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09/07/2020 | FRANCE | N°17VE02677

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 09 juillet 2020, 17VE02677


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 19 janvier 2015 par laquelle l'adjoint au maire en charge du quartier Jean Zay et des affaires juridiques de la commune de Levallois-Perret a rejeté sa demande tendant à la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle, d'enjoindre la commune de Levallois-Perret à mettre en oeuvre la protection fonctionnelle et de condamner la commune à lui verser la somme de 19 000 euros en réparation de son préjudice subi du fait

de harcèlement moral dont elle s'estime victime.

Par un jugement n° 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 19 janvier 2015 par laquelle l'adjoint au maire en charge du quartier Jean Zay et des affaires juridiques de la commune de Levallois-Perret a rejeté sa demande tendant à la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle, d'enjoindre la commune de Levallois-Perret à mettre en oeuvre la protection fonctionnelle et de condamner la commune à lui verser la somme de 19 000 euros en réparation de son préjudice subi du fait de harcèlement moral dont elle s'estime victime.

Par un jugement n° 1502572, en date du 15 juin 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 19 janvier 2015, et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 15 août 2017 et le 29 octobre 2017, Mme B..., représentée par

Me A..., avocate, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il annule la décision du 19 janvier 2015 pour un motif de légalité externe et non de légalité interne, rejette par conséquent sa demande d'injonction, et rejette sa demande indemnitaire ;

2° d'annuler la décision du 19 janvier 2015 à raison de son illégalité interne ;

3° d'enjoindre à la commune de Levallois-Perret de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle, compte tenu des faits de harcèlement moral dont elle est victime ;

4° de condamner la commune à lui verser la somme de 19 000 euros en réparation de ses préjudices subis en raison de l'illégalité de la décision du 19 janvier 2015, et des faits de harcèlement moral dont elle est victime ;

5° de condamner la commune à prendre en charge l'ensemble des frais de justices qu'elle a exposés ;

6° de mettre à la charge de la commune le paiement des entiers dépens ;

7° de mettre à la charge de la commune la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il n'a pas tenu compte de l'ensemble des éléments qu'elle présentait en première instance ;

- le jugement est entaché d'erreur de droit en ce qu'il vise, en soin point 8, l'article 11-1 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982, applicable uniquement aux médecins de prévention dans la fonction publique de l'Etat, alors que les faits dont il avait à connaître concernaient un médecin de prévention dans la fonction publique territoriale, soumis aux dispositions de l'article 11-2 du décret n° 895-603 du 10 juin 1985 ;

- le jugement est entaché d'erreur de droit en ce qu'il a recherché, sans que cela soit prévu par les textes ou la jurisprudence, l'existence d'une volonté de nuire de la part de la directrice de la petite enfance de la commune de Levallois-Perret, afin de déterminer si les agissements dénoncés étaient constitutifs ou non de harcèlement moral ;

- la décision du 19 janvier 2015 est entaché d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'erreur de droit, en ce qu'elle n'a pas fait droit à sa demande tendant à la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle, alors qu'elle était victime de harcèlement moral ;

- elle est fondée à solliciter l'indemnisation de ses préjudices subis, à hauteur de 19 000 euros, en raison de l'illégalité de la décision du 19 janvier 2015, et du harcèlement moral dont elle est victime de la part de sa supérieure hiérarchique, la directrice de la petite enfance.

........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique ;

- le décret n°85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale

- les articles 7 et 12 de l'ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

En application de l'article 7 de l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020, les parties ont été régulièrement informées de la tenue d'une audience partiellement dématérialisée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... ;

- les conclusions de Mme Méry, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., pour Mme B..., et de Me E..., pour la commune de Levallois-Perret.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... exerce les fonctions de psychologue pour la commune de Levallois-Perret depuis le 1er janvier 1994. Par un courrier du 18 décembre 2014, elle a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral dont elle estime être victime. Par une décision du 19 janvier 2015, l'adjoint au maire en charge du quartier Jean Zay et des affaires juridiques a refusé de faire droit à cette demande.

Mme B... relève appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, annulé la décision du 19 janvier 2015 au motif qu'elle était entachée d'incompétence, et d'autre part, rejeté le surplus de ses conclusions, tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle, et à ce qu'elle soit condamnée à lui verser la somme de 19 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral dont elle s'estime victime.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a expressément répondu aux moyens contenus dans les écritures de la requérante. En particulier, le Tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre aux moyens tirés de ce que Mme B... aurait été victime de harcèlement moral. Il est par ailleurs constant que le jugement vise l'ensemble des pièces du dossier, mentionne l'ensemble des agissements dénoncés par la requérante et constituant selon elle des faits de harcèlement moral, et les considère tant isolément que dans leur ensemble. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

