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11/10/2016 | FRANCE | N°15VE00951

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 11 octobre 2016, 15VE00951


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Faiveley Transport a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mars 2006 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er avril 2006 au 31 mars 2007.

Par un jugement n° 1202306 du 2 décembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur a

joutée et rejeté le surplus de la demande de la société Faiveley Transport.

Procédure...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Faiveley Transport a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mars 2006 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er avril 2006 au 31 mars 2007.

Par un jugement n° 1202306 du 2 décembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et rejeté le surplus de la demande de la société Faiveley Transport.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et deux mémoires, enregistrés les 25 mars et 25 juin 2015 et le 9 août 2016, le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :

1° d'annuler l'article 1er de ce jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2° de remettre à la charge de la société Faiveley Transport ces rappels de taxe.

Il soutient que :

- c'est à juste titre que le tribunal administratif a estimé, au vu de l'instruction et en l'absence d'autres éléments corroborant les allégations de la société relatives au rapport de valorisation de la société cédée, que la commission forfaitaire versée à la banque Rothschild et Cie présentait le caractère de frais inhérents à la cession des titres de la société Faiveley Plasturgie, en principe non déductibles, sauf pour la société cédante à démontrer que n'ayant pas été incorporée dans le prix de cession, une telle dépense devrait être regardée comme faisant partie des frais généraux se rattachant aux éléments constitutifs du prix des opérations économiques assujetties de la société Faiveley Transport ;

- les documents produits par la société Faiveley Transport, notamment le tableau intitulé " calcul de l'ajustement de prix final " ne comportent aucune référence suffisamment explicite permettant de s'assurer que les frais exposés près la banque Rothschild et Cie n'ont pas été incorporés dans le prix de cession des titres " Faiveley Plasturgie " ; la société défenderesse était donc tenue de produire des éléments complémentaires tels que ceux afférents à sa comptabilité analytique ou au mode de valorisation des titres cédés ; sa carence fait dès lors obstacle à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses réglées à la banque Rothschild et Cie.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier, notamment celles transmises le 6 juillet 2016 à la suite de deux mesures d'instruction ordonnées par la Cour les 3 mai et 20 juin 2016.

Vu :

- la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2016 :

- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant notamment sur la période allant du 1er avril 2006 au 31 mars 2007, l'administration fiscale a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les prestations fournies par la banque d'affaires Rothschild et Cie à la société Faiveley Transport dans le cadre de la cession, par cette dernière, des titres de participation qu'elle détenait dans sa filiale Faiveley Plasturgie ; que le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES relève appel du jugement du 2 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Faiveley Transport de ces rappels de taxe, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (à la charge du cédant et, plus généralement, que les documents produits relatifs au calcul du prix de cession des titres " Faiveley Plasturgie " ne permettent pas de s'assurer que les dépenses exposées auprès de la banque Rothschild et Cie n'ont pas été incorporées dans le prix de cession des titres) " ; qu'il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière des paragraphes 1, 2, 3 et 5 de l'article 17 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, que l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit ; que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction ; qu'en l'absence d'un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services en amont, lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti ;

3. Considérant que, lorsqu'une société holding, qui se livre à une activité économique à raison de laquelle elle est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, envisage de céder tout ou partie des titres de la participation qu'elle détient dans une filiale et expose, à cette fin, des dépenses en vue de préparer cette cession, elle est en droit, sous réserve de produire des pièces justificatives, de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses, qui sont réputées faire partie de ses frais généraux et se rattacher aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant de cette activité économique ; qu'il en va ainsi lorsque l'opération de cession des titres ne se réalise pas ; que, lorsque cette cession est intervenue, que cette opération soit en dehors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans le champ, mais exonérée, l'administration est toutefois fondée à remettre en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé de telles dépenses quand, compte tenu des éléments portés à sa connaissance et au vu des pièces qu'il appartient le cas échéant à la société qui les détient de produire, elle établit que cette opération a revêtu un caractère patrimonial dès lors que le produit de cette cession a été distribué, quelles que soient les modalités de cette distribution, ou que, en l'absence d'éléments contraires produits par la société, ces dépenses ont été incorporées dans le prix de cession des titres ;

4. Considérant que si la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses inhérentes à la transaction elle-même n'est en principe pas déductible dès lors qu'elles présentent un lien direct et immédiat avec l'opération de cession des titres, cette société est néanmoins en droit de déduire cette taxe si, compte tenu de la nature des titres cédés ou par tous éléments probants tels que sa comptabilité analytique, elle établit que ces dépenses n'ont pas été incorporées dans le prix de cession et que, par suite, elles doivent être regardées comme faisant partie de ses frais généraux, se rattachant ainsi aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques qu'elle exerce comme assujettie ; que les mêmes règles s'appliquent dans le cas où les dépenses ont été payées à un même intermédiaire, chargé à la fois de préparer cette cession et de réaliser la transaction, dès lors que ces deux catégories de prestations n'ont pas donné lieu à une rémunération distincte et qu'elles doivent alors être regardées comme un tout indissociable se rattachant à la transaction ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'incorporation des dépenses engagées par une société holding mixte dans le prix de cession des titres de la participation qu'elle détient dans une filiale, qu'il s'agisse de dépenses engagées en vue de préparer cette cession ou de dépenses inhérentes à la transaction elle-même, fait obstacle à ce que ces dépenses puissent être regardées comme des frais généraux autorisant l'assujettie à déduire la taxe qui les a grevées ;

