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29/01/2015 | FRANCE | N°13VE02812

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 29 janvier 2015, 13VE02812


Vu le recours, enregistré le 20 août 2013, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 0900601 - 0906861 du 23 avril 2013 par lesquels le Tribunal administratif de Versailles a, d'une part, déchargé la SA Toupret des cotisations supplémentaires à la taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et des cotisations à la taxe professionnelle et à la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre d

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Vu le recours, enregistré le 20 août 2013, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 0900601 - 0906861 du 23 avril 2013 par lesquels le Tribunal administratif de Versailles a, d'une part, déchargé la SA Toupret des cotisations supplémentaires à la taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et des cotisations à la taxe professionnelle et à la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008, dans la mesure correspondant à l'application des dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts pour le calcul de la valeur locative des biens d'équipement mobilier qu'elle a acquis à la suite de l'opération de fusion-absorption du 30 juin 2005, et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat le versement à la SA Toupret de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rétablir la SA Toupret aux rôles de la taxe professionnelle au titre des années 2006 à 2008 à concurrence des décharges prononcées en première instance ;

Il soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit sur la portée du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ; le jugement est entaché de contradiction de motifs en ce qu'il admet l'existence d'une acquisition du point de vue du cessionnaire mais refuse de considérer que le transfert du patrimoine constituait une cession du point de vue du cédant ;

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il n'a pas spécifié la portée exacte de la notion d'"opération définie et régie par le droit civil " ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Vinot, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public ;

1. Considérant que, la SA Toupret, qui a pour activité la fabrication d'enduits et de peintures, a, par une opération de fusion-absorption en date du 30 avril 2005 avec effet rétroactif au 1er janvier 2005, absorbé la société Groupe Jardin, sa mère qui détenait 93,24 % de ses parts, la société Toupret International, sa fille dont elle détenait 99,88 % des parts, et la société Toupret Industrie dont la société Groupe Jardin détenait 92,49 % des parts ; que l'administration fiscale a rehaussé les bases d'imposition à la taxe professionnelle de la SA Toupret au titre des années 2006 et 2007, et refusé la réduction de ses bases d'imposition à la taxe professionnelle au titre de l'année 2008, au motif que l'opération de fusion du 30 juin 2005 constituait une " cession " au sens des dispositions de l'article 1469, 3° quater du code général des impôts et que la valeur locative des biens d'équipements mobiliers cédés devait, en conséquence, être déterminée par application desdites dispositions ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES relève appel du jugement en date du 23 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Versailles a déchargé la SA Toupret des cotisations supplémentaires à la taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et des cotisations à la taxe professionnelle et à la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008, dans la mesure correspondant à l'application des dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " La taxe professionnelle a pour base : 1° Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2° : a. la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence (...) " ; que selon l'article 1469 du même code, dans sa version alors en vigueur : " La valeur locative est déterminée comme suit : (...) 3° quater. Le prix de revient d'un bien cédé n'est pas modifié lorsque ce bien est rattaché au même établissement avant et après la cession et lorsque, directement ou indirectement : / a. l'entreprise cessionnaire contrôle l'entreprise cédante ou est contrôlée par elle ; b /. ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise (...) " ; qu'en vertu de la loi de finances pour 2007 du 21 décembre 2006, l'article 1518 B du code général des impôts a été complété par l'alinéa qui suit : " Sans préjudice des dispositions du 3° quater de l'article 1469, les dispositions du présent article s'appliquent distinctement aux trois catégories d'immobilisations suivantes : terrains, constructions, équipements et biens immobiliers " ;

3. Considérant que le Tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge des cotisations litigieuses de taxe professionnelle au motif que l'opération de fusion-absorption du 30 avril 2005 ne constituait pas une cession, au sens du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts et, par suite, que les dispositions de cet article devaient être écartées au profit de celles de l'article 1518 B du même code ;

4. Considérant, il est vrai, qu'il résulte des termes mêmes du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts que les cessions de biens qu'elles visent s'entendent des seuls transferts de propriété consentis entre un cédant et un cessionnaire ; que ces dispositions, dont les termes renvoient à une opération définie et régie par le droit civil, ne sauraient s'entendre comme incluant toutes les opérations qui, sans constituer des " cessions " proprement dites, ont pour conséquence une mutation patrimoniale ;

5. Considérant, cependant, que la notion de cession au sens du droit civil recouvre tous les transferts de propriété consentis entre un cédant et un cessionnaire, effectués à titre gratuit ou à titre onéreux, y compris ceux qui, réalisés dans le cadre d'opérations de restructuration, portent sur l'universalité du patrimoine du cédant ; que, par suite, une opération de fusion-absorption entre dans les prévisions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ; qu'ainsi, la circonstance que des biens ont été cédés par l'effet d'une fusion-absorption de sociétés ne peut avoir pour effet d'écarter l'application des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts au profit de celles de l'article 1518 B du même code, lorsque ces biens répondent aux conditions posées par le 3° quater de l'article 1469 ; que, dès lors, le prix de revient d'un bien visé par les dispositions du 3° quater de l'article 1469 n'est pas modifié en cas de fusion-absorption de sociétés lorsque ce bien est rattaché au même établissement avant et après la fusion et que l'entreprise cessionnaire contrôle l'entreprise cédante ou est contrôlée par elle, ou que ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'avant la fusion-absorption intervenue le 30 avril 2005 la société Groupe Jardin, absorbée par la SA Toupret, contrôlait la société requérante ainsi que la société Toupret Industrie, également absorbée par la société requérante, et que cette dernière contrôlait la société Toupret International qu'elle a en outre absorbée, ainsi qu'il a été dit au point 1 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que tout ou partie des biens en cause n'auraient pas été rattachés au même établissement avant et après l'opération de fusion-absorption ; qu'ainsi, les biens en cause répondaient aux conditions posées par le 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ;

7. Considérant qu'il résulte ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur les dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts pour faire droit aux conclusions de la SA Toupret tendant à la décharge des impositions en litige ;

8. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par la SA Toupret devant le Tribunal administratif de Versailles ;

9. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, aux termes de l'article 1469 du code général des impôts dans sa version alors en vigueur : " La valeur locative est déterminée comme suit : 1° Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe (...) " ; qu'aux termes de l'article 1494 de ce code : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties (...) est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte. " ; qu'aux termes de son article 1495 : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation " ; qu'il résulte des dispositions de l'article 324 A de l'annexe III à ce code que, pour l'application de ces dispositions, on entend : " / 1° Par propriété normalement destinée à une utilisation distincte : (...) b. En ce qui concerne les établissements industriels, l'ensemble des sols, terrains, bâtiments et installations qui concourent à une même exploitation et font partie du même groupement topographique (...) 2° Par fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte, lorsqu'ils sont situés dans un immeuble collectif ou un ensemble immobilier : (...) b. L'établissement industriel dont les éléments concourent à une même exploitation (...) " ; que, d'autre part, le premier alinéa de l'article 1499 de ce code dispose que : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte des dispositions ci-dessus rappelées des articles 1494 et 1495 du code général des impôts et 324 de l'annexe III à ce code que la définition des propriétés à prendre en compte pour la détermination de la méthode d'évaluation applicable est fonction du seul critère de leur utilisation distincte, conformément aux règles prévues par l'article 324 A de cette annexe, sans que la circonstance que ces propriétés appartiennent à des propriétaires différents ait une incidence ;

11. Considérant, qu'il résulte de l'instruction que les locaux en cause sont situés dans l'enceinte de l'établissement industriel détenu par la société Toupret Industrie avant son absorption par la SA Toupret, et étaient destinés à la vente, aux grossistes et aux magasins de bricolage, des enduits et des peintures produits par ladite société Toupret Industrie avant son absorption ; qu'ainsi, avant même l'opération de fusion-absorption, ces locaux concouraient nécessairement à l'exploitation dudit établissement industriel et ne pouvaient être regardés comme une fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte, contrairement à ce que soutient la société requérante ; que, dès lors, c'est à bon droit que le service a évalué leur valeur locative en appliquant les dispositions de l'article 1499 du code général des impôts ;

12. Considérant que, pour les mêmes motifs, les locaux en cause n'entrent pas dans le champ de la doctrine contenue dans la documentation de base référencée 6-C-2134 n° 16 à jour du 15 décembre 1988 concernant les locaux qui, bien que situés dans l'enceinte d'un établissement industriel, ne reçoivent pas une affectation industrielle ; que, par suite, la société requérante ne peut utilement invoquer cette doctrine sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales à l'appui de ses conclusions ;

13. Considérant, en second lieu, que la société requérante se prévaut également, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative publiée sous le n° 6 E-2221 en vertu de laquelle seuls sont applicables aux immeubles industriels pour lesquels la valeur locative est calculée à partir du prix de revient les coefficients de majoration dont la date de référence est postérieure à la cession ; que cependant, ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 6, dès lors qu'en l'espèce les biens en cause étaient rattachés au même établissement avant et après la fusion-absorption et que l'entreprise cessionnaire contrôlait l'entreprise cédante ou était contrôlée par elle, ou que ces deux entreprises étaient contrôlées par la même entreprise, leur prix de revient n'a pas été modifié par les opérations de fusion-absorption intervenues en 2005, en vertu des dispositions du 3° quater de l'article 1469 ; que, par suite, la société requérante, qui ne conteste pas que les coefficients de revalorisation mentionnés à l'article 1499 du code général des impôts étaient applicables aux biens en cause avant les opérations de fusion-absorption auxquelles elle a procédé en 2005, n'est pas fondée à soutenir qu'en application de la documentation administrative n° 6 E-2221 lesdits coefficients ne devraient être appliqués qu'à compter de l'année 2005 ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires de la taxe professionnelle auxquelles la SA Toupret a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 ainsi que la réduction des cotisations à la taxe professionnelle et à la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008, au titre de son établissement sis 24 rue du 14 juillet à Corbeil-Essonnes ;

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SA Toupret au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 0900601 - 0906861 du 23 avril 2013 du Tribunal administratif de Versailles sont annulés.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles la SA Toupret a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et les cotisations à la taxe professionnelle et à la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008 au titre de son établissement situé à Corbeil-Essonnes, dont le Tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge, sont remises à la charge de cette société.

Article 3 : Les conclusions de la SA Toupret tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 13VE02812


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE02812
Date de la décision : 29/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: Mme Hélène VINOT
Rapporteur public ?: Mme GARREC
Avocat(s) : VAN DAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-01-29;13ve02812 ?
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