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16/06/2020 | FRANCE | N°18VE03970

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 16 juin 2020, 18VE03970


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes, et de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement.

Par un jugement n° 1506220 du 5 octobre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant au sursis de paiem

ent présentées par Mme C... A..., a déchargé Mme A..., en droits et pénalités, de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes, et de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement.

Par un jugement n° 1506220 du 5 octobre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant au sursis de paiement présentées par Mme C... A..., a déchargé Mme A..., en droits et pénalités, de la part des cotisations supplémentaires de contributions sociales ayant résulté de la majoration de 25 % de la base imposable au titre des années 2010 et 2011 en tant qu'elle résulte des sommes distribuées par l'association Essonne Danse, et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2018, Mme C... A..., représentée par Me B... et Me D..., doit être regardée comme demandant à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de sa demande ;

2° de prononcer la décharge des impositions correspondantes ;

3°de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il est entaché d'une omission à statuer dès lors qu'il n'a pas répondu à un moyen portant sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et à un moyen portant sur l'absence de respect d'un " délai raisonnable " avant le début de la vérification de comptabilité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition,

- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve de la notification de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable ;

- la réponse aux observations du contribuable est entachée d'un défaut de signature ;

- des pièces ne lui ont pas été communiquées ;

- la proposition de rectification du 29 juillet 2013 lui a été envoyée prématurément ;

- la proposition de rectification et la réponse à ses observations sont insuffisamment motivées ;

- les impositions d'office n'ont pas été portées à sa connaissance dans le respect des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration ne pouvait pas appliquer la procédure de taxation d'office alors qu'elle a répondu aux mises en demeure qui lui ont été adressées ; l'administration a méconnu son devoir de loyauté, et porté atteinte aux droits de la défense ;

- la procédure d'évaluation d'office ne pouvait lui être appliquée dès lors qu'elle a perçu un montant de revenus imposables inférieur au seuil d'imposition et que son activité ne pouvait être libérale ;

- les droits de la défense ont été méconnus ;

S'agissant du bien-fondé des impositions litigieuses,

- il n'y a pas eu de distribution de la part de l'association Essonne Danse, et elle n'a pas été dirigeante de droit ou de fait de cette association ; son activité n'était pas occulte ; les sommes qu'elle a perçues en 2010 et 2011 de la part de l'association Essonne Danse ne correspondaient pas à des rémunérations pour une activité libérale mais à l'indemnisation des honoraires qu'elle n'a pas perçus en 2005 et 2006 ; la nature de son activité ne pouvait être regardée comme libérale ;

- l'application de l'intérêt de retard est irrégulière pour défaut de motivation ; le taux de l'intérêt de retard constitue une sanction et non la simple réparation du préjudice financier subi par le Trésor ; il méconnaît l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales tel qu'interprété par la jurisprudence de la cour de justice de l'union européenne ;

- la majoration de 40 % de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas fondée ;

- la majoration de 80 % de l'article 1728 du code général des impôts elle est disproportionnée et contraire aux articles 13, 14, 15, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi que des dispositions combinées des articles 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'union européenne et 1er du protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui imposent aux Etats signataires le strict respect du droit de propriété ;

- l'avis de mise en recouvrement n'est pas conforme aux dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ; la doctrine est opposable en application de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration ; les droits de la défense ont été méconnus.

Vu le jugement attaqué.

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- et les conclusions de Mme Méry, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Essonne Danse, régie par la loi du 1er juillet 1901, qui propose des cours de danse dans la commune de Palaiseau, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle le service l'a assujettie aux impôts commerciaux. A l'issue de cette vérification de comptabilité, l'administration a notifié à Mme C... A..., directrice artistique de l'association et professeur de danse, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, ainsi que les pénalités correspondantes. Par la présente requête, Mme A... doit être regardée comme demandant l'annulation du jugement du 5 octobre 2018 du Tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de ces impositions, hormis la part en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de contributions sociales ayant résulté de la majoration de 25 % de la base imposable au titre des années 2010 et 2011 en tant qu'elle résulte des sommes distribuées par l'association Essonne Danse.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'article L. 9 du code de justice administrative prévoit que : " Les jugements sont motivés. ".

