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06/10/2020 | FRANCE | N°18VