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24/07/2018 | FRANCE | N°16VE01912

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 24 juillet 2018, 16VE01912


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2015, M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010 et des majorations et intérêts de retard correspondants ;

Par un jugement n° 1501972 du 2 mai 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 ju

in 2016 et 6 novembre 2017, M. A... B..., représentée par Me Kirscher, avocat, demande à la Cour : ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2015, M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010 et des majorations et intérêts de retard correspondants ;

Par un jugement n° 1501972 du 2 mai 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 juin 2016 et 6 novembre 2017, M. A... B..., représentée par Me Kirscher, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge de la totalité de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010 ;

3° à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des majorations et intérêts de retard mis à sa charge ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est résident fiscal de Saint-Barthélemy en application des dispositions de l'article 4 B du code général des impôts et de l'article LO 6214-3 du code général des impôts et de l'article 2 du code des contributions de Saint-Barthélemy ;

- il n'est pas résident fiscal en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts et des critères prévus par ce texte : foyer ou lieu de séjour principal ; centre des intérêts économiques ; activité professionnelle principale, laquelle, en cas d'exercice de la même profession dans plusieurs pays, s'entend selon la doctrine administrative de l'activité à laquelle le contribuable consacre le plus de temps effectif ou qui lui procure la plus grande part de ses revenus (instruction du 26 juillet 1977) ;

- en omettant de démontrer l'absence ou l'insuffisance de force probante des documents qu'il versait au débat pour prouver sa résidence à Saint-Barthélemy, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ;

- les critères appliqués par l'administration pour fonder la résidence fiscale en France

- effectif salarial de chaque établissement notarial, arrêté de nomination fixant le siège de l'office à Basse-Terre (Guadeloupe) - ne sont pas pertinents et sont erronés en droit et en fait ;

- devant être considéré comme résident fiscal à l'étranger, il ne peut être imposé que sur ses seuls revenus de source française en 2010, soit ceux provenant de l'activité de Basse-Terre et non sur l'ensemble de ses revenus ;

- à titre subsidiaire, les majorations et intérêts de retard ne peuvent être maintenus car il n'a pas cherché à éluder l'impôt, la question de sa domiciliation fiscale étant complexe et inédite.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts ;

- le code des contributions de la collectivité de Saint-Barthélemy ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public ;

- et les observations de MeC..., pour M.B....

1. Considérant que M. A...B..., titulaire depuis 2007 de la charge de notaire de Basse-Terre (Guadeloupe), comportant également un bureau annexe situé à Saint-Barthélemy, s'est abstenu de déclarer à l'administration fiscale les revenus tirés de cette activité en 2010 ; qu'en l'absence de déclaration malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, l'administration l'a imposé suivant la procédure taxation d'office, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, à raison de l'ensemble des revenus tirés de son activité notariale ; que M. B... se déclare résident fiscal de la collectivité de Saint-Barthélemy et fait valoir que les revenus professionnels dégagés au titre du bureau principal situé à Basse-Terre étant déficitaires, il n'était pas imposable à l'impôt sur le revenu en France ; qu'il relève appel du jugement n° 1501972 du 2 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010 et des majorations et intérêts de retard correspondants ;

Sur le domicile fiscal de M.B... :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article LO. 6213-1 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions législatives et réglementaires sont applicables de plein droit à Saint-Barthélemy, à l'exception de celles intervenant dans les matières qui relèvent (...) de la compétence de la collectivité en application de l'article

LO. 6214-3 " ; qu'en vertu du 1° du I de l'article LO. 6214-3 de ce code, la collectivité de Saint-Barthélemy fixe les règles applicables en matière d'impôts, droits et taxes, dans les conditions prévues à l'article LO. 6214-4 du même code ; que le I de l'article LO. 6214-4, dans sa rédaction modifiée par la loi organique n° 2010-93 du 25 janvier 2010, dispose que : " I.-La collectivité de Saint-Barthélemy exerce les compétences qu'elle tient du 1° du I de l'article