3. Mme A... soutient que le point 4 du jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors les premiers juges n'ont pas établi que les sommes litigieuses seraient des rémunérations correspondant à des bénéfices non commerciaux, n'ont pas expliqué en quoi consiste la notion de " dirigeant de fait " ni démontré pour chacun des critères de la définition de cette notion en quoi elles seraient remplies en l'espèce, et qu'ils n'ont pas explicité au point 6 la " prétendue erreur de plume qui ne saurait avoir d'incidence sur la procédure d'imposition " ni la notion de " délai raisonnable ". Toutefois, si un jugement doit préciser les motifs de droit et de fait sur lesquels il s'appuie pour écarter ou accueillir les moyens soulevés, il ne lui appartient pas de justifier les motifs de fait et de droit ainsi retenus. En l'espèce, pour contrôler la qualification de " bénéfices non commerciaux " retenue par l'administration pour imposer à l'impôt sur le revenu les revenus appréhendés par Mme A... en contrepartie des cours de danse qu'elle a dispensés au sein de l'association Essonne Danse, les premiers juges, après avoir cité les dispositions des articles 92 du code général des impôts et L. 169 du livre des procédures fiscales, ont cité les faits avancés par l'administration, en constatant l'absence de contestation sérieuse de la requérante sur ces faits, puis repris l'affirmation de la requérante selon laquelle elle aurait toujours agi sous le contrôle de l'association avant de juger à partir de l'instruction que " le service a pu considérer, à bon droit, que les conditions dans lesquelles Mme A... exerçait ses fonctions au sein de l'association Essonne Danse excluait tout lien de subordination avec le président de droit de l'association ou l'organe délibérant, de sorte que les rémunérations que celle-ci lui a versées ne peuvent être qualifiées de traitements et salaires et relevaient par défaut des bénéfices non-commerciaux. ", et en déduire que " dès lors que Mme A... n'a pas déclaré ces revenus et ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce, c'est à bon droit que le service a estimé qu'elle avait exercé une activité occulte imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. ". Les premiers juges ont, ainsi, suffisamment motivé le point 4 du jugement attaqué. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

4. En deuxième lieu, les moyens tirés de l'absence de délai raisonnable avant le début de la vérification de comptabilité, de même que les moyens développés par la requérante en matière de taxe sur la valeur ajoutée étant inopérants, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait omis de statuer sur lesdits moyens doit, pour ce motif, être écarté.

5. En dernier lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, qui relève du bien-fondé du jugement, ne peut, pour ce motif, qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

6. En premier lieu, la requérante soutient que l'administration fiscale n'apporte pas la preuve de la notification de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable. Toutefois, l'administration produit l'accusé de réception, en date du 5 décembre 2013 de la réponse aux observations du contribuable, et, pour ce qui concerne la proposition de rectification, il résulte de l'instruction et notamment des mentions figurant dans les observations de la contribuable en date du 10 octobre 2013, indiquant une date de notification le 12 août 2013. Il s'ensuit que le moyen manque en fait.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la réponse aux observations du contribuable, qui a été produite en pièce complémentaire le 9 juillet 2019 par l'administration dans le cadre de la présente instance, est signée. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que cette pièce serait entachée d'un défaut de signature manque en fait.

8. En troisième lieu, le moyen tiré de que l'administration n'aurait pas communiqué à la requérante toutes les pièces n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre au juge d'appel d'en apprécier le bien-fondé.

9. Mme A... soutient, en quatrième lieu que la proposition de rectification du 29 juillet 2013 lui a été envoyée prématurément dès lors que le délai entre l'envoi de la proposition à l'association Essonne Danse et celui de la proposition de rectification la concernant était trop court. Toutefois aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de délai d'envoi entre deux propositions de rectification issues de deux procédures d'impositions distinctes et indépendantes, et la circonstance que les deux propositions de rectifications auraient été rédigées en même temps n'est pas de nature à entachée la seconde procédure d'irrégularité.

10. En cinquième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

11. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont retenu les premiers juges au point 6, que la proposition de rectification du 29 juillet 2013 indique l'imposition concernée, à savoir l'impôt sur le revenu, les années d'imposition en litige et les bases d'imposition rectifiées, ainsi que les motifs de droit et les considérations de fait qui fondent les rectifications envisagées. La requérante reproche à la proposition de rectification susvisée de comporter des imprécisions et plusieurs arguments injustifiés ou erronés, de ne pas suffisamment préciser le calcul de l'impôt et la détermination de sa base, de désigner nommément la proposition de rectification de référence sans rappeler sa participation au capital social ou sa quote-part dans les bénéfices, et de ne pas démontrer son indépendance vis-à-vis de l'association Essonne Danse ni le fait que ses rémunérations ne constituent pas des traitements et salaires, en se contentant d'évoquer une absence de contrat de travail et de dépôt de déclaration de revenus en matière de bénéfices non commerciaux, sans suffisamment insister sur l'existence ou non d'un lien de subordination. Toutefois, ces éléments relèvent du bien-fondé des motifs et sont donc sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. Par ailleurs, si la requérante soutient que les rectifications relatives aux contributions sociales ne sont pas suffisamment motivées, l'administration n'avait pas à réitérer, pour les contributions sociales, les motifs des rectifications qu'elle avait indiqués pour l'impôt sur le revenu, tandis que la base et le montant de ces contributions étaient clairement mentionnés.

