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21/01/2014 | FRANCE | N°12VE00465

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 21 janvier 2014, 12VE00465


Vu le recours, enregistré le 6 février 2012, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ;

Le ministre demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0807803 en date du 3 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a déchargé M. B... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2000 à raison de la réintégration dans son revenu imposable de la somme de 459 470 francs (70 045,75 euros) ;

2° à titre principal, de rétablir M. B... au rô

le de l'impôt sur le revenu de l'année 2000, à raison de la base imposable dont la déch...

Vu le recours, enregistré le 6 février 2012, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ;

Le ministre demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0807803 en date du 3 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a déchargé M. B... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2000 à raison de la réintégration dans son revenu imposable de la somme de 459 470 francs (70 045,75 euros) ;

2° à titre principal, de rétablir M. B... au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 2000, à raison de la base imposable dont la décharge a été prononcée par le Tribunal administratif de Versailles ou, à titre subsidiaire, de limiter le montant de l'investissement éligible au bénéfice de la déduction prévue à l'article 163 tervicies du code général des impôts aux seules dépenses amortissables d'un montant total de 513 634 F, soit, pour la quote-part de M. B..., 256 766 francs (39 143,72 euros) et de remettre à la charge de M. B... les droits et pénalités correspondant aux charges non éligibles, soit en base 203 080 francs (30 959,35 euros) ;

Il soutient que :

- le Tribunal administratif de Versailles a entaché son jugement d'une erreur de droit dès lors qu'il résulte des dispositions de l'article 163 tervicies du code général des impôts que sont seules susceptibles d'ouvrir droit à déduction les immobilisations corporelles neuves et amortissables ; en outre les revenus tirés de la location doivent être imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; au cas particulier, la plantation réalisée porte sur des rejets de bananiers et donc sur des biens qui ne sont pas neufs ; en effet, à la différence des vitro-plants, développés en laboratoire et acquis auprès d'entreprises spécialisées, les rejets de plans de bananiers résultent uniquement de la multiplication naturelle de la plante et sont dépourvus de valeur intrinsèque ; par ailleurs, les travaux de plantation ne sont pas dissociables des produits pour lesquels ils ont été réalisés ; leur nature dépend donc, implicitement mais nécessairement, de celle de ces produits ; il n'est pas contesté que la bananeraie existait déjà et n'a donc pas été créée par la société en nom collectif ; dès lors, les travaux de plantation sont des travaux de même nature que ceux réalisés régulièrement dans toute bananeraie ; la condition tenant au caractère neuf et, nécessairement, en tout ou en partie, manufacturé, de l'investissement n'est pas satisfaite au cas particulier ;

- le Tribunal administratif de Versailles a commis une erreur d'appréciation quant au montant de l'investissement éligible à l'aide prévue à l'article 163 tervicies du code général des impôts ; ne peuvent être inscrits comme immobilisation à l'actif du bilan que le prix d'achat des plants et les frais de plantation proprement dits ; les autres frais facturés par l'exploitant représentent des frais de reprise exposés chaque année par l'exploitant pour l'obtention de la récolte suivante ; ces frais, d'un montant de 406 242,05 francs, ne peuvent constituer des immobilisations ; ils ne peuvent donc être pris en compte dans le montant de l'investissement susceptible d'ouvrir droit à la déduction prévue à l'article 163 tervicies du code général des impôts ;

- sur l'effet dévolutif de l'appel : l'administration entend se référer à ses écritures de première instance ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2014 :

- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la société en nom collectif Las Vegas a fait l'objet, l'administration a remis en cause, selon la procédure contradictoire, la déduction d'une somme de 919 876 francs (140 234 euros) initialement pratiquée par l'entreprise sur le fondement des dispositions de l'article 163 tervicies du code général des impôts au titre de l'exercice 2000 à raison d'un investissement pratiqué en Martinique dans le secteur de l'agriculture ; que l'administration a en conséquence réintégré au revenu imposable de M. B..., associé à hauteur de 49,99 % de cette société en nom collectif, une somme de 459 470 francs (70 045,75 euros) correspondant à sa quote-part de détention des droits de la société ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES relève appel du jugement du 3 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a déchargé M. B... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2000 à raison de ce redressement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que si le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES soutient dans son mémoire enregistré le 11 octobre 2012, soit après l'expiration du délai de recours contentieux, que le jugement du Tribunal administratif de Versailles est entaché d'une insuffisance de motivation, ce moyen se rattache à une cause juridique distincte de celle dont relevaient les moyens soulevés dans son recours ; qu'un tel moyen, qui n'est pas d'ordre public, est, par suite, irrecevable ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 163 tervicies du code général des impôts, alors en vigueur : " I. - Les contribuables peuvent déduire de leur revenu net global une somme égale au montant hors taxes des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique, qu'ils réalisent dans les départements et territoires d'outre-mer et dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité dans les secteurs (...) de l'agriculture (...) / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent également aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 ou un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C. En ce cas, la déduction est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement. / (...) IV. Les dispositions du présent article (...) ne sont applicables qu'aux investissements neufs réalisés au plus tard le 31 décembre 2002. " ; qu'aux termes de l'article 91 sexies de l'annexe II au code général des impôts, alors en vigueur : " Les investissements productifs réalisés dans les départements et territoires d'outre-mer (...) dont le montant peut être déduit du revenu net global des contribuables en application du premier alinéa du I de l'article 163 tervicies du code général des impôts s'entendent des acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs mentionnés au même alinéa. " ;

