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09/02/2016 | FRANCE | N°15VE00394

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 09 février 2016, 15VE00394


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Rhodia Participations a demandé au Tribunal administratif de Montreuil le rétablissement de ses déficits reportables, réduits à la suite du rehaussement de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2005, 2006, 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1301651 du 6 octobre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rétabli les déficits reportables de la SNC Rhodia Participations à hauteur des sommes respectives de 18 961 147 euros, 41 317 863 euros, 39

614 690 euros et 17 100 493 euros au titre des exercices clos entre 2005 et 2008 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Rhodia Participations a demandé au Tribunal administratif de Montreuil le rétablissement de ses déficits reportables, réduits à la suite du rehaussement de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2005, 2006, 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1301651 du 6 octobre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rétabli les déficits reportables de la SNC Rhodia Participations à hauteur des sommes respectives de 18 961 147 euros, 41 317 863 euros, 39 614 690 euros et 17 100 493 euros au titre des exercices clos entre 2005 et 2008 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 3 février 2015 et le 19 janvier 2016, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :

1° d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement par lesquels le Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, a réduit la base imposable de la SNC Rhodia Participations du montant des renonciations à percevoir une partie des intérêts sur les avances consenties à sa société mère Rhodia qui avaient été réintégrés dans ses résultats pour les sommes respectives de 18 961 147 euros, 41 317 863 euros, 39 614 690 euros et 17 100 493 euros au titre des exercices clos entre 2005 et 2008 et a rétabli, à due concurrence, les déficits reportables de la SNC Rhodia Participations et, d'autre part, a mis à la charge de l'État le versement, à cette société, de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2° de décider que les montants des déficits reportables de la SNC Rhodia Participations au titre des exercices clos au 31 décembre 2005, 2006, 2007 et 2008 seront réduits à hauteur des sommes respectives de 8 884 385 euros, 22 380 532 euros, 25 702 944 euros et 12 495 308 euros au titre des mêmes exercices.

Il soutient que :

- compte tenu de la substitution de motif sollicitée, les intérêts sur avances auxquels la SNC Rhodia Participations a anormalement renoncé ne se montent plus qu'aux sommes de 8 884 385 euros pour 2005, 22 380 532 euros pour 2006, 25 702 944 euros pour 2007 et 12 495 308 euros pour 2008 ;

- à la suite de la conclusion d'un acte de compensation de leurs créances et dettes respectives, signé le 25 septembre 2008, la SNC Rhodia Participations a demandé à sa société mère intégrante Rhodia, prêteur exclusif pour les membres du groupe du même nom, le remboursement de ses créances, à hauteur d'une somme globale de 617 276 879 euros, dont 41 896 836 euros d'intérêts échus, facturés de façon rétroactive au taux de 2.39 %, correspondant à celui auquel sa société mère plaçait ses liquidités bancaires au titre de la période du

1er avril 2005 au 30 septembre 2008 ; réciproquement, la société Rhodia a réclamé le remboursement à sa filiale, au titre de la même période, d'une somme de 142 926 059 euros, incluant 14 617 331 d'intérêts échus, mais facturés au taux de 8.11 %, correspondant à celui auquel la SNC Rhodia Participations se serait refinancée sur le marché, compte tenu de son risque de solvabilité évalué en fonction d'une note moyenne, sur période, de " BB " ; eu égard à l'écart de taux, défavorable, existant entre les rémunérations de ces avances croisées en comptes courants, l'administration a estimé que la SNC Rhodia Participations avait renoncé de manière anormale à percevoir une partie des intérêts courus sur les avances en compte courant qu'elle mettait à la disposition de sa société-mère, dont le montant a initialement été évalué à la différence entre le taux auquel les avances effectuées par la société Rhodia à son profit étaient rémunérées et le taux auquel elle-même se faisait rémunérer au titre de ses avances à sa société mère et, en appel - à raison de la substitution de motif demandée - à proportion de la différence entre, d'une part, les taux d'intérêt que la société Rhodia aurait supporté, compte tenu de son risque de solvabilité, estimé à " BB " si elle avait dû se refinancer sur le marché plutôt qu'auprès de sa filiale et qui correspondaient, compte tenu de la nature et de la maturité des avances en cause, à la moyenne des taux des émissions obligataires des entreprises à un an et à cinq ans qui, sur période, ont évolué de 3.8 % en 2005 à, au plus, 7.35 % en 2008 et, d'autre part, le taux de 2.39 % auquel la SNC Rhodia Participations s'était fait rémunérer ses avances à sa société mère ; il s'ensuit que la société Rhodia Participations a accordé un avantage financier dépourvu de contrepartie à sa société-mère, entendue comme émetteur présentant un profil de risque variant entre " B " et " BB ", dont la renonciation à recettes, constitutive d'un acte anormal de gestion, doit être réintégrée pour une somme globale de 69 463 169 euros qui, répartie sur chacun des exercices, occasionne une réduction, dans les mêmes proportions, des déficits reportables revendiqués par la SNC Rhodia Participations ;

