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27/09/2018 | FRANCE | N°16VE02522

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 27 septembre 2018, 16VE02522


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) LRTS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune de Montreuil à lui payer, en réparation du préjudice subi, à titre principal, la somme de 201 663,28 euros et, à titre subsidiaire, la somme de 309 011,05 euros, assorties des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1502489 du 1er juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er

août 2016, la SCI LRTS, représentée par Me Gelas, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) LRTS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune de Montreuil à lui payer, en réparation du préjudice subi, à titre principal, la somme de 201 663,28 euros et, à titre subsidiaire, la somme de 309 011,05 euros, assorties des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1502489 du 1er juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2016, la SCI LRTS, représentée par Me Gelas, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner la commune de Montreuil à lui payer, en réparation du préjudice subi, à titre principal, la somme de 201 663,28 euros et, à titre subsidiaire, la somme de 309 011,05 euros, assorties des intérêts au taux légal ;

3° de mettre à la charge de la commune de Montreuil le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 19 août 2009 par laquelle le maire de Montreuil a exercé son droit de préemption urbain sur ses locaux commerciaux situés 122-124 rue de Paris et 105-107 rue Etienne Marcel était entachée d'une illégalité fautive et a été annulée par un jugement du 6 janvier 2011 du Tribunal administratif de Montreuil ; cette décision lui a causé un préjudice financier dès lors qu'elle n'a pu vendre son bien pour un montant de 850 000 euros dans les délais et conditions fixés par la promesse de vente signée le 27 mai 2009 avec l'association " Mission évangélique internationale Salut pour tous-Assemblée de Dieu Paris " ;

- son préjudice est constitué, à titre principal, de frais et charges en lien avec cette décision illégale ; elle a ainsi dû s'acquitter de taxes foncières et de leurs majorations pour un montant de 20 842 euros, de frais d'annonces immobilières pour un montant de 378 euros, de frais au titre de divers diagnostics pour un montant de 240 euros, d'honoraires et frais de procédure engagés à la suite de la décision de préemption pour un montant de 18 373,67 euros, de charges de copropriété pour un montant de 35 224 euros, de dépenses exceptionnelles pour travaux d'un montant de 7 420 euros, de divers travaux pour un montant de 732,34 euros, d'un questionnaire de notaire pour un montant de 402,49 euros et de frais d'électricité pour un montant de 6 280,70 euros ;

- son préjudice est aussi constitué de difficultés financières liées à l'immobilisation du bien ; elle a ainsi dû s'acquitter de frais financiers auprès de la banque HSBC en raison du retard de remboursement de deux prêts pour un montant de 67 406,25 euros, et n'a pas perçu les intérêts de placement de la somme provenant de la vente du bien en cause pour un montant de 39 011,05 euros ;

- à titre subsidiaire, elle a aussi subi un préjudice d'un montant de 309 011,05 euros dès lors qu'elle n'a perçu à la suite de la vente par adjudication du 7 mai 2012 que la somme de 540 988,95 euros au lieu de la somme de 850 000 euros escomptée lors de la signature de la promesse de vente en 2009.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 19 août 2009, le maire de Montreuil a exercé son droit de préemption urbain renforcé sur un local commercial et 17 emplacements de parking, formant les lots 330 et 360 d'un immeuble situé 122-124, rue de Paris et 105-107, rue Etienne Marcel, appartenant à la société civile immobilière (SCI) LRTS et faisant l'objet d'une promesse de vente en date du 27 mai 2009, pour un prix net vendeur fixé à 850 000 euros. La SCI LRTS ayant refusé l'offre d'acquisition de la commune pour un prix net vendeur de 157 000 euros, le juge de l'expropriation du Tribunal de grande instance de Bobigny a, par décision du 31 mars 2010, fixé à la somme de 850 000 euros l'indemnité " nette vendeur " due par la commune de Montreuil à la SCI LRTS. Par jugement du 6 janvier 2011, devenu définitif, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision de préemption en litige. Les biens en cause ont été finalement vendus le 7 mai 2012 au prix de 935 000 euros, à l'issue d'une procédure de vente par adjudication ordonnée par le Tribunal de grande instance de Bobigny. La SCI LRTS a adressé à la commune de Montreuil, par courriers des 19 et 22 décembre 2014, une demande indemnitaire préalable qui a été implicitement rejetée, puis a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la condamnation de cette commune à réparer son préjudice, qu'elle évalue, dans ses conclusions à titre principal, à la somme de 201 663,28 euros et, à titre subsidiaire, à la somme de 309 011,05 euros, outre les intérêts au taux légal. Par jugement du 1er juin 2016, le tribunal administratif a rejeté ces demandes indemnitaires.

Sur la responsabilité de la commune de Montreuil :

2. L'illégalité fautive de la décision de préemption du 19 août 2009, retenue par jugement du 6 janvier 2011 du Tribunal administratif de Montreuil, est de nature à engager la responsabilité pour faute de la commune de Montreuil. Cette illégalité fautive constitue la cause directe des préjudices résultant pour la SCI LRTS de l'impossibilité pour elle, du fait de cette décision de préemption, de donner suite à la promesse de vente des biens en cause signée avec l'association " Mission évangélique internationale Salut pour tous-Assemblée de Dieu Paris " le 27 mai 2009.

Sur le préjudice :

3. La SCI LRTS a subi un préjudice sur la période comprise entre le 11 octobre 2009, délai de validité de la promesse de vente, incluant le délai maximal de prorogation de trente jours, et le 7 mai 2012, date de la vente du bien par adjudication sur surenchère du Tribunal de grande instance de Bobigny.

En ce qui concerne la demande à titre principal :

4. La société requérante a ainsi dû acquitter les taxes foncières pour la période comprise entre le 11 octobre 2009 et le 7 mai 2012, soit les taxes payées pour 2010, 2011 et le prorata de la période concernée pour 2012, exception faite des majorations pour retard de paiement qui sont sans lien direct avec l'illégalité fautive de la décision de préemption et la taxe due pour 2009 en l'absence de justificatif, représentant la somme totale de 17 820 euros. La SCI LRTS a aussi dû supporter les frais d'annonces immobilières pour un montant de 378 euros, les frais de diagnostic divers pour un montant de 240 euros, les charges de copropriété, comportant le 4ème appel de fonds pour 2009, les quatre appels de fonds pour 2010 et 2011, le premier appel de fonds pour 2012 et l'estimation de l'appel de fonds pour le mois d'avril 2012, représentant la somme totale de 31 766 euros, somme à laquelle il faut ajouter un réajustement du budget pour 2011 d'un montant de 7 420 euros, des travaux portant sur des canalisations en juillet 2011 pour un montant de 732,34 euros et le coût d'un questionnaire du notaire pour la somme de 402,49 euros, le tout représentant une somme totale pour les charges de copropriété de 40 320,83 euros. Si la société requérante demande aussi l'indemnisation des frais d'électricité pendant la période considérée, les factures produites ne donnent pas le détail entre l'abonnement et la consommation, à l'exception des mois de septembre, octobre et novembre 2009 où on peut retenir pour ces seuls mois le coût de l'abonnement pour un montant total de 299,72 euros. En revanche, la société requérante n'est pas fondée à demander l'indemnisation des frais de procédure et des honoraires d'avocat relatifs aux procédures engagées à la suite de la décision de préemption du 19 août 2009, dès lors que la prise en compte de ces frais est prévue par l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et n'a pas à faire l'objet d'une indemnisation complémentaire.

5. La société requérante demande par ailleurs l'indemnisation des frais financiers, pour un montant de 67 406,25 euros, mis à sa charge par la banque HSBC en raison de son retard à rembourser deux prêts. Toutefois, les deux prêts en cause ont été contractés en janvier 2004, à une date bien antérieure à la décision de préemption et sont sans lien direct avec cette dernière. Il appartenait de surcroît à la société requérante, lorsque ces prêts ont été demandés, de s'assurer des moyens de remboursement adéquats. En outre, rien ne permet d'établir que la société requérante n'aurait pas disposé des moyens financiers suffisants pour honorer les remboursements de ces prêts. La SCI LRTS demande enfin l'indemnisation correspondant aux intérêts de placement de la somme qu'elle aurait dû obtenir au plus tard en octobre 2009 si la vente du bien en cause avait pu être réalisée avec l'association " Mission évangélique internationale Salut pour tous-Assemblée de Dieu Paris ". Toutefois la société requérante n'établit aucunement qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité de louer les biens en cause et d'en retirer un revenu équivalent à la perte des intérêts de placement.

6. La société requérante serait fondée à réclamer la somme totale de 59 058,55 euros en réparation des préjudices mentionnés plus haut. Il résulte toutefois de l'instruction que la vente du bien en cause a été réalisée lors de la vente par adjudication le 7 mai 2012 au prix de 935 000 euros, somme supérieure de 85 000 euros à celle fixée par la promesse de vente du 27 mai 2009. La société requérante a ainsi pu, en raison de l'évolution des prix du marché, vendre le bien en cause à un prix supérieur à celui prévu en 2009, de nature à largement compenser le montant total des préjudices subis et à rendre sans fondement sa demande d'indemnisation formée à titre principal.

En ce qui concerne la demande à titre subsidiaire :

7. La société requérante demande une indemnisation à titre subsidiaire, pour un montant de 309 011,05 euros, au motif qu'à la suite de la vente réalisée par adjudication le 7 mai 2012, elle n'a perçu qu'une somme de 540 988,95 euros, inférieure à celle de 850 000 euros prévue par la promesse de vente de 2009. Toutefois, la circonstance que la vente réalisée le 7 mai 2012 par adjudication ait donné lieu au paiement prioritaire des créanciers de la société requérante qui n'a ainsi perçu que la somme résiduelle de 540 988,95 euros est sans incidence sur le fait que la vente des biens en cause a été réalisée pour un montant de 935 000 euros, supérieur à celui prévu par la promesse de vente de 2009. La demande d'indemnisation à titre subsidiaire doit ainsi être rejetée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a, par le jugement contesté, rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Montreuil, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme à la société requérante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Montreuil sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI LRTS est rejetée.

Article 2 : La SCI LRTS versera la somme de 1 500 euros à la commune de Montreuil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 16VE02522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02522
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption. Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : CABINET CGR LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-09-27;16ve02522 ?
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