12. D'autre part, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. ".

13. Mme A... soutient que les textes de droit appliqués et les motifs relatifs à l'activité occulte de professeur de danse sont trop généraux et estime que le calcul du montant de chaque chef de redressement n'est pas suffisamment explicite, que la proposition de rectification ne fournit pas d'explication sur la qualification en bénéfices non commerciaux, et leur soumission à la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, il résulte de l'instruction que les motifs figurant dans la proposition de rectification du 29 juillet 2013 concernant l'imposition des revenus en tant que professeur de danse, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, étaient suffisants au regard des exigences des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales précitées étaient suffisants pour la mettre en mesure de présenter utilement ses observations sur ce point, ce qu'elle a d'ailleurs fait par un courrier du 10 octobre 2013.

14. En sixième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". Si Mme A... soutient que la réponse du 28 novembre 2013 à ses observations relatives aux rectifications des bénéfices non commerciaux est insuffisamment motivée au regard de ces dispositions, ce moyen est inopérant dès lors que cette imposition a été régulièrement établie par voie de taxation d'office.

15. En septième lieu, aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; (...) / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2°. ". Et aux termes de l'article L. 68 du même livre, dans sa version applicable : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite ".

16. Mme A... soutient que l'administration ne pouvait pas appliquer la procédure de taxation d'office dès qu'elle a répondu aux mises en demeure qui lui ont été adressées, et que l'administration a ainsi méconnu son devoir de loyauté et porté atteinte aux droits de la défense. Il résulte de l'instruction qu'après avoir été mise en demeure, par deux avis du 27 mars 2013, de déposer ses déclarations de revenus au titre des années 2010 et 2011, Mme A... a déposé ses déclarations le 5 avril 2013, dans le délai de régularisation, sans toutefois déclarer ni revenus de capitaux mobiliers ni bénéfices non commerciaux. Elle a alors été redressée suivant la taxation d'office, pour bénéfices non commerciaux dès lors que l'administration a retenu le caractère occulte de l'activité de professeur de danse, et elle a pu les évaluer d'office, en application de l'article L. 73 dès lors que ceux-ci n'ont pas, ainsi qu'il a été dit, été déclarés. En application du 3° de l'article L. 68 précité, l'administration n'était pas tenue préalablement de la mettre en demeure. Ainsi, la circonstance que l'administration l'ait précédemment mis en demeure de déclarer ses revenus est sans incidence sur la régularité de la procédure de taxation d'office appliquée aux bénéfices non commerciaux, et ce faisant, l'administration n'a ni manqué ni à son devoir de loyauté ni porté atteinte, en tout état de cause aux droits de la défense.

