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31/01/2019 | FRANCE | N°16VE02159

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 31 janvier 2019, 16VE02159


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL LES PHARILLONS a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 juin 2009, ainsi que des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1400699 du 1er juin 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
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Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 juillet 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL LES PHARILLONS a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 juin 2009, ainsi que des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1400699 du 1er juin 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 juillet 2016 et 30 octobre 2018, présentés par Me Devillières, avocat, la SARL LES PHARILLONS demande à la Cour d'annuler ce jugement, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 juin 2009, ainsi que des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a méconnu l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales en retenant qu'elle supportait la charge de la preuve du bien-fondé des redressements ; elle a en effet adressé un courrier daté du 24 décembre 2010 sollicitant la prorogation du délai de 30 jours pour répondre aux propositions de rectification ; la charge de la preuve repose ainsi sur l'administration ;

- les frais de location et d'entretien de deux véhicules ont été engagés dans l'intérêt de la société, contrairement à ce que fait valoir l'administration, même si ces véhicules ont été utilisés à hauteur de 20% à titre privé et pour assurer la gestion de deux autres sociétés ; elle devait par ailleurs assumer le suivi de la location de boxes de véhicules nécessitant d'effectuer des trajets pour la récupération des clés, l'état des lieux et la restitution du dépôt de garantie du client ou la présentation de ces boxes à des clients potentiels ainsi que pour récupérer du courrier à une boite postale ;

- si elle a engagé des dépenses d'achat de matériel ou de prestations de service, elle l'a fait pour le compte de deux sociétés auxquelles elle a refacturé ces dépenses de manière globale ; son activité consistait précisément en cet achat de matériels pour le compte d'autres sociétés et ces achats ont ainsi été effectués dans son intérêt ;

- l'administration ne peut retenir qu'elle a procédé à un acte anormal de gestion en mettant à la disposition des gérants un bateau de location qui leur a été facturé 8 000 euros, ce prix n'étant pas sous-évalué étant donné les avaries rencontrées et la circonstance que le constructeur s'est trouvé dans l'obligation de remplacer ce bateau gravement endommagé ;

- l'administration a remis en cause une provision pour risques financiers au motif qu'il s'agissait d'avances hors de proportion avec la solvabilité du bénéficiaire alors que la seule circonstance que l'investissement réalisé auprès d'une filiale canadienne n'ait pas été couronné de succès ne peut être analysé comme un acte anormal de gestion.

.....................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 30 juin 2009, la SARL LES PHARILLONS s'est vu notifier, selon la procédure contradictoire, des rehaussements en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés. Elle a demandé la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 juin 2009. Par un jugement du 1er juin 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur la charge de la preuve :

2. Aux termes de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales : " A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ". Aux termes de l'article L. 57 de ce même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification (...). / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article 11, ce délai est prorogé de 30 jours (...) ". Et aux termes de l'article R. 194-1 de ce même livre : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".

3. La proposition de rectification du 25 novembre 2010 a été notifiée à la SARL LES PHARILLONS le 3 décembre 2010, par lettre recommandée avec avis de réception. Par courrier du 24 décembre 2010, la société requérante a demandé la prorogation du délai de 30 jours pour répondre à cette proposition de rectification. L'administration ayant, par une réponse à cette demande, accordé une prorogation du délai de réponse au 3 février 2011, les observations apportées le 31 janvier 2011 par la société requérante ont été faites dans le délai légal prévu par les dispositions mentionnées au point 2. Par suite, il incombe à l'administration d'établir le bien-fondé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles la société a été assujettie ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge.

Sur la mise à disposition des gérants de la SARL LES PHARILLONS, à titre gratuit, du bateau " San Vijo 2 " :

4. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ".