- par l'effet dévolutif de l'appel, les moyens présentés par la demanderesse de première instance devront être écartés ; sur ce point, il s'en remet à ses observations produites en défense devant le tribunal administratif.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Locatelli,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société en nom collectif Rhodia Participations, membre du groupe fiscal intégré Rhodia, a consenti à sa société-mère du même nom, des avances en compte courant d'associé au cours des exercices clos en 2005, 2006, 2007 et 2008 ; qu'à la suite de la signature, le 25 septembre 2008, d'une convention visant la compensation de leurs dettes et créances mutuelles, ces avances ont été rémunérées de façon rétroactive au taux de 2.39 %, correspondant au taux moyen de rendement des placements de trésorerie en 2008, alors que les avances que lui avait consenties sa société-mère l'étaient au taux de 8.11 %, correspondant au taux moyen auquel la SNC Rhodia Participations était réputée pouvoir se refinancer sur le marché au titre de la même période, compte tenu de son profil de risque ; que l'administration fiscale, estimant que le taux de 2.39 % était trop faible et que, l'omission de recettes corrélative à l'insuffisance de rémunération du service rendu étant étrangère à une gestion commerciale normale, a, en conséquence, rehaussé les résultats de la société Rhodia Participations au titre des années 2005 à 2008, des sommes correspondant à la différence entre le montant des intérêts effectivement facturés et le montant des intérêts qu'auraient produits les mêmes sommes s'ils avaient été calculés au taux des avances de la société Rhodia, ces rectifications conduisant, en l'absence de bénéfices imposables, uniquement à une réduction des déficits reportables de la SNC Rhodia Participations à hauteur des sommes de 18 961 147 euros, 41 317 863 euros, 39 614 690 euros et 17 100 493 euros au titre de chacun des exercices concernés ; que, devant la Cour, le ministre, qui demande une substitution de motif, admet qu'il y a lieu de réduire ces rehaussements, en ne retenant plus que la différence entre le montant des intérêts perçus et le montant de ceux qui auraient dû l'être, selon lui, calculés d'après la moyenne des taux, à un et cinq ans, auxquels la société Rhodia était réputée pouvoir se refinancer sur le marché, compte tenu de la maturité des avances et de son profil de risque, noté " BB ", et évalués, sur période, à 3.80 % en 2005, 4.50 % en 2006, 5.58 % en 2007 et 7.35 % en 2008 ;

Sur l'appel principal du MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sommes mises par la SNC Rhodia Participations à la disposition de la société Rhodia en compte courant d'associé ne présentent pas le caractère d'emprunts contractés auprès d'une filiale que la société-mère s'engage à rembourser dans un délai, et selon un échéancier, déterminés contractuellement ; qu'en effet, les sommes ainsi mises à disposition, de manière permanente à partir de 2005, n'ont été l'objet d'aucune convention entre la société Rhodia et sa filiale, que leur montant a constamment varié et qu'elles étaient remboursables, en principe, à tout moment ; qu'elles constituaient ainsi des avances permanentes de trésorerie ;

