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16/06/2020 | FRANCE | N°18VE01034

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 16 juin 2020, 18VE01034


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2009 à raison de revenus regardés comme distribués par la Sarl Jet Fun.

Par un jugement n° 1507702 du 6 février 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mars 2018,

M. et Mme C..., représentés par Me Labetoule, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2009 à raison de revenus regardés comme distribués par la Sarl Jet Fun.

Par un jugement n° 1507702 du 6 février 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mars 2018, M. et Mme C..., représentés par Me Labetoule, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge ou la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus et de contributions sociales en litige ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de la doctrine BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40-20140908 n° 110 et 120, opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation au regard de l'identité du bénéficiaire des sommes distribuées et de la limitation des rehaussements à hauteur de la détention de capital par M. C... ;

- les juges de première instance ont méconnu les règles de charge de la preuve, alors même que le service n'a pas démontré, d'une part l'existence de sommes distribuées, en ce que leur existence n'a été dégagée qu'à l'issue d'une méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL Jet Fun reposant sur une méthode critiquable, et d'autre part que M. C... aurait été seul maître de l'affaire et donc seul à même d'appréhender les sommes en cause, alors que son épouse est associée minoritaire et que ses salariés avaient accès aux recettes en espèces de la société- la procédure de l'article 117 du code général des impôts aurait dû être mise en oeuvre, en l'absence de démonstration par l'administration de l'identité du bénéficiaire des sommes distribuées, d'appréhension effective des sommes et du caractère exclusif de la gestion des fonds sociaux ;

- en tout état de cause, les rehaussements auraient dû être limités à hauteur de sa détention de capital, soit 75 % des sommes réputées distribuées.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Deroc, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... est gérant et associé majoritaire de la SARL Jet Fun, laquelle exploite depuis 1997 une station de lavage automatique de véhicules, comportant une boutique de vente d'accessoires automobiles, route de la Pompadour à Créteil (Val-de-Marne). A la suite d'une vérification de la comptabilité de cette société portant sur la période du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2009, M. et Mme C... ont vu mettre à leur charge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2009 à raison de revenus regardés comme distribués par la Sarl Jet Fun et réputés appréhendés par M. C... en vertu du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Par un jugement n° 1507702 du 6 février 2018, dont M. et Mme C... font appel, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur requête à fin de décharge de l'ensemble de ces sommes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il résulte des termes du jugement attaqué que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble de l'argumentation des requérants, a répondu avec une précision suffisante au moyen selon lequel l'administration fiscale échouait à démontrer que M. C... était le seul maître de l'affaire et réputé avoir ainsi appréhendé les sommes litigieuses, en ce qu'il ne détient pas l'intégralité du capital de la société et que le service ne démontrait pas qu'il avait seul la maîtrise des fonds de la société. En outre, si les demandeurs ont invoqué devant les premiers juges, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, un moyen tiré de la méconnaissance de la doctrine BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40-20140908 n° 110 et 120, celui-ci n'était pas opérant dès lors notamment que la doctrine invoquée, publiée le 12 septembre 2012, est postérieure aux années contrôlées et qu'elle ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application par le tribunal. Ce dernier n'était donc pas tenu d'y répondre et, par suite, son jugement n'est pas entaché sur ce point de défaut de motivation. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.

4. En second lieu, il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'introduction de la demande de première instance, l'administration fiscale a accordé à M. et Mme C... le dégrèvement, à hauteur de la somme totale de 240 euros, des suppléments de contributions sociales à raison de l'abandon de l'application à ces derniers de la majoration de 1, 25 prévue par les dispositions du 2 du 7 de l'article 158 du code général des impôts. Dans ces conditions, la demande présentée par M. et Mme C... était devenue, dans cette mesure, sans objet. Le jugement du Tribunal administratif de Versailles attaqué, qui a statué sur cette demande, doit donc être annulé dans cette mesure. Il y a lieu par suite pour la Cour d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

5. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " et aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ". L'article 117 du code général des impôts dispose en outre : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ".

6. D'une part, M. et Mme C... soutiennent qu'en l'absence de démonstration par l'administration fiscale de l'identité des bénéficiaires des revenus réputés distribués, celle-ci ne pouvait opérer le rehaussement litigieux sans avoir préalablement mis en oeuvre la procédure de désignation par la SARL Jet Fun de ces bénéficiaires, conformément à l'article 117 du code général des impôts précité. Toutefois, il résulte de ces dispositions que, si l'administration s'abstient d'inviter une personne morale à lui faire parvenir des indications sur les bénéficiaires d'un excédent de distribution qu'elle a constaté, cette abstention a seulement pour effet de la priver de la possibilité d'assujettir ladite personne morale à l'impôt sur le revenu à raison des sommes correspondantes, mais est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard des personnes physiques qui ont bénéficié de la distribution et que l'administration, compte tenu des renseignements dont elle dispose, est en mesure d'identifier.

7. Il résulte de l'instruction que le service était en mesure d'identifier M. C... comme bénéficiaire des revenus regardés comme distribués par la SARL Jet Fun. Il suit de là que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la circonstance que le service n'a pas demandé à cette dernière de désigner le bénéficiaire des distributions résultant de la rectification de son résultat est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

8. D'autre part, si M. et Mme C... entendent se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des commentaires administratifs référencés BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40-20140908 et BOI-IR-BASE-10-10-10-40, ils ne sont pas fondés à les invoquer dès lors qu'ils ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il vient d'être fait application et qu'au surplus, elles sont postérieures aux impositions en litige.

