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24/03/2016 | FRANCE | N°14VE02748

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 24 mars 2016, 14VE02748


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Versailles a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la société

SOCOTEC FRANCE à lui verser la somme de 1 461 164,28 euros en réparation des préjudices résultant de la mauvaise exécution par cette société du contrat de diagnostic de l'amiante qui les liait dans le cadre de la restructuration de la résidence universitaire " Les Linandes mauves " à Cergy et de mettre à la charge de la société SOCOTEC

FRANCE la somme de 6 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Versailles a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la société

SOCOTEC FRANCE à lui verser la somme de 1 461 164,28 euros en réparation des préjudices résultant de la mauvaise exécution par cette société du contrat de diagnostic de l'amiante qui les liait dans le cadre de la restructuration de la résidence universitaire " Les Linandes mauves " à Cergy et de mettre à la charge de la société SOCOTEC FRANCE la somme de 6 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1200253 du 15 juillet 2014, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a condamné, d'une part, la société SOCOTEC FRANCE à verser la somme de 831 786,28 euros au CROUS de Versailles et la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, ledit CROUS à verser à la société SOCOTEC FRANCE la somme de 17 450,84 euros, avec intérêts à compter du

4 mars 2011 et capitalisation des intérêts à compter du 7 novembre 2012.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2014, la société SOCOTEC FRANCE, représentée par Me Draghi-Alonso, avocat, demande à la Cour :

1° à titre principal, d'annuler les articles 1er et 3 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par le CROUS de Versailles devant le tribunal administratif ;

2° à titre subsidiaire, de réformer ce jugement et de ramener à la somme de

36 000 euros le montant de sa condamnation ;

3° de mettre à la charge du CROUS de Versailles le versement de la somme de

10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société SOCOTEC FRANCE soutient que :

- sa requête, qui est accompagnée d'une copie du jugement attaqué, est recevable ;

- elle n'a commis aucune faute ; la prétendue indigence de ses rapports, que le tribunal n'a pas justifiée, n'est pas établie ; il n'est pas établi en quoi ces rapports, qui ne contiennent aucune ineptie, contreviendraient à la réglementation ; les motifs de la suspension de travaux du 13 avril 2010 ne sont pas connus ; limitée aux seules cloisons, elle n'a duré que deux semaines ;

- le lien de causalité, que le tribunal s'est abstenu de caractériser, entre les prétendus manquements qui lui sont imputés et les préjudices allégués par le CROUS n'est pas établi ; les bâtiments 7 et 8 faisaient partie de sa mission mais aussi de la tranche ferme du marché confié à la société Eiffage ; l'indemnité allouée à cette dernière par l'avenant n° 1 avait pour objet de compenser l'impossibilité pour elle d'entreprendre les travaux sur ces bâtiments sur la période allant du 21 décembre 2009, date de l'ordre de service de démarrage des travaux, au mois d'août 2010, date de libération et de mise à disposition des bâtiments ; cette indemnité est donc sans rapport avec les insuffisances alléguées de ses rapports ; en outre, elle n'avait pas la maîtrise du projet, ni d'avis à émettre sur l'organisation et le phasage des travaux ; les travaux n'ont pas été arrêtés à compter du 13 avril 2010 mais seulement partiellement suspendus, les comptes-rendus de chantier témoignant d'une activité régulière sur le 1er semestre 2010 de sorte qu'aucun lien de causalité n'est établi entre une réduction d'activité et ses rapports ;

- s'agissant encore de ce lien de causalité, l'indemnité versée à Eiffage correspond à hauteur de 300 000 euros à un coût supplémentaire de retrait de l'amiante qui, soit n'était pas prévu au marché initial, ce qui exclut tout décalage indemnisable, soit a été découvert en cours de chantier et n'était pas prévu au marché de base, ce qui exclut également un décalage indemnisable ; l'indemnisation est seulement justifiée par la libération tardive des lieux par les étudiants et le non-démarrage des travaux de la tranche conditionnelle pour laquelle la société Eiffage avait pourtant reçu un ordre de service n° 2 depuis le 21 décembre 2009 ; la présence de l'amiante relevée dès le rapport du 13 novembre 2006 puis par le rapport du 23 décembre 2009 n'était pas intégrée par Eiffage dans son marché de base et devait nécessiter en tout état de cause un délai de réalisation complémentaire qui n'est pas chiffré précisément mais intégré dans le montant de l'indemnisation ; la SEM 92 ne pouvait ignorer qu'elle ne pouvait pas s'appuyer sur le rapport du 13 novembre 2006, incomplet, inadapté à son projet et obsolète pour l'opération de travaux dont il s'agit et n'a repris contact avec l'exposante qu'en mars 2009, pour lui commander le 9 novembre un nouveau diagnostic ; elle a contracté avec Eiffage sans l'informer de la situation actualisée au regard de l'amiante et alors que cette société, qui s'est référée au rapport de 2006, n'avait pas prévu dans son marché de base le retrait des matériaux amiantés identifiés dans ce rapport, à l'exception des sols et dans une proportion faible ;