3. Si Mme B... soutient que le jugement attaqué vise et cite, en son point 8, les dispositions de l'article 11-1 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982, applicable uniquement aux médecins de prévention dans la fonction publique de l'Etat, en lieu et place des dispositions de l'article 11-2 du décret n° 895-603 du 10 juin 1985, cette circonstance, qui tient relève de l'examen de fond est sans influence sur la régularité du jugement. Il en est de même de la circonstance que les premiers juges auraient fondé leur solution sur le fait qu'aucune intention de nuire de la directrice de la petite enfance ou de la commune n'était établie.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions :

4. Le Tribunal administratif ayant fondé sa décision d'annulation de la décision de refus de la protection fonctionnelle sur l'existence d'un vice de compétence,

Mme B..., qui avait formulé des conclusions en injonction tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle, est recevable à demander que soient examinés, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée.

En ce qui concerne les moyens d'annulation :

5. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ".

6. D'une part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

8. Pour établir l'existence du harcèlement dont elle soutient avoir été l'objet, Mme B... fait valoir la réorganisation de son travail, la surveillance tatillonne de ses horaires de travail, la remise en cause infondée de ses compétences professionnelles, le fait qu'elle aurait alerté sa hiérarchie de dysfonctionnements touchant les pratiques professionnelles des assistantes maternelles travaillant en lien avec la commune, alertes qui seraient demeurées sans réponse, le défaut de réponse de la commune à ses demandes de protection, la méconnaissance des règles relatives à ses horaires de déjeuner, et l'absence de prise en considération des temps de trajet dans le décompte de son temps de travail. Cependant, la réorganisation de son travail traduit surtout la volonté de la commune de mettre fin au climat délétère dans le service, et de ne plus faire travailler ensemble des personnes qui ne s'entendent pas. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... ait subi à cette occasion, une dépréciation de ses fonctions. De même, il n'apparait pas que Mme B... ait fait l'objet d'une surveillance tatillonne, le décompte précis de ses interventions dans divers établissements de la ville n'ayant pour objet que la tenue d'une comptabilité analytique. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier une remise en cause infondée de ses compétences professionnelles. Il n'apparait pas non plus que la commune ait manqué de réaction aux alertes lancées par la requérante, celle-ci ayant pu obtenir des rendez-vous avec le directeur des ressources humaines et son adjoint, et une enquête a été diligentée à laquelle a été largement associée un représentant syndical. Le défaut de prise en compte de ses alertes sur les dysfonctionnements touchant les pratiques professionnelles des assistantes maternelles apparait sans lien avec la présente affaire. Mme B... n'apporte pas de précisions suffisantes quant aux règles relatives à ses horaires de déjeuner qui auraient été méconnues. Enfin, le grief d'absence de prise en considération des temps de trajet dans le décompte de son temps de travail n'apparaît pas établi. Aucun des faits ainsi invoqués n'est par suite de nature à laisser présumer une situation de harcèlement.

9. Si certains éléments, tels qu'un rapport à charge sur sa manière de servir rédigé par une collègue, qui a exprimé sa volonté de ne plus travailler avec la requérante, la convocation de celle-ci par le service de la médecine du travail de la commune, des propos antisémites tenus à l'encontre de Mme B... par une collègue, l'information de l'ensemble du service de mesures prises à l'encontre de

Mme B... à l'issue d'une réunion en date du 1er décembre 2014 sont de nature à faire présumer un harcèlement, il ressort des pièces du dossier que, en dépit du caractère profondément regrettable et condamnable de certaines réactions, notamment les propos antisémites tenus à son encontre, le comportement de Mme B..., et les difficultés relationnelles notamment avec ses collègues et ses supérieurs, que le juge doit prendre en compte pour établir l'existence d'un harcèlement moral, n'ont pas été sans incidence sur la dégradation de l'ambiance de travail dans le service. Si l'action de la commune a pu apparaitre quelques fois maladroite et malencontreuse, notamment pour ce qui concerne l'affichage du rapport confidentiel, il n'apparait pas qu'elle ait inspirée par une autre volonté que celle de restaurer le bon fonctionnement du service.

10. Il résulte de ce qui précède que les agissements dénoncés par la requérante ne sauraient être regardés, pris isolément ou dans leur ensemble, comme constitutifs de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du

13 juillet 1983. C'est dès lors à bon droit que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré que la responsabilité de la commune de Levallois-Perret ne pouvait être engagée à ce titre. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune en défense, les conclusions indemnitaires présentées par Mme B..., ainsi que ses conclusions tendant à l'annulation au fond de la décision du 19 janvier 2015 et ses conclusions à fin d'injonction, doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Levallois-Perret, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme demandée par la requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par la commune de Levallois-Perret au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Levallois-Perret tendant à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N°17VE02677 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02677
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Patrice BEAUJARD
Rapporteur public ?: Mme MERY
Avocat(s) : SELARL LAFARGE ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-09;17ve02677 ?
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