La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2017 | FRANCE | N°16VE02204

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 28 septembre 2017, 16VE02204


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

- d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la présidente de l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis sur sa demande d'autorisation de soutenance de thèse ;

- d'enjoindre à la présidente de l'université de lui proposer une date de soutenance de sa thèse, telle qu'elle devait être présentée le 2 juillet 2014 ;

- de condamner l'université à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du pr

judice moral qu'il estime avoir subi ;

- de mettre à la charge de l'université le versement de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

- d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la présidente de l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis sur sa demande d'autorisation de soutenance de thèse ;

- d'enjoindre à la présidente de l'université de lui proposer une date de soutenance de sa thèse, telle qu'elle devait être présentée le 2 juillet 2014 ;

- de condamner l'université à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi ;

- de mettre à la charge de l'université le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1508209 du 15 juillet 2015, le président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a transmis au Tribunal administratif de Montreuil, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la demande présentée par M. F....

Par un jugement n° 1506240 du 3 mai 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 13 juillet 2016 et le 7 avril 2017, M.F..., représenté par Me Winter, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision implicite de rejet ;

3° d'enjoindre à la présidente de l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis de lui proposer une date de soutenance de sa thèse, telle qu'elle devait être présentée le 2 juillet 2014 ;

4° de condamner l'université à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi ;

5° de mettre à la charge de l'université le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est dépourvue de motivation au regard des exigences des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; en outre, en application de l'article 5 de cette loi, il a demandé à plusieurs reprises à la présidente de l'université la communication des motifs de cette décision ;

- cette décision est entachée d'un détournement de pouvoir ; en effet, alors qu'il a présenté, chaque année, son travail à la direction de l'école doctorale, qui n'a jamais relevé la moindre difficulté, que les deux rapporteurs ont émis un avis favorable à la soutenance de thèse, prévue le 2 juillet 2014, et que son directeur de thèse a toujours soutenu son travail, le directeur de l'école doctorale, qui avait pourtant connaissance de son travail, a émis le 28 juin 2014, de manière brusque et inattendue, un avis défavorable à cette soutenance, qui a conduit à son annulation ; en outre, la présidente de l'université n'a jamais répondu à ses demandes ultérieures et à celle de son directeur de thèse afin qu'elle l'autorise à soutenir sa thèse ou, à tout le moins, qu'elle fournisse une explication quant à son refus d'autorisation ; ainsi, la décision attaquée a été prise pour des motifs étrangers à la qualité des travaux présentés et sans qu'une étude de ces travaux ait été réellement effectuée ;

- l'université a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; d'une part, le directeur de l'école doctorale a émis un avis défavorable quatre jours seulement avant la date prévue pour la soutenance ; d'autre part, au regard des dispositions de l'article 18 de l'arrêté du 7 août 2006, la présidente de l'université aurait dû l'autoriser à soutenir sa thèse ou, à tout le moins, expliquer les raisons de son refus ; ainsi, son refus est entaché d'illégalité ;

- cette faute lui a causé un préjudice moral qui doit être évalué à hauteur de la somme de 20 000 euros.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- l'arrêté du 7 août 2006 relatif à la formation doctorale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- les observations de Me Winter, pour M.F..., et celles de MeC..., pour l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis.