5. La société requérante, dont l'objet est notamment la location à des tiers d'engins nautiques, conteste le caractère gratuit de la mise à disposition d'un bateau de plaisance à ses gérants pendant une durée de cinq mois afin de leur permettre de réaliser en 2008 la " Grande traversée " entre la Rochelle et Québec et pendant une durée de deux mois en 2009 ainsi que la réintégration des sommes de 17 617 euros et 12 196 euros, correspondant au prix estimé de location de ce bateau, à laquelle l'administration a procédé dans ses résultats au titre des exercices clos en 2008 et en 2009. Elle indique par ailleurs que ces montants ne correspondent pas à la valeur estimée de la location à titre onéreux du voilier. Si elle soutient que cette location a donné lieu pour 2008 à une facturation d'un montant de 8 000 euros, elle se borne à produire une facture établie plus d'un an après la mise à disposition de ce bateau alors que l'administration fait valoir, sans être contredite, que ce montant n'a jamais été encaissé ni porté en comptabilité. Par ailleurs, la SARL LES PHARILLONS soutient également que ce bateau a connu de multiples ennuis mécaniques et avaries en 2008 et 2009, ayant conduit à son immobilisation pendant deux mois en 2008 et à son remplacement par le constructeur, et que cette situation l'aurait nécessairement conduite à réduire ou à rembourser à un client tiers les frais de location. Toutefois en se bornant à faire état de ces problèmes mécaniques, elle ne contredit pas utilement les éléments rapportés par le service selon lesquels ce bateau a effectué de nombreuses sorties en mer au cours des périodes de location de ces deux années, l'avarie principale se produisant à la fin de l'été 2009, ainsi que cela ressort du courrier adressé par la société à son avocat le 30 octobre 2009 et du courrier de son avocat à la société Brise Marine à Bandol le 9 novembre 2009. L'administration était ainsi fondée, d'une part, à retenir que la mise à disposition de ce bateau à titre gratuit aux gérants de la société requérante, sans aucune contrepartie pour elle, constituait une libéralité qui, n'ayant pas été consentie dans son intérêt, ne relevait pas d'une gestion commerciale normale et, d'autre part, à réintégrer la somme totale de 29 813 euros dans ses résultats au titre des exercices clos en 2008 et 2009.

Sur les charges déduites à tort :

6. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...). 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : c. Les dépenses et charges afférentes aux véhicules et autres biens dont elles peuvent disposer en dehors des locaux professionnels ; (...) ".

En ce qui concerne les frais se rapportant aux deux véhicules de marque Chrysler :

7. L'administration a réintégré dans les résultats de la société requérante au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 les sommes correspondant à 80 % des frais de location, d'assurance, de réparation, d'entretien et de carburant de deux véhicules de marque Chrysler, inscrits en comptabilité en tant que charges. Ce pourcentage correspond à l'estimation faite de l'utilisation de ces véhicules par leurs gérants dans un intérêt autre que celui de la société requérante, que ce soit à des fins strictement privées ou dans l'intérêt de trois autres sociétés dont ils sont également associés et gérants. Si la société requérante reconnaît que ses gérants ont pu utiliser ces véhicules à hauteur de 20%, elle indique aussi que les véhicules étaient utilisés pour les besoins des sociétés SARL du manoir et SCI la gentilhommière pour lesquelles elle détient un mandat de gestion. Or l'administration relève sans être contestée qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ces dépenses faites pour le compte d'autres sociétés auraient fait l'objet d'une refacturation à ces dernières, contrairement aux protocoles d'accord passées avec elles ni que leur utilisation par ces dernières sociétés aurait donné lieu à des contreparties. Par ailleurs, si la société requérante allègue de la nécessité de déplacements aux Mureaux pour le suivi de la location de 76 garages, ainsi que pour relever le courrier d'une boîte postale, l'administration relève qu'elle se borne à produire un petit nombre de factures dont une partie ne porte d'ailleurs pas sur la période vérifiée. En outre, si elle produit des factures établissant le kilométrage effectué, elle n'apporte aucun élément pour contredire utilement l'administration qui a constaté qu'aucune pièce ne permettait d'établir que l'ensemble de ces déplacements aurait eu un but professionnel alors qu'il ressort des constatations faites lors de la vérification de la comptabilité de la société requérante que l'activité de cette société ne nécessite qu'un seul véhicule. Ainsi, l'administration était fondée à retenir un rehaussement en base d'un montant équivalent à 80% des charges afférentes à l'utilisation de ces deux véhicules.

