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08/06/2017 | FRANCE | N°15VE04000

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 08 juin 2017, 15VE04000


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser la somme de 250 000 euros en réparation de l'ensemble des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de diverses fautes commises par l'Etat à son égard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1202410 du 3 mai 2012, le président du Tribunal administratif de Versailles a transmis la demande de

Mme B...au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Par un jugement n° 1203...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser la somme de 250 000 euros en réparation de l'ensemble des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de diverses fautes commises par l'Etat à son égard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1202410 du 3 mai 2012, le président du Tribunal administratif de Versailles a transmis la demande de Mme B...au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Par un jugement n° 1203864 du 26 octobre 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Etat à verser à Mme B...la somme de 11 000 euros, a mis à sa charge la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la somme de 35 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés respectivement les 24 décembre 2015 et 1er septembre 2016, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande formée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est entaché d'un manque de motivation en ses points 9 et 14 ;

- Mme B...n'a pas été victime de harcèlement moral ; qu'elle n'a pas apporté le moindre élément de preuve à l'appui de ses allégations susceptible de faire présumer un harcèlement moral ;

- Mme B...est responsable de l'échec de sa reconversion et par suite de son absence d'affectation à compter du 4 janvier 2011 ;

- elle n'a assorti sa demande d'aucune justification de nature à établir la réalité et l'étendue des préjudices dont elle allègue.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 2007-1845 du 26 décembre 2007 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret du 28 juin 2012 ;

- le décret n° 2014-133 du 17 février 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Le Gars,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour MmeB....

1. Considérant que, par un recours administratif préalable en date du 12 décembre 2011, MmeB..., professeur certifié d'allemand titularisé en 1976, a demandé au recteur de l'académie de Versailles de lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis à raison de faits de harcèlements moral et d'agissements fautifs de l'administration ; que, par une décision du 1er avril 2012, le recteur de l'académie de Versailles a rejeté cette demande ; que Mme B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler cette décision et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 250 000 euros en réparation des préjudices subis ; que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE relève appel du jugement en date du 26 octobre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Etat à verser à Mme B...la somme de 11 000 euros en réparation des préjudices subis par celle-ci ; que, par la voie de l'appel incident, Mme B...demande à la Cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a limité la condamnation prononcée à l'encontre de l'Etat à la somme de 11 000 euros et de porter le montant de la condamnation à la somme de 250 000 euros ;

Sur la fin de non-recevoir opposée au recours :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 810-10 du code de justice administrative : " Devant la cour administrative d'appel, l'Etat est dispensé de ministère d'avocat soit en demande, soit en défense, soit en intervention. Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'Etat ; (...)" ; qu'aux termes de l'article 5 du décret susvisé du 17 février 2014 fixant l'organisation de l'administration centrale des ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche : " La direction des affaires juridiques exerce une fonction de conseil, d'expertise et d'assistance auprès de l'administration centrale, des services déconcentrés et des établissements. (...) Elle représente les ministres devant les juridictions dans les instances ne relevant pas du contentieux des pensions ou de la compétence des services déconcentrés " ; que selon l'article D. 222-35 du code de l'éducation : " Les recteurs ont compétence pour présenter les mémoires en défense aux recours introduits à l'occasion des litiges relatifs aux décisions prises, dans le cadre des pouvoirs que leur confèrent les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, soit par eux-mêmes, soit par les personnels placés sous leur autorité, dans l'exercice des missions relatives au contenu et à l'organisation de l'action éducatrice ainsi qu'à la gestion des personnels et des établissements qui y concourent. (...) " ; qu'enfin, par le décret susvisé du 28 juin 2012, Mme E...C...a été nommée directrice des affaires juridiques du ministère de l'éducation nationale et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

