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19/02/2019 | FRANCE | N°18VE00848

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 19 février 2019, 18VE00848


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS ACG HOLDING a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 9 décembre 2005 au

31 décembre 2006.

Par un jugement n° 1201703 du 14 mars 2013, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure initiale devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mai 2013, et un mémoire,

enregistré le 26 décembre 2013, la SAS ACG HOLDING, représentée par Me Jeannin, avocat, a demandé à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS ACG HOLDING a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 9 décembre 2005 au

31 décembre 2006.

Par un jugement n° 1201703 du 14 mars 2013, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure initiale devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mai 2013, et un mémoire, enregistré le 26 décembre 2013, la SAS ACG HOLDING, représentée par Me Jeannin, avocat, a demandé à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge, en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- le prorata de déduction doit être fixé à 100 % et non à 69 % comme le soutient l'administration fiscale ;

- les revenus financiers provenant de l'acquisition et la détention d'obligations convertibles en actions (OCA) ne relèvent pas d'une activité entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée, au sens de l'arrêt Cour de justice des Communautés européennes du 6 février 1997, C-80/95, points 18 à 20 et de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 29 avril 2004, C-77/01 EDM, points 66 et 67 ; la détention des OCA et des revenus associés s'inscrit dans le cadre d'une opération de " Leverage Buy Out " réalisée pour acquérir l'entité Financière Alma dans le cadre d'une stratégie de développement ; la requérante a acquis 100% des titres de Financière Alma et 100% des OCA émises par cette société et détenues par la société Chequers Capital ; la détention des OCA répond à l'objectif d'éviter une dilution du capital lors de l'exercice de leur conversion à maturité ;

- le raisonnement du tribunal, fondé sur le critère de l'immixtion, méconnaît la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (Cour de justice des Communautés européennes du 14 novembre 2000, C-142/99, Floridienne et Berginvest, du 20 juin 1991,

C-60/90, Polysar, du 22 juin 1993, C-333/91 Sofitam, du 27 septembre 2001 C-16/00 Cibo Partitipations, et du 29 avril 2004, C-77/01 EDM) ; les frais grevés de taxe sur la valeur ajoutée sont des frais généraux exposés pour les besoins de son activité ; il n'y a eu aucune immixtion ; le contrat de prestation de services du 9 juin 2006 prend effet postérieurement à la souscription des OCA ; il n'y a pas de lien entre la souscription des OCA et les services d'assistance et de conseil rendus aux filiales ; au titre de 2006, la requérante n'a facturé aucune prestation de services à la société Financière Alma, cette dernière n'a exercé aucune activité opérationnelle et n'a réalisé aucun chiffre d'affaires ;

- les produits financiers en cause s'inscrivent dans une opération ponctuelle, les OCA ayant été annulées le 20 décembre 2006, et la société Financière Alma ayant été dissoute le

26 février 2007 par la transmission universelle de son patrimoine à la requérante ;

- subsidiairement, il y aurait lieu de regarder les revenus financiers perçus au titre des OCA comme présentant un caractère accessoire car ces revenus financiers ne sont pas le prolongement nécessaire de son activité taxable et ils n'ont pas requis une utilisation supérieure à un dixième des biens et services grevés de taxe qu'elle a acquis ; la perception de ces produits n'a pas nécessité de négociation particulière ni l'engagement de dépenses de conseils spécifiques, les OCA ayant été émises par la société Financière Alma avant l'opération de " Leveraged Buy-Out " (LBO) et elle n'a nécessité que des dépenses de personnel non grevées de taxe sur la valeur ajoutée et très peu significatives ; l'ensemble des charges grevées de taxe sur la période se rapporte pour l'essentiel à l'opération de LBO ;

