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04/02/2020 | FRANCE | N°16VE00709-16VE00738

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 04 février 2020, 16VE00709-16VE00738


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D..., agissant en leur nom propre et en celui de leurs enfants mineurs, Romain et Victor D..., ont demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye (CHI) à leur verser, à titre de provisions, 140 000 euros en réparation de leurs préjudices propres, 200 000 euros en réparation des préjudices subis par Romain D... et 200 000 euros en réparation des préjudices subis par Victor D....

Par un jugement n° 1305578 du

15 décembre 2015, le tribunal administratif de Versailles a mis hors de cause...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D..., agissant en leur nom propre et en celui de leurs enfants mineurs, Romain et Victor D..., ont demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye (CHI) à leur verser, à titre de provisions, 140 000 euros en réparation de leurs préjudices propres, 200 000 euros en réparation des préjudices subis par Romain D... et 200 000 euros en réparation des préjudices subis par Victor D....

Par un jugement n° 1305578 du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Versailles a mis hors de cause l'ONIAM et a condamné le CHI à verser à M. et Mme D... une somme provisionnelle de 51 395,53 euros au titre de leurs préjudices propres et la somme de 109 000 euros au titre des préjudices subis par leurs deux enfants.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, des mémoires et des pièces enregistrés les 4 mars et 21 avril 2016, les 4 avril et 30 octobre 2017 et les 25 février, 12 et 18 mars 2019, sous le n° 16VE00709, M. et Mme D..., représentés par la SELARL Coubris, Courtois et Associés, avocats, demandent à la Cour :

1° de réformer le jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande de provision ;

2° de condamner le CHI à leur verser une provision de 140 000 euros en réparation de leurs préjudices propres, de 200 000 euros en réparation des préjudices subis par Romain D... et de 200 000 euros en réparation des préjudices subis par Victor D..., sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du refus d'indemniser opposé par l'assureur du CHI ou à défaut, à compter de l'introduction de la demande devant la présente juridiction ;

3° de mettre à la charge du CHI la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le CHI a commis une faute en interrompant l'enregistrement des rythmes cardiaques des foetus par monitoring au cours de l'hospitalisation de Mme D... le 6 juin 2003 ;

- le lien de causalité entre cette faute et le dommage est établi ;

- la perte de chance est d'au moins 80%.

..........................................................................................................

II. Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif et deux mémoires, enregistrés les 10 et 29 mars 2016, 24 février 2017 et le 8 mars 2018 sous le n° 16VE00738, le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye (CHI), représenté par Me B..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement ;

2° de rejeter les demandes présentées par M. et Mme D....

Le centre hospitalier soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le tribunal aurait dû accueillir sa demande de contre-expertise ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que l'interruption de l'enregistrement par monitoring des rythmes cardiaques des foetus entre 3h55 et 7h35 le 6 juin 2003 constituait une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé qu'il existe un lien de causalité entre cette faute et les préjudices dont il est sollicité l'indemnisation ;

- le taux de perte de chance d'éviter les dommages survenus de 50% retenu par le tribunal est excessif.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de la sécurité sociale,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

- et les observations de Me A... présentées pour M. et Mme D... et celles de Me B... présentées pour le CHI.

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 juin 2003 à 2 heures du matin, Mme D..., enceinte de jumeaux à 30 semaines et cinq jours d'aménorrhée, a été admise au centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye (CHI) pour des saignements abondants et des contractions utérines dans le cadre d'un placenta praevia postérieur recouvrant. A 7 heures 35 minutes, elle a été transférée en urgence au bloc opératoire pour y subir une césarienne. Vers 8 heures naissaient Romain et Victor. En juin 2005, une diplégie spastique liée à des séquelles de leucomalacie périventriculaire est diagnostiquée chez les deux enfants. Par un avis du 19 avril 2012, la commission régionale d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales d'Ile-de-France a fait droit à la demande d'indemnisation de M. et Mme D... en considérant que les conditions dans lesquelles Mme D... avait été prise en charge le 6 juin 2003 par le centre hospitalier est à l'origine d'une perte de chance de 50% d'éviter la survenue du dommage. Par courriers du 11 septembre et du 21 décembre 2012, la société hospitalière d'assurances mutuelles, assureur du centre hospitalier, et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ont, respectivement, refusé de faire une offre d'indemnisation à M. et Mme D.... Par un jugement du 15 décembre 2015, dont M. et Mme D... et le CHI relèvent appel, le Tribunal administratif de Versailles a condamné ce dernier à verser à M. et Mme D... la somme provisionnelle totale de 160 395,53 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, le jugement énonce les circonstances de droit et de fait sur lesquelles les premiers juges se sont fondés. Le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal administratif était saisi doit, par suite, être écarté.