3. Considérant, d'une part, que l'article D. 222-35 précité du code de l'éducation limite la compétence du recteur pour représenter l'Etat dans les litiges relatifs aux décisions de gestion de personnes affectées dans son académie à la seule production en défense ; d'autre part, qu'en application de l'article R. 810-10 précité du code de justice administrative, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE était, en l'absence de dispositions contraires, compétent pour présenter le recours devant la Cour ; qu'enfin, le directeur des affaires juridiques du ministère a compétence pour représenter en justice le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE, en application des dispositions précitées de l'article 5 du décret du 17 février 2014 ; qu'il suit de là que Mme E...C..., directrice des affaires juridiques du ministère de l'éducation nationale et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, avait qualité pour signer le recours ; que, par suite, les moyens tirés de l'incompétence du MINISTRE et du signataire de ce recours doivent être écartés ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué, d'une part, que le tribunal administratif a indiqué, de manière suffisamment motivée, au point 9 de ce jugement, les raisons pour lesquelles il a estimé que l'Etat avait commis des fautes, de nature à engager sa responsabilité, dans la gestion de la carrière de Mme B...à savoir l'absence de diligence de son interlocutrice au rectorat, ce qui l'avait privée de la possibilité de suivre des modules de formation réservés aux documentalistes, le fait qu'elle soit restée sans affectation à compter du 4 janvier 2011 et, enfin, un retrait de salaire pour absence de service fait à la suite d'une mise en demeure de rejoindre son poste restée sans effet alors que, reconnue temporairement inapte, elle devait se voir placer en congé de longue durée à mi-traitement ; que, d'autre part, il a, au point 14 dudit jugement, apprécié le montant du préjudice d'atteinte à la réputation professionnelle de MmeB..., qui ne se confond pas avec une perte de rémunération mensuelle, en relevant de manière suffisamment motivée que l'intéressée avait été privée d'affectation sur la période allant du 4 janvier au 1er septembre 2011 et en fixant ce préjudice à la somme de 1 000 euros ; que, par suite, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé et qu'il est, pour ce motif, irrégulier ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

En ce qui concerne le harcèlement moral :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public " ;

6. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que pour être qualifiés de harcèlement moral, les agissements en cause doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;

7. Considérant, en premier lieu, que Mme B...fait valoir qu'au cours de l'année scolaire 2004-2005, le chef d'établissement du collège Jean Vilar situé à Herblay, où elle enseignait en qualité de professeur titulaire depuis septembre 1996, l'a harcelée moralement ; qu'à ce titre, elle soutient avoir été victime d'agissements répétés de son supérieur hiérarchique tels que la remise en cause de ses capacités professionnelles sanctionnée par une mauvaise évaluation professionnelle, les plaisanteries grivoises et propos à connotation sexuelle tenus en public, un comportement autoritaire et manipulateur et des demandes de retraits sur salaires ; que, toutefois, les agissements imputés au chef d'établissement du collège Jean Vilar ne sont nullement établis par une quelconque pièce du dossier et ne sauraient être tenus pour acquis au vu des seuls courriers rédigés par MmeB..., non plus que des énonciations des certificats médicaux qu'elle a produits et qui ne font que retranscrire ses propos ; que la seule circonstance que ces certificats attestent d'un état dépressif lié aux conditions de travail, lien qui peut être tenu pour établi, et que Mme B...a fait l'objet d'un placement à titre provisoire en zone de remplacement par décision du recteur en février 2005 ne permet pas de faire présumer l'existence de faits ou d'agissements fautifs ; qu'il résulte de ce qui précède que les seuls éléments avancés par l'intéressée ne permettent pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral au cours de l'année 2004-2005 de la part de son supérieur hiérarchique ; qu'il suit de là que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que Mme B...avait été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral et a condamné l'Etat à lui verser une indemnité à ce titre ;

