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31/08/2020 | FRANCE | N°19VE00289

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 31 août 2020, 19VE00289


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner l'État à lui verser la somme de 23 454 euros, sauf à parfaire, avec tous intérêts de droit, en réparation des préjudices subis du fait des sanctions disciplinaires qui lui ont été infligées le 7 janvier 2008 et le 16 mars 2009.

Par un jugement n° 1602567 du 26 novembre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés

le 24 janvier 2019 et le 24 juin 2020, M. B..., représenté par Me D..., avocate, demande à la Co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner l'État à lui verser la somme de 23 454 euros, sauf à parfaire, avec tous intérêts de droit, en réparation des préjudices subis du fait des sanctions disciplinaires qui lui ont été infligées le 7 janvier 2008 et le 16 mars 2009.

Par un jugement n° 1602567 du 26 novembre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 janvier 2019 et le 24 juin 2020, M. B..., représenté par Me D..., avocate, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner l'État à lui verser la somme de 17 454 euros nets en réparation de son préjudice financier, et la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence subis en raison des deux sanctions ;

3° de condamner l'État au paiement des intérêts sur ces sommes à compter du 20 juillet 2015 ;

4° de condamner l'État à lui verser la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'omission à statuer sur le moyen tiré du préjudice moral causé par le blâme infligé le 7 janvier 2008 ;

- pour la même raison, le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la sanction du 7 janvier 2008 lui a causé un préjudice moral tenant à l'atteinte à sa réputation et à son image, et un préjudice professionnel, cette sanction ayant motivé plusieurs " fiches de non-proposition ", faisant obstacle à son avancement au grade de brigadier major au titre de l'année 2008, alors qu'il remplissait les conditions pour cet avancement ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit, en l'absence de prise en compte de la nature de l'irrégularité procédurale ayant conduit à l'annulation du blâme ;

- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; en premier lieu, la matérialité des faits sanctionnés par la décision du 16 mars 2009 n'est pas établie ; en deuxième lieu, il retient que les faits justifiaient une sanction alors que l'administration s'est abstenue d'engager une nouvelle procédure disciplinaire à son encontre à la suite de l'annulation de la première pour vice de forme ; en troisième lieu, il retient à tort qu'une sanction de même nature et même quantum aurait pu être prise sans le blâme infligé à tort le 7 janvier 2008 ;

- il est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'existence d'un préjudice moral résultant de son exclusion temporaire du service ;

- la sanction du 16 mars 2009 lui a causé un préjudice matériel tenant à la privation de son traitement et des primes et indemnités destinées à compenser des sujétions liées à l'exercice de ses fonctions sans être conditionnées par l'exercice effectif de celles-ci, pendant une durée de six mois, et un préjudice moral tenant à l'atteinte à sa réputation et à sa santé.

..........................................................................................................

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonfils, rapporteur ;

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public ;

- et les observations de Me D..., pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., brigadier-chef de la police nationale, affecté en qualité de saxophoniste au sein de la Musique de la police nationale, fait appel du jugement du 26 novembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à ce que l'État soit condamné à lui verser la somme de 23 454 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des sanctions disciplinaires qui lui ont été infligées le 7 janvier 2008 et le 16 mars 2009, respectivement un blâme et une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de douze mois, dont six mois avec sursis, lesquelles ont été annulées par deux arrêts de la Cour administrative d'appel de Versailles du 15 avril 2014.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. B... soutient que le jugement attaqué a omis de statuer sur le moyen tiré du préjudice moral causé par le blâme qui lui a été infligé le 7 janvier 2008. Si un tel moyen n'était pas inopérant, il ressort, toutefois, des écritures du requérant en première instance, qu'alors même que l'intéressé a mentionné " les illégalités des décisions annulées " comme ayant porté atteinte à sa réputation et à sa santé, la suite de l'argumentation qu'il a développée en vue d'obtenir la réparation d'un préjudice moral se fonde exclusivement sur la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions, sans aucune mention d'éventuelles conséquences résultant du blâme. Dans ces conditions, M. B... ne peut être regardé comme ayant demandé, en première instance, la réparation d'un préjudice moral lié à l'atteinte à sa réputation et à sa santé à raison de cette sanction du premier groupe. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient omis de statuer sur ce moyen doit être écarté.

3. M. B... soutient également que le tribunal administratif a entaché le jugement attaqué de plusieurs erreurs de droit et erreurs manifestes d'appréciation en ce qui concerne l'appréciation des sanctions qui lui ont été infligées et des préjudices en résultant. Toutefois, de tels moyens, qui ont trait au bien-fondé du jugement, sont sans incidence sur sa régularité.

Sur les conclusions indemnitaires :

4. En premier lieu, d'une part, qu'elle qu'en soit sa nature, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. D'autre part, si en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, sont indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité.