- le tribunal n'a pas pris en compte les deux annexes qu'elle avait produites, reprenant l'ensemble des charges grevées de taxe sur la valeur ajoutée et précisant leur nature, le libellé de chacune des factures concernées et la déclaration modèle CA3 associée ; ces charges concernent exclusivement des prestations de services n'ayant été utilisées ni pour la réalisation du chiffre d'affaires taxable ni pour la perception des produits financiers en cause ; la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les déclarations modèle CA3 pour la période de décembre 2005 à février 2006, pour un total de 1 589 139 euros correspondant à 97,50 % du montant total des charges engagées au cours de la même période se rapporte exclusivement à des frais liés à l'opération de LBO ; il s'agit de frais généraux à rattacher à l'activité de la société, en application de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes du 27 septembre 2001

C-16/00 Cibo Participations, et du 8 juin 2000 C-98/98 Midland Bank, point 31 ;

- elle est fondée à se prévaloir du rescrit n° 2007/5 du 27 février 2007 relatif à la prise en compte des dépenses ayant la nature de frais généraux pour l'appréciation du seuil de 10 % prévu par l'instruction administrative référencée 3A-1-06 du 10 janvier 2006.

..........................................................................................................

Par un arrêt n° 13VE01473 du 21 juillet 2015, contre lequel la SAS ACG HOLDING s'est pourvue en cassation, la Cour a rejeté la demande de cette dernière.

Procédure devant le Conseil d'État :

Le Conseil d'État, par une décision n° 393647 du 5 mars 2018, a annulé l'arrêt de la Cour et lui a renvoyé le jugement de l'affaire, réenregistrée sous le n° 18VE00848.

Procédure devant la Cour après renvoi du Conseil d'État :

Par deux mémoires, enregistrés les 22 mai et 4 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête, par les mêmes moyens que ceux exposés lors de la procédure initiale devant la Cour.

Il fait valoir, en outre, que :

- la Cour, par son précédent arrêt, a statué implicitement mais nécessairement sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de redressement en ce qui concerne le caractère accessoire des produits financiers encaissés par la société requérante en statuant sur la charge de la preuve du caractère accessoire ou non de ces produits par rapport au montant des biens et services grevés de la taxe sur la valeur ajoutée affectés à ces derniers ;

- la proposition de rectification est suffisamment motivée ;

- les produits financiers perçus par la SAS ACG HOLDING sur les OCA correspondent en l'espèce à la rémunération de prêts qu'elle a consentis aux sociétés du groupe Alma Consulting dont la société Financière Alam était la holding de tête ; ces prêts doivent être regardés comme exposés dans le cadre d'un objectif d'entreprise et dans un but commercial dès lors que, d'une part, la perception des produits de ces OCA était indispensable à l'équilibre financier de l'opération d'acquisition par LBO de la société Financière Alma et que la prise de contrôle de cette société a permis le développement de l'activité de prestations de services à caractère administratif et financier de la société requérante ;

- le caractère accessoire de ces produits financiers, à titre subsidiaire, ne peut être retenu dans la mesure où les charges grevées de taxe sur la valeur ajoutée exposées au titre de la période vérifiée par la SAS ACG HOLDING pour la réalisation de l'opération d'acquisition de la société Financière Alma, qui représentent 97,5 % du montant total de la taxe supportée par cette société au titre de cette période, ont également été exposées pour l'acquisition des OCA et, par suite, en vue de la perception des produits financiers en cause, dans la mesure où la société n'apporte aucun élément permettant d'affecter une fraction spécifique de ces frais à l'acquisition des OCA ; à ce titre, faute d'une utilisation limitée des biens et services soumis à la taxe sur la valeur ajoutée en vue de la réalisation de cette opération de collecte de produits financiers, celle-ci ne constitue pas un simple accessoire de l'activité principale de la SAS ACG HOLDING ;

- la SAS ACG HOLDING n'est pas fondée à se prévaloir des énonciations de l'instruction administrative référencée 3-A-1-06 du 10 janvier 2006 et du rescrit n° 2007/5 du

27 février 2007 dans la mesure où elle ne remplit pas les conditions de fait prévues par ces interprétations de la loi fiscale.

Par deux mémoires, enregistrés les 22 juin et 5 décembre 2018, la SAS ACG HOLDING, représentée par Me Guichard, avocat, conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1° à l'annulation du jugement attaqué,

2° à la décharge en droits et pénalités, à hauteur de la somme totale de 498 605 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de

6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les mêmes moyens que ceux exposés lors de la procédure initiale devant la Cour.

Elle soutient en outre que :

- l'arrêt de la Cour n° 14VE01473 du 21 juillet 2015 est entaché d'omission à statuer en ce qui concerne l'insuffisante motivation de la proposition de rectification ;

- la proposition de rectification était insuffisamment motivée, en ce qu'elle n'indique pas avec une précision suffisante la fraction des charges grevées de la taxe sur la valeur ajoutée censées être affectées à l'appréhension des produits financiers en litige, alors que la charge de la preuve incombe à l'administration fiscale en l'espèce.

Par lettre en date du 4 décembre 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions aux fins de décharge présentées par la SAS ACG HOLDING en ce qu'elles excèdent la somme totale, en droits et pénalités, de 498 605 euros, mise en recouvrement le 11 janvier 2011 et qui constitue le montant total des impositions en litige.

Par un mémoire, enregistré le 21 décembre 2018, la société SAS ACG HOLDING, représentée par Me Guichard, avocat, déclare se désister de ses conclusions aux fins de décharge des rappels de la taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes pour la période du

1er janvier au 31 décembre 2006, en ce qu'elles se rapportent à l'inclusion dans le dénominateur du prorata de déduction des intérêts perçus au titre du prêt dénommé " CFC Expert " et sur la détention de valeurs mobilières de placement, et maintient le surplus de ses conclusions, par les mêmes moyens que ceux précédemment exposés.

Il soutient en outre que ces intérêts, pour la période du 2 décembre au 31 décembre 2005, ne représentent que 2 % de son chiffre d'affaires global et présentent de ce fait un caractère accessoire en application du b) du 2 de l'article 212 de l'annexe II au CGI, dans sa rédaction applicable au titre de cette période.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 29 avril 2004, Empresa de Desenvolvimento Mineiro SGPS SA (EDM) (aff. C-77/01) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Livenais,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS ACG HOLDING est une société holding constituée le 8 novembre 2005. Elle a engagé le 20 décembre 2005 une opération de rachat par effet de levier, ou " Leveraged Buy-Out " (LBO), aux fins d'acquérir la société Financière Alma, société holding du groupe Alma Consulting, en achetant 100 % des titres de cette société ainsi que 100 % des obligations convertibles en action (OCA) précédemment émises par la société Financière Alma et qui étaient, alors, détenues par la société de capital-investissement Chequers Capital. Ces OCA ayant été converties en actions le 20 décembre 2006, la société Financière Alma a été dissoute sans liquidation le 26 février 2007 du fait de la transmission universelle de son patrimoine à la requérante. Elle a déposé auprès de l'administration fiscale une demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle estimait détenir au 31 mars 2006 pour le montant de 1 589 139 euros, incluant un crédit de taxe de 1 377 179 euros au 1er janvier 2006 résultant, selon la demande, des droits de la requérante à déduire la taxe ayant grevé des frais généraux qu'elle avait pris à sa charge, pour l'essentiel, dans le cadre de l'opération de LBO ci-dessus décrite. Le service, après avoir fait droit à cette demande, a toutefois adressé à la requérante une proposition de rectification en date du 15 décembre 2009 au titre de la période du 8 novembre 2005 au 31 décembre 2006 par laquelle le service vérificateur a, notamment, ramené le prorata de déduction de 100%, que cette dernière avait implicitement retenu pour calculer le crédit de taxe dont elle avait demandé le remboursement, au taux de 69,2 %, ultérieurement porté à 70 %, en réintégrant au dénominateur de ce coefficient des produits financiers perçus par la société vérifiée et correspondant en particulier aux revenus générés, pendant leur durée de détention, par les OCA émises par la société Financière Alma. La SAS ACG HOLDING a demandé la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la modification de ce prorata de déduction au Tribunal administratif de Montreuil qui, par un jugement n° 1201703 du 14 mars 2013, a rejeté sa demande. Par un arrêt

n° 13VE01473 du 21 juillet 2015, la Cour a rejeté la requête de la SAS ACG HOLDING dirigée contre ce jugement. Par une décision n° 393647 du 5 mars 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé, l'affaire à la Cour, où elle a été enregistrée sous le

n° 18VE00848.

