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16/03/2017 | FRANCE | N°16VE01457

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 16 mars 2017, 16VE01457


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujettie au titre de l'année 2012 à raison du refus de l'administration d'admettre en déduction de ses revenus de source française une pension alimentaire versée à son épouse à concurrence d'une somme de 40 000 euros.

Par un jugement n° 1408357 du 13 janvier 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :>
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 13 mai 2016 et les 12 janvier et 25 janvier...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujettie au titre de l'année 2012 à raison du refus de l'administration d'admettre en déduction de ses revenus de source française une pension alimentaire versée à son épouse à concurrence d'une somme de 40 000 euros.

Par un jugement n° 1408357 du 13 janvier 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 13 mai 2016 et les 12 janvier et 25 janvier 2017, M.A..., représenté par Me Jodeau, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la réduction d'impôt sollicitée ;

3° de mettre à la charge de l'État une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le statut de non résident " Schumacher " tel qu'issu de l'arrêt du même nom de la Cour de justice des Communautés européennes est applicable à un résident suisse en vertu de l'accord de Luxembourg signé le 21 juin 1999 entre la Suisse et les Etats membres de l'Union européenne ainsi que l'a d'ailleurs reconnu le tribunal administratif ; en l'espèce, sa situation aurait dû être assimilée à celle d'un résident français dès lors qu'il perçoit en France 78 % de ses revenus salariaux ;

- c'est à tort, en revanche, que, pour lui refuser le bénéfice de la déduction de la pension alimentaire versée à ses enfants, ce même tribunal a estimé qu'il n'établissait pas n'avoir pu déduire une telle pension au titre de l'impôt sur le revenu dont il était redevable en Suisse ;

- il produit, à l'appui de sa requête, les décisions de répartition inter-cantonale et internationale des éléments imposables d'où il résulte que la pension alimentaire dont s'agit a été répartie en fonction des revenus nets de chaque for, ainsi que le confirme un courrier de l'office des impôts du district de Nyon en date du 1er mars 2016 ; au titre de l'année en litige, la pension alimentaire n'a été prise en compte dans ses revenus suisses qu'à hauteur de 8 692 francs suisses.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Traité instituant la Communauté européenne ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention entre la République française et la Confédération suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 9 septembre 1966 ;

- l'accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, fait à Luxembourg le

21 juin 1999 ;

- l'arrêt C-279/93 du 14 février 1995 de la Cour de justice des Communautés européennes ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Locatelli,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.A..., ressortissant et résident suisse, qui exerce en France la profession salariée de pilote de ligne auprès de la société Air France a déclaré, au titre de l'année 2012, la perception de ses revenus salariaux de source française ainsi que la prise en compte de la pension alimentaire, pour un montant de 40 000 euros, qu'il verse à son épouse en vertu d'une décision de justice ; que, toutefois, l'administration, en ayant refusé la déduction, lui a notifié en conséquence une cotisation d'impôt sur le revenu d'une somme de 17 781 euros ; qu'elle s'est fondée à cet égard sur le motif que la prise en compte d'une telle pension est réservée aux contribuables qui ont leur domicile fiscal en France ; qu'ayant soutenu, mais en vain, tant devant l'administration que devant le Tribunal administratif de Montreuil, que l'interprétation retenue par le service des impôts est contraire au principe de libre circulation des travailleurs garanti à l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), tel qu'interprété par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt C-279/93 du 14 février 1995 dont, selon lui, il remplit les conditions et qui est applicable à un résident suisse en vertu de l'accord sur la libre circulation des personnes signé à Luxembourg le 21 juin 1999 entre, d'une part, la Communauté européenne et ses Etats membres et, d'autre part, la Confédération suisse, M. A...relève appel du jugement du 13 janvier 2016 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujettie au titre de l'année 2012 ;