5. Il résulte de l'instruction que le blâme infligé à M. B... par une décision du ministre de l'intérieur du 7 janvier 2008 a été annulé par un arrêt du 15 avril 2014 de la Cour administrative d'appel de Versailles, pour un motif d'illégalité interne, tiré de l'erreur de fait entachant cette sanction. Si M. B... soutient que cette illégalité lui a causé un préjudice moral tenant à une atteinte à sa réputation et à son image, il ne produit, toutefois, aucun élément de nature à justifier la réalité de ce préjudice. Par ailleurs, ses allégations selon lesquelles ce blâme aurait motivé plusieurs " fiches de non-proposition ", ayant compromis son avancement au grade de brigadier major au titre de l'année 2008, ne sont pas davantage établies. Par suite, le préjudice subi par le requérant du fait de l'absence d'avancement à ce grade, qui, en tout état de cause, n'était pas de droit, ne peut être regardé comme présentant un lien de causalité direct avec l'illégalité entachant le blâme qui lui a été infligé le 7 janvier 2008, et alors même que celle-ci a conduit à l'annulation de la décision portant sanction.

6. En second lieu, lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, de la décision lui infligeant une sanction, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, s'agissant tant du principe même de la sanction que de son quantum, dans le cadre d'une procédure régulière.

7. D'une part, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que, la sanction du 16 mars 2009 ayant été annulé à raison d'un vice de procédure l'ayant privé d'une garantie substantielle, cette illégalité ouvrirait à son bénéfice un droit à l'indemnisation des préjudices qu'il aurait subis, sans qu'il soit besoin d'établir, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, si la même décision aurait pu être légalement prise, dans son principe comme dans le quantum de la sanction prononcée, dans le cadre d'une procédure régulière.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions durant une période de douze mois, dont six mois avec sursis, infligée à M. B... par une décision du ministre de l'intérieur du 16 mars 2009, a été annulée par un arrêt du 15 avril 2014 de la Cour administrative d'appel de Versailles, en raison d'un vice de procédure ayant effectivement privé l'intéressé de la garantie prévue par l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 dès lors que l'intéressé ne s'était pas vu communiquer des pièces relatives à sa notation et à sa manière de servir. Il ressort de cet arrêt que si le requérant, qui avait sollicité la communication de documents comptables qui ne figurent pas à son dossier, du rapport de M. A... du 17 septembre 2008 motivant l'abaissement de sa note, du rapport et du procès-verbal relatifs à la révision de sa note par la commission paritaire compétente et du rapport du capitaine Guillard, commandant de la formation des services, portant sur sa manière de servir, n'a obtenu communication que de ce dernier document, l'intéressé ne précise pas en quoi l'absence d'accès aux autres pièces a été préjudiciable à la préparation de sa défense alors qu'il ressort, par ailleurs, du procès-verbal de la séance du conseil de discipline qu'il a pu faire valoir ses arguments devant cette instance, notamment sur le rapport sur sa manière de servir. En outre, M. B... ne fait état d'aucun élément de nature à établir que cette sanction, motivée par des refus d'explication opposés à sa hiérarchie au sujet de retards et d'absences répétés et non justifiés au cours de l'année 2008, reposerait sur des faits matériellement inexacts. Dans ces conditions, au regard des faits retenus à l'encontre de l'intéressé, il ne résulte pas de l'instruction que ce dernier aurait fait l'objet d'une sanction moins sévère en cas d'absence du vice de procédure caractérisé par la Cour.

9. Enfin, si par une décision du 2 juillet 2014, le ministre de l'intérieur a retiré cette sanction et a réintégré M. B... dans ses fonctions, de manière rétroactive, en procédant à la reconstitution de sa carrière, le requérant n'est toutefois pas fondé à soutenir que cette décision, qui se borne à tirer les conséquences de l'annulation prononcée par la Cour, constituerait la reconnaissance, par le ministre, de l'absence de bien-fondé de la sanction prononcée. En outre, au regard du caractère répété des agissements en cause, de leur nature traduisant une remise en cause de l'autorité hiérarchique mais également du rayonnement national du service auquel appartient l'intéressé, et nonobstant la référence à un précédent blâme lequel a été annulé par la suite, la sanction d'exclusion temporaire d'un an, dont six mois avec sursis, ne revêt pas un caractère disproportionné.

10. Il résulte de ce qui précède que la décision du 16 mars 2009 aurait pu être légalement prise par le ministre de l'intérieur, dans le cadre d'une procédure régulière, tant dans le principe même de la sanction prononcée que dans son quantum. Dès lors, les préjudices moral et financier décrits par M. B... ne peuvent être regardés comme la conséquence du vice de procédure dont est entaché cette décision. Par conséquent, c'est sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation que le Tribunal administratif de Versailles, par le jugement attaqué, a rejeté les conclusions indemnitaires de M. B....

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il n'y a pas lieu de condamner l'État, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, au paiement de la somme demandée par le requérant sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00289
Date de la décision : 31/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : CABINET MAOUCHE DE FOLLEVILLE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-08-31;19ve00289 ?
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