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24/06/2020 | FRANCE | N°19VE02679

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 24 juin 2020, 19VE02679


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 20 juin 2017 par laquelle le directeur de la Fondation Roguet a prononcé son licenciement pour inaptitude physique et de condamner la Fondation Roguet à lui verser la somme de 480 343,72 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction.

Par un jugement n° 1707338 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un

e requête enregistrée le 25 juillet 2019, Mme A..., représentée par Me Bisalu, avocat, dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 20 juin 2017 par laquelle le directeur de la Fondation Roguet a prononcé son licenciement pour inaptitude physique et de condamner la Fondation Roguet à lui verser la somme de 480 343,72 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction.

Par un jugement n° 1707338 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2019, Mme A..., représentée par Me Bisalu, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement et cette décision ;

2°) de condamner la Fondation Roguet à lui verser la somme de 480 343,72 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la Fondation Roguet la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée a été prise en méconnaissance de son droit à consulter son dossier administratif et médical ;

- cette décision a également été prise en violation de son droit à être accompagnée par la personne de son choix au cours de l'entretien préalable au licenciement ;

- elle n'a pas été précédée de la consultation de la commission consultative paritaire ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait le délai de présentation d'une demande écrite de reclassement prévu au deuxième alinéa du I de l'article 17-1 du décret du 6 février 1991 ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation de son aptitude à l'exercice de ses fonctions ;

- les démarches préalables en vue de son reclassement ont été insuffisantes ;

- cette décision constitue une sanction disciplinaire déguisée ;

- elle lui a causé un préjudice financier résultant d'une perte de revenus ;

- elle lui a causé un préjudice résultant de la privation d'une chance de poursuivre sa carrière d'agent des services hospitaliers ;

- elle lui a causé un préjudice résultant de la privation de la possibilité de se constituer des droits à pension de retraite ;

- elle lui a causé des troubles dans ses conditions d'existence ;

- elle lui a également causé un préjudice moral ;

- elle a droit au versement de l'indemnité légale de licenciement, ainsi que d'une indemnité pour licenciement abusif.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Illouz, conseiller,

- et les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée par la Fondation Roguet en qualité d'agent des services hospitaliers par plusieurs contrats à durée déterminée successifs à compter du 9 juillet 2009, puis par un contrat à durée indéterminée à compter du 6 janvier 2011. L'intéressée a été victime d'un accident, le 27 février 2015, reconnu imputable au service et a été placée en position de congé de maladie jusqu'au 22 mars 2017, date à laquelle le médecin du travail a constaté son inaptitude médicale pour occuper son poste. Par un second avis daté du 26 avril suivant, un médecin agréé a estimé que Mme A... était définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions. A l'issue d'un entretien qui s'est tenu le 20 juin 2017, le directeur de la Fondation Roguet a, par une décision du même jour, licencié Mme A... pour inaptitude physique. L'intéressée fait appel du jugement du 18 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 17-2 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.: " I. - Lorsque, à l'issue du délai prévu au III de l'article 17-1, le reclassement n'est pas possible ou lorsque l'agent refuse le bénéfice de la procédure de reclassement ou s'il n'a pas formulé de demande écrite dans le délai indiqué au deuxième alinéa de l'article 17-1, l'agent est licencié au terme du préavis prévu à l'article 42. (...) / IV. - Le licenciement ne peut intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de demander la communication de son dossier médical et de son dossier individuel. ". Les trois premiers alinéas de l'article 43 de ce décret disposent que : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. L'intéressé est convoqué à l'entretien préalable par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. / L'agent peut se faire accompagner par la ou les personnes de son choix. (...) ".

3. Il incombe à l'autorité administrative d'établir que l'agent qu'elle emploie a reçu notification régulière du courrier le convoquant à un entretien préalable à un licenciement et l'informant des droits dont il dispose. En cas de retour à l'administration du pli contenant ce courrier, cette preuve peut résulter soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation des services postaux ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal, conformément à la réglementation en vigueur, d'un avis d'instance prévenant le destinataire de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste.

