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16/06/2020 | FRANCE | N°18VE00948

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 16 juin 2020, 18VE00948


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIETE DE KOEIJER TRANSPORT BV a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, par trois demandes distinctes, de prononcer le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle affirme disposer au titre des périodes du 1er juillet au 30 septembre 2015, du 1er août au 31 décembre 2015 et du 1er janvier au 31 mars 2016, pour un montant total de 36 997,22 euros.

Par un jugement n° 1608594, 1608598 et 1608602 du 14 novembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil après avoir join

t ces trois demandes, en a prononcé le rejet.

Procédure devant la Cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIETE DE KOEIJER TRANSPORT BV a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, par trois demandes distinctes, de prononcer le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle affirme disposer au titre des périodes du 1er juillet au 30 septembre 2015, du 1er août au 31 décembre 2015 et du 1er janvier au 31 mars 2016, pour un montant total de 36 997,22 euros.

Par un jugement n° 1608594, 1608598 et 1608602 du 14 novembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil après avoir joint ces trois demandes, en a prononcé le rejet.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mars 2018, la SOCIETE DE KOEIJER TRANSPORT BV, représentée par Me Sibenaler, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de des périodes du 1er juillet au 30 septembre 2015, du 1er août au 31 décembre 2015 et du 1er janvier au 31 mars 2016, pour un montant total de 36 997,22 euros.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'ayant pas été notifié à son siège social, mais uniquement par courrier électronique, une telle notification ne pouvait faire courir aucun délai de recours contentieux qui lui aurait été opposable;

- c'est à tort que les juges de premières instance ont rejeté pour tardiveté ses deux premières demandes ; en effet, la notification des décisions de rejet en litige n'a pas respecté les conditions prévues par le règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007, la notification par lettre simple n'étant pas de nature à faire courir les délais de recours aux Pays-Bas ; elle n'a pas reçu de notification des voies et délais de recours dans une langue que ses salariés ou dirigeants sont susceptibles de comprendre ;

- c'est également à tort que les premiers juges ont rejeté sa troisième demande dès lors que le dépassement du délai de réponse à une demande d'information n'a pu avoir pour conséquence une déchéance de son droit à remboursement ; les échanges ont eu lieu dans une langue étrangère pour elle et elle n'a reçu aucune information quant aux conséquences du non-respect du délai de réponse.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- Vu le règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Deroc, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SOCIETE DE KOEIJER TRANSPORT BV, dont le siège est situé aux PaysBas et qui exerce son activité dans le secteur du transport, a demandé à l'administration fiscale le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de trois périodes du 1er juillet 2015 au 31 mars 2016. Ces demandes ont fait l'objet de deux décisions de rejet en date du 2 mai 2016 et d'une troisième décision de rejet du 6 septembre 2016, au motif que la société n'avait pas répondu aux demandes d'informations complémentaires qui lui avait été adressées par l'administration. La SOCIETE DE KOEIJER TRANSPORT BV fait appel du jugement du 14 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses requêtes n° 1608594 et 1608598, portant sur les périodes du 1er juillet au 31 décembre 2015, comme étant tardives, et sa troisième requête n° 1608602, relative à la période du 1er janvier au 31 mars 2016, comme irrecevable en l'absence de production des pièces justificatives demandées par l'administration.

Sur la recevabilité des requêtes portant sur les demandes de remboursement de TVA pour périodes du 1er juillet au 31 décembre 2015 :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa version applicable : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " et aux termes de l'article R. 421-7 du même code : " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 est augmenté (...) de deux mois pour les personnes qui demeurent à l'étranger ".

3. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE DE KOEIJER TRANSPORT BV, les décisions de rejet du 2 mai 2016 qui ont été opposées par l'administration fiscale aux demandes de remboursement qu'elle a présentées au titre des périodes du 1er juillet au 30 septembre 2015 et du 1er août au 31 décembre 2015, lui ont été notifiées par lettre recommandée reçue le 13 mai 2016. Les décisions en litige comportaient la mention des voies et délais de recours et indiquaient sans ambiguïté que la société disposait d'un délai de deux mois, augmentés de deux mois pour les résidents à l'étranger, pour saisir le tribunal administratif. En outre, la société requérante ne saurait utilement invoquer les dispositions du règlement n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 visé ci-dessus dès lors que celui-ci dispose en son article 1er qu'il ne s'applique pas en matière fiscale et que ce domaine, aucune disposition légale ne fait obligation à l'administration fiscale de notifier ses décisions dans la langue du contribuable. Dès lors, la SOCIETE DE KOEIJER TRANSPORT BV avait jusqu'au 13 septembre 2016 pour déposer ses requêtes devant le tribunal administratif. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, c'est sans méconnaitre les dispositions des articles R. 421-1 et R. 421-7 du code de justice administrative que les juges de première instance ont rejeté comme tardives les requêtes n° 1608594 et n° 1608598 enregistrées le 7 novembre 2016.

Sur la demande de remboursement de la TVA au titre de la période du 1er janvier au 31 mars 2016 :

