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17/12/2019 | FRANCE | N°19VE01255

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 17 décembre 2019, 19VE01255


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL TOUR DESIGN a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2011, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er septembre 2010 au 30 septembre 2011, ainsi que de la majoration de 40% pour manquement délibéré.

Par un jugement n° 1801689 du 14 février 2019, le T

ribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL TOUR DESIGN a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2011, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er septembre 2010 au 30 septembre 2011, ainsi que de la majoration de 40% pour manquement délibéré.

Par un jugement n° 1801689 du 14 février 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 avril 2019, et un mémoire en réplique enregistré le 26 novembre 2019, la société TOUR DESIGN, représentée par Me Pinos, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge des impositions litigieuses.

Elle soutient que :

- l'avis de vérification du 6 septembre 2012 ne fait pas état du contrôle de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période de septembre 2010 à septembre 2011, en méconnaissance des dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- les fichiers ont été restitués le 5 octobre 2015, et non le 27 mai 2012, et ils contenaient bien des documents comptables ;

- elle n'a pas été informée du remplacement de l'inspecteur principal en cours de vérification ;

- la seconde proposition de rectification ne précise pas le motif pour lequel elle remplace la première proposition de rectification ;

- les impositions litigieuses ne sont pas fondées, l'administration a rejeté à tort sa comptabilité dès lors que la discordance qui apparait entre les produits achetés, les produits vendus et les produits stockés se justifie par l'existence d'un stock de marchandises défectueux ; le rejet a été fait en méconnaissance des paragraphes 7 et 8 de la doctrine administrative n° 46-3341 du 25 juin 1998 ;

- la reconstitution du chiffre d'affaires opérée par l'administration est infondée en ce qu'elle ne porte que sur une seule année et est totalement viciée dès lors qu'elle ne tient pas compte de l'existence du stock de produits défectueux qui n'a pas été vendu et de l'avoir de 50% accordé par la société qui a vendu les produits ; le bilan de son exercice clos le 30 septembre 2011 doit être rectifié en prenant en compte uniquement 25% de la valeur du stock des 1 773 508 articles achetés à la société Tour Souvenir ;

- à supposer que certaines rectifications soient maintenues, la majoration de 40% pour manquement délibéré devrait être réexaminée ;

- le décompte des intérêts de retard aurait dû s'interrompre à la première proposition de rectification.

Vu les pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Beaujard, président ;

- et les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL TOUR DESIGN a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er septembre 2010 au 30 septembre 2011 en ce qui concerne l'ensemble des impositions et au titre de la période allant du 1er octobre 2011 au 31 juillet 2012, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle l'administration, après avoir estimé que la comptabilité de la société était entachée de graves irrégularités, a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2011 et a déterminé des suppléments de cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de cet exercice ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période 1er septembre 2010 au 30 septembre 2011 par une proposition de rectification en date du 26 septembre 2013. La SARL TOUR DESIGN relève appel du jugement en date du 14 février 2019 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, si la société requérante soutient que l'avis de vérification en date du 6 septembre 2012 qui lui a été notifié ne fait pas état du contrôle de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période de septembre 2010 à septembre 2011, en méconnaissance du 2ème alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales qui prévoit que cet avis " doit préciser les années soumises à vérification ", ce moyen manque toutefois en fait, l'avis litigieux indiquant que la vérification portait sur l'ensemble des déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées sur la période du 1er septembre 2010 au 30 septembre 2011, soit y compris la taxe sur la valeur ajoutée.

3. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales interdisent à l'administration fiscale de conserver les copies des fichiers d'écritures comptables après la mise en recouvrement des impositions. Ces dispositions, ainsi que cela ressort des travaux préparatoires dont elles sont issues, sont destinées à garantir au contribuable que des impositions ultérieures ne seront pas établies sur la base des données contenues dans ces fichiers. L'omission de restitution des copies des fichiers en cause, en méconnaissance des dispositions précitées, est susceptible d'entacher la régularité des impositions qui viendraient à être ultérieurement établies sur la base des données qu'ils contiennent. Elle est, en revanche, sans influence sur les impositions mises en recouvrement après la consultation et l'exploitation des fichiers. Par suite, la circonstance que le service n'aurait pas restitué à la société requérante les copies de fichiers informatiques remis en cours de procédure, ne l'a privée d'aucune garantie, et est dès lors sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. Au demeurant, il est constant que les fichiers ont été restitués le 5 octobre 2015, soit antérieurement à la mise en recouvrement, qui est intervenue le 16 octobre 2015, la circonstance que l'administration ait par ailleurs fait état d'une date erronée, en l'espèce le 27 mai 2012, étant sans incidence.

4. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que la société requérante n'a pas été informée du remplacement de l'inspecteur principal en cours de vérification manque en fait, cette information étant l'objet de la proposition de rectification du 26 septembre 2013, qui a annulé et remplacé, pour ce seul motif, la première proposition de rectification du 30 juillet 2013. La société requérante n'est en outre pas fondée à soutenir que la seconde proposition de rectification ne précisait pas le motif pour lequel elle remplaçait la première proposition de rectification, la motivation d'une proposition de rectification devant s'apprécier de manière autonome par rapport aux rectifications proposées compte tenu des motifs de fait et de droit mentionnés dans cet acte et aucune disposition n'imposant à l'administration de préciser les raisons pour lesquelles une précédente proposition de rectification est annulée et remplacée. En tout état de cause, la charte du contribuable vérifié en vigueur à la date de la vérification ne prévoyait pas le droit pour le contribuable d'être informé du nom du supérieur hiérarchique ni le cas échéant de son remplacement en cours de contrôle.

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

5. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. ". La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaire s'étant bornée, lors de sa réunion du 10 février 2015, à émettre le voeu que la société produise des justificatifs supplémentaires et à inviter cette dernière à produire ces éléments auprès de l'administration fiscale, sans adopter d'avis, la charge de la preuve du bien-fondé de la reconstitution du chiffre d'affaires est imputable à l'administration fiscale.

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

6. Il résulte de l'instruction qu'au cours de la période du 1er septembre 2010 au 30 septembre 2011, la société TOUR DESIGN a acheté 2 879 379 articles, qu'elle en a vendu 1 084 683 alors qu'elle n'en a enregistré dans ses écritures comptables que 146 334, de sorte que l'administration a estimé qu'il existait une discordance inexpliquée correspondant à 1 648 362 articles dont la comptabilité ne faisait pas état. La société soutient que la discordance correspond à un stock d'articles défectueux acquis en octobre 2010 auprès de la société Tour Souvenir qu'elle a finalement fait détruire. Toutefois, elle n'apporte pas la preuve de ses allégations, qu'elle est seule en mesure de fournir, en faisant état d'une facture d'achats établie par la société Tour Souvenir, dépourvue de précision, ou de comptes rendus d'intervention établis par le vérificateur, qui se bornent à reprendre les propos tenus par les représentants de la société au cours du contrôle. Cette preuve n'est pas davantage apportée par un procès-verbal d'huissier faisant état du dépôt en déchetterie d'une quantité importante de produits, établi en décembre 2013 soit plus de trois ans après l'achat des produits et plus d'un mois après la proposition de rectification, dès lors qu'il n'est pas possible de vérifier que les articles déposés en déchetterie sont les mêmes que ceux mentionnés sur les factures d'achat. Enfin, la doctrine administrative 4 G 3341 du 25 juin 1998 dont se prévaut la société requérante ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale. C'est par suite à bon droit que l'administration fiscale a rejeté la comptabilité de la société TOUR DESIGN.

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

7. En premier lieu, ainsi que l'ont retenu les premiers juges il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que la reconstitution du chiffre d'affaires d'une entreprise ne pourrait porter sur un seul exercice notamment sur le seul premier exercice d'une entreprise.

8. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a reconstitué le chiffre d'affaires de la société requérante en se fondant sur deux méthodes distinctes, l'une consistant à appliquer à l'ensemble des achats de la société le coefficient d'achat / revente global moyen constaté par le rapport entre le prix d'achat moyen et le prix de vente moyen portés sur les factures, la seconde méthode consistant à appliquer à la discordance constatée entre les stocks et les achats diminués des ventes, le prix de vente moyen figurant sur les factures de la société et retenu pour calculer le coefficient susmentionné. La société requérante ne conteste pas utilement cette reconstitution en se bornant à alléguer que le nombre des articles pris en compte doit être diminué de 75%, soit 50% correspondant à l'avoir précité pour les articles invendables et 25% pour les articles défectueux également invendables. L'administration fiscale doit ainsi être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du bien-fondé des rectifications litigieuses.

Sur les pénalités :

9. Il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges qui ne sont pas critiqués en appel par de nouveaux arguments, d'écarter le moyen tiré de l'absence de bien-fondé de l'application de la pénalité de 40% pour manquement délibéré au sens des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts.

Sur les intérêts de retard :

10. Aux termes du 4 du IV de l'article 1727 du code général des impôts : " (...) le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification (...). Il résulte de ces dispositions que le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois d'une notification de rectification régulière. En l'espèce, l'administration a arrêté les intérêts de retard à la date de la proposition de rectification du 26 septembre 2013. Elle ne justifie cependant pas l'irrégularité d'une première proposition de rectification en date du 30 juillet 2013. Ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 26 septembre 2013 a pour seul objet d'informer le contribuable du remplacement de l'inspecteur principal en cours de vérification, postérieurement à la première proposition de rectification. Cette dernière n'apparait dès lors entachée d'aucune irrégularité. La société requérante est par suite fondée à soutenir que la période de référence pour le calcul des intérêts de retard devait être déterminée par rapport à la proposition de rectification du 30 juillet 2013, et à demander, pour ce motif, la décharge des intérêts de retard mis à sa charge pour la période écoulée entre les deux propositions de rectification.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL TOUR DESIGN est seulement fondée à demander la réduction du montant des intérêts de retard dans les proportions définies au point 10 ci-dessus. Le surplus des conclusions de sa requête doit être rejeté.

DÉCIDE :

Article 1er : La SARL TOUR DESIGN est déchargée des intérêts de retard dans les conditions précisées au point 10 ci-dessus.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL TOUR DESIGN est rejeté.

2

N°19VE01255


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01255
Date de la décision : 17/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Personnes morales et bénéfices imposables.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Procédure de taxation - Taxation - évaluation ou rectification d'office.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Patrice BEAUJARD
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : PINOS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-12-17;19ve01255 ?
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