8. Considérant, en second lieu, qu'à l'appui de son appel incident, Mme B...soutient que, lors de son affectation à titre provisoire au lycée professionnel Château d'Epluches de Saint-Ouen-l'Aumône sur un poste adapté de courte durée (PACD) au sein du centre de documentation et d'information, à compter du 1er septembre 2010, elle aurait subi des faits de harcèlement moral et fait valoir à cet effet que le centre de documentation et d'information ne disposait pas d'outils de gestion documentaire et ne disposait que de peu d'ordinateurs en état de fonctionnement, que le documentaliste titulaire, opposé à son intégration, s'est montré hostile envers elle au point de l'insulter et ne lui a confié aucune tâche à effectuer, et que ni le proviseur ni ses interlocuteurs au rectorat ne seraient intervenus de façon adéquate ; que, toutefois, ces seuls éléments de fait ne sont pas susceptibles, en l'absence d'agissement répétés, de faire présumer que Mme B...aurait été victime de harcèlement moral comme elle le soutient ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier qu'au cours d'entretiens tenus les 13 et 28 septembre 2010, le proviseur du lycée précité a demandé à cette dernière, à partir du constat du fonctionnement du centre de documentation et d'information, de proposer des projets ou des actions, de les mener en toute autonomie, de s'imposer clairement comme documentaliste à part entière, de composer avec ses collaborateurs et de s'impliquer dans la lutte contre l'illettrisme ; que Mme B...n'a formulé aucune proposition d'action, ni ne s'est impliquée dans la lutte contre l'illettrisme menée par l'établissement ; qu'ainsi, les éléments permettant de faire présumer l'existence de faits de harcèlement moral imputables à l'administration ne sont pas réunis ; que la responsabilité de l'Etat ne peut, par suite, être engagée à ce titre ;

En ce qui concerne les manquements dans la gestion de la carrière de MmeB... :

9. Considérant, en premier lieu, qu'à l'appui de son appel incident, Mme B...soutient que ses demandes de mutation formulées au courant de l'année scolaire 2004-2005 ont été abusivement refusées par l'administration ; qu'il résulte toutefois de l'instruction qu'une fois alertée de la situation conflictuelle qu'entretenait Mme B...avec son supérieur hiérarchique, les services du rectorat ont rapidement proposé à MmeB..., à sa satisfaction, un placement à titre provisoire sur zone de remplacement à compter du mois de février 2005 jusqu'à la fin de l'année scolaire ; que, si Mme B...a par la suite demandé une mutation intra-académique pour priorité médicale, elle y a renoncé au profit d'une disponibilité pour convenances personnelles ; qu'elle n'établit donc pas que ses demandes de mutation formulées au courant de l'année scolaire 2004-2005 auraient été abusivement refusées par l'administration ;

10. Considérant, en second lieu, que Mme B...soutient que les demandes de reconversion professionnelle qu'elle a formulées dès 2005 n'ont abouti qu'en septembre 2008 et que ses différents interlocuteurs ne lui ont pas convenablement porté conseil ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que ses candidatures à un poste de réadaptation puis à un poste adapté ont été respectivement rejetées le 28 février 2006 et le 12 juillet 2007 du fait d'un nombre insuffisant de postes et qu'à cette occasion, elle a été informée qu'elle était placée sur liste complémentaire ; que, dès le 24 octobre 2007, Mme B...a été autorisée à exercer une activité à temps partiel thérapeutique au centre de documentation et d'information du lycée Fragonard à L'Isle-Adam ; que sa demande d'affectation sur un PACD aux fins d'une reconversion en qualité de professeur documentaliste, formée le 12 novembre 2007, a été acceptée à compter du 1er septembre 2008 pour une durée d'un an, renouvelable dans la limite de trois ans ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'existence de faits de harcèlement moral au lycée du Château d'Epluches de Saint-Ouen-l'Aumône où Mme B...a occupé un PACD à compter du 1er septembre 2010, n'est pas établie ; que, par la suite, Mme B...a été accueillie au sein du service de documentation et d'information du lycée Van Gogh d'Ermont du 6 décembre 2010 au 3 janvier 2011 ; que, si elle soutient que le proviseur de cet établissement a mis fin à son affectation à l'essai de manière abusive, il ne résulte pas du rapport daté du 3 janvier 2011 relatif à sa manière de servir qu'elle n'aurait pu y poursuivre sa formation pour des motifs étrangers aux nécessités du service ; que, dans ces conditions, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que l'Etat a commis, à raison de ces faits, des fautes dans la gestion de sa carrière de nature à engager sa responsabilité ;