Sur le bien-fondé de l'imposition au regard de la législation française et de la convention fiscale conclue entre la France et la Suisse en date du 9 septembre 1966 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française " ; qu'aux termes de l'article 164 A du même code : " Les revenus de source française des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France sont déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les personnes qui ont leur domicile fiscal en France. Toutefois, aucune des charges déductibles du revenu global en application du présent code ne peut être déduite " ; que, selon l'article 156 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...), sous déduction (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) 2° (...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211 et 367 du Code civil (...) ; (...) les pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice (...) / (...) Le contribuable ne peut opérer aucune déduction pour ses descendants mineurs lorsqu'ils sont pris en compte pour la détermination de son quotient familial (...) " ; que ces dernières dispositions, rapprochées de celles précitées de l'article 4 A du code général des impôts, doivent être interprétées comme ayant pour objet de réserver la déduction des pensions alimentaires qu'elles prévoient aux personnes qui sont imposables en France sur l'ensemble de leurs revenus en raison d'un critère de résidence ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : (...) b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire " ; qu'aux termes de l'article 4 de la convention en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse : " 1.(...) l'expression "résident d'un Etat contractant" désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. / 2. (...) une personne physique est considérée (...) a) (...) comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent (...) " ; que, selon l'article 17 de cette convention : " (...) les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre Etat contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat (...) " ; qu'il n'est pas contesté que, en 2012, M. A...n'était passible de l'impôt sur le revenu en France qu'à raison de ses seuls revenus salariaux de source française tandis qu'il était imposable en Suisse, où il résidait, sur l'ensemble de ses revenus ; que, par suite, il ne pouvait bénéficier de la déduction des charges et pensions alimentaires prévues par application des dispositions combinées des articles 164 A et 156 précités du code général des impôts ;

Sur le bien-fondé de l'imposition au regard du droit de l'Union européenne et de l'accord signé à Luxembourg le 21 juin 1999 entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part :

4. Considérant que M. A...soutient qu'en vertu du droit d'accès à une activité économique salariée garanti par l'accord de Luxembourg du 21 juin 1999 et du principe de libre circulation des travailleurs protégé à l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, il aurait dû, pour l'imposition de ses revenus en France, dont il perçoit l'essentiel de ses ressources, être autorisé à déduire la pension alimentaire qu'il verse en Suisse à ses enfants, dès lors qu'au vu de l'arrêt C-279/93 du 14 février 1995 rendu par la Cour de justice de l'Union européenne, sa situation fiscale était assimilable à celle d'un résident français admis à déduire une pension alimentaire de même nature ;

En ce qui concerne les principes applicables :

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union. 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. / 3. Elle comporte le droit [notamment] : c) de séjourner dans un des États membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux (...) " ;