- le préjudice évalué à un retard de chantier de 9 mois n'est pas imputable exclusivement à la société exposante compte tenu des autres causes de retard ; le retard n'aurait pu être au maximum que de 5 mois et demi, voire de 4 mois, dès lors qu'un délai de 4 mois pour les bâtiments 4 à 6 s'est écoulé entre la date de remise du rapport Manexi le 15 juin 2010 et l'ordre de service de démarrage des travaux du 15 octobre 2010 et que, pour les bâtiments 7 et 8, l'évacuation des locaux ne date que d'août 2010 et le repérage ne pouvait être achevé au mieux qu'au cours du mois d'octobre suivant ; l'ordre de service du 15 octobre a été délivré avant même la remise du rapport définitif de Manexi le 20 octobre 2010 et la date du

15 octobre 2010 correspond donc au démarrage des travaux sur les bâtiments 7 et 8, ce qui exclut un quelconque préjudice ;

- le coût des travaux de retrait d'amiante incombant au propriétaire et non à un diagnostiqueur, il doit en aller de même des frais d'identification de l'amiante ; les frais de sondages Manexi, qui doivent rester à la charge du CROUS, n'ont donc pas de lien avec le prétendu inachèvement des repérages de la société exposante ;

- le tribunal n'a pas caractérisé sa faute lourde qui exclurait qu'elle puisse se prévaloir de la clause limitative de responsabilité prévue à l'article 9 de son contrat d'engagement du

9 novembre 2009 ; une telle faute tiendrait à la gravité de son comportement qui n'est pas établie ici ; l'indemnisation doit par suite être à tout le moins plafonnée à 36 000 euros.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 87-155 du 5 mars 1987 relatif aux missions et à l'organisation des oeuvres universitaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Le Gars,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour le CROUS de Versailles.

Une note en délibéré, présentée pour le CROUS de Versailles, a été enregistrée le 16 mars 2016.

1. Considérant que, dans le cadre du projet de réhabilitation de la résidence universitaire " Les Linandes mauves " à Cergy (Val-d'Oise), le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Versailles a confié à la société SOCOTEC FRANCE un diagnostic amiante avant travaux par un marché signé le 27 octobre 2006 ; qu'à la suite de la modification et de l'extension de ce projet de réhabilitation, la SEM 92, mandataire du CROUS de Versailles, a, le 9 novembre 2009, passé commande auprès de la société SOCOTEC FRANCE d'un nouveau diagnostic amiante sur la base d'un devis du 13 mars 2009 ; qu'estimant que ladite société n'avait pas rempli sa mission par la remise d'un rapport conforme à la réglementation en vigueur en dépit du dépôt, le 27 avril 2010, d'une sixième et dernière version de son rapport initial du 23 décembre 2009, la SEM 92 a mis fin au contrat du 9 novembre 2009 par un courrier du 9 juin 2010 ; que, saisi par le CROUS de Versailles, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise, par un jugement du 15 juillet 2014, a notamment considéré que la société SOCOTEC FRANCE avait commis des manquements à ses obligations contractuelles engageant sa responsabilité et l'a condamnée à verser la somme de 831 786,28 euros au CROUS de Versailles ; que la société SOCOTEC FRANCE relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser ladite somme ; que, par la voie de l'appel incident, le CROUS de Versailles demande à la Cour de réformer ce jugement et de condamner la société à lui verser la somme supplémentaire de 629 378 euros au titre du préjudice moral et de celui relatif à la perte de loyers ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par le CROUS de Versailles :