6. Considérant que le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES soutient que la " commission forfaitaire " facturée le 21 mars 2006 par la banque Rothschild et Cie à la société Faiveley Transport conformément à un mandat signé entre eux le 18 février 2005, présente le caractère de frais inhérents à la cession de la participation détenue dans l'entreprise Faiveley Plasturgie, dont la taxe sur la valeur ajoutée l'ayant grevée n'est pas déductible dès lors que son versement entretient un lien direct et immédiat avec l'opération de cession elle-même ; qu'il résulte cependant de l'instruction, notamment du mandat du 18 février 2005, versé au dossier par la société défenderesse, que cette commission a été réglée au banquier conseil en contrepartie de l'élaboration d'un rapport de valorisation, en fonction de la méthode dite " DCF ", de la société cédée à deux autres entités du groupe, les sociétés Financière Faiveley et François Faiveley Participations ; que cette transaction, interne au groupe, n'a pas nécessité l'exposition de frais de courtage ou d'intermédiation en vue de rechercher un acquéreur extérieur au groupe Faiveley, mais seulement l'engagement d'honoraires d'étude, d'ailleurs facturés avant l'opération de cession, visant à fixer, par actualisation des flux futurs de trésorerie, la valeur de l'entreprise à céder, méthode dont le vérificateur a estimé dans la proposition de rectification du 15 juillet 2008 qu'elle était suffisamment précise et rigoureuse pour permettre d'apprécier la déductibilité tant dans son principe, que dans son montant, de la provision pour dépréciation des titres " Faiveley Plasturgie " ; que, dans ces conditions, cette commission réglée à la banque Rothschild et Cie, bien que forfaitaire, ne saurait être regardée comme une dépense inhérente à l'opération de cession elle-même à laquelle elle se rattacherait indissociablement ; qu'ainsi, la société défenderesse est fondée à soutenir que les honoraires facturés par la banque présentaient le caractère de frais préparatoires à la cession de la société Faiveley Plasturgie, ouvrant droit en principe, s'agissant de frais généraux, à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée litigieuse ;

7. Considérant, toutefois, que le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES soutient que les extraits du contrat de cession communiqués par la société défenderesse ne prévoient pas expressément que les frais préparatoires à la cession demeurent à la charge du cédant et, plus généralement, que les documents produits relatifs au calcul du prix de cession des titres " Faiveley Plasturgie " ne permettent pas de s'assurer que les dépenses exposées auprès de la banque Rothschild et Cie n'ont pas été incorporées dans le prix de cession des titres;

8. Considérant que, pour combattre cette allégation de l'administration fiscale, la société Faiveley Transport fait valoir, sans être contestée sur ce point, qu'en sa qualité de holding animatrice, elle fournit à ses filiales des prestations de service et d'assistance comptable, administrative, technique et financière assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par ailleurs, et ainsi que le reconnaît l'administration en première instance, la cession du " pôle plasturgie " intervient dans un contexte de dégradation de la rentabilité de la société Faiveley Plasturgie et de recentrage de l'activité de l'entreprise, motivé par ses actionnaires minoritaires, autour du pôle d'activité ferroviaire, lequel n'entretenait aucune synergie avec la société cédée ; qu'il suit de là que la société Faiveley Transport est en droit, sous réserve de produire les pièces justificatives, de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses réputées intégrées à ses frais généraux et rattachables par suite aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant de son activité économique assujettie ; qu'en ce qui concerne les pièces justificatives produites dont la valeur probante est critiquée, l'extrait du contrat de cession, de son annexe III et du document relatif à l'ajustement du prix final de vente, ce que corrobore le contrat de cession produit dans son intégralité en appel, établissent indubitablement, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES, que le prix de cession de la participation a été calculé par différence entre la valeur de l'entreprise Faiveley Plasturgie - déterminée par la banque Rothschild et Cie en fonction de la méthode (dite " DCF ") d'actualisation des flux de revenus futurs, non utilement critiquée par l'administration fiscale - à la somme de 18 200 000 euros (correspondant à 4.2 fois les bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) et sa dette nette, d'un montant de 8 080 119 euros, égale à la dette prévisionnelle diminuée de 19 881 euros afin de correspondre à la dette réelle auditée au 31 mars 2006, différence elle-même augmentée du besoin en fond de roulement arrêté à la même date, de 17 219 000 euros, correspondant au besoin en fond de roulement normatif ajusté à la baisse pour une somme de 1 483 159 euros ; que, dans la mesure où le détail de ces calculs apparaît distinctement dans les documents communiqués, qu'aucun des déterminants ayant servi à la fixation du prix de cession des titres " Faiveley Plasturgie " n'incorpore les frais préparatoires à la transaction et où, enfin, le ministre n'allègue, ni a fortiori ne soutient, alors qu'un tel fait ne résulte pas davantage de l'instruction, que le produit de la cession de la participation litigieuse - d'ailleurs à l'origine d'une moins-value nette - a été distribué, l'administration ne pouvait, compte tenu de l'ensemble des éléments ainsi portés à sa connaissance, remettre en cause le droit de la société Faiveley Transport de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la commission payée à son banquier conseil en vue de préparer la cession du " pôle plasturgie " à deux autres sociétés du groupe Faiveley ;

9. Considérant, par suite, que le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des rappels de taxe en litige et des pénalités correspondantes ;

Sur les conclusions incidentes de la société Faiveley Transport tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Faiveley Transport, qui l'emporte à l'instance, d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Faiveley Transport la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 11VE02833 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00951
Date de la décision : 11/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions.


Composition du Tribunal
Président : M. BERGERET
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : SELARL PATRIAT et ASSOCIES*

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-10-11;15ve00951 ?
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