6. Considérant que, par l'arrêt du 14 février 1995, rendu dans l'affaire C-279/93, dit " jurisprudence Schumacher ", concernant un résident belge percevant l'essentiel de ses revenus en Allemagne, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé, aux points 33 à 37, que si, en principe, l'article 48 du traité de Rome - repris à l'article 39 du Traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne - ne s'oppose pas à l'application d'une réglementation d'un Etat membre qui impose le non-résident occupant un emploi salarié dans cet Etat plus lourdement sur ses revenus que le résident occupant le même emploi - ces deux catégories de contribuables ne se trouvant pas, en règle générale, dans une situation comparable - il en va toutefois différemment dans le cas particulier où le non-résident ne perçoit pas de revenu significatif dans l'Etat de sa résidence et tire l'essentiel de ses ressources imposables d'une activité exercée dans l'Etat d'emploi, de sorte que l'Etat de résidence n'est pas en mesure de lui accorder les avantages résultant de la prise en compte de sa situation personnelle et familiale ; que, dans cette hypothèse particulière, il n'existe, en effet, entre le non-résident et le résident exerçant une activité salariée comparable, aucune différence de situation objective de nature à fonder une différence de traitement en ce qui concerne la prise en considération, aux fins de l'imposition, de la situation personnelle et familiale du contribuable ; qu'en outre, la Cour de justice a rappelé le 18 juin 2015, dans l'affaire référencée 9/14, opposant le Staatssecretaris van Financiën à M. K., que la portée de la jurisprudence issue de l'arrêt " Schumacher " s'étend à tous les avantages fiscaux liés à la capacité contributive du non-résident qui ne sont accordés ni dans l'Etat membre de résidence, ni dans l'Etat membre d'emploi ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de la deuxième phrase du préambule de l'accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes fait à Luxembourg le 21 juin 1999, les parties contractantes sont " décidé[e]s à réaliser la libre circulation des personnes entre [elles] en s'appuyant sur les dispositions en application dans la Communauté européenne " ; que son article 1er rappelle que : " L'objectif de cet accord, en faveur des ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne et de la Suisse, est : / a) d'accorder un droit d'entrée, de séjour, d'accès à une activité économique salariée, d'établissement en tant qu'indépendant et le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes (...) " ; que l'article 4 de cet accord stipule que : " Le droit de séjour et d'accès à une activité économique est garanti sous réserve des dispositions de l'article 10 et conformément aux dispositions de l'annexe I " ; qu'aux termes de son article 7 : " Les parties contractantes règlent, conformément à l'annexe I, notamment les droits mentionnés ci-dessous liés à la libre circulation des personnes : le droit à l'égalité de traitement avec les nationaux en ce qui concerne l'accès à une activité économique et son exercice ainsi que les conditions de vie, d'emploi et de travail (...) " ; que, selon les articles 6 et 9 de l'annexe I à cet accord : " le travailleur salarié ressortissant d'une partie contractante qui occupe un emploi d'une durée égale ou supérieure à un an au service d'un employeur de l'Etat d'accueil reçoit un titre de séjour d'une durée de cinq ans au moins " et " ne peut, sur le territoire de l'autre partie contractante, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux salariés en ce qui concerne les conditions d'emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s'il est tombé au chômage " ; qu'enfin, l'article 16 de l'accord, intitulé " référence au droit communautaire ", stipule que : " 1. Pour atteindre les objectifs visés par le présent accord, les parties contractantes prendront toutes les mesures nécessaires pour que les droits et obligations équivalant à ceux contenus dans les actes juridiques de la Communauté européenne auxquels il est fait référence trouvent application dans leurs relations. / 2. Dans la mesure où l'application du présent accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes antérieure à la date de sa signature. La jurisprudence postérieure à la date de la signature du présent accord sera communiquée à la Suisse. En vue d'assurer le bon fonctionnement de l'accord, à la demande d'une partie contractante, le comité mixte déterminera les implications de cette jurisprudence " ;

8. Considérant qu'il résulte de la combinaison des stipulations précitées de l'accord du 21 juin 1999, de son annexe I et de l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tel qu'interprété par la Cour de justice dans l'arrêt C-279/93 - au surplus rendu antérieurement à la signature de l'accord - que les ressortissants d'un Etat contractant bénéficient sur le territoire de l'Etat partie où ils exercent une activité professionnelle salariée des mêmes avantages fiscaux et sociaux que les nationaux exerçant, dans cet Etat, une activité salariée lorsqu'ils ne perçoivent pas de revenus significatifs dans leur Etat de résidence, de sorte que ce dernier Etat n'est pas en mesure de leur accorder les avantages résultant de la prise en compte de leur situation personnelle et familiale ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a déclaré aux autorités fiscales suisse du district de Nyon avoir perçu, au titre de l'année 2012, un revenu brut global de 119 790 francs suisses (CHF), dont 90 830 CHF provenaient de son activité salariée exercée auprès de la société Air France ; que, net de frais professionnels - tels que déclarés et acceptés par les autorités fiscales de district dans leur décision de répartition en date du 27 janvier 2014 - ce revenu global s'élevait à la somme de 93 130 CHF, dont 72 890 CHF étaient de source française ; que les revenus salariaux français de M. A...représentaient, en conséquence, 76 % de son revenu brut global et 78 % de son revenu net total au titre de cette année ; que M. A... doit ainsi être regardé comme n'ayant pas perçu de revenus significatifs dans son Etat de résidence mais comme ayant tiré l'essentiel de ses ressources imposables d'une activité salariée exercée en France ; que, par suite, il est fondé à soutenir que, dès lors que la Suisse n'était pas en mesure de lui accorder pleinement les avantages résultant de la prise en compte de sa situation personnelle et familiale eu égard à sa trop faible capacité contributive dans cet Etat, sa situation aurait dû être assimilée, par les autorités fiscales françaises, à celle d'un résident pour laquelle la pension alimentaire dont s'agit est déductible des revenus salariaux imposables à l'impôt sur le revenu par application de l'article 156 du code général des impôts et que c'est, dès lors, à tort, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté l'intégralité de sa demande ;