2. Considérant que la société SOCOTEC FRANCE a produit à l'appui de sa requête une copie du jugement attaqué ; que, dès lors, la fin de non-recevoir tirée par le CROUS de Versailles de la méconnaissance de l'article R. 412-1 du code de justice administrative doit être écartée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant que le jugement attaqué indique notamment, d'une part, que " l'indigence " des rapports n'est pas contestée par la société SOCOTEC FRANCE et que cette société a commis des fautes dans l'exécution de sa mission de diagnostic amiante, ce qui constitue un manquement à ses obligations contractuelles, d'autre part, que, compte tenu du phasage du chantier, la faute contractuelle commise par la société SOCOTEC FRANCE a causé un retard de l'ensemble des phases du chantier et, enfin, que " les rapports successifs remis par la société Socotec France sont entachés de négligences et omissions majeures de nature à remettre en cause leur utilisation même " et que " l'ensemble de ces manquements est constitutif d'une faute lourde qui fait obstacle à l'application de la clause de limitation de responsabilité " ; qu'ainsi, et au regard de l'argumentation qui lui était soumise, le tribunal administratif a suffisamment précisé les motifs pour lesquels il a retenu l'existence de fautes contractuelles, l'existence d'un lien de causalité entre ces fautes et le préjudice qu'il a indemnisé, et l'existence de fautes lourdes justifiant d'écarter l'application de la clause limitative de responsabilité ; que le moyen tiré d'une insuffisante motivation de ce jugement doit donc être écarté ;

Sur la responsabilité :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et ainsi qu'il a été dit au point 1, que, par un marché signé le 27 octobre 2006, le CROUS de Versailles a, une première fois, confié à la société SOCOTEC FRANCE un diagnostic de repérage amiante avant travaux, préalable à la réhabilitation de la résidence universitaire " Les Linandes mauves " à Cergy ; que le rapport dressé dans ce cadre le 13 novembre 2006 par la société a été annexé au dossier de consultation des entreprises en janvier 2009 en vue de la passation du marché de travaux de réhabilitation, lequel a été attribué le 21 décembre 2009 à la société Eiffage pour un démarrage des travaux quatre jours après s'agissant de la tranche ferme qui portait sur les bâtiments 4 à 8 ; que, toutefois, il résulte également de l'instruction que la SEM 92 avait lancé en parallèle, le

5 mars 2009, une nouvelle consultation pour un diagnostic technique de repérage amiante avant travaux concernant ces bâtiments et qu'elle a retenu l'offre du 13 mars 2009 de la société SOCOTEC FRANCE, laquelle, en exécution du marché conclu le 9 novembre 2009, a remis un nouveau rapport le 23 décembre 2009 sur la base du programme de travaux qui lui avait été fourni ; que ce rapport mentionnait des matériaux contaminés ou pouvant être contaminés par l'amiante qui n'avaient pas été relevés dans le précédent rapport de 2006 ; que, compte tenu des critiques émises, la société SOCOTEC FRANCE, après avoir complété ce rapport une première fois le 27 janvier 2010, a ensuite rédigé des rapports successifs les 26 février, 9 avril, 19 avril et 26 avril 2010, lesquels ont relevé toujours plus de zones ou de matériaux amiantés ; qu'à cet égard, il résulte de l'instruction, et en particulier des comptes-rendus de chantier nos 1, 4, 7, 8 et 11, du courriel du 10 mars 2010 de la CAMIF, en charge du visa du plan de retrait élaboré par la société Eiffage, du rapport d'audit de la société Gestco du 15 mars 2010 ainsi que du diagnostic de repérage avec plan déposé le 15 juin 2010 par la société Manexi, qui a pris la suite de la société SOCOTEC FRANCE après la résiliation de son contrat avec la SEM 92, que de nombreuses et récurrentes insuffisances affectaient les rapports successifs de la société requérante, lesquels n'ont jamais permis à l'entreprise d'établir un plan de retrait à partir d'un recensement et d'une cartographie, précis et exhaustifs par local, des matériaux et zones à traiter ou non ; qu'au regard de la mission de diagnostic qui devait porter sur tous les endroits où des travaux étaient prévus en vertu de l'article 3 des conditions particulières de la convention qui renvoyait à l'article 1er à la norme NF X46-020, laquelle prévoit également la nécessité d'une cartographie exhaustive et opérationnelle appuyée de sondages destructifs ou non, ces insuffisances constituent un manquement de la société SOCOTEC FRANCE à ses obligations contractuelles et engagent sa responsabilité à l'égard du CROUS de Versailles s'agissant d'un diagnostic essentiel et primordial pour de tels travaux ; que ce dernier est donc fondé à demander la condamnation de la société SOCOTEC FRANCE à réparer les préjudices présentant un lien de causalité directe avec ces fautes ;