1. Considérant que M.F..., qui s'est inscrit à l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, à compter de l'année universitaire 2008-2009, afin de préparer un travail doctoral ayant pour sujet, en dernier lieu : " Hollywood : le prêtre et le nabab (les relations de la religion avec le cinéma américain de 1934 aux années 2000) ", a déposé, le 2 avril 2014, son projet de thèse auprès du bureau des thèses de l'université, qui lui a indiqué une date prévisionnelle de soutenance pour le 2 juillet 2014 ; que, par un courriel du 28 juin 2014, le directeur de l'école doctorale " pratiques et théorie du sens " de l'université, M.E..., a informé le directeur de thèse de l'intéressé, M.D..., de son avis défavorable à la soutenance de la thèse au motif qu'elle comportait " d'importants défauts méthodologiques soulignés par les deux pré-rapporteurs " ; que, le même jour, M. D...a alors décidé d'annuler la soutenance prévue le 2 juillet 2014 ; que, par un courrier du 21 novembre 2014, reçu le 24 novembre suivant, M. F... a mis en demeure la présidente de l'université de lui proposer une date de soutenance de thèse ; que, par un courrier du 23 février 2015, réceptionné le 25 février suivant, l'intéressé a réitéré sa demande et a, par ailleurs, sollicité le versement d'une indemnité en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi ; que M. F...relève appel du jugement du 3 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par la présidente de l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis sur sa demande d'autorisation de soutenance de thèse en date du 23 février 2015, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'université de lui proposer une date de soutenance de thèse, enfin, à la condamnation de l'université à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, aujourd'hui codifié à l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...). " ;

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.F..., il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier qu'il aurait sollicité la communication des motifs des décisions implicites de rejet nées du silence gardé par la présidente de l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis sur ses demandes d'autorisation de soutenance de thèse en date des 21 novembre 2014 et 23 février 2015, réceptionnées, respectivement, les 24 novembre 2014 et 25 février 2015 ; qu'en particulier, son courrier du 6 août 2014 ne saurait être regardé comme une demande de communication des motifs de ces rejets implicites intervenus postérieurement, soit les 24 janvier 2015 et 25 avril 2015 ; qu'en outre, sa demande du 23 février 2015 ne comporte pas une telle demande de communication de motifs ; qu'enfin, sa demande introductive d'instance devant le tribunal administratif ne saurait être regardée, en tout état de cause, comme comportant une telle demande ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le refus implicite en litige, intervenu le 25 avril 2015, serait illégal faute d'être motivé ne saurait être accueilli ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 18 de l'arrêté du 7 août 2006 susvisé, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'autorisation de présenter en soutenance une thèse est accordée par le chef d'établissement, après avis du directeur de l'école doctorale, sur proposition du directeur de thèse. / Les travaux du candidat sont préalablement examinés par au moins deux rapporteurs désignés par le chef d'établissement, habilités à diriger des recherches ou appartenant à l'une des catégories visées à l'article 17 ci-dessus, sur proposition du directeur de l'école doctorale, après avis du directeur de thèse. / Les rapporteurs doivent être extérieurs à l'école doctorale et à l'établissement du candidat. / (...) Les rapporteurs font connaître leur avis par des rapports écrits sur la base desquels le chef d'établissement autorise la soutenance, sur avis du directeur de l'école doctorale. Ces rapports sont communiqués au jury et au candidat avant la soutenance. " ;

