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29/09/2015 | FRANCE | N°12VE02926

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 29 septembre 2015, 12VE02926


Vu le recours, enregistré le 2 août 2012, du MINISTRE DELEGUE, CHARGE DU BUDGET, qui demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1003495 du 27 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à l'Arzteversorgung Land Brandenburg (ALB) la restitution des retenues à la source d'un montant de 105 330,83 euros et 51 384,93 euros prélevées sur les dividendes de source française qui lui ont été distribués au cours des années 2006 et 2007 ;

2° de remettre à la charge de l'ALB les retenues à la source dont la restitution a été accordée ;


Il soutient que l'ALB ne respecte pas les conditions de gestion désintéressée fixé...

Vu le recours, enregistré le 2 août 2012, du MINISTRE DELEGUE, CHARGE DU BUDGET, qui demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1003495 du 27 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à l'Arzteversorgung Land Brandenburg (ALB) la restitution des retenues à la source d'un montant de 105 330,83 euros et 51 384,93 euros prélevées sur les dividendes de source française qui lui ont été distribués au cours des années 2006 et 2007 ;

2° de remettre à la charge de l'ALB les retenues à la source dont la restitution a été accordée ;

Il soutient que l'ALB ne respecte pas les conditions de gestion désintéressée fixées par le droit français pour prétendre au statut d'organisme sans but lucratif et en particulier celles relatives aux conditions de rémunération des dirigeants ;

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 21 juillet 1959 modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 2015 :

- le rapport de M. Skzryerbak, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public ;

1. Considérant que l'Arzteversorgung Land Brandenburg (ALB), organisme de retraite des médecins du Land de Brandebourg, a perçu, en 2006 et 2007, des dividendes de source française qui ont été soumis à une retenue à la source de 25 %, en application des dispositions combinées du 2 de l'article 119 bis et de l'article 187-1 du code général des impôts ; qu'il en a demandé, à titre principal, le remboursement total sur le fondement du principe de liberté de circulation des capitaux au sein de l'Union européenne ou, à titre subsidiaire, la restitution partielle, en se prévalant du taux réduit de 15 %, prévu à l'article 9 de la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 ; que, par un jugement en date du 27 avril 2012, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à l'ALB la restitution totale de la retenue à la source ; que le MINISTRE DELEGUE, CHARGE DU BUDGET, relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " (...) les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (...) " ; qu'aux termes du 5 de l'article 206 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) les associations et collectivités non soumis à l'impôt sur les sociétés en vertu d'une autre disposition (...) sont assujettis audit impôt en raison : / (...) c. Des revenus de capitaux mobiliers dont ils disposent, à l'exception des dividendes des sociétés françaises, lorsque ces revenus n'entrent pas dans le champ d'application de la retenue à la source visée à l'article 119 bis (...) " ; qu'aux termes du 5° bis du 1 de l'article 207 du même code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige, sont exonérés de l'impôt sur les sociétés " les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée " ; qu'aux termes du b du 1° du 7 de l'article 261, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée " les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient. (...) " ;

3. Considérant que si, en vertu des dispositions du c du 5 de l'article 206 du code général des impôts, combinées notamment avec celles de son 1, et avec celles du 5° bis du 1 de l'article 207, un organisme établi en France ayant pour objet de servir des pensions de retraite, tel qu'une caisse de retraite de base ou complémentaire, ou une société mutualiste, dont la gestion est désintéressée et dont les activités non lucratives restent significativement prépondérantes, est assujetti à l'impôt sur les sociétés à raison des revenus de capitaux mobiliers dont il dispose, les dividendes de sociétés établies en France perçus par cet organisme ne sont pas imposables ; que l'application de la retenue à la source au versement de dividendes de sociétés françaises à des organismes installés dans un autre Etat membre remplissant les mêmes conditions, constitue ainsi une restriction aux mouvements de capitaux ; que le régime d'exonération prévu par les dispositions des articles 206 et 207 du code général des impôts étant applicable à des associations, fondations et autres organismes à raison du caractère non lucratif de leur activité et non d'une charge d'intérêt général qui pèserait sur les seuls organismes résidents de France, cette restriction à la liberté de circulation des capitaux ne saurait être justifiée, pour ce motif, par l'existence d'une différence de situation objective entre les organismes français et ceux d'un autre Etat membre ; qu'ainsi, et faute que soit établie l'existence d'une raison impérieuse d'intérêt général, cette restriction méconnaît les stipulations de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne en tant qu'elle prive tout organisme installé dans un autre Etat membre de la faculté d'apporter la preuve qu'il pourrait bénéficier, s'il était établi en France, de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue au c du 5 de l'article 206 à raison de la perception de dividendes de sociétés françaises ; qu'il appartient, à cette fin, à cet organisme d'établir, d'une part, que sa gestion présente un caractère désintéressé et, d'autre part, que les services qu'il rend ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ; que, toutefois, même dans le cas où cet organisme intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, il peut bénéficier de cette exonération s'il exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et, à tout le moins, des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'il offre ;