17. Mme A... soutient, en huitième lieu, que la procédure d'évaluation d'office ne pouvait lui être appliquée dès lors son activité ne pouvait être considérée comme libérale et qu'elle a perçu un montant de revenus imposables inférieur au seuil d'imposition. Il résulte de l'instruction que l'administration a constaté que Mme A... avait perçu de la part de l'association Essonne Danse des rémunérations en contrepartie des cours de danse qu'elle a dispensés. Ayant constaté qu'il n'existait aucun contrat de travail ni lien de subordination avec la direction de l'association puisqu'elle en était dirigeant de fait, l'administration en a déduit que Mme A... exerçait une activité libérale, et a qualifié ces revenus issus de son activité de professeur de danse de bénéfices non commerciaux. Elle a ensuite constaté que cette activité n'avait pas été déclarée au centre de formalités des entreprises, et en a déduit qu'il s'agissait d'une activité occulte. Elle les a alors soumis à la procédure d'évaluation d'office en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales. Si Mme A... conteste que son activité de professeur de danse soit qualifiée de libérale dès lors que les sommes perçues de l'association Essonne Danse, en contrepartie des cours de danse qu'elle a donnés, sont le remboursement d'indemnités et qu'elle a donné ses cours bénévolement, et soutient que ces sommes pourraient, tout au plus, être requalifiés en traitements et salaires, elle n'établit ni que les sommes perçues seraient des remboursements d'indemnités, ni qu'il existait un lien de subordination entre elle et la direction de l'association. Par ailleurs, si elle fait valoir qu'elle n'était pas imposable en application du 2°de l'article 5 du code général des impôts qui prévoit, dans version alors en vigueur, que : " Sont affranchis de l'impôt sur le revenu : 2° les personnes physiques qui bénéficient principalement de traitements, salaires, pensions et rentes viagères et dont le revenu global n'est pas supérieur au montant minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 du code du travail ", lequel article prévoit que : " Un minimum garanti est déterminé en fonction de l'évolution de l'indice national des prix à la consommation par application des dispositions de l'article L. 3231-4. Il intervient notamment pour l'évaluation des avantages en nature. / Ce minimum garanti peut être porté, par voie réglementaire, à un niveau supérieur à celui résultant de l'application du premier alinéa. ", cette circonstance, à la supposer établie, ne la dispense pas de ses obligations déclaratives. Au surplus, elle ne conteste cependant pas sérieusement les montants retenus par l'administration au titre des bénéfices non commerciaux, soit 13 090 euros en 2010 et 22 580 euros en 2011, qui sont supérieurs au montant maximum prévu par l'article 5 du code général des impôts. Il s'ensuit que le moyen tiré de que la procédure d'évaluation d'office ne pouvait lui être appliquée doit être écarté.

18. En dernier lieu, doivent être écartés comme inopérants les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et de celles de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, de même que les moyens tirés d'une violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

19. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'administration n'a entaché la procédure d'aucune irrégularité substantielle de nature à justifier la décharge des impositions en droits, intérêts de retard et majorations, en application de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales. Dès lors, les moyens tirés de ce que la procédure d'imposition aurait méconnu le principe des droits de la défense et les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent, en tout état de cause, être écartés.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions litigieuses :

S'agissant de l'application de la loi fiscale

20. D'une part aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. ". Et aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " (...) L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. (...) ".

21. Mme A... soutient que les sommes qui ont été considérées comme des bénéfices non commerciaux provenant de son activité de professeur de danse en 2010 et 2011 correspondaient à des honoraires de 2005 et 2006, années au cours desquelles l'association Essonne Danse ne disposait pas de la trésorerie nécessaire pour lui verser ces sommes. Toutefois, elle se borne à faire valoir que les organes de direction de l'association Essonne Danse fonctionnaient régulièrement et ne lui ont pas versé de rémunération au cours des années 2010 et 2011, mais ne produit toutefois aucun élément qui permettrait d'établir ses allégations. Elle ne justifie ainsi pas que les sommes en litige correspondraient à des indemnités. L'administration a ainsi pu, à bon droit regarder ces sommes comme des rémunérations versées à Mme A.... Si Mme A... conteste le caractère libéral de son activité en faisant valoir que qu'elle a toujours agi sous le contrôle de l'association, il résulte des procès-verbaux d'assemblée générale versés au dossier que le conseil d'administration n'exerçait pas un contrôle effectif sur les comptes de l'association, et notamment des dépenses, dont le détail n'était pas examiné, il est constant que Mme A... prélevait sur les comptes de l'association d'importants montants en espèces, et des sommes afin de régler son loyer mensuel ou ses dépenses personnelles, sans que le conseil d'administration n'ait jamais émis d'observation sur ce point. Dans ces conditions, elle n'établit pas, ainsi qu'il incombe, que les rémunérations que l'association Essonne Danse lui a versées devaient être qualifiées de traitements et salaires et ne relevaient pas par défaut des bénéfices non-commerciaux. Enfin, dès lors que Mme A... n'a pas déclaré ces revenus et ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce, c'est à bon droit que le service a estimé qu'elle avait exercé une activité occulte imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

