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22/09/2020 | FRANCE | N°18VE01722

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 22 septembre 2020, 18VE01722


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La CAISSE DE REASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE GROUPAMA (CRAMA) GRAND-EST a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de la décharger des suppléments de taxe sur les excédents de provisions auxquels elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009, à hauteur de la somme de 1 492 662 euros.

Par un jugement n° 1702408 du 22 mars 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2018, et, un

mémoire en réplique, enregistré le

12 juin 2019, la CRAMA GRAND-EST, représentée par Me Ra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La CAISSE DE REASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE GROUPAMA (CRAMA) GRAND-EST a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de la décharger des suppléments de taxe sur les excédents de provisions auxquels elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009, à hauteur de la somme de 1 492 662 euros.

Par un jugement n° 1702408 du 22 mars 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2018, et, un mémoire en réplique, enregistré le

12 juin 2019, la CRAMA GRAND-EST, représentée par Me Rault-Brochen, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement ;

2° de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les excédents de provisions à hauteur de la somme de 375 192 euros au titre de l'exercice clos en 2007, de 137 838 euros au titre de l'exercice 2008 et de 267 210 euros au titre de l'exercice 2009 ;

3° de remettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le résultat de chacun des sept exercices doit être pris en compte au regard de l'instruction administrative référencée 4L-5-83 du 20 septembre 1983 ; en effet, la période de calcul de la taxe est diminuée des exercices déficitaires au titre desquels aucun impôt sur les sociétés n'est dû ; si ceux-ci sont limités à quatre exercices maximum, c'est afin de définir un taux minimum de taxe, soit 23,4 % ; en aucun cas il n'est imposé que ces exercices déficitaires soient compris sur les années N-4 à N-1 dès lors que le taux minimum est appliqué et aucune présomption de bénéfice ne peut être posée pour les exercices N-5 à N-7 que la société est quant à elle capable d'individualiser ;

- elle justifie du résultat déficitaire de ses exercices clos en 2000 à 2002 ;

- par conséquent, les taux de taxe sur les bonis au titre de l'exercice clos en 2007 auraient dû être de 27,6 %, au lieu des taux de 54,6 % appliqués par l'administration fiscale pour les risques " Iard et construction ", correspondant à un montant de décharge de taxe de 375 192 euros ; au titre de l'exercice 2008, les taux applicables à ces deux catégories de risques auraient dû être de 32,4 % au lieu de 50,4 %, soit une décharge de taxe de 137 838 euros ; pour l'exercice clos en 2009, les taux auraient dû être de 37,2 %, et non 46,2 %, soit une décharge de taxe de 267 210 euros.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La CAISSE DE REASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE GROUPAMA (CRAMA) GRAND-EST est une société d'assurances assujettie à la taxe sur les excédents de provision prévue par l'article 235 ter X du code général des impôts. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause l'interprétation de l'instruction administrative référencée 4L-5-83 du 20 septembre 1983 faite par cette société, qu'elle a par conséquent assujettie à des rappels de taxe sur les excédents de provisions constituées au titre des exercices clos de 2007 à 2009. Par la requête susvisée, la CRAMA GRAND-EST fait appel du jugement du 22 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.

Sur le bien-fondé des rappels en litige :