4. Considérant que l'ALB est un organisme allemand qui gère, sous le contrôle de la puissance publique, un régime obligatoire de retraite ; qu'il n'est pas contesté que les services qu'elle rend ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ; qu'il résulte par ailleurs de ses statuts que ses ressources sont exclusivement affectées au financement des prestations servies, des frais administratifs nécessaires et à la constitution de réserves et de provisions ; que le ministre se borne à contester le caractère désintéressé de la gestion de l'ALB en soutenant que le nombre de dirigeants rémunérés excède les limites fixées par le d du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts ;

5. Considérant qu'en vertu des deux premiers alinéas du d du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts, la première condition à remplir pour que la gestion d'un organisme soit regardée comme ayant un caractère désintéressé est qu'il soit, " en principe, géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation " ; que le troisième alinéa de cet article prévoit, à cet égard, dans sa rédaction issue de l'article 6 de la loi du 28 décembre 2001 de finances pour 2002, un régime dérogatoire pour certaines catégories d'organismes de droit français, dont les associations et les fondations reconnues d'utilité publique, en vertu duquel, lorsqu'il est décidé que l'exercice des fonctions dévolues aux dirigeants justifie le versement d'une rémunération, le caractère désintéressé de la gestion n'est pas remis en cause si les statuts et les modalités de fonctionnement assurent notamment l'adéquation de la rémunération aux sujétions effectivement imposées aux dirigeants concernés ; que les alinéas suivants de cet article, issus de la même loi de finances, mentionnent parmi les conditions pour l'application de cette disposition dérogatoire que le montant annuel des ressources de l'organisme, majorées de celles des organismes qui lui sont affiliés et minorées de celles qui proviennent de personnes morales de droit public, soit supérieur à 200 000 euros en moyenne sur les trois derniers exercices si un dirigeant est rémunéré, à 500 000 euros si deux dirigeants sont rémunérés et à un million d'euros si trois dirigeants le sont, le montant de toutes les rémunérations versées à un dirigeant ne pouvant excéder trois fois le montant du plafond visé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale ; que s'agissant d'organismes de droit étranger, dont le régime, tel celui des caisses de retraite allemandes, présente des spécificités que ne connaît pas le droit français et dont le législateur n'a pas pu ainsi tenir compte dans la définition qu'il a donnée des organismes mentionnés au troisième alinéa du d du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts, leur gestion doit être regardée comme désintéressée, pour l'application des dispositions mentionnées au point 3, si la rémunération versée à leurs dirigeants et le nombre de ceux-ci ne sont pas, eu égard aux sujétions qui leur sont imposées et compte tenu des règles spécifiques auxquelles les organismes sont soumis dans leur Etat de résidence, disproportionnés par rapport aux limites mentionnées ci-dessus ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des années d'imposition en litige, les ressources annuelles de l'ALB s'élevaient à environ 40 millions d'euros ; que selon les statuts de cet organisme le mandat de ses dirigeants est exercé à titre bénévole ; que ces derniers reçoivent cependant, outre le remboursement de leurs frais de transport, une indemnité mensuelle de représentation qui s'élève, aux termes du règlement de l'ordre des médecins du Land en vigueur au 1er juillet 2007, à 1 200 euros pour le président, 800 euros pour le vice-président et 400 euros pour les autres membres ; que le président et le vice-président perçoivent en outre une indemnité forfaitaire pour pertes de cabinet d'un montant respectif de 800 et 260 euros par mois ; que le montant total de ces rémunérations s'est élevé à 109 840,51 euros en 2007 ; qu'il était de 102 982,84 euros en 2006 ; que, compte tenu des ressources de l'ALB, ces rémunérations, qui sont la contrepartie des sujétions résultant de l'exercice de leur mandat par les dirigeants de l'ALB, n'apparaissent pas disproportionnées par rapport aux limites fixées par les dispositions précitées du d du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts, alors même qu'elles ont été versées à onze personnes, comme le fait valoir le ministre, et non à trois au plus, comme le prévoient ces dispositions ; que, dans ces conditions, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la gestion de l'ALB n'était pas désintéressée ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DELEGUE, CHARGE DU BUDGET, n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à l'ALB la restitution de la retenue à la source qu'elle a acquittée ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à l'ALB, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DELEGUE, CHARGE DU BUDGET est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à l'Arzteversorgung Land Brandenburg une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 12VE02926


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE02926
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. NICOLET
Rapporteur ?: M. Arnaud SKZRYERBAK
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : CABINET ERNST et YOUNG SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-09-29;12ve02926 ?
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