LO 6214-3 en matière d'impôts, droits et taxes dans le respect des dispositions suivantes : / 1° Les personnes physiques ne peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal à

Saint-Barthélemy qu'après y avoir résidé pendant cinq ans au moins. / (...) / Les personnes physiques ou morales qui ne remplissent pas les conditions de résidence fixées aux deux alinéas précédents sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en métropole (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 du code des contributions de Saint-Barthélemy : " Nonobstant les dispositions du Chapitre I, dans les relations entre l'État et la Collectivité de Saint­Barthélemy, en vue de prévenir l'évasion fiscale et les doubles impositions, sont considérées comme ayant leur domicile fiscal dans la Collectivité de Saint-Barthélemy : / a) Les personnes justifiant avoir à Saint-Barthélemy, depuis cinq années au moins au 1er janvier de l'année d'imposition, leur foyer ou leur lieu de séjour principal (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour apprécier la qualité de résident fiscal d'une personne physique à Saint-Barthélemy au titre d'une année déterminée, il convient de s'assurer de la domiciliation effective de l'intéressé sur ce territoire pendant une durée continue de cinq années précédant immédiatement cette année d'imposition ;

3. Considérant que M. B...fait valoir qu'il réside à Saint-Barthélemy depuis 1990 et est dès lors résident fiscal de cette collectivité ; que ni l'intéressé ni l'administration ne fournissent de précisions relatives à la situation du foyer du requérant ; que, dans ces conditions, il y a lieu de rechercher si le lieu de séjour principal de M. B...se trouvait à

Saint-Barthélemy au cours des cinq années précédant l'imposition en litige ; qu'il résulte de l'instruction que le requérant était, depuis 1997 au moins et jusqu'en 2007, salarié de l'office notarial sis à la résidence de Basse-Terre (Guadeloupe), en dernier lieu en qualité de notaire assistant, exerçait au bureau annexe permanent de l'étude, créé en 1996 et situé à

Saint-Barthélemy, et justifie par les pièces produites de son lieu de séjour dans cette île ; que si, par arrêté du 20 mars 2007, il a été nommé notaire à la résidence de Basse-Terre en remplacement de la SCP pour laquelle il travaillait antérieurement, il soutient qu'il a continué de résider à Saint-Barthélemy après cette date et qu'il ne se déplaçait au siège de l'étude qu'il dirigeait en Guadeloupe qu'un nombre limité de jours chaque mois ; qu'il verse au dossier, au titre des années 2007 à 2010, un contrat de location d'un appartement meublé sis à

Saint-Barthélemy ainsi qu'une attestation de son propriétaire, une attestation du président de la collectivité de Saint-Barthélemy, délivrée le 21 janvier 2014 à l'administration, faisant état d'une résidence de l'intéressé sur l'île depuis septembre 1990, un récapitulatif manuel des nuitées passées dans un hôtel de Guadeloupe pour raisons professionnelles, une liste de ses présences en Guadeloupe au cours des années 2007 à 2012 pour les besoins du fonctionnement de l'office et, pour la première fois en appel, outre divers certificats d'assurances souscrites à