2. D'une part, aux termes de l'article 235 ter X du code général des impôts, dans sa version en vigueur au 31 décembre 2009 : " Les entreprises d'assurance de dommages de toute nature doivent, lorsqu'elles rapportent au résultat imposable d'un exercice l'excédent des provisions constituées pour faire face au règlement des sinistres advenus au cours d'un exercice antérieur, acquitter une taxe représentative de l'intérêt correspondant à l'avantage de trésorerie ainsi obtenu. / La taxe est assise sur le montant de l'impôt sur les sociétés qui aurait dû être acquitté l'année de la constitution des provisions en l'absence d'excédent. Pour le calcul de cet impôt, les excédents des provisions réintégrés sont diminués, d'une part, d'une franchise égale, pour chaque excédent, à 3 % du montant de celui-ci et des règlements de sinistres effectués au cours de l'exercice par prélèvement sur la provision correspondante, d'autre part, des dotations complémentaires constituées à la clôture du même exercice en vue de faire face à l'aggravation du coût estimé des sinistres advenus au cours d'autres exercices antérieurs. Chaque excédent de provision, après application de la franchise, et chaque dotation complémentaire sont rattachés à l'exercice au titre duquel la provision initiale a été constituée. La taxe est calculée au taux de 0,40 % par mois écoulé depuis la constitution de la provision en faisant abstraction du nombre d'années correspondant au nombre d'exercices au titre desquels il n'était pas dû d'impôt sur les sociétés. / Toutefois, dans le cas où le montant des provisions constituées pour faire face aux sinistres d'un exercice déterminé a été augmenté à la clôture d'un exercice ultérieur, les sommes réintégrées sont réputées provenir par priorité de la dotation la plus récemment pratiquée. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :

" (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ". L'instruction administrative 4L-5-83 du 20 septembre 1983 précise : " 14. En pratique, le décompte de la période à retenir est effectué à partir des états B-10. Lorsque l'exploitation du tableau D des états B-10 ne permet pas de connaître l'exercice de constitution de la provision (sur les B-10, les provisions afférentes à l'exercice N-5 et aux exercices antérieurs sont regroupées en une seule colonne), chaque entreprise peut opter pour un calcul forfaitaire. Les provisions afférentes aux exercices N-5 et antérieurs sont alors réputées avoir été constituées à la clôture du septième exercice précédant celui au titre duquel la taxe est due ; le taux applicable, à condition que tous les exercices aient donné lieu au paiement de l'impôt sur les sociétés, sera donc en principe limité à 84 % pour ces exercices. (...) 18. Il résulte du deuxième alinéa du paragraphe I-1 de l'article 14, que la période à retenir pour le calcul de la taxe, déterminée ainsi qu'il est précisé ci-dessus, est diminuée du nombre d'années correspondant au nombre d'exercices au titre desquels il n'était pas dû d'impôt sur les sociétés. (...) 19. Il est souligné que, lorsque l'entreprise a opté pour la méthode de calcul forfaitaire, la réduction du taux applicable à l'assiette, constituée par les éléments afférents aux exercices N-5 et antérieurs, ne peut excéder quatre années ".

4. En premier lieu, il est constant que la CRAMA GRAND-EST, qui en tant que société d'assurances est soumise à la taxe sur les excédents de provisions prévue par les dispositions précitées de l'article 235 ter X du code général des impôts, a opté, au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, pour la méthode de calcul forfaitaire de cette taxe, admise par l'administration au point 14 de l'instruction administrative 4L-5-83 précité. Lors de ces exercices, elle a réintégré les excédents de provisions qui avaient été constituées lors d'un exercice antérieur au quatrième exercice précédant celui de réintégration. Si, ainsi que le fait valoir le ministre de l'action et des comptes publics, cette possibilité constitue une méthode de tempérament dans le cadre de laquelle le taux de la taxe est calculé en retenant au plus sept exercices, avec pour contrepartie la limitation de la réduction du taux en fonction des seuls exercices déficitaires, lesquels sont limités à quatre années afin de garantir l'application d'un taux minimum, en revanche il ne résulte pas des termes de l'instruction administrative 4L-5-83, laquelle est d'interprétation stricte, que les exercices au titre desquels l'impôt sur les sociétés n'était pas dû, devraient nécessairement avoir une ancienneté inférieure à cinq ans au regard de l'exercice de réintégration de l'excédent de provisions. Pour justifier son refus de retenir les exercices N-5 à N-7, l'administration fiscale avance l'impossibilité d'individualiser les déficits afin de s'assurer que les provisions réintégrées au titre de la période ne comporte aucun événement antérieur à celle-ci, il résulte de l'instruction que cette impossibilité ressort des états B-10, sans que la CRAMA GRAND-EST soit sérieusement contredite quand elle affirme être en mesure de procéder à l'individualisation du suivi de la constitution des provisions par événement sur toute la période prévue dans la méthode de calcul forfaitaire. Dans ces conditions, en l'absence de disposition législative et d'interprétation de l'administration publiée en ce sens, le calcul du taux de la taxe applicable aux exercices N-5 et antérieurs ne saurait écarter les déficits non compris dans la période N-4 à N-1, dans la limite globale sur toute la période de calcul de quatre exercices.

