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières délivré le 21 avril 2010 au Crédit Mutuel de Sèvres pour avoir paiement de rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2000 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2° de prononcer la décharge sollicitée ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les impositions complémentaires en cause ont été initialement mises en recouvrement par avis du 11 février 2003 puis dégrevées le 31 mars 2003 au terme d'une décision annonçant l'établissement d'un nouvel avis et précisant qu'il lui appartiendrait de formuler alors une nouvelle réclamation contentieuse assortie d'une demande de sursis de paiement ; d'une part, elle ne peut faire l'objet d'aucune poursuite en vertu du premier titre exécutoire, qui a été annulé ; d'autre part, dès lors qu'elle n'a formé aucune réclamation à l'encontre du second avis, ainsi que le prévoit d'ailleurs la jurisprudence, la prescription de l'action en recouvrement lui était acquise le 19 septembre 2008, date de délivrance du premier acte de poursuite ;

- il ne peut être retenu qu'elle serait réputée avoir implicitement contesté l'avis de mise en recouvrement du 23 juin 2003 sauf à méconnaître les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ainsi que le devoir de loyauté qui s'impose à l'administration ;

- subsidiairement, en lui indiquant qu'elle devait renouveler sa contestation, l'administration a exprimé une prise de position formelle opposable au regard des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2013 :

- le rapport de M. Huon, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B...fait appel du jugement du 11 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 94 484,97 euros résultant d'un procès-verbal de saisie de droits d'associé et de valeur mobilières délivré le 21 avril 2010 au Crédit Mutuel de Sèvres pour avoir paiement de rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2000 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2. Considérant que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, établis à l'encontre de Mme B... aux termes de notifications de redressement des 17 décembre 2001 et 6 mai 2002, ont fait l'objet d'un premier avis de mise en recouvrement en date du 10 février 2003 ; qu'après que l'intéressée eut présenté, le 31 mars 2003, une réclamation contentieuse assortie d'une demande de sursis de paiement, le service, par décision du 5 mai suivant, a dégrevé l'imposition contestée au motif que l'avis présentait une erreur matérielle en ce qu'il ne comportait pas le nom patronymique de la requérante ; que, par cette même décision, l'administration a informé Mme B...de la persistance de son intention de l'imposer et l'a avisée de ce qu'elle pourrait, le cas échéant, formuler une réclamation et une demande de sursis de paiement après réception du nouvel avis de mise en recouvrement, lequel a été effectivement établi le 23 juin 2003 ; que, le 11 juillet 2003, le directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine Sud, après avoir estimé qu'eu égard au dégrèvement prononcé, la réclamation du 31 mars 2003 devait être regardée comme dirigée contre ce dernier avis, a rejeté ladite réclamation comme non fondée ; que Mme B...a alors introduit, le 29 septembre 2003, une demande en décharge des impositions en cause devant le Tribunal administratif de Paris qui l'a rejetée par un jugement du 11 juin 2008, confirmé le 15 avril 2010 par la Cour administrative d'appel de Paris ; qu'à la suite du jugement du tribunal administratif, le comptable a poursuivi le recouvrement de l'imposition ainsi laissée à la charge de la contribuable, d'abord par l'envoi d'une mise en demeure valant commandement de payer du 19 septembre 2008 puis, notamment, par le procès-verbal de saisie des droits d'associés et de valeurs mobilières contesté, décerné le 21 avril 2010 au Crédit Mutuel de Sèvres et signifié à Mme B...le 23 avril suivant ;

3. Considérant que Mme B...soutient qu'à la date à laquelle ont été établis ces actes, la prescription lui était acquise dès lors qu'elle n'a présenté ni réclamation ni a fortiori aucune demande de sursis de paiement à l'encontre de l'avis de mise en recouvrement du 23 juin 2003, restant seul valable, et qu'elle n'a fait l'objet d'aucune mesure de poursuite à compter de cette date dans le délai prescrit par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales ;