5. Considérant que M. F...n'apporte aucune précision, ni aucun élément de nature à démontrer que la présidente de l'université aurait refusé l'autorisation sollicitée pour des motifs étrangers à la qualité des travaux présentés et sans qu'une étude de ces travaux ait été réellement effectuée ; qu'en effet, il ressort des pièces du dossier que, pour émettre, le 28 juin 2014, un avis défavorable à sa soutenance de thèse au motif que cette dernière comportait " d'importants défauts méthodologiques soulignés par les deux pré-rapporteurs ", le directeur de l'école doctorale s'est fondé sur les appréciations des deux rapporteurs, désignés en vertu des dispositions précitées, qui, s'ils ont émis des avis favorables à la soutenance, ont cependant relevé un nombre important de défauts méthodologiques entachant ce travail doctoral, l'un estimant notamment que " le problème majeur est l'absence d'une véritable thèse ", l'autre notant, entre autres, un travail " très éloigné des normes académiques de la thèse " ; qu'en outre, c'est au vu de cet avis défavorable du 28 juin 2014 que le directeur de thèse de l'intéressé, qui a entendu s'y conformer, a décidé d'annuler la soutenance prévue initialement le 2 juillet 2014 ; que, de surcroît, il ressort également des pièces du dossier que M. F...a été reçu, le 9 juillet 2014, par les responsables de l'école doctorale, M.E..., directeur, et MmeB..., qui lui ont rappelé ou exposé l'ensemble des critiques formulées par les deux rapporteurs ainsi que celles ayant motivé cet avis défavorable et lui ont suggéré de retravailler sa thèse en vue d'une soutenance prochaine, proposition que l'intéressé a déclinée par un courriel du 25 juillet 2014 indiquant qu'il souhaitait soutenir sa thèse " en l'état " ; que, par ailleurs, si M. F...a saisi, par un courrier du 6 août 2014, d'un recours la présidente de l'université, celle-ci lui a rappelé, par un courrier du 10 septembre 2014, que la soutenance de sa thèse, prévue le 2 juillet 2014, avait été annulée à l'initiative de son directeur de thèse ; qu'enfin, si, par un courrier du 2 octobre 2014, le directeur de thèse de M. F...et, par deux courriers des 21 novembre 2014 et 23 février 2015, l'intéressé lui-même ont demandé à la présidente de l'université de l'autoriser à présenter en soutenance sa thèse, il est constant que le directeur de l'école doctorale n'est pas revenu sur son avis défavorable du 28 juin 2014 ou n'a pas été sollicité de nouveau et que l'intéressé n'a pas entendu modifier son travail doctoral ; que, dans ces conditions, M. F...ne saurait sérieusement soutenir que la présidente de l'université, en rejetant implicitement ses demandes en date des 21 novembre 2014 et 23 février 2015, se serait " abstenue de prendre position " ou aurait usé de ses pouvoirs pour des motifs autres que ceux en vue desquels ils lui ont été confiés ; que, par suite, le détournement de pouvoir allégué ne peut être regardé comme établi ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

6. Considérant, d'une part, qu'aucun texte ne prescrit de délai au directeur de l'école doctorale pour faire connaître, avant la date prévue pour la soutenance d'une thèse, son avis sur cette soutenance, tel que prévu par les dispositions précitées de l'article 18 de l'arrêté du 7 août 2006 susvisé ; qu'ainsi, la circonstance qu'en l'espèce, le directeur de l'école doctorale n'a fait connaître son avis sur la soutenance de la thèse de M.F..., après avoir pris connaissance des avis des deux rapporteurs et consulté le projet de thèse, que le 28 juin 2014, soit quatre jours avant la soutenance prévue le 2 juillet 2014, ne saurait constituer, à elle seule, une faute de nature à engager la responsabilité de l'université ;

7. Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce que soutient le requérant, la présidente de l'université ne s'est pas " abstenue de prendre position " sur ses demandes d'autorisation de soutenance de thèse en date des 21 novembre 2014 et 23 février 2015, mais, par le silence gardé sur ces demandes, les a implicitement rejetées, respectivement le 24 janvier 2015 et le 25 avril 2015 ; qu'en outre, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des appréciations portées sur le travail doctoral de M. F... par les deux rapporteurs et par le directeur de l'école doctorale dans son avis du 28 juin 2014, appréciations non sérieusement contestées par le requérant, et de l'absence d'éléments nouveaux depuis lors, l'intéressé n'ayant pas souhaité modifier son projet de thèse et le directeur de l'école doctorale n'ayant pas modifié son avis ou n'ayant pas été sollicité pour rendre un nouvel avis, la présidente de l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, en refusant l'autorisation de soutenance de thèse, n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'ainsi et compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 5, M. F...ne démontre pas que la présidente de l'université aurait commis une illégalité constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'université ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. F...tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis de lui proposer une date de soutenance de thèse ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. F...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F... une somme de 1 000 euros à verser à l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.

Article 2 : M. F...versera à l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

6

N° 16VE02204


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02204
Date de la décision : 28/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

30-02-05-01-01-01 Enseignement et recherche. Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. Enseignement supérieur et grandes écoles. Universités. Organisation des études universitaires. Diplômes.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS MONTMARTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-09-28;16ve02204 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award