Sur l'étendue des conclusions de la SAS ACG HOLDING :

2. Le désistement de la société SAS ACG HOLDING, de ses conclusions aux fins de décharge des rappels de la taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2006, en ce qu'elles se rapportent à l'inclusion dans le dénominateur du prorata de déduction des intérêts perçus au titre du prêt dénommé " CFC Expert " et sur la détention de valeurs mobilières de placement, est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il lui en soit donné acte.

Sur le bien-fondé des impositions :

3. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 271 du même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ". Aux termes de l'article 212 de l'annexe II à ce code, alors en vigueur : " 1. Les redevables qui, dans le cadre de leurs activités situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations utilisées pour effectuer ces activités. / Cette fraction est égale au montant de la taxe déductible obtenu, après application, le cas échéant, des dispositions de l'article 207 bis, multiplié par le rapport existant entre : / a) Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction (...) / b) Au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction (...)/ 2. Par dérogation aux dispositions du 1, il est fait abstraction, pour le calcul du pourcentage de déduction, du montant du chiffre d'affaires afférent : / (...) b. Au produit des opérations immobilières et financières accessoires exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée (...) ". Enfin, aux termes de l'article 219 de la même annexe, alors en vigueur : " Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ces mêmes biens et services dans les limites ci-après : (...) / c. Lorsque leur utilisation aboutit concurremment à la réalisation d'opérations dont les unes ouvrent droit à déduction et les autres n'ouvrent pas droit à déduction, une fraction de la taxe qui les a grevés est déductible. Cette fraction est déterminée dans les conditions prévues aux articles 212 à 214 ".

4. Les dispositions, citées au point 2, de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, prises pour l'application de l'article 19 de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doivent être interprétées en ce sens que les " opérations " auxquelles elles se réfèrent ne sauraient concerner que des activités situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée.

5. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans son arrêt du 29 avril 2004, Empresa de Desenvolvimento Mineiro (EDM) SGPS SA (C-77/01), que l'octroi annuel par une société holding de prêts rémunérés aux sociétés dans lesquelles elle détient une participation constitue une activité économique, effectuée par un assujetti agissant en tant que tel, au sens des articles 2, points 1, et 4, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388, repris par la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, que, toutefois, lesdites opérations sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 13, B, sous d), points 1 et 5, de cette même directive et que, lors du calcul du prorata de déduction visé aux articles 17 et 19 de la sixième directive 77/388, ces opérations doivent être considérées comme des opérations accessoires, au sens de l'article 19, paragraphe 2, deuxième phrase, de celle-ci dans la mesure où elles n'impliquent qu'une utilisation très limitée de biens ou de services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due.

6. S'agissant de l'acquisition par une société holding d'obligations émises par sa filiale et de la perception de recettes qui en découle, il convient, dès lors, pour déterminer si ces recettes doivent être inscrites au dénominateur du prorata de taxe sur la valeur ajoutée, de vérifier si cette perception de recettes doit s'analyser comme la rémunération de la société holding à raison d'un prêt consenti à sa filiale dans les conditions posées par la directive, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans les termes rappelés au point 4, et, dans l'affirmative, de vérifier si ces opérations de prêt, eu égard à l'utilisation très limitée de biens ou de services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due, doivent être considérées comme des opérations accessoires ne devant pas figurer au dénominateur.

7. Il résulte de l'instruction que l'acquisition par la SAS ACG HOLDING des OCA émises par la société Financière Alma a été motivée, non par l'objectif de se substituer aux précédents détenteurs de ces obligations en vue de percevoir, contre la mise à disposition de la société Financière Alma du capital correspondant à ces obligations, les revenus correspondant à la rémunération de ces titres, mais dans le but de s'assurer de la détention de la totalité de parts sociales de la société Financière Alma dans le cadre de son acquisition par opération de LBO et, plus particulièrement, d'éviter une dilution du capital de cette société cible en cas de conversion de ces obligations en actions. Au demeurant, la brève durée de détention des OCA en cause, limitée au temps nécessaire pour organiser la dissolution de la société Financière Alma par réunion de l'ensemble de ses parts sociales dans les seules mains de la société requérante, et l'objectif même poursuivi par la SAS ACG HOLDING, qui consistait à se substituer à la société Financière Alma comme société holding détenant directement les filiales du groupe Alma Consulting, font obstacle à ce que l'achat de ces obligations puisse être regardé comme caractérisant une prestation de prêt qui aurait été, ainsi, consenti par la SAS ACG HOLDING à la société Financière Alma.