4. Aux termes des dispositions de l'article 271 du code général des impôts : " V. Ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que s'ils étaient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) d) Les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France (...) ". En outre, aux termes de l'article 242-0 N de l'annexe II au même code dispose : " Un assujetti non établi en France peut obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens qui lui ont été livrés ou les services qui lui ont été fournis en France par d'autres assujettis ou ayant grevé l'importation de biens en France, dans la mesure où ces biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes : /1° les opérations dont le lieu d'imposition se situe hors de France mais qui ouvriraient droit à déduction si ce lieu d'imposition était situé en France ; / 2° les opérations mentionnées au 2° de l'article 2420 O ". L'article 242-0 R de la même annexe dispose : " I. - Pour bénéficier du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, l'assujetti non établi en France doit adresser au service des impôts une demande de remboursement souscrite par voie électronique au moyen du portail mis à sa disposition par l'Etat de l'Union européenne où il est établi. / II. - L'assujetti mentionné au I doit joindre par voie électronique à la demande de remboursement une copie de la facture ou du document d'importation lorsque la base d'imposition figurant sur la facture ou le document d'importation est égale ou supérieure à un montant de 1 000 €. Toutefois, lorsque la facture porte sur des dépenses de carburant, ce seuil est fixé à 250 €. " L'article 41 decies de l'annexe IV au même code précise par ailleurs la nature des informations que doit fournir l'assujetti introduisant une telle demande de remboursement. Enfin, l'article 242-0 Wde l'annexe II à ce code : " I. - Le service des impôts peut demander par voie électronique dans le délai mentionné au II de l'article 242-0 V des informations complémentaires, notamment auprès du requérant ou des autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne dans lequel il est établi, lorsqu'il estime ne pas être en possession de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la totalité ou une partie de la demande de remboursement introduite par le requérant. (...) II. - Les informations complémentaires exigées conformément aux dispositions du I doivent être fournies dans un délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande d'informations par le destinataire. "

5. Ces dispositions se bornent à transposer en droit interne la directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008 définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l'État membre du remboursement mais dans un autre État membre, et notamment ses articles 7, 8, 10 et 20. Dans un arrêt C-133/18 du 2 mai 2019, Société Sea Chefs Cruise Services GmbH, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9/CE du Conseil, du 12 février 2008, définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l'État membre du remboursement, mais dans un autre État membre, doit être interprété en ce sens que le délai d'un mois prévu à cette disposition pour fournir à l'État membre du remboursement les informations complémentaires demandées par cet État membre n'est pas un délai de forclusion qui implique, en cas de dépassement de ce délai ou d'absence de réponse, que l'assujetti perde la possibilité de régulariser sa demande de remboursement par la production, directement devant le juge national, d'informations complémentaires propres à établir l'existence de son droit au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée.

6. La SOCIETE DE KOEIJER TRANSPORT BV a produit en première instance une facture d'électricité du mois de février 2016, des quittances de loyer au titre des mois de janvier à mars 2016, des factures de carburant et de péage portant sur la période de janvier à avril 2016, pour lesquelles elle justifie d'un montant global de taxe sur la valeur ajoutée payée en France de 9 214 ,06 euros. Toutefois, le montant de taxe déductible de 1 173,52 euros a été facturé par la société DKV le 15 avril 2016. Par suite, le remboursement de cette somme doit être écarté en tant qu'il concerne une période postérieure à celle au titre de laquelle la société requérante a présenté sa demande de remboursement. La SOCIETE DE KOEIJER TRANSPORT BV est dès lors fondée à soutenir, eu égard aux éléments qu'elle a produit devant eux, que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses demandes au motif qu'elle n'avait pas justifié des dépenses exposées, et à demander l'annulation du jugement attaqué.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner avant de statuer sur les conclusions de l'appelant tous les moyens opérants soulevés par l'intimé devant les premiers juges, à l'exception de ceux qu'il a expressément abandonnés, ainsi que les moyens soulevés en appel.

8. Il résulte de ce qui est dit au point 5 du présent arrêt que la circonstance que l'assujetti qui ne fournit pas à l'administration fiscale les renseignements complémentaires que celle-ci a sollicité en vertu des dispositions du I de l'article 242-0 W de l'annexe II au code général des impôts dans le délai d'un mois prévu par le II de ce même article n'a pas pour effet de rendre sa demande de remboursement irrecevable et qu'il peut justifier à tout moment, y compris pour la première fois dans le cadre d'un recours contentieux, de son droit au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée qu'il sollicite en fournissant de tels renseignements. En l'espèce, et ainsi qu'il a été dit précédemment, la SOCIETE DE KOEIJER TRANSPORT BV justifie avoir réalisé les opérations imposables au titre desquelles elle a supporté en France les montants de taxe sur la valeur ajoutée en litige. Au demeurant, le ministre indique dans ses écritures que pour la période en cause " la société a fourni les renseignements requis et produit les documents complémentaires (...) qui conditionnent le droit au remboursement ". Si ce dernier peut être regardé comme demandant une substitution de base légale au bénéfice de l'article R. 242-0 W pour fonder sa décision de rejet partiel de la réclamation, cette modification est sans incidence sur le motif du rejet et, par suite, sur la légalité de la décision. Les autres arguments opposés en défense quant à la territorialité des prestations de service et de leur imposition concernent des factures différentes de celles dont l'absence de production a fondé la décision de rejet du 6 septembre 2016. Par suite, et contrairement à ce que fait valoir l'administration fiscale qui n'oppose aucun autre motif de refus, la société requérante est fondée à demander le remboursement des crédits de taxe en litige sans que puisse utilement lui être opposée la tardiveté de la production des justificatifs.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société SOCIETE DE KOEIJER TRANSPORT BV est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a refusé de faire droit à ses demandes à hauteur de la somme de 8 040,55 euros. Il y a lieu, par suite, de prononcer le remboursement à la société requérante de cette somme au titre des montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle a demandé la restitution.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil en date du 14 novembre 2017 est annulé en tant qu'il statue sur la requête enregistrée sous le n° 1608602.

Article 2 : L'État remboursera à la SOCIETE DE KOEIJER TRANSPORT BV un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 8 040,55 euros au titre de période du 1er janvier au 31 mars 2016.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE DE KOEIJER TRANSPORT BV est rejeté.

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N° 18VE00948


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00948
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-06 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Remboursements de TVA.


Composition du Tribunal
Président : M. LIVENAIS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme DEROC
Avocat(s) : SIBENALER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-16;18ve00948 ?
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