3. Considérant que le caractère normal ou anormal de la rémunération des avances de fonds consenties par une entreprise à une autre ne peut pas être valablement apprécié, en ce qui concerne le prêteur, par rapport au taux auquel une entreprise se refinancerait, par l'emprunt, sur le marché, mais doit l'être par rapport à la rémunération que ce prêteur pourrait obtenir d'un établissement financier ou d'un organisme assimilé auprès duquel il placerait, dans des conditions analogues, des sommes d'un montant équivalent ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale fait seulement état de taux auxquels la société Rhodia aurait pu, compte tenu de la prime de risque qui la caractérisait à l'époque des faits, emprunter une somme d'argent sur le marché ; que les avances à vue consenties par la SNC Rhodia Participations à sa société-mère ne sont toutefois pas assimilables à de tels emprunts, mais aux Sicav monétaires ou aux parts de fonds communs de placements monétaires auxquelles recourent les entreprises pour placer des fonds susceptibles d'être immédiatement disponibles, les titres acquis pouvant être vendus à tout moment sans frais ; que, ce faisant, le ministre n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère insuffisant du taux d'intérêt appliqué par la SNC Rhodia Participations pour les avances qu'elle a consenties à la société Rhodia dès lors qu'il ne conteste pas sérieusement que c'est sur le rendement de ce type de placement à vue que la SNC Rhodia Participations a calculé le taux de rémunération de ses avances, lequel, d'ailleurs, ne dépendait pas, en l'espèce, du risque emprunteur de sa société-mère ; que, dans la mesure où le ministre n'établit pas l'existence d'un acte anormal de gestion, il n'est pas fondé à soutenir que c'est tort que, après avoir prononcé la décharge de ce chef de rectification, le Tribunal administratif de Montreuil a rétabli le montant des déficits reportables de la SNC Rhodia Participations ;

Sur l'appel incident de la SNC Rhodia Participations :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration " ; que le § 5 du chapitre I de la charte relatif au déroulement de la vérification précise qu'en cas de difficultés, le contribuable peut s'adresser à l'interlocuteur départemental ou régional et qu'il peut le contacter pendant la vérification ; qu'aux termes du § 5 du chapitre III de la même charte, consacré à " la conclusion du contrôle ", si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, le contribuable peut saisir l'inspecteur principal, puis l'interlocuteur départemental ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 59 du même Livre : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 (...) " et que, selon l'article R. 59-1 de ce livre : " Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59 " ;

6. Considérant qu'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, ni d'ailleurs d'aucune autre, que, dans le cas où le contribuable a fait appel au supérieur hiérarchique, comme il en a la faculté, il pourrait demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires après l'expiration du délai de trente jours prévu à l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales alors même qu'il resterait dans l'attente de la réponse du supérieur hiérarchique à cette date ; qu'en l'espèce, il est constant que la SNC Rhodia Participations a demandé à ce que la commission départementale fut saisie plus de trente jours après la réception de la réponse de l'administration à ses observations, ainsi que l'a relevé le Tribunal administratif de Montreuil ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif qui, sur ce point, n'a entaché son jugement d'aucune insuffisance de motivation, a estimé que l'administration avait pu légalement rejeter cette demande de saisine comme irrecevable en raison de sa tardiveté ; qu'ainsi, la procédure de contrôle n'a été entachée d'aucune irrégularité pour ce motif ;

7. Considérant, dès lors, que les conclusions de l'appel incident de la société défenderesse, qui tendent à l'annulation du jugement en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus des conclusions de sa demande, doivent être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à la SNC Rhodia Participations, qui l'emporte principalement à l'instance, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS est rejeté.

Article 2 : L'État versera à la SNC Rhodia Participations la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus de l'appel incident de la SNC Rhodia Participations est rejeté.

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