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05/06/2020 | FRANCE | N°17VE01618

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 05 juin 2020, 17VE01618


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 16 février 2016 par laquelle le directeur général de l'office public de l'habitat montreuillois (OPHM) lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonction d'une durée d'un jour.

Par un jugement n° 1602762 du 24 mars 2017, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23

mai 2017, M. D..., représenté par Me Rodrigue, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 16 février 2016 par laquelle le directeur général de l'office public de l'habitat montreuillois (OPHM) lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonction d'une durée d'un jour.

Par un jugement n° 1602762 du 24 mars 2017, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2017, M. D..., représenté par Me Rodrigue, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et la décision du 16 février 2016 du directeur général de l'OPHM ;

2° de mettre à la charge de l'OPHM la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en fondant sa décision d'exclusion sur des dispositions législatives et réglementaires relatives à la fonction publique territoriale alors qu'il était en situation de détachement sur un emploi de droit privé, le directeur général de l'OPHM a outrepassé sa compétence ;

- cette décision viole les droits de la défense, en ce que faute de lui avoir indiqué la sanction envisagée, il n'a pas pu préparer utilement sa défense et l'OPHM n'a pas recueilli ses observations dans le cadre d'un entretien préalable ;

- elle est entachée d'erreur de fait ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir.

............................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 ;

- le décret n° 2011-636 du 8 juin 2011 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Me Antoniazzi, avocat substituant Me C..., pour l'office public de l'habitat montreuillois.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... relève appel du jugement du 24 mars 2017 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2016, du directeur général de l'office public de l'habitat montreuillois (OPHM), prononçant son exclusion temporaire de fonction d'une durée d'un jour.

Sur les conclusions en annulation :

2. En premier lieu, d'une part, l'article 22 du décret du 8 juin 2011 portant dispositions relatives aux personnels des offices publics de l'habitat énonce que les dispositions du titre II, comprenant les articles 22 à 46, s'appliquent aux personnels employés par les offices publics de l'habitat n'ayant pas la qualité d'agent public, lesquels sont soumis aux dispositions du code du travail. L'article 47 du même décret soumet les fonctionnaires placés en position de détachement auprès des offices publics de l'habitat, à certaines dispositions du titre II, dont celles de l'article 24 relatif à l'embauche des salariés des offices selon un contrat de droit privé. Enfin, aux termes de l'article 48 de ce décret : " I. - Les fonctionnaires territoriaux (...) qui, tout en relevant de l'office public de l'habitat, sont placés dans l'une des positions prévues par l'article 55 ou qui sont détachés au sein de l'établissement en application du cinquième alinéa du IV de l'article 120 de cette même loi et qui demandent (...) à être soumis définitivement aux dispositions applicables aux salariés relevant du titre II du présent décret employés par cet office conservent les avantages qu'ils ont acquis ou conservés dans cet établissement (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 421-23 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour la gestion des agents relevant de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, en activité dans l'office ou placés dans l'une des autres positions énumérées à l'article 55 de cette loi, le conseil d'administration de l'office constitue l'assemblée délibérante et le directeur général, l'autorité territoriale ". Le dernier alinéa du I de l'article 13 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires énonce que : " Au titre des fautes commises lors du détachement, l'autorité investie du pouvoir de nomination dans le corps ou le cadre d'emplois de détachement est compétente pour l'exercice du pouvoir disciplinaire. La procédure et les sanctions applicables sont celles prévues par les dispositions statutaires en vigueur, selon le cas, dans la fonction publique de l'Etat, la fonction publique territoriale (...) ". Et aux termes de l'article 19 de cette loi : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, bien que ses rapports avec son employeur soient des rapports de droit privé, l'agent public détaché au sein d'un office public de l'habitat demeure soumis aux règles disciplinaires propres au statut général de la fonction publique et au statut particulier dont il relève, l'exercice du pouvoir disciplinaire incombant, par exception à ces règles, au directeur général de cet établissement public. Il n'en va autrement que dans l'hypothèse où cet agent a librement et expressément opté pour le statut de salarié, une telle option étant irrévocable, auquel cas les règles disciplinaires applicables sont celles du code du travail.