3. En second lieu, le rejet d'une demande de contre-expertise n'est pas par lui-même de nature à entacher le jugement d'irrégularité. Par suite, le moyen soulevé par le CHI, tiré du rejet de sa demande de contre-expertise par les premiers juges, ne peut qu'être écarté.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la faute dans la prise en charge de Mme D... :

4. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que le 6 juin 2003, l'enregistrement des rythmes cardiaques des foetus par monitoring, mis en place lors de l'admission de Mme D... au CHI, a été interrompu entre 3 heures 55 minutes et 7 heures 35 minutes, soit pendant 3 heures et 40 minutes, alors que la grossesse présentait des risques de complications connus du CHI, liés à la gémellarité, à la présence d'un placenta prævia postérieur recouvrant, à des saignements abondants et à la menace d'un accouchement très prématuré. Comme l'a relevé le rapport d'expertise du 30 novembre 2011, en raison de ces risques de complications, une surveillance très rapprochée s'imposait notamment par un enregistrement continu des rythmes cardiaques des foetus, qui seul aurait permis de s'assurer du bien-être de ces derniers et particulièrement de l'impact des saignements que présentait Mme D.... Dans ces conditions, l'arrêt de la surveillance des rythmes cardiaques des foetus pendant 3 heures et 40 minutes constitue une faute de nature à engager la responsabilité du CHI.

En ce qui concerne le lien de causalité entre la faute commise par le CHI et le dommage :

6. Il résulte de l'instruction que lorsque la surveillance par monitoring a été remise en place, à 7 heures 35 minutes, le seul rythme cardiaque enregistré s'est avéré d'emblée tout à fait pathologique, présentant de profonds ralentissements à 60 battements par minute, raison pour laquelle il a été décidé d'effectuer en urgence une césarienne. A leur naissance, Romain et Victor ont fait l'objet notamment d'intubations, de ventilations et de massages cardiaques. Ainsi, ils doivent être regardés comme ayant subi une période d'hypoxie intra-utérine aiguë, comme l'a retenu le rapport d'expertise. Il résulte également de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que contrairement à ce que soutient le CHI, l'hypoxie intra-utérine aiguë est l'une de causes possibles de la leucomalacie périventriculaire diagnostiquée chez les deux enfants qui est à l'origine du retard psychomoteur dont ils sont atteints. Or l'interruption fautive de la surveillance par monitoring pendant 3 heures et 40 minutes a retardé le diagnostic de la souffrance cardiaque des foetus et par conséquent le moment de leur extraction par césarienne. Par suite, le défaut de surveillance du rythme cardiaque des foetus a fait perdre une chance d'éviter le dommage.

7. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

8. Il résulte de l'instruction que si la grande prématurité constitue un facteur de risque de développer une leucomalacie périventriculaire, la fréquence de cette maladie chez les enfants nés grands prématurés tels que Romain et Victor ne dépasse pas 10%. C'est donc à tort que les premiers juges ont évalué, sur la base de l'expertise, le risque pour Romain et Victor de développer cette maladie en raison de leur prématurité à 50%. En revanche, il existe d'autres causes possibles de cette maladie que la prématurité et l'hypoxie aiguë, ainsi qu'il résulte notamment de la littérature médicale produite par le CHI, telles que les hémorragies anténatales du placenta prævia, que Mme D... a subies à 27 semaines d'aménorrhées. Dans ces circonstances, le risque de développer la maladie résultant des autres causes que l'hypoxie aiguë peut être évalué à 30%. Par conséquent, la faute commise par le CHI, qui a empêché d'éviter à Romain et Victor de subir une période d'hypoxie intra-utérine aiguë doit être regardé comme ayant causé la perte d'une chance d'éviter le dommage de 70%. Il y a donc lieu de mettre à la charge du CHI la réparation de cette fraction du dommage.

Sur les préjudices :

9. Il résulte du rapport d'expertise du 30 novembre 2011 et des éléments postérieurs versés au dossier que l'état de santé de Romain et Victor n'est pas encore consolidé. Toutefois, l'absence de consolidation ne fait pas obstacle à ce que soient mises à la charge du CHI les dépenses déjà effectuées et à venir dès lors qu'elles sont certaines ainsi que la réparation de l'ensemble des conséquences déjà acquises, notamment les préjudices temporaires.