11. Considérant, en revanche, qu'ainsi que le tribunal administratif l'a retenu, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE, que MmeB..., alors affectée sur un PACD au lycée Fragonard à L'Isle-d'Adam, n'a pas pu suivre des modules de formation réservés aux documentalistes, faute pour son interlocutrice au rectorat d'avoir accompli les diligences annoncées dans un mail de janvier 2010 ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que Mme B...est restée sans affectation à compter du 4 janvier 2011 ; que, par ailleurs, alors que sa reprise de fonctions en qualité de professeur d'allemand à la rentrée 2011 était conditionnée par l'avis du comité médical départemental compétent quant à son aptitude, Mme B...a été mise en demeure le 10 octobre 2011 de rejoindre son poste au sein du collège La Bussie de Vauréal et, ne s'étant pas présentée depuis la rentrée, a été informée, le 6 décembre 2011, d'un retrait sur salaire pour absence de service fait ; que le comité médical départemental ayant émis un avis défavorable le 7 février 2012, l'intéressée étant estimée temporairement inapte, et ayant préconisé le renouvellement de son congé de longue durée à demi-traitement pour la période du 1er septembre 2011 au 31 août 2012, le recteur de l'académie de Versailles a, par arrêté du 15 février 2012, placé Mme B...en congé de longue durée du 1er septembre 2011 au 29 février 2012, congé renouvelé pour la période du 1er mars au 31 août 2012 ; que, dans ces conditions, 1'Etat a commis, dans la gestion de la carrière de MmeB..., des fautes de nature à engager sa responsabilité à l'égard de l'intéressée ;

En ce qui concerne la rechute de MmeB... :

12. Considérant que, si le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE soutient que la rechute dont Mme B...a été victime au mois d'octobre 2010 n'est pas liée à ses conditions de travail, il résulte toutefois, d'une part, des certificats médicaux datant de 2004 à 2007 que le syndrome anxio-dépressif dont elle est atteinte, qui a conduit son placement en congé de longue maladie puis en congé de longue durée du 1er septembre 2005 au 11 janvier 2009, résulte de ses conditions de travail au cours de l'année 2004-2005, et, d'autre part, des certificats médicaux, concordants, datant de 2010 et 2011 que la rechute du mois d'octobre 2010 est bien liée aux conditions de travail de MmeB... ; que, si le rapport relatif à la situation médicale de l'intéressée réalisé par le médecin conseiller technique du rectorat le 15 juillet 2014 émet un doute sérieux sur ce point et rapporte que l'état de santé de cette dernière serait lié à sa personnalité " hypersensitive " préexistante et non à son environnement de travail, il ressort des nombreux certificats et comptes-rendus d'examen médicaux versés au dossier que Mme B...ne présentait pas des antécédents dépressifs et, en tout état de cause, que ses conditions de travail n'étaient pas étrangères à son état de santé ; que, par suite, le MINISTRE n'est pas fondé à soutenir que la nouvelle dégradation de l'état de santé de Mme B...n'est pas imputable au service et que l'Etat n'a pas commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne le préjudice relatif aux dépenses de santé :

13. Considérant que, si Mme B...sollicite la réparation à hauteur de 50 000 euros d'un préjudice relatif à des dépenses de santé, elle n'en justifie toujours pas en appel en se bornant à alléguer qu'elle a dû consulter de nombreux professionnels de santé et qu'elle n'a pas été remboursée des séances de " shiatsu " contrairement aux indications données par la médecine de prévention ; que, par suite, les conclusions tendant à la réparation d'un préjudice relatif à des dépenses de santé doivent être rejetées ;