4. Considérant, d'une part, qu'il est constant que les travaux financés par la société en nom collectif Las Vegas, consistant en la replantation de " bananiers classiques ", relèvent du secteur de l'agriculture ; que ces travaux entrent donc dans le champ des secteurs d'activité visés par les dispositions précitées de l'article 163 tervicies du code général des impôts ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions que le bénéfice de l'avantage fiscal qu'elles prévoient serait conditionné à l'imposition des revenus procurés par la mise à disposition d'aménagements fonciers dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; qu'ainsi, la circonstance alléguée par l'administration que les loyers perçus par la société en nom collectif Las Vegas seraient imposables dans la catégorie des revenus fonciers ne fait pas obstacle à ce que cette société prétende au bénéfice de la déduction fiscale prévue par l'article 163 tervicies du code général des impôts ; qu'il en est de même de la circonstance que ladite société en nom collectif n'aurait pris aucune part dans les responsabilités et les risques de l'exploitation de la bananeraie par la société Leyritz-Senecourt ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que les travaux financés par la société en nom collectif Las Vegas et réalisés par la société civile agricole Leyritz-Senecourt, ont notamment consisté, après l'arrachage des plants existants, à replanter des " nouveaux premiers plants " sur une bananeraie existante ; que si, compte-tenu de l'étiolement progressif des rejets de bananiers, de tels travaux doivent être régulièrement réalisés par les exploitants agricoles, il est constant qu'ils permettent l'exploitation d'une bananeraie pendant plusieurs années et sont donc bien constitutifs d'un investissement ; que la circonstance que la société civile agricole Leyritz-Senecourt ait utilisé comme " nouveaux premiers plants " non des vitro-plants, développés en laboratoire et acquis auprès d'entreprises spécialisées, mais des rejets de plants de bananiers résultant de la multiplication naturelle de la plante, ne fait pas obstacle à ce que ces travaux de replantation soient regardés comme un investissement neuf au sens et pour l'application des dispositions de l'article 163 tervicies du code général des impôts ;

6. Considérant, en revanche, qu'ainsi que le relève l'administration, une partie des dépenses engagées par la société en nom collectif Las Vegas sont relatives à des travaux de préparation du sol (121 320 francs), aux amendements (27 297 francs), à l'épandage (114 558,60 francs) et à l'achat d'insecticide et de nématicide (130 024,65 francs) ; que ces dépenses qui doivent être engagées chaque année par l'exploitant pour obtenir la récolte suivante, ne sauraient constituer des immobilisations et ne sont donc pas éligibles à l'avantage fiscal prévu par les dispositions de l'article 163 tervicies du code général des impôts pour les investissements neufs, et ce alors même, qu'en l'espèce, lesdits travaux ont été réalisés concomitamment aux travaux de replantation de la bananeraie et qu'ils ont été comptablement immobilisés ; qu'ainsi, compte-tenu de ces dépenses, dont le montant total s'élève à 393 200,25 francs et non à 406 312,05 francs comme l'indique par erreur le ministre, les investissements réalisés par la société en nom collectif Las Vegas pouvant bénéficier des dispositions de l'article 163 tervicies du code général des impôts au titre de l'année 2000 devaient être limités à un montant de 526 676 francs ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a pris en compte, pour déterminer le montant des investissements déductible du revenu global de M. B... sur le fondement des dispositions de l'article 163 tervicies du code général des impôts, la totalité des dépenses engagées par la société en nom collectif Las Vegas au titre de la replantation des bananiers classiques ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. B... devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient : / 1° Lorsque le désaccord porte soit sur le montant du bénéfice industriel et commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition (...) " ;

10. Considérant que si M. B... soutient que l'administration a irrégulièrement privé la société en nom collectif Las Vegas de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il résulte de l'instruction que le seul désaccord à l'origine du rehaussement de l'imposition de M. B... opposant alors l'administration à ladite société portait sur la question de savoir si les investissements réalisés dans le domaine agricole devaient être regardés comme ouvrant droit au bénéfice de la déduction prévue à l'article 163 tervicies du code général des impôts ; qu'un tel litige, même s'il nécessitait l'examen de circonstances de fait, portait en réalité sur la qualification juridique des investissements en cause, laquelle, s'agissant d'une question de droit, échappait à la compétence de la commission ; que, par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de l'administration de saisir cette commission du désaccord l'opposant à la société en nom collectif Las Vegas a entaché d'irrégularité la procédure de redressement suivie à son encontre en ce qui concerne les investissements en litige ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est seulement fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a accordé à M. B... une décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2000 excédant la prise en compte d'une déduction de son revenu global d'une somme de 263 285 francs (40 138 euros) correspondant à sa quote-part des investissements réalisés par la société en nom collectif Las Vegas éligibles au dispositif de l'article 163 tervicies du code général des impôts et, d'autre part, à demander que M. B...soit rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de ladite année à concurrence de la réintégration à son revenu imposable d'une somme de 196 561 francs (29 965 euros) ;

DECIDE :

Article 1er : M. B...est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu, au titre de l'année 2000, à concurrence du complément d'impôt sur le revenu résultant de la réintégration à son revenu imposable d'une somme de 196 561 francs (29 965 euros).

Article 2 : Le jugement n° 0807803 du 3 novembre 2011 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est rejeté.

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N° 12VE00465


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE00465
Date de la décision : 21/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. BARBILLON
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : MAURO-CHAMOZZI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-01-21;12ve00465 ?
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