En ce qui concerne les préjudices de Romain et Victor :

S'agissant de l'assistance par tierce personne :

10. D'une part, lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée.

11. Le rapport d'expertise a évalué les besoins d'assistance par tierce personne pour chacun des deux enfants à 2 heures par jour en période scolaire et à 5 heures durant les autres périodes. Ces frais doivent être indemnisés sur le base d'un taux horaire de rémunération de 13 euros, ce qui correspond à 26 euros par jour en période scolaire et à 65 euros par jour durant les autres périodes. La période scolaire étant de 144 jours par an, les autres périodes doivent être regardées comme correspondant à 268 jours pour tenir compte des congés payés et jours fériés. Les frais d'assistance par tierce personne s'élèvent par conséquent à 21 164 euros par an pour chacun des deux enfants. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les besoins en assistance d'une tierce personne de Romain et Victor, jusqu'à leur scolarisation à compter de septembre 2006, aient été rendus, du fait de leur état de santé, sensiblement différents de ceux de nourrissons ou d'enfants du même âge, la période à retenir pour l'indemnisation doit débuter en septembre 2006. La période au titre de laquelle l'indemnisation est due est donc de 13 ans et 5 mois à la date du présent arrêt. Il sera fait une exacte appréciation des frais d'assistance à tierce personne pour chacun des deux enfants en les évaluant à 283 950 euros avant application du taux de perte de chance mentionné au point 8 du présent arrêt.

12. D'autre part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. En revanche, la déduction n'a pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune.

13. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale : " Toute personne qui assume la charge d'un enfant handicapé a droit à une allocation d'éducation de l'enfant handicapé, si l'incapacité permanente de l'enfant est au moins égale à un taux déterminé. / Un complément d'allocation est accordé pour l'enfant atteint d'un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses ou nécessite le recours fréquent à l'aide d'une tierce personne. Son montant varie suivant l'importance des dépenses supplémentaires engagées ou la permanence de l'aide nécessaire. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé est destinée à compenser notamment les frais d'assistance par tierce personne que requiert l'état de l'enfant.

14. Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la récupération de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé en cas de retour de son bénéficiaire à meilleure fortune. Il suit de là que le montant de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de son complément éventuel peut être déduit d'une rente ou indemnité allouée au titre de l'assistance par tierce personne.

15. Toutefois, il n'y a lieu de procéder à une telle déduction que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer, comme en l'espèce le CHI, qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.

16. Il résulte de l'instruction que M. et Mme D... ont perçu l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et son complément de catégorie 2 pour Romain et Victor pour un montant total de 45 005,13 euros jusqu'à la date du présent arrêt.

17. Le montant cumulé de l'allocation pour l'éducation d'un enfant handicapé perçue et de l'indemnisation qui doit être mise à la charge du centre hospitalier, qui après application du taux de perte de chance de 70%, s'élève à 243 770 euros, n'excède pas le montant total des frais d'assistance évalué à 283 950 euros. Ainsi, en application des principes cités au point 15 du présent arrêt, il n'y a pas lieu de déduire les sommes perçues par M. et Mme D... au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de son complément. Il suit de là qu'il y a lieu de condamner le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à leur verser, en qualité de représentants légaux de leurs enfants et au titre des préjudices subis par ces derniers, la somme de 283 950 euros au titre de l'assistance par tierce personne pour chacun de leurs deux enfants avant application du taux de perte de chance.

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

18. Si M. et Mme D... soutiennent que ce poste de préjudice doit être indemnisé dès la date de la naissance de leurs enfants, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise que ce n'est qu'à compter de l'âge de 2 ans que Romain et Victor ont présenté un déficit fonctionnel temporaire, âge auquel leur maladie a été diagnostiquée et où sa prise en charge a débuté, soit à la date du présent arrêt, depuis 176 mois. Le déficit fonctionnel temporaire des enfants pendant cette période peut être estimé à environ 80%, ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise. Il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant sur une base de 500 euros par mois correspondant à un déficit fonctionnel temporaire de 100%, soit à 70 400 euros pour chacun des deux enfants, avant application du taux de perte de chance de 70% mentionné au point 8 du présent arrêt.

S'agissant des souffrances endurées :

19. Le rapport d'expertise a évalué les souffrances endurées par les deux enfants à 5 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 15 600 euros pour chacun des deux enfants avant l'application du taux de perte de chance mentionné au point 8 du présent arrêt.

S'agissant du préjudice esthétique temporaire :

20. Le rapport d'expertise a évalué le préjudice esthétique temporaire des deux enfants à 3 sur une échelle de 7. Il résulte de l'instruction que Romain et Victor rencontrent des difficultés pour marcher, qu'ils portent des attelles et utilisent un déambulateur. Si M. et Mme D... soutiennent que ce préjudice se serait aggravé depuis l'époque de l'expertise dès lors que leurs enfants se déplaceraient depuis essentiellement en fauteuils roulants, cette circonstance n'est pas établie. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à 5 000 euros par enfant avant application du taux de perte de chance.