En ce qui concerne le préjudice financier et professionnel :

14. Considérant, en premier lieu, que Mme B...demande réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait d'avoir été privée de fonctions effectives depuis le 1er septembre 2010 et de poste depuis le 1er septembre 2011, d'avoir été maintenue au 10ème échelon depuis le mois de juin 2008 et d'avoir perdu le bénéfice des primes liées à 1'exercice effectif de ses fonctions ; que, toutefois, d'une part, Mme B...ne donne aucune précision quant aux primes qu'elle aurait perdues pendant ses congés maladie, leur perception étant au demeurant liée à l'exercice effectif des fonctions ; que, d'autre part, par ses seules allégations, elle n'établit ni avoir été maintenue illégalement au 10ème échelon depuis le mois de juin 2008, ni avoir pris du retard dans le passage des échelons ; qu'enfin, elle n'établit pas la réalité d'un préjudice financier qui résulterait de la circonstance qu'elle n'a pas reçu d'affectation entre le 4 janvier et le 1er septembre 2011 ;

15. Considérant, en second lieu, que Mme B...soutient avoir subi un préjudice estimé à 50 000 euros du fait qu'elle n'est plus rémunérée depuis le mois de janvier 2013 ; que, cependant, elle n'établit pas l'existence d'un préjudice financier qui ne serait pas réparé par les rappels de traitement qui lui sont dus en conséquence de l'annulation, par le jugement n° 1207497 du Tribunal de Cergy-Pontoise en date du 26 octobre 2015, de la décision du 9 octobre 2014 par laquelle la directrice académique des services de l'Education nationale du Val-d'Oise a rejeté sa demande du 16 juin 2012 tendant à la reconnaissance de sa pathologie comme imputable au service et des trois arrêtés du 12 janvier 2015 qui en sont la conséquence ; que, par suite, ces conclusions doivent être rejetées ;

En ce qui concerne le préjudice moral, les troubles de toute nature et le préjudice tiré de l'atteinte à la réputation professionnelle :

16. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE que Mme B...est restée sans affectation du 4 janvier 2011 au 1er septembre 2011 ; que, si le ministre soutient que Mme B...n'a pas établi la réalité du préjudice en résultant faute d'avoir précisé le montant du traitement qu'elle aurait perçu si elle avait été affectée sur un poste au cours de la période en litige et d'avoir établi qu'elle n'aurait pas été rémunérée au cours de cette période, il résulte de ce qui a été dit au point 14 qu'aucun préjudice financier n'est effectivement établi à ce titre ; que, par ailleurs, s'il n'est pas davantage établi que l'absence d'affectation de Mme B...au cours de ces huit mois ait pu porter atteinte à sa réputation professionnelle, il résulte de l'instruction qu'elle a cependant été pour elle source d'un préjudice moral ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les seules fautes imputables à l'administration correspondent à la série de manquements relevée aux points 11 et 12 ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme B...en conséquence de ces fautes en les évaluant à la somme de 6 000 euros, tous intérêts confondus à la date de l'arrêt ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE est seulement fondé à demander que le montant de la somme à laquelle l'Etat a été condamné par le jugement attaqué soit ramené à 6 000 euros, tous intérêts confondus à la date du présent arrêt, et, d'autre part, que Mme B...n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, que la condamnation de l'Etat soit portée à 250 000 euros ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Sur les dépens :

20. Considérant qu'en l'absence de dépens, les conclusions de Mme B...tendant à la condamnation de l'Etat à leur paiement ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 11 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à Mme B...par le jugement n°1203864 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 26 octobre 2015 est ramenée à 6 000 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 26 octobre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE est rejeté.

Article 4 : Les conclusions d'appel incident de Mme B...et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 15VE04000 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE04000
Date de la décision : 08/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Julien LE GARS
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : ARVIS et KOMLY-NALLIER, AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-06-08;15ve04000 ?
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