4. Mme A... soutient qu'avant l'entretien du 20 juin 2017, elle n'a été informée par la Fondation Roguet ni de son droit à consulter son dossier médical et individuel, ni de ce qu'elle avait la possibilité d'être accompagnée au cours de cet entretien par la personne de son choix. La Fondation Roguet fait valoir en défense que l'appelante a été convoquée à cet entretien, par un courrier daté du 9 juin 2017, l'informant expressément de ces deux facultés, qui a été adressé en lettre recommandée avec avis de réception et qui lui a été retourné par la Poste. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que si l'étiquette de réexpédition fait mention du motif de non distribution du pli, elle ne comporte en revanche aucune indication quant à la date à laquelle ce pli aurait été présenté pour la première fois à l'adresse de Mme A.... Ainsi, les mentions insuffisamment claires, précises et concordantes portées sur cette enveloppe ne permettent pas d'établir que l'intéressée aurait été dûment informée, en temps utiles, de ce qu'un pli recommandé était à sa disposition au bureau de poste, ni, partant, de ce qu'il lui a été régulièrement notifié. Par ailleurs, la circonstance que Mme A... s'est présentée à son entretien préalable ne saurait, à elle seule, révéler que l'appelante aurait effectivement pris connaissance de ce courrier avant cet entretien et qu'elle aurait été informée qu'elle disposait des facultés de consulter son dossier médical et individuel et de se faire assister par la personne de son choix. La décision attaquée a, dès lors, été prise en méconnaissance des dispositions précitées des articles 17-2 et 43 du décret du 6 février 1991 et, par suite, au terme d'une procédure irrégulière.

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. La délivrance d'une information quant à l'existence des facultés de consulter son dossier médical et individuel et d'être accompagné de la personne de son choix lors de l'entretien préalable constituent des garanties pour l'agent qui fait l'objet d'une procédure de licenciement pour inaptitude physique. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles 17-2 et 43 du décret du 6 février 1991 doivent, par suite, être accueillis.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

7. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ".

8. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... aurait adressé à la Fondation Roguet une demande tendant à la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction et au titre desquels elle recherche l'engagement de la responsabilité de l'administration devant la Cour. Par suite, ses conclusions à fin d'indemnisation sont irrecevables et la fin de non-recevoir opposée par la Fondation Roguet tirée de l'absence de liaison du contentieux doit être accueillie.

9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du directeur de la Fondation Roguet du 20 juin 2017 prononçant son licenciement pour inaptitude physique.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

11. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la Fondation Roguet procède à la réintégration juridique de Mme A..., sans préjudice de la faculté, pour cet établissement, de prononcer à nouveau, s'il s'y croit fondé, son licenciement pour inaptitude physique au terme d'une procédure régulière. Cette exécution implique également que la Fondation Roguet procède à la reconstitution de la carrière de Mme A... à compter de la date à laquelle la mesure de licenciement annulée par le présent arrêt a pris effet, avec toutes conséquences de droit, notamment en termes de rémunération et de reconstitution des droits sociaux et à pension de l'agent, sous déduction des droits que l'appelante est susceptible de s'être constituée par ailleurs, par son travail ou les diverses allocations ou indemnités versées du fait de son inactivité, au cours de la période d'éviction. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la Fondation Roguet, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de procéder à ces différentes mesures, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Fondation Roguet demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la Fondation Roguet une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La décision du 20 juin 2017 par laquelle le directeur de la Fondation Roguet a licencié Mme A... pour inaptitude physique est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au directeur de la Fondation Roguet de procéder à la réintégration et à la reconstitution de la carrière de Mme A..., dans les conditions définies au point 11, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1707338 du 18 juin 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La Fondation Roguet versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par la Fondation Roguet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 19VE02679


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02679
Date de la décision : 24/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : BISALU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-24;19ve02679 ?
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