Sur l'application de la loi fiscale :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription. " ; qu'aux termes de l'article L. 275 du même livre, alors en vigueur : " La notification d'un avis de mise en recouvrement interrompt la prescription courant contre l'administration et y substitue la prescription quadriennale. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa est interrompu dans les conditions indiquées à l'article L. 274. " ; qu'aux termes de l'article L. 277 de ce livre, dans sa rédaction alors applicable : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge peut, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes (...) / A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés. L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent (...) " ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement rendu exécutoire le 23 juin 2003 avait pour seul objet de rectifier une erreur purement matérielle affectant l'avis du 10 février 2003, sans que la régularité de la procédure d'imposition ne fût en cause, et portait sur les mêmes impositions et le même montant que ce dernier ; que, si Mme B...n'a pas présenté de réclamation à l'encontre de ce second avis, il n'en demeure pas moins qu'à la suite de la décision rejetant sa réclamation du 31 mars 2003, laquelle visait expressément l'avis du 23 juin 2003, la requérante a saisi le Tribunal administratif puis la Cour administrative d'appel de Paris, d'une demande en décharge des impositions contestées, confirmant ainsi sa volonté de poursuivre le litige ; que, dès lors, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait à tort considéré que sa réclamation contentieuse présentée le 31 mars 2003, bien que prématurée au regard de l'avis du 23 juin mais régularisée par sa notification, devait être regardée comme dirigée contre ce nouvel avis ; que, dans ces conditions, et conformément aux dispositions précitées de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales la demande de sursis de paiement, présentée à l'appui de la réclamation du 31 mars 2003, a suspendu l'exigibilité de la créance et le cours de la prescription de l'action en recouvrement jusqu'à la notification du jugement du jugement du 11 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de MmeB... ; qu'il suit de là que le délai de quatre ans mentionné à l'article L. 275 du livre des procédures fiscales, qui a alors recommencé à courir, n'était pas expiré lorsque Mme B...a reçu notification, le 6 octobre 2008, de la mise en demeure valant commandement du 19 septembre 2008 ; que cet acte de poursuite a lui-même interrompu régulièrement la prescription, laquelle n'était donc pas acquise à la contribuable à la date du 23 avril 2010 à laquelle elle a reçu signification du procès-verbal de saisie des droits d'associés et de valeurs mobilières litigieux ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B...soutient que l'administration aurait manqué à son devoir de loyauté en lui indiquant, dans la décision de dégrèvement du 5 mai 2003, qu'il lui appartiendrait, le cas échéant, de renouveler sa réclamation et sa demande de sursis de paiement après l'intervention d'un nouvel avis de mise en recouvrement ; que, toutefois, il ressort des motifs de la décision du 11 juillet 2003 qui, ainsi qu'il a été dit, mentionnait l'avis de mise en recouvrement du 23 juin 2003, que l'administration a formellement admis la recevabilité de la réclamation initiale de la requérante et, partant, de sa demande de sursis de paiement pour laquelle elle avait d'ailleurs présenté des garanties acceptées par le comptable ; qu'en outre, la requérante, qui n'a jamais expressément renoncé au bénéfice du sursis, a, ainsi qu'il vient d'être dit, poursuivi sa contestation devant le juge de l'impôt ; que l'intéressée ne saurait dès lors sérieusement prétendre que, par son comportement, l'administration l'aurait induite en erreur et l'aurait privée d'une quelconque garantie ; que, par suite, le moyen susanalysé ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique n'est assorti d'aucune argumentation permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

8. Considérant, enfin, que si Mme B...invoque la méconnaissance du principe communautaire de confiance légitime, ce principe ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire ; que tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors que les dispositions applicables au présent litige portent sur le recouvrement de l'ensemble des impositions et non spécifiquement sur celui de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ainsi, le moyen précité, au surplus dépourvu de toute précision, est inopérant ;

Sur l'application de la doctrine :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. " ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L.80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. " ;

10. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'en matière de recouvrement de l'impôt, seules peuvent être opposées à l'administration, dans les conditions du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les interprétations formelles de la loi fiscale que celle-ci a fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées ; que, par suite, Mme B... ne saurait utilement se prévaloir de la lettre du service du 5 mai 2003, qui ne présente pas ce caractère, sur le fondement dudit alinéa ni invoquer le bénéfice du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales lequel renvoie à la garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A de ce livre ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

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N° 12VE02082 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE02082
Date de la décision : 03/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Action en recouvrement - Prescription.

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Paiement de l'impôt - Sursis de paiement.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : MARECHAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-12-03;12ve02082 ?
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