5. En second lieu, d'une part, il résulte de l'instruction que la CRAMA GRAND-EST établit le caractère déficitaire des exercices 2000 à 2002, lesquels peuvent, par suite, être pris en compte dans la détermination du taux de taxe applicable sur les excédents de provisions au titre des exercices clos de 2007 à 2009, pour les provisions dont les excédents ont été réintégrés lors de ces exercices et qui ont été constituées lors d'un exercice antérieur au quatrième exercice précédant l'exercice de réintégration, dès lors qu'il n'est pas contesté que la CRAMA

GRAND-EST a connu des résultats bénéficiaires à compter de l'exercice clos en 2003. Par suite, s'agissant de la détermination du taux de taxe sur les excédents de provisions au titre des années 2007 et 2008 pour les provisions dont les excédents ont été réintégrés lors de ces exercices, qui avaient été constituées lors d'un exercice antérieur au quatrième exercice précédant l'exercice de réintégration, la société requérante était fondée à retenir respectivement les années 2000, 2001 et 2002, et 2001 et 2002 comme exercices ne donnant pas lieu à paiement d'impôt sur les sociétés. Pour la détermination du taux des taxes sur les excédents de provisions au titre de l'année 2009 pour les provisions dont les excédents ont été réintégrés lors de cet exercice, qui avaient été constituées lors d'un exercice antérieur au quatrième exercice précédant l'exercice de réintégration, la société requérante n'est fondée à prendre en compte que l'année 2002 comme exercice n'ayant pas donné lieu à paiement d'impôt sur les sociétés. Ainsi, les taux pour les risques " Iard et construction " s'établissement à 27,6 % pour la taxe sur les bonis au titre de l'exercice clos en 2007, à 32,4 % au titre de l'exercice clos en 2008 et 37,2 % au titre de l'exercice clos en 2009.

6. D'autre part, il résulte de la proposition de rectification du 20 décembre 2012 que l'administration a appliqué aux années N-5 et antérieures un taux de 54,6 % pour l'exercice clos en 2007, 50,4 % pour l'exercice clos en 2008 et 46,2 % au titre de l'exercice clos en 2009. Par suite, la CRAMA GRAND-EST est fondée à demander la décharge des suppléments de taxe sur les excédents de provisions auxquels elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009, à hauteur respectivement des sommes de 375 192 euros, 137 838 euros et 267 210 euros.

7. Il résulte de ce qui précède que la CRAMA GRAND-EST est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a refusé de la décharger des sommes de 375 192 euros, 137 838 euros et 267 210 euros correspondant aux taxes sur les excédents de provisions mis à sa charge au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'État, partie perdante, la somme de 2 000 euros à verser à la CRAMA GRAND-EST au titre des frais exposés par elle dans le cadre des présentes instances et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La CRAMA GRAND-EST est déchargée des sommes de 375 192 euros,

137 838 euros et 267 210 euros correspondant aux taxes sur les excédents de provisions mis à sa charge respectivement au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009.

Article 2 : Le jugement n° 1702408 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : L'État versera à la CRAMA GRAND-EST la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 18VE01722


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01722
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Provisions.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SCP MERMILLON RAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-09-22;18ve01722 ?
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