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15/09/2016 | FRANCE | N°15VE03970

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 15 septembre 2016, 15VE03970


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Rhodia Opérations a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer le rétablissement de ses déficits reportables au titre de l'exercice clos en 2009.

Par un jugement n°1403504 du 8 octobre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire en réplique, enregistrés le 24 décembre 2015 et le 19 avril 2016, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :

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d'annuler l'article 1er du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rétabli à h...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Rhodia Opérations a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer le rétablissement de ses déficits reportables au titre de l'exercice clos en 2009.

Par un jugement n°1403504 du 8 octobre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire en réplique, enregistrés le 24 décembre 2015 et le 19 avril 2016, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :

1° d'annuler l'article 1er du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rétabli à hauteur de 215 510 euros les déficits déclarés par la société Rhodia Opérations au titre de son exercice clos en 2009 ;

2° de rétablir la rectification apportée aux résultats déficitaires de la société ;

Il soutient que :

- si les dispositions du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts autorisent la déduction de l'impôt supporté par les entreprises à l'étranger, il résulte toutefois, tant de la jurisprudence du Conseil d'État que de la doctrine administrative, que l'impôt frappant à l'étranger un bénéfice imposable en France n'est déductible qu'en l'absence de stipulations conventionnelles internationales y faisant obstacle et, ce y compris dans l'hypothèse où le contribuable serait déficitaire et ne pourrait effectivement imputer le crédit d'impôt auquel il pourrait prétendre en application de ces stipulations conventionnelles ; qu'en l'espèce, il résulte des conventions fiscales applicables au litige que les termes dans lesquelles elles sont rédigées font obstacle à la déduction, en France, des retenues à la source acquittées à l'étranger par la société Rhodia Opérations à raison des redevances perçues de Nouvelle-Zélande et de Chine ;

- la proposition de rectification du 18 décembre 2012 qui n'est entachée d'aucune contradiction de motifs ou d'insuffisance de motivation est régulière ; que l'administration fiscale s'est en effet livrée à une démonstration explicite et circonstanciée la conduisant à réintégrer les charges aux résultats de la société.

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 30 novembre 1979 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Nouvelle-Zélande tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

- la convention signée le 30 mai 1984 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République Populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Locatelli,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant que la société Rhodia Opérations, qui exerce une activité de production et de distribution de produits chimiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la déduction de ses résultats imposables, au titre de l'exercice clos en 2009, des retenues à la source acquittées en Chine et en Nouvelle-Zélande à raison de redevances perçues dans ces deux États ; qu'en l'absence de résultats bénéficiaires suffisants au titre de cet exercice, la rectification ainsi apportée à ses résultats a seulement donné lieu à la minoration de ses déficits reportables ; que le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS relève appel du jugement du 8 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rétabli les résultats déficitaires constatés par la société Rhodia Opérations au titre de l'exercice clos en 2009 à concurrence du montant des retenues à la source en litige ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 4° Sous réserve des dispositions de l'article 153, les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice (...) " ; que, lorsqu'une entreprise industrielle ou commerciale réalise, dans un Etat étranger, des opérations dont le résultat entre dans ses bénéfices imposables en France, ce résultat doit, conformément à ces dispositions, être déterminé sous déduction de toutes charges ayant grevé la réalisation de ces opérations et que doivent, en principe, être regardées comme telles les impositions que l'entreprise a supportées, du fait de ces opérations, dans cet État ;

3. Considérant, d'autre part, que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition et si, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale, il appartient néanmoins au juge, après avoir constaté que les impositions qu'une entreprise a supportées dans un autre État du fait des opérations qu'elle y a réalisées seraient normalement déductibles de son bénéfice imposable en France en vertu la loi fiscale nationale, de faire application, pour la détermination de l'assiette de l'impôt dû par cette entreprise, des stipulations claires d'une convention excluant la possibilité de déduire l'impôt acquitté dans cet autre État d'un bénéfice imposable en France ; qu'il en va ainsi, alors même que la convention prévoirait par ailleurs un mécanisme de crédit d'impôt imputable sur l'impôt français, dont cette entreprise ne serait pas en mesure de bénéficier du fait de sa situation déficitaire au cours de l'année en cause, dès lors que la convention interdit la déduction en toutes circonstances ;

4. Considérant que la convention fiscale signée le 30 novembre 1979 entre la France et la Nouvelle-Zélande, après avoir énoncé au b du 1 de son article 23 que, pour éviter les doubles impositions, " Les revenus (...) provenant de Nouvelle-Zélande sont imposables en France, conformément aux dispositions de ces articles, pour leur montant brut ", stipule que " L'impôt néo-zélandais perçu sur ces revenus ouvre droit au profit des résidents de France à un crédit d'impôt qui correspond au montant de l'impôt néo-zélandais perçu mais qui ne peut excéder le montant de l'impôt français afférent à ces revenus. Ce crédit est imputable sur les impôts visés à l'alinéa a du paragraphe 3 de l'article 2, dans les bases d'imposition desquels les revenus en cause sont compris (...) " ; que, de même, le b du 2 de l'article 22 de la convention fiscale franco-chinoise du 30 mai 1984, après avoir énoncé que, pour éviter la double imposition en ce qui concerne la France " Les revenus (...) provenant de Chine sont imposables en France, conformément aux dispositions de ces articles, pour leur montant brut ", stipule que " Il est accordé aux résidents de France un crédit d'impôt français correspondant au montant de l'impôt chinois perçu sur ces revenus mais qui ne peut excéder le montant de l'impôt français afférent à ces revenus (...) " ;

5. Considérant que ces stipulations n'excluent pas la possibilité pour une société de déduire de son bénéfice imposable en France les impôts acquittés en Nouvelle-Zélande et en Chine sur des redevances en provenance de l'un de ces États ; qu'en particulier, contrairement à ce que soutient le ministre, une telle exclusion ne résulte pas clairement de la seule mention que les redevances provenant de Nouvelle-Zélande ou de Chine sont imposables en France " pour leur montant brut " ; que, par suite, dès lors que les stipulations précitées ne font pas obstacle à l'application des dispositions du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que les impôts acquittés en Nouvelle-Zélande et en Chine étaient déductibles des résultats de la société Rhodia Opérations ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a majoré les déficits constatés par la société Rhodia Opérations au titre de l'exercice clos en 2009, à concurrence du montant des retenues à la source acquittées en Nouvelle-Zélande et en Chine ;

Sur les conclusions de la société Rhodia Opérations tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et mettre à la charge de l'État le versement, à la société Rhodia Opérations, d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS est rejeté.

Article 2 : L'État versera à la société Rhodia Opérations une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 15VE03970


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE03970
Date de la décision : 15/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-01-05 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Conventions internationales.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : RIELLAND

Origine de la décision
Date de l'import : 20/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-09-15;15ve03970 ?
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