Saint-Barthélemy, notamment pour l'habitation, une liasse de relevés de son compte courant à la Banque Française Commerciale Antille-Guyanne, devenue LCL Banque et Assurances, faisant apparaître pour la période d'avril 2007 à décembre 2009 une majorité d'opérations effectuées sur le territoire de Saint-Barthélemy ; que les informations figurant sur cette liasse viennent corroborer la répartition alléguée du temps de travail de M. B...figurant sur l'état de présence qu'il a produit ; que le ministre ne conteste pas la valeur probante de ces justificatifs produits ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, par ailleurs, que l'importance des tâches auxquelles devait faire face M. B...en Guadeloupe, notamment au moment de la reprise de l'office en 2007 et 2008, nécessitait sa présence physique sur place de façon permanente ou pour la plus grande partie de son emploi du temps, le requérant faisant valoir sur ce point qu'il était assisté au bureau de Basse-Terre et que l'essentiel de son activité notariale et de ses revenus professionnels provenaient du bureau annexe, auquel il consacrait la plupart de son temps ; qu'enfin, l'administration ne saurait utilement se fonder sur la circonstance que l'exercice d'une activité de notaire induirait une obligation de résidence du notaire au lieu du siège de son office, cette obligation ayant été supprimée par l'article 7 du décret n° 88-815 du 12 juillet 1988, lequel a abrogé l'article 49 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 qui prévoyait une telle règle ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...justifie qu'il avait à Saint-Barthélemy, au cours de la période de cinq années courant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2009, le lieu de son séjour principal, et, dès lors, son domicile fiscal au sens des dispositions du I de l'article LO. 6214-4 du code général des collectivités territoriales ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. " et que l'article 164 B du même code dispose que : " I. Sont considérés comme revenus de source française : (...) d. Les revenus tirés d'activités professionnelles, salariées ou non, exercées en France ou d'opérations de caractère lucratif au sens de l'article 92 et réalisées en France " ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4. que M. B...ne pouvait être regardé comme ayant comme son domicile fiscal en métropole, et n'était dès lors pas passible de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 pour l'ensemble de ses revenus, sur le fondement des dispositions du premier alinéa de l'article 4 A du code général des impôts citées au point précédent ; qu'il y a lieu de rechercher si, comme le fait valoir le ministre, les revenus tirés de l'activité exercée au sein du bureau annexe situé à Saint-Barthélemy doivent être regardés comme issus d'une activité exercée en France au sens des dispositions de l'article 164 B du code général des impôts ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les recettes taxées d'office par le service dans la catégorie des bénéfices non commerciaux procèdent de la seule activité développée par l'étude de Me B...sur le territoire de Saint-Barthélemy, à raison de l'activité du bureau annexe qui y est situé, l'activité au titre de l'étude principale en Guadeloupe ayant quant à elle dégagé un résultat déficitaire ; que l'ouverture d'un bureau annexe situé à Saint-Barthélemy avait été autorisée par un arrêté du 24 septembre 1996 ; que, par un arrêté du ministre de la justice du 20 mars 2007, M. B...a été nommé titulaire de l'office notarial sis à la résidence de Basse-Terre (Guadeloupe) ; que le ministre fait valoir que l'activité de notaire exercée à Saint-Barthélemy constitue un simple prolongement de l'activité notariale exercée par le requérant au sein de Basse-Terre, et n'en est pas détachable ; que, toutefois, s'il est exact que cette désignation de M. B... par l'autorité compétente, lui conférant la prérogative de puissance publique de recevoir, enregistrer et authentifier les actes et contrats passés devant lui, a permis ensuite la réalisation de recettes au titre d'opérations réalisées par le bureau annexe de Saint-Barthélemy, cette seule circonstance, eu égard au lieu d'exercice de l'activité dont elles proviennent, ne permet pas de regarder les recettes litigieuses comme des revenus de source française au sens des articles 4 A et 164 B du code général des impôts ; que, dans ces conditions, le service ne pouvait estimer que, pour leur totalité, les recettes tirées par M. B... de son activité de notaire devaient être considérées comme des revenus de source française ; que, par suite, le requérant, qui n'était pas imposable en France compte tenu des résultats déficitaires enregistrés par son office en Guadeloupe, est fondé à demander la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre de l'année 2010 à hauteur de 405 599 euros en droits et pénalités ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501972 du 2 mai 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : M. B...est déchargé de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010 à hauteur de 405 599 euros en droits et pénalités.

Article 3 : L'État versera à M. B...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N°16VE01912


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01912
Date de la décision : 24/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : SELAS SAINT BARTH LAW

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-07-24;16ve01912 ?
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