22. D'autre part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ".

23. Mme A... soutient qu'elle n'a pas perçu de distributions provenant de l'association Essonne Danse. Toutefois, l'administration établit que, durant les années en litige, Mme A..., directrice artistique de l'association, a, en dehors de tout contrat de travail et de toute délibération, utilisé le compte bancaire de l'association comme son compte personnel pour régler des frais étrangers à l'intérêt de l'association notamment ses dépenses personnelles et pour effectuer des prélèvements d'espèces pour des motifs partiellement justifiés. L'administration établit également que Mme A... a dirigé effectivement la direction de l'association en engageant juridiquement l'association notamment par des signatures de bail et de conventions, socialement en étant l'interlocutrice de la mairie de Palaiseau, et financièrement en étant l'unique détentrice de la signature bancaire et en effectuant les dépenses pour le compte de l'association tandis que le président et le trésorier n'avaient aucun pouvoir pour contrôler cette activité et en rendre compte auprès de l'assemblée générale. Il en résulte que Mme A..., qui était ainsi rémunérée et avait un intérêt direct dans les résultats de l'exploitation, exerçait la direction de l'association sans que le conseil d'administration exerce un contrôle effectif et constant, et qu'en conséquence, et alors même que l'intéressée n'aurait jamais été la présidente en droit de l'association, l'administration doit être regardée comme établissant que la requérante était maître de l'affaire et pouvait disposer, sans contrôle, des fonds l'association. Elle établit ainsi que les sommes considérées comme distribuées ont été appréhendées par Mme A....

S'agissant de l'application de la doctrine :

24. La doctrine invoquée par Mme A... ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application, ni dans son instruction

BOI-TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE-CHAMP10-10-20, en particulier le paragraphe n°50, ni dans son instruction BOI-IMPOT SUR LES SOCIETES-CHAMP-10-50-10-20.

En ce qui concerne les pénalités :

25. En premier lieu, qu'aux termes du I de l'article 1727 du code général des impôts : " Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions (...) ".

26. L'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et de payer l'impôt aux dates légales. Si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié. Il suit de là que Mme A... ne peut utilement soutenir que le taux annuel de l'intérêt de retard devait être limité au taux annuel de l'intérêt légal ni invoquer les dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles des articles 17 et 41 de la Charte des droits fondamentaux, au motif que la fraction de l'intérêt de retard qui dépasse le taux de l'intérêt légal revêtirait le caractère d'une sanction qui doit être motivée, et ne constitue pas un enrichissement sans cause du Trésor. Enfin, le moyen tiré de l'inconstitutionnalité des dispositions précitées de l'article 1727 du code général des impôts est irrecevable, à défaut d'avoir fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité soulevé par mémoire distinct. Il résulte de ce qui précède que l'intéressée n'est pas fondée à se prévaloir du caractère excessif des intérêts de retard qui n'ont pas la nature d'une sanction.

27. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ;(...) ". Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (...) ".

28. D'une part, pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré aux rectifications relatives aux revenus distribués, l'administration fait valoir l'absence de présentation de factures ou bulletins de salaire par Mme A..., l'importance de ses frais personnels supportés à tort par l'association, le caractère répétitif des omissions sur deux années, et l'importance financière des manquements. Elle doit être regardée, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, comme établissant le caractère volontaire de l'omission déclarative de l'intéressée. Mme A... n'est donc pas fondée à demander la décharge des pénalités pour manquement délibéré qui lui ont été infligées.

29. D'autre part, l'administration a appliqué la majoration de 80 % aux revenus issus de l'activité occulte de professeur de danse exercée par Mme A.... Toutefois, cette majoration n'a été mise en recouvrement qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Les moyens invoqués par Mme A..., concernant les impositions en litige, sont donc, ainsi que l'ont retenu les premiers juges inopérants.

En ce qui concerne l'avis de mise en recouvrement du 15 avril 2015 :

30. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales qui prévoit, pour le recouvrement des impôts directs que: " L'avis d'imposition mentionne le total par nature d'impôt des sommes à acquitter, les conditions d'exigibilité, la date de mise en recouvrement et la date limite de paiement ".

31. Dans le cadre d'un contentieux d'assiette, les irrégularités dont sont, le cas échéant, entachés les avis relatifs aux impositions recouvrées par voie de rôle sont sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de l'impôt. Le moyen tiré de ce que les avis d'imposition du 31 juillet 2014 adressés à Mme A... seraient irréguliers, ainsi que celui tiré de la méconnaissance des droits de la défense sont ainsi inopérants et doivent être écartés.

32. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

2

N° 18VE03970


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03970
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-05-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices non commerciaux. Personnes, profits, activités imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Patrice BEAUJARD
Rapporteur public ?: Mme MERY
Avocat(s) : SELARL DUBAULT-BIRI et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-16;18ve03970 ?
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