8. En outre, il n'apparaît pas davantage que le produit de ces obligations serait venu, comme le fait valoir l'administration fiscale, rémunérer une autre prestation de service rendue par la SAS ACG HOLDING, et notamment des prestations de services à caractère administratif et financier qu'aurait fournies la société requérante aux filiales de la société Financière Alma avant la dissolution de cette dernière, et qui, en tout état de cause, n'auraient pu être payées que par ces filiales elles-mêmes.

9. Dans ces conditions, les produits tirés par la SAS ACG HOLDING de la détention des OCA en cause ne correspondent pas à la rémunération d'une prestation de services rendue à la société Financière Alma et entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Ils résultent exclusivement de la détention de ces titres et, ainsi, ne constituent pas la contrepartie d'une opération économique réalisée par la société requérante. La circonstance que l'acquisition des OCA a contribué à la prise de contrôle de la société Financière Alma et de ses filiales et, par suite, au développement des prestations de services administratifs et financiers rendus par la SAS ACG HOLDING ne saurait caractériser l'existence d'une opération économique réalisée par la société requérante du fait de la perception des revenus générés par ces obligations. De même, il n'est pas établi que, contrairement à ce qu'affirme l'administration fiscale, la perception de ces produits aurait été nécessaire à l'équilibre financier de l'opération de LBO, ni, en tout état de cause, que ce fait pourrait également justifier de l'existence d'une opération économique menée par la SAS ACG HOLDING et qui aurait été rémunérée par ces produits. Par suite, la SAS ACG HOLDING est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a entendu inclure au dénominateur de son prorata de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée le montant des revenus dégagés, pendant leur période de détention, par les obligations en cause.

10. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction, et l'administration fiscale ne fait d'ailleurs pas valoir, que les produits financiers, d'un montant d'ailleurs modeste, encaissés par la SAS ACG HOLDING au titre de la période du 9 décembre au 31 décembre 2015 et correspondant à la rémunération d'une opération dénommée " Prêt CFC experts " et à des intérêts sur des valeurs mobilières de placement, également ajoutés par le vérificateur au dénominateur du prorata de déduction de la société requérante, quand bien même ils entreraient dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée tout en étant exonérés de taxe, ne présenteraient pas un caractère accessoire. Par suite, la SAS ACG HOLDING est fondée à soutenir que c'est également à tort que l'administration fiscale a inclus ces sommes au dénominateur de son prorata de déduction de taxe sur la valeur ajoutée.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la SAS ACG HOLDING est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande s'agissant des impositions restant en litige.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la SAS ACG HOLDING et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est donné acte à la SAS ACG HOLDING du désistement de ses conclusions aux fins de décharge des rappels de la taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2006, en ce qu'elles se rapportent à l'inclusion dans le dénominateur du prorata de déduction des intérêts perçus au titre du prêt dénommé " CFC Expert " et à raison de la détention de valeurs mobilières de placement.

Article 2 : Le jugement n° 1201703 du Tribunal administratif de Montreuil du 14 mars 2013 est annulé.

Article 3 : La SAS ACG HOLDING est déchargée, en droits et pénalités, à hauteur de la somme de 493 533 euros des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 9 décembre 2005 au 31 décembre 2006.

Article 4 : L'Etat versera à la SAS ACG HOLDING une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

8

N° 18VE00848


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00848
Date de la décision : 19/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-03 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Cas des entreprises qui n'acquittent pas la TVA sur la totalité de leurs affaires.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yann LIVENAIS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : TAJ SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-02-19;18ve00848 ?
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