En ce qui concerne le quantum de pension alimentaire déductible :

10. Considérant que le respect du principe de libre circulation des travailleurs, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, n'implique pas que la France doive, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assurer la déduction de la charge fiscale qu'un non résident - fut-il assimilable, par sa situation, à un résident - supporte du fait de la décision de son Etat de résidence d'exercer sa compétence fiscale ; qu'ainsi, le désavantage pouvant résulter, pour ce contribuable, de l'exercice parallèle des compétences fiscales de la France et de son Etat de résidence ne constitue pas, dès lors que cet exercice ne revêt pas un caractère discriminatoire, une restriction à la liberté de circulation des travailleurs prohibée par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'accord du 21 juin 1999 ; qu'il ne peut en aller différemment que lorsque l'impossibilité de déduire une charge fiscale, telle que celle en cause au principal, du revenu imposable en France, résulte, non pas du caractère restrictif de la législation fiscale de l'Etat de résidence, mais de la seule impossibilité, pour ce dernier Etat, de prendre normalement en compte les avantages résultant de la situation personnelle et familiale du contribuable, du fait de l'insuffisance de sa capacité contributive, notamment de ses revenus imposables ;

11. Considérant que, dans l'hypothèse où un contribuable résident, au sens des articles

4 A et 4 B du code général des impôts, aurait été titulaire de revenus nets salariaux, après abattement de 10 % ou, comme en l'espèce, après déduction des frais professionnels réels - non sérieusement remis en cause par l'administration - d'un montant égal à ceux que M. A...a tirés en 2012 de son Etat de résidence, soit la somme de 20 240 CHF, il lui aurait été possible de déduire, sans plafonnement, la pension alimentaire en cause dans la limite du montant de ses revenus nets salariaux imposables au titre de l'année de déduction ; que la circonstance que, du fait du caractère plus restrictif sur ce point de la législation suisse par rapport à la législation française, les autorités fiscales suisses n'ont admis la déduction de cette pension alimentaire qu'à hauteur d'une somme de 8 692 CHF, inférieure au montant des revenus nets salariaux de source suisse dont M. A...était titulaire, est sans incidence, à cet égard, sur l'obligation fiscale de la France de n'admettre en déduction que la quote-part de cet avantage qui n'a pu être déduite des revenus taxés dans l'Etat de résidence exclusivement en raison d'une insuffisance de base salariale imposable du contribuable dans cet Etat, indépendamment du caractère restrictif de la législation fiscale de l'Etat de résidence ; que, dans ces conditions, M. A...est seulement fondé à obtenir la déduction de cette pension de ses revenus nets salariaux, déclarés pour

67 823 euros, à concurrence de la différence entre, d'une part, le montant de cette pension, égal à 42 000 CHF, et celui, de 20 240 CHF, qu'il aurait été autorisé à déduire dans son Etat de résidence compte tenu des revenus qui y ont leur source si la législation fiscale de cet Etat avait été identique à la législation fiscale française, soit la somme, d'au plus, 21 760 CHF, représentant, à raison d'un taux de change CHF/Euro non contesté de 1,20, la somme de

18 133 euros ; que la circonstance que son ancienne épouse n'aurait pas déclaré cette pension alimentaire, ce qui n'est d'ailleurs pas établi, est sans incidence sur le droit de M. A...de déduire de ses revenus de source française cette quote-part de pension alimentaire ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'État le versement à M. A...d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La base d'imposition de M. A...au titre de l'année 2012 est réduite de la somme de 18 133 euros, correspondant à la quote-part de pension alimentaire déductible des revenus de source française.

Article 2 : Il est accordé à M. A...la décharge de la différence entre le montant de l'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 2012 et celui qui résulte de l'application de l'article précédent.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil, en date du 16 janvier 2016, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à M. A...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratif.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

N° 16VE01457 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01457
Date de la décision : 16/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-01-05 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Conventions internationales.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : SELARL MARCONNET-JODEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-03-16;16ve01457 ?
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