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17/12/2015 | FRANCE | N°14VE02980

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 17 décembre 2015, 14VE02980


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés pour la période du

1er janvier 2007 au 13 août 2012.

Par un jugement n°s 1003071, 1100994 et 1301436 du 24 juin 2014, le Tribunal administratif de Versailles a accordé à M. B...la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée dont il s'est acquitté au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2007 et le

29 décembre 2011

et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés pour la période du

1er janvier 2007 au 13 août 2012.

Par un jugement n°s 1003071, 1100994 et 1301436 du 24 juin 2014, le Tribunal administratif de Versailles a accordé à M. B...la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée dont il s'est acquitté au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2007 et le

29 décembre 2011 et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 22 octobre 2014 et le 10 novembre 2015, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :

1° d'annuler les articles 1, 2 et 3 du jugement n°s 1003071, 1100994 et 1301436 du Tribunal administratif de Versailles ;

2° de remettre à la charge de M. B...la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 29 décembre 2011.

Le ministre soutient que :

- les premiers juges ont insuffisamment motivé les raisons qui les avaient conduits à regarder les documents soumis à leur appréciation comme suffisamment représentatifs de l'activité de M. B...et de nature à justifier que les actes qu'il avait pratiqués étaient d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été dispensés par un médecin, auraient été exonérés de taxe sur la valeur ajoutée ;

- les documents produits ne permettaient pas au tribunal d'établir que M. B...se serait abstenu d'accomplir des actes de chiropractie interdits aux praticiens qui n'ont pas la qualité de médecin et par suite, de considérer qu'ils ouvraient droit à l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée comme étant d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin, auraient été exonérés de taxe sur la valeur ajoutée.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

- le décret n° 2011-32 du 7 janvier 2011 ;

- le décret n° 2011-1127 du 20 septembre 2011 annulé ;

- l'arrêté du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie annulé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Van Muylder,

- et les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., qui exerce l'activité de chiropracteur, a sollicité la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2007 au 13 août 2012, en estimant pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 261 du code général des impôts relatives à l'exonération de cette taxe ; que par un jugement en date du 24 juin 2014, le Tribunal administratif de Versailles a accordé à M. B...la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée dont il s'est acquitté au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2007 et le 29 décembre 2011 et rejeté le surplus de ses conclusions ; que le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement ;

Sur le recours du ministre :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : "Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable (...)" ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a déclarés et spontanément acquittés conformément à ses déclarations qu'à la condition d'en établir le mal-fondé ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : "Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...)" ; que ces dispositions ont été reprises à l'article 132 de la directive du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur joutée entrée en vigueur le 1er janvier 2007 ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable jusqu'au 29 décembre 2011, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : "Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...)" ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive, précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des États membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ;

4. Considérant qu'aux termes du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 15 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 susvisée applicable pour les actes accomplis à partir du 30 décembre 2011 : "Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4. (Professions libérales et activités diverses) : 1° Les soins dispensés aux personnes (...) par les praticiens autorisés à faire usage légalement du titre (...) de chiropracteur (...)" ; qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu exonérer de taxe sur la valeur ajoutée les praticiens définitivement autorisés à utiliser le titre de chiropracteur de même que les praticiens autorisés provisoirement à faire usage de ce titre jusqu'à la décision prise par le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France, après avis de la commission prévue à l'article 17 du décret n° 2011-32 du 7 janvier 2011 susmentionné ;

5. Considérant toutefois que, conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalente à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa version applicable au présent litige : "L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Le programme et la durée des études préparatoires et des épreuves après lesquelles peut être délivré ce diplôme sont fixés par voie réglementaire. S'il s'agit d'un diplôme délivré à l'étranger, il doit conférer à son titulaire une qualification reconnue analogue, selon des modalités fixées par décret. / Les praticiens en exercice, à la date d'application de la présente loi, peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur s'ils satisfont à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. Ces conditions sont déterminées par décret. (...) / Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir. / Ces praticiens ne peuvent exercer leur profession que s'ils sont inscrits sur une liste dressée par le représentant de l'État dans le département de leur résidence professionnelle, qui enregistre leurs diplômes, certificats, titres ou autorisations" ;

7. Considérant que le décret du 7 janvier 2011 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de la chiropraxie n'a été publié que le 9 janvier 2011 et que le décret du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie, ainsi que l'arrêté du même jour pris en application de ces deux décrets, n'ont été publiés que le 21 septembre 2011, et que le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts n'a été modifié, pour inclure les chiropracteurs, qu'à compter du 30 décembre 2011 ; que, durant la période allant du 1er janvier 2007 au 29 décembre 2011, les actes dits de chiropraxie ne pouvaient être pratiqués que par les docteurs en médecine, et le cas échéant, pour certains actes seulement et sur prescription médicale, par les autres professionnels de santé habilités à les réaliser ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour décider de la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés par M. B... sur ses prestations de chiropraxie, le juge doit vérifier que celui-ci démontre disposer, pour la fourniture de ces prestations, de qualifications professionnelles propres à leur assurer un niveau de qualité équivalente à celles fournies, selon le cas, par un médecin ou par un membre d'une profession de santé réglementée ; qu'une telle appréciation ne peut être portée qu'au vu de la nature des actes accomplis sous la dénomination d'actes de chiropraxie et, s'agissant des actes susceptibles de comporter des risques en cas de contre-indication médicale, en considération des conditions dans lesquelles ils ont été effectués ; qu'il appartient, dès lors, à M. B..., pour mettre le juge à même de s'assurer que la condition tenant à la qualité des actes est remplie, de produire, d'une part, et sous réserve de l'occultation des noms des patients, des éléments relatifs à sa pratique permettant d'appréhender, sur une période significative, la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils l'ont été et, d'autre part, tous éléments utiles relatifs à ses qualifications professionnelles ;

9. Considérant que M. B... produit des éléments attestant, de manière suffisante, la qualité de la formation qu'il a suivie et du diplôme qu'il a obtenu ; que pour permettre au juge de se prononcer sur la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils ont été effectués, il lui appartenait également de fournir des éléments permettant, sur une période significative d'au moins deux mois, de s'assurer que ces actes n'étaient pas interdits ou n'avaient pas été accomplis sans avis médical préalable lorsque celui-ci était requis ; que M. B... produit, pour la période en litige allant du 1er janvier 2007 au 29 décembre 2011, 357 "fiches patients" correspondant à seulement 957 consultations représentant par an de 12 à 17% de son chiffre d'affaires ; qu'ainsi ces documents ne permettent pas de justifier de la nature de son activité sur une période significative ; qu'en outre le médecin attestant de la bonne pratique de M. B...est spécialisé en mésothérapie et médecine du sport et ne permet pas de justifier de la nature et de la qualité des actes pratiqués par M. B...; qu'ainsi ce dernier n'établit pas, par les pièces qu'il produit, que les actes de chiropraxie qu'il a accomplis au cours de la période litigieuse puissent être regardés comme d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin pratiquant la chiropraxie, auraient été exonérés de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur ce motif pour prononcer la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 29 décembre 2011 ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a fait droit à la demande de M. B... ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1003071, 1100994 et 1301436 du 24 juin 2014 du tribunal administratif de Versailles sont annulés.

Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée dont la restitution avait été accordée par le jugement du tribunal administratif de Versailles sont remis à la charge de M. B....

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 14VE02980


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE02980
Date de la décision : 17/12/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

19-06-02-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: Mme Céline VAN MUYLDER
Rapporteur public ?: Mme GARREC
Avocat(s) : LAVOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-12-17;14ve02980 ?
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