En ce qui concerne l'existence des revenus appréhendés en litige :

9. L'administration fiscale a réintégré au revenu imposable des requérants des revenus distribués par la SARL Jet Fun correspondant à des charges majorées relatives à l'utilisation de véhicules de la société par M. C... à des fins personnelles et des produits omis en constatant des variations de chiffres d'affaires incohérentes au regard des variations de la consommation d'eau utilisée pour l'activité de lavage de véhicules. En dépit des explications fournies par les requérants, la comptabilité de la société a été reconnue comme régulière en la forme mais non probante en raison de la non-présentation des pièces justificatives des recettes. Les rehaussements notifiés le 23 décembre 2011 étaient en outre conformes à l'avis rendu le 28 mars précédent par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Ainsi, conformément aux dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, M. et Mme C... supportent la charge de la preuve du caractère exagéré des bases d'imposition auxquelles ils ont été soumis, tant en ce qui concerne le principe et le montant des revenus distribués par la SARL Jet Fun que l'appréhension par eux de ces revenus.

10. En l'absence de production de tout élément justifiant du montant des recettes qui auraient été perçues en espèces par la SARL Jet Fun, et dès lors que l'administration fiscale a établi les rehaussements en litige sur la base des taux de consommation d'eau retenues dans l'avis précité du 28 mars de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intégrant les quantités d'eau improductives proposées par la société, les requérants échouent à démontrer le caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié de la méthode de reconstitution mise en oeuvre par l'administration et, par suite, le caractère exagéré du montant des revenus distribués résultant de cette évaluation.

En ce qui concerne l'appréhension des sommes en cause par M. C...:

11. M. et Mme C..., qui forment un foyer fiscal unique, détiennent l'ensemble du capital de la SARL Jet Fun et M. C..., seul gérant de la société, dispose de la signature bancaire et plus généralement du contrôle des comptes et des fonds de la société. En outre, l'intéressé a déclaré pendant la vérification de comptabilité que c'est lui qui " récapitule manuellement tous les jours sur une fiche navette la somme encaissée des différentes activités, lavages, aspirateurs et boutique " et que cette fiche navette sert à son épouse, salariée et associée de la société, " pour rédiger ses tableaux journaliers de recettes ", lesquels sont ensuite remis à un cabinet comptable pour tenir la comptabilité. Dans ces conditions, l'administration, à qui incombe sur ce point la charge de la preuve, apporte suffisamment d'éléments tirés du fonctionnement effectif de la société, pour établir que M. C... est, en l'espèce, seul maître de l'affaire comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges. Les requérants, qui peuvent renverser la présomption d'appréhension par M. C... des revenus distribués par la société, ne remettent pas en cause cette dernière en se bornant à soutenir que les remises de chèques et d'espèces en banque sont faites non seulement par l'intéressé ou son épouse, mais également sa collaboratrice ou un autre membre de son personnel et que, l'administration fiscale a constaté lors de la vérification de comptabilité que le requérant alterne avec sa collaboratrice, qui n'est pas Mme C..., sa présence sur le lieu d'exploitation, dans la mesure où, s'ils contestent que M. C... était seul à disposer des fonds de la société, les requérants n'indiquent pas quelle autre personne aurait également disposé de la signature bancaire et que, par ailleurs, aucun document ne vient établir qu'un tiers aurait pu disposer des fonds de la société. Ainsi, en l'absence de tout élément de nature à remettre en cause la qualification retenue par l'administration, M. C... doit être regardé comme seul maître de l'affaire, ayant appréhendé les sommes en cause, constituées par des recettes omises pour l'année 2008 et, pour les trois années en litige, par une utilisation personnelle du véhicule automobile de la société plus importante que celle que cette dernière avait comptabilisée.

12. Enfin, et ainsi qu'il a été dit, le capital de la SARL Jet Fun est entre les mains de M. C... à hauteur de 75 % et le reste des parts sociales appartient à Mme C.... Dès lors que l'intégralité de la société est la propriété du même foyer fiscal, c'est à bon droit que les requérants ont été intégralement taxés pour les revenus réputés distribués par la SARL Jet Fun à leur profit.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a refusé de faire droit à leur demande de décharge des impositions restant à leur charge après le dégrèvement prononcé en cours d'instance par l'administration fiscale. Par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1507702 du 6 février 2018 du Tribunal administratif de Versailles est annulé en ce qu'il a statué, à hauteur des sommes respectives de 40 euros, 184 euros et 16 euros sur les conclusions de M. et Mme C... aux fins de décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2007, 2008 et 2009.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer, à hauteur des sommes mentionnées à l'article 1er, sur les conclusions aux fins de décharge de M. et Mme C....

Article 3 : Le surplus de la requête présentée par M. et Mme C... est rejetée.

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N° 18VE01034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01034
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. LIVENAIS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme DEROC
Avocat(s) : SELARL TAXLENS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-16;18ve01034 ?
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