3. M. D... soutient que la sanction litigieuse est privée de base légale, dès lors que le directeur général de l'OPHM devait lui appliquer, non la procédure disciplinaire propre aux fonctionnaires, mais celle prévue par le code du travail. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. D..., adjoint administratif principal territorial, a été détaché à compter du 1er juillet 2013 sur un emploi de droit privé auprès de l'OPHM, conformément aux dispositions de l'article 24 du décret du 8 juin 2011, applicables tant aux salariés qu'aux fonctionnaires recrutés par un office public de l'habitat. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant a demandé à être soumis définitivement aux dispositions applicables aux salariés de l'office. Une telle demande ne saurait davantage se déduire des stipulations du contrat de détachement, qui se borne à viser le décret du 8 juin 2011, ainsi que le code du travail et les accords collectifs internes applicables. M. D... demeurait ainsi soumis, en sa qualité de fonctionnaire, au régime disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / (...) l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (...) ". Une sanction ne peut être légalement prononcée à l'égard d'un agent public sans que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense. S'agissant des sanctions du premier groupe, dont fait partie, pour les fonctionnaires territoriaux, l'exclusion temporaire de fonctions en vertu des dispositions précitées de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984, cette garantie procédurale est assurée, en application des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, par l'information donnée par l'administration à l'intéressé qu'une procédure disciplinaire est engagée, et qu'il dispose du droit à la communication de son dossier individuel et de tous les documents annexes, ainsi qu'à l'assistance des défenseurs de son choix. En revanche, il ne résulte d'aucune disposition légale ou principe général qu'avant l'édiction d'une sanction du premier groupe, un agent puisse présenter des observations orales.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 26 janvier 2016, le directeur général de l'OPHM informait le requérant de l'engagement de poursuites disciplinaires à son encontre, pour s'être rendu le 21 septembre 2015, en dehors de ses heures de travail et de délégation, au siège de l'établissement, et y avoir utilisé le matériel de reprographie pour photocopier des affiches, apposées ensuite sur divers endroits non autorisés. Le directeur général l'informait également de la possibilité de consulter son dossier administratif, en en précisant les modalités, et de la faculté d'être assisté du conseil de son choix. Il s'ensuit que, et alors que l'administration n'avait pas à l'aviser de la sanction qu'elle envisageait de lui infliger au terme de la procédure, M. D... a été mis en mesure de présenter utilement sa défense, et en particulier, de présenter des observations sur les griefs de l'administration à son égard. Par ailleurs, s'agissant d'une sanction du premier groupe, l'administration n'était pas tenue de le convoquer, pour les besoins de la procédure contradictoire, à un entretien préalable, pas plus qu'elle n'avait, en l'absence de saisine du conseil de discipline, à dresser un rapport disciplinaire.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, selon déclaration du 21 septembre 2015, ce même jour à 7 h 00, deux femmes de ménage ont surpris M. D... au siège de l'office, en train d'utiliser, sans avoir allumé la lumière dans les locaux, la photocopieuse située à côté de la salle " Wagner " pour reproduire des affiches, mettant en cause un membre du cabinet de l'OPHM, qui ont été apposées sur la vitre du bureau d'un agent et à d'autres endroits du bâtiment. Leur présence est corroborée par les relevés du logiciel d'accès aux locaux versés au dossier, dont il ressort qu'elles ont embauché à 6 h 57 et 7 h 00. Si le requérant a déposé plainte contre elles pour dénonciation calomnieuse, il ne soutient ni même n'allègue que cette plainte aurait connu une suite judiciaire en sa faveur. Enfin, l'attribution ultérieure d'un logement social à l'une des signataires de cette déclaration n'établit pas, à elle seule, son insincérité. Par ailleurs, si l'agent, sur la vitre du bureau duquel l'affiche aurait été apposée, a certifié ne pas l'avoir constaté lors de son arrivée le même jour à 8 h 00, trois autres agents ont attesté de la présence de cette affiche, sur laquelle figure la photographie de l'agent susmentionné accompagnée d'un commentaire sarcastique, près de la salle " Wagner ", sur la porte donnant sur la cour intérieure, et sous le porche. Les déplacements de M. D..., retracés par le logiciel d'accès aux locaux, concordent avec les attestations des cinq agents de l'office. Si le requérant affirme s'être rendu tôt au siège de l'OPHM, afin de récupérer un ordinateur portable pour terminer la rédaction d'un procès-verbal, cette circonstance n'est pas incompatible avec les faits constatés. Il s'ensuit que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la matérialité des faits sur lesquels repose la sanction ne serait pas établie.

7. En dernier lieu, M. D... soutient que la sanction litigieuse est inspirée par des motifs étrangers au fonctionnement du service, tenant à l'animosité de la direction à son endroit, due à son engagement au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'OPHM. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le détournement de pouvoir allégué serait établi.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'OPHM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. D... une somme de 800 euros à verser à l'OPHM sur le fondement des mêmes dispositions. Par ailleurs, en l'absence de dépens exposés par cet établissement, les conclusions présentées par l'OPHM au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera à l'OPH montreuillois une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'OPH montreuillois est rejeté.

2

N° 17VE01618


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01618
Date de la décision : 05/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Établissements publics et groupements d'intérêt public - Régime juridique des établissements publics - Personnel - Statut - Discipline.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: M. Fabrice MET
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : SCP FROMONT BRIENS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-05;17ve01618 ?
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