Sur le préjudice résultant du coût du marché de substitution :

5. Considérant que le CROUS de Versailles a droit au paiement intégral des frais liés à la conclusion d'un marché de substitution avec la société Manexi qui a effectué les repérages d'amiante et dont le rapport a été estimé satisfaisant par l'ensemble des intervenants du chantier, et notamment par la caisse régionale d'assurance maladie ; qu'en effet, contrairement à ce que fait valoir la société SOCOTEC FRANCE, ces frais ne sont pas liés à la présence intrinsèque d'amiante dans les matériaux et ne concernent pas des travaux de désamiantage mais sont liés directement aux manquements qu'elle a commis et en conséquence desquels le CROUS s'est trouvé dans l'obligation de passer, une seconde fois pour les mêmes travaux, commande d'un diagnostic technique de repérage amiante ; qu'il suit de là que le préjudice du CROUS de Versailles directement imputable à la société SOCOTEC FRANCE à ce titre s'élève à la somme de 8 886,28 euros ;

Sur les préjudices résultant du retard pris par le chantier :

En ce qui concerne l'indemnité versée à la société Eiffage :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Eiffage, chargée de la réalisation des travaux, a présenté le 16 septembre 2010 un devis relatif aux " frais liés à l'allongement des délais consécutifs à la découverte d'amiante complémentaire " en ce qui concerne la tranche ferme pour un montant total de 980 000 euros hors taxes, somme qui a été prise en compte par l'avenant n° 1 au marché de travaux, lequel a eu, en outre, pour objet de modifier le montant des travaux de désamiantage et la durée des travaux du fait de la découverte d'amiante supplémentaire lors du diagnostic final de repérage de l'amiante ; que ce devis se décompose, d'une part, en des frais liés au décalage de neuf mois des travaux consécutifs à la découverte d'amiante complémentaire depuis l'ordre de service de démarrage, à raison de 360 000 euros HT pour les frais de chantier et d'encadrement et de 720 000 euros HT pour la perte d'amortissement des frais généraux en période d'arrêt du chantier, déduction devant être faite des gains d'amortissement sur les travaux de désamiantage pour 300 000 euros HT, soit la somme totale de 822 900 euros TTC, et, d'autre part, en des frais de chantier et d'encadrement liés à l'allongement des délais résultant du désamiantage supplémentaire pour un coût de 200 000 euros HT ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit aux conclusions du CROUS de Versailles tendant à la réparation du préjudice résultant pour lui du versement à la société Eiffage d'une indemnité compensatrice du retard pris par le chantier à compter du 23 décembre 2009 et a condamné la société requérante à lui verser la somme de 822 900 euros à ce titre ;

7. Considérant, en premier lieu, que si la société SOCOTEC FRANCE soutient que le retard de chantier ne saurait lui être imputé, il résulte cependant de l'instruction que ses manquements à ses obligations contractuelles et, en particulier, sa carence à remettre un diagnostic exhaustif de la présence d'amiante dans les bâtiments 4 à 6 ont été à l'origine du retard de chantier, lequel n'est pas imputable, contrairement à ce qu'elle allègue, à la société Eiffage ; qu'en effet, et comme il a été dit au point 4, alors qu'elle avait remis son rapport le

23 décembre 2009, le maître d'ouvrage ne disposait toujours pas, en dépit des différents compléments qui ont été sollicités, d'un diagnostic fiable et exhaustif de la présence d'amiante dans les bâtiments au 27 avril 2010, date de la remise de la sixième et dernière version du rapport de la requérante ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la requérante, le retard de chantier n'est pas imputable à la date de libération des bâtiments 7 et 8, qui faisaient partie de la 2ème phase des travaux, lesquels devaient débuter par les bâtiments 4 à 6, objet du rapport en litige ;

8. Considérant toutefois, en deuxième lieu, qu'en lançant une consultation en vue du marché de réhabilitation dont s'agit sur la base du seul rapport du 13 novembre 2006 de la société SOCOTEC FRANCE, tout en commandant en parallèle un nouveau rapport à cette dernière en ce qui concerne les bâtiments compris dans la tranche ferme et, sans en attendre les résultats, en notifiant le 21 décembre 2009 l'attribution du marché à la société Eiffage avec ordre de commencer les travaux quatre jours plus tard, la SEM 92, mandataire du CROUS, a commis une faute qui doit être regardée comme ayant concouru à proportion de la moitié à la survenance des dommages ;

9. Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la somme de 822 900 euros TTC, demandée par le CROUS, n'inclut pas le coût du traitement de l'amiante supplémentaire découvert dans les bâtiments mais est uniquement relative aux frais qui ont résulté du retard pris par le chantier du fait de la découverte tardive d'amiante ; que, toutefois, le préjudice résultant de ce retard directement imputable à la société SOCOTEC FRANCE ne saurait être étendu au-delà de la date à laquelle un rapport de repérage exhaustif a pu être remis à la SEM 92, soit le 15 juin 2010, nonobstant le fait qu'à la suite à l'avenant n° 1, la date de démarrage des travaux de la tranche ferme ait été fixée au 1er septembre 2010 et que la société Eiffage n'a ensuite remis son plan de retrait que le 25 novembre 2010 ; que, compte tenu de la date à laquelle la société requérante avait remis son rapport initial, soit fin décembre 2009, il y a lieu, dès lors, de limiter le préjudice réparable à un allongement de période de 6 mois et de le ramener à la somme de 548 600 euros TTC ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme mise à la charge de la société SOCOTEC FRANCE au titre de préjudice résultant pour le CROUS du versement à la société Eiffage d'une indemnité compensatrice du retard pris par le chantier doit être ramenée à 274 300 euros TTC ;

En ce qui concerne le préjudice moral et le préjudice résultant des pertes de loyer :

11. Considérant, en premier lieu, que le CROUS de Versailles soutient, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas condamné la société SOCOTEC FRANCE à lui verser, s'agissant des bâtiments 4 à 8, la somme de 426 336 euros au titre des pertes de redevances imputables au retard pris dans le démarrage des travaux allant

de 6 à 9 mois et demi selon les bâtiments, et la somme de 183 042 euros au titre des pertes de redevances spécifiquement imputables au bâtiment n° 9, sur la base d'un retard de livraison

de 9 mois et demi ; que, toutefois, le CROUS de Versailles, qui n'établit pas qu'il aurait été en mesure de louer dès la fin initialement prévue des travaux les chambres de la résidence et qui ne produit aucun élément probant et circonstancié à l'appui de sa demande, ne justifie ni de la réalité du préjudice invoqué, ni de son lien direct et certain avec les fautes commises par la société SOCOTEC FRANCE ;

12. Considérant, en second lieu, que le CROUS de Versailles ne justifie pas davantage du préjudice moral dont il demande également l'indemnisation par la voie de l'appel incident ;

Sur l'application de la clause limitative de responsabilité :

13. Considérant que la société SOCOTEC FRANCE soutient qu'elle ne saurait être condamnée à verser au CROUS de Versailles une indemnité supérieure à 36 000 euros en application de l'article 9 du contrat conclu avec ledit CROUS aux termes duquel " La responsabilité de SOCOTEC (...) ne saurait être engagée au-delà de dix fois le montant des honoraires perçus par SOCOTEC au titre de la mission qui lui a été confiée (...) " ; que toutefois, compte tenu de la nature des carences relevées au point 4 dans l'exécution de sa mission, la société SOCOTEC FRANCE a non seulement manqué à son obligation essentielle de diagnostic mais a en outre fait preuve d'une grave négligence et entaché ses rapports d'omissions majeures ; que ces manquements, qui constituent une faute lourde dans l'exécution du contrat, font dès lors obstacle à l'application de la clause de limitation de responsabilité prévue à l'article 9 ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la société SOCOTEC FRANCE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamnée à verser au CROUS de Versailles une somme supérieure à 283 186,28 euros TTC, d'autre part, que l'appel incident du CROUS de Versailles doit être rejeté :

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CROUS de Versailles une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société SOCOTEC FRANCE et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du CROUS de Versailles présentées au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 831 786,28 euros que la société SOCOTEC FRANCE a été condamnée à verser au centre régional des oeuvres universitaires et scolaires de Versailles par l'article 1er du jugement n° 1200253 du 15 juillet 2014 du Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise est ramenée à 283 186,28 euros TTC.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1200253 du 15 juillet 2014 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires de Versailles versera à la société SOCOTEC FRANCE la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions d'appel incident du centre régional des oeuvres universitaires et scolaires de Versailles et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 14VE02748


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE02748
Date de la décision : 24/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas - Marchés - Mauvaise exécution.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute - Application d'un régime de faute lourde.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Julien LE GARS
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : SELARL LAFARGE ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-03-24;14ve02748 ?
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