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19/12/2019 | FRANCE | N°18VE01518

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 19 décembre 2019, 18VE01518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Alba International Déménagements a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et en 2012, et de l'amende prévue par le I de l'article 1736 du code général des impôts qui lui a été i

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Par un jugement n° 1701179 du 12 mars 2018, le tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Alba International Déménagements a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et en 2012, et de l'amende prévue par le I de l'article 1736 du code général des impôts qui lui a été infligée au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1701179 du 12 mars 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2018, la SARL Alba International Déménagements, représentée par Me Tachnoff-Tzarowsky, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- le recours à des apporteurs d'affaires prélevant une commission de 40 % était justifié au regard des conditions économiques d'exercice de son activité ;

- c'est, dès lors, à tort que l'administration fiscale a estimé que ces prestations revêtaient un caractère fictif, et, partant, que les factures correspondantes n'ouvraient pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et que les charges correspondantes ne pouvaient être portées en déduction du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés ;

- les contestations formulées dans son courrier du 17 septembre 2013 en réponse à la proposition de rectification sont également fondées.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Illouz, conseiller,

- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Alba International Déménagements, qui exerce une activité de déménagements, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée concernant l'ensemble de cette période, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012, et lui a infligé, en outre, l'amende prévue par le I de l'article 1736 du code général des impôts au titre de l'année 2011. Cette société relève régulièrement appel du jugement du 12 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur l'étendue des moyens soumis à la Cour :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens (...). ". Il appartient au requérant, tant en première instance qu'en appel, d'assortir ses moyens des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé. Il suit de là que le juge d'appel n'est pas tenu d'examiner un moyen que l'appelant se borne à déclarer reprendre en appel, sans l'assortir des précisions nécessaires.

3. La SARL Alba International indique dans sa requête d'appel que " les impositions sont contestées aux motifs évoqués dans la lettre du 17 septembre 2013 (...) pour motivation de la contestation ". Toutefois, cette société ne développe dans sa requête d'appel que les moyens tirés du défaut de motivation de la proposition de rectification et de ce que le recours à des apporteurs d'affaires prélevant une commission de 40 % était justifié au regard des conditions économiques d'exercice de son activité. Elle ne produit pas, à l'appui de cette requête, copie de son courrier du 17 septembre 2013 et ne fournit pas les précisions indispensables à l'appréciation du bien-fondé des autres moyens de première instance qu'elle affirme reprendre en appel. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens en appel.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration

adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. Le caractère suffisant de la motivation d'une proposition de rectification doit être apprécié distinctement par chef de redressement.

5. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée à la SARL Alba International Déménagements le 23 juillet 2013 mentionne les différents impôts dont les bases sont rectifiées, les années d'imposition en cause, les bases d'imposition faisant l'objet des rectifications envisagées ainsi que, pour chacun des chefs de rehaussement, les dispositions applicables et les éléments de fait ayant conduit le service vérificateur à proposer ces rectifications. Cette motivation était, dès lors, de nature à permettre au contribuable de présenter utilement ses observations, faculté dont la société appelante a d'ailleurs fait usage par son courrier du 17 septembre 2013. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectifications en litige doit, par suite, être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

6. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération.

7. En l'espèce, le service vérificateur a remis en cause, sur le fondement des dispositions précitées, le droit à déduction de la société requérante de la taxe et des charges correspondantes, grevant des factures de prestations de service émises par les sociétés Ad COM, DANII, RC Trading, GABI, Focaphone, que la redevable a présentées comme des " apporteurs d'affaires ", au motif que les sommes facturées ne constituaient pas la contrepartie de prestations effectivement rendues. Il n'est pas contesté que les sociétés litigieuses étaient, durant les périodes d'imposition en litige, régulièrement inscrites au registre du commerce et des sociétés. Le ministre de l'action et des comptes publics fait toutefois valoir, sans être contredit, que les factures litigieuses ne mentionnaient aucun détail relatif aux clients apportés, et que si un numéro client figurait bien sur les factures de RC Trading, aucun élément ne permettait de connaître le client auquel était rattaché ce numéro, qu'aucun contrat d'apporteurs d'affaires, ni aucun devis ou bon de commande de clients démarchés n'avait été produit devant ses services, que les sociétés prestataires étaient majoritairement éphémères, ayant été fermées ou clôturées après une courte durée de vie, qu'elles avaient un objet social sans lien avec l'activité d'apporteurs d'affaires et celle de la société requérante et que ces sociétés n'avaient déclaré aucun salarié. Le ministre se prévaut également de l'absence de précisions quant à la liste de noms fournie par la société appelante durant les opérations de vérifications, laquelle ne permet pas d'identifier le nom des clients démarchés, à l'exception de deux d'entre eux qui n'ont pas répondu aux demandes de renseignements qui leur sont parvenues. Le ministre de l'action et des comptes publics fait enfin valoir que le recours à de telles prestations d'apporteurs d'affaires est dénué de cohérence économique dès lors que le taux des commissions prélevées par ces apporteurs s'élèverait à 40 % du montant de la prestation, alors que la marge nette de la société appelante était très faible. Si la SARL Alba International Déménagements soutient que le recours aux apporteurs d'affaires se justifiait par la nécessité d'avoir un plus gros volume de commandes, fût-ce en dégageant des marges nettes moins importantes, et que la surfacturation des clients étaient possible jusqu'en 2011, ces seules allégations, au demeurant non étayés par le moindre élément susceptible de venir à leur soutien, sont insuffisants pour justifier de la réalité des prestations dont elle déclare avoir effectivement bénéficié. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que ces prestations présentent un caractère fictif pour prononcer les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant.

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

8. Aux termes du 1. de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions du I de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

9. Il résulte de ce qui a été dit au point 7. que la SARL Alba International Déménagements n'apporte pas la preuve de l'existence d'une contrepartie aux charges résultant du règlement de factures prétendument acquittées à des apporteurs d'affaires. C'est, par suite, à bon droit que ces charges ont été réintégrées au sein de son résultat imposable.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Alba International Déménagements n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

D É C I D E :

Article 1er: La requête de la SARL Alba International Déménagements est rejetée.

2

N° 18VE01518


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01518
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : CABINET TACHNOFF TZAROWSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-12-19;18ve01518 ?
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