En ce qui concerne les frais divers acquittés par la SARL LES PHARILLONS pour le compte de tiers :

8. L'administration a réintégré dans les résultats de la société requérante au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 des sommes comptabilisées en tant que charges déductibles et correspondant à des dépenses effectuées pour l'acquisition de biens ou de services, soit dans l'intérêt personnel des gérants, soit dans l'intérêt des autres sociétés également gérées par les gérants, au motif que ces biens et services ont été acquis pour le compte de tiers, sans aucune contrepartie. Si la société requérante soutient que les achats en litige ont été réalisés dans l'intérêt des sociétés tierces, dans le cadre de sa mission de gestion de ces sociétés, et que ces dépenses ont fait l'objet d'une refacturation et d'une régularisation, l'administration fait valoir sans être contredite que, pour les années 2006 à 2008, les refacturations portent sur des frais de gestion et des dépenses d'entretien de jardin alors que les rehaussements effectués pour ces années portent sur d'autres types de prestations. Par ailleurs elle ne contredit pas davantage utilement l'administration en se bornant à produire un extrait au grand livre des comptes généraux pour l'année 2010, qui porte sur une période différente de la période vérifiée, ainsi que la convention de trésorerie du 22 décembre 2006 qui mentionne uniquement la possibilité de mettre un excédent de trésorerie à disposition d'une autre société du groupe. Enfin, il n'est pas contesté qu'il ne ressort d'aucune disposition des statuts de la société requérante qu'elle aurait pour objet d'agir comme une centrale d'achats au bénéfice d'autres sociétés. Dès lors l'administration était fondée à réintégrer les dépenses susmentionnées dans les résultats de la société requérante au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009.

En ce qui concerne la provision " pour risques financiers " :

9. Une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

10. La société requérante a, au titre de l'exercice clos en 2009, constitué une provision pour risques financiers d'un montant de 186 664,71 euros, destinée à faire face au caractère, selon elle, vraisemblablement irrécouvrable d'une créance qu'elle détenait sur sa filiale canadienne, la société Dolphine Finance Canada Inc. L'administration a réintégré cette provision dans le résultat imposable de la société requérante au titre de l'exercice clos en 2009, au motif que la créance à laquelle elle se rapportait, ne résultait pas d'une gestion normale et ne pouvait donner lieu à la constitution d'une provision. Si la société requérante soutient que cette somme correspondait à deux versements destinés à rémunérer la gérante de la filiale canadienne, dont l'activité présentait un potentiel important, elle ne conteste pas ainsi que le fait valoir l'administration que ces sommes n'ont pas été comptabilisées en salaires par la société canadienne et qu'aucun contrat de prêt ou d'avance n'a été conclu avec cette société. Par ailleurs, si ces fonds correspondaient à un prêt, ces montants apparaissent comme hors de proportion avec la solvabilité de la filiale canadienne dont il n'est pas contesté qu'elle n'a réalisé aucun chiffre d'affaires depuis sa création en 2003 jusqu'à sa dissolution en 2009. L'administration était ainsi fondée à réintégrer cette provision dans le résultat imposable de la société requérante au titre de l'exercice clos en 2009.

11. Il résulte de ce qui précède que la SARL LES PHARILLONS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 1er juin 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 juin 2009.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL LES PHARILLONS est rejetée.

2

N° 16VE02159


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02159
Date de la décision : 31/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : SCP DELPEYROUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-01-31;16ve02159 ?
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