S'agissant du préjudice d'agrément :

21. Il résulte de l'instruction que Romain et Victor subissent des troubles dans leurs conditions d'existence en raison des nombreuses consultations et hospitalisations, des séances de kinésithérapie, de psychomotricité, d'orthophonie, d'ergothérapie et de l'utilisation de leur appareillage, ce qui a une incidence sur leur participation aux activités scolaires et extrascolaires. Les premiers juges ont fait une juste évaluation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 20 000 euros par enfant avant application du taux de perte de chance mentionné au point 8 du présent arrêt.

22. Il résulte de tout ce qui précède que le CHI versera, après application du taux de perte de chance, à titre de provision les sommes, demandées par M. et Mme D..., de 200 000 euros à Romain D... et de 200 000 euros à Victor D....

En ce qui concerne les préjudices de M. et Mme D... :

S'agissant des dépenses diverses :

23. Il résulte de l'instruction, et notamment d'une facture du 18 décembre 2013 ayant pour objet la réalisation d'une salle de douche pour personne à mobilité réduite, que M. et Mme D... ont dépensé la somme de 3 440,90 euros afin d'adapter leur salle de bain au handicap de leurs enfants. Il résulte également de l'instruction, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, que l'état de santé de Romain et Victor a nécessité l'acquisition d'un véhicule, dont M. et Mme D... produisent la facture d'achat en date du 24 juin 2009 et une photographie justifiant que le coffre permet le transport de deux fauteuils roulants. Le surcoût lié à l'acquisition d'un véhicule pourvu d'un tel coffre par rapport à celle d'un véhicule comparable pourvu d'un coffre aux dimensions inférieures, peut être évalué à environ 8 600 euros. En revanche, si M. et Mme D... soutiennent qu'ils ont dû faire l'acquisition de fauteuils roulants et de tricycles pour leurs enfants, ils n'établissent pas la réalité des frais qu'ils auraient supportés à ce titre. Par ailleurs, s'ils demandent l'indemnisation de frais de garde de leurs enfants, il ne résulte pas de l'instruction que ces derniers auraient, en raison de leur état de santé, nécessité des frais de garde supplémentaires par rapport à ceux de tout enfant de leur âge. Ainsi, il y a lieu d'indemniser les dépenses diverses à hauteur de 12 041 euros avant application du taux de perte de chance mentionné au point 8 du présent arrêt.

S'agissant du préjudice moral et de l'incidence professionnelle :

24. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence de M. D... en les évaluant, à titre provisionnel, à 70 000 euros avant application du taux de perte de chance de 70%.

25. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence consistant not amment dans les répercussions du dommage subi par ses enfants sur la carrière de Mme D... en les évaluant, à titre provisionnel, à 85 000 euros avant application du taux de perte de chance de 70%.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le CHI n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a fait droit aux conclusions indemnitaires de M. et Mme D.... Il y a lieu de porter la provision due par le centre hospitalier à 200 000 euros pour Romain D..., 200 000 euros pour Victor D..., et 116 929 euros pour M. et Mme D....

En ce qui concerne les intérêts :

27. M. et Mme D... ont droit aux intérêts au taux légal de la somme provisionnelle totale de 516 929 euros mise à la charge du CHI à compter du 11 septembre 2012, date de rejet de leur demande d'indemnisation par l'assureur du CHI.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

29. Il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, partie perdante, la somme de 3 000 euros à payer à M. et Mme D..., en application des dispositions précitées.

DECIDE :

Article 1 : La somme provisionnelle que le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye est condamné à verser à M. et Mme D..., en leur qualité de représentants légaux de leurs deux enfants, Romain et Victor, est portée de 109 000 euros à 400 000 euros, et à M. et Mme D..., de 51 395,53 euros à 116 929 euros au titre de leurs préjudices propres, avec intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2012.

Article 2 : Le jugement n° 1305578 du 13 octobre 2015 rendu par le Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête n° 16VE00738 du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye est rejetée.

Article 4 : Le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye versera à M. et Mme D... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. et Mme D... est rejeté.

Nos 16VE00709, 16VE00738 8


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00709-16VE00738
Date de la décision : 04/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Caroline GROSSHOLZ
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : CABINET COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES ; CABINET COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-02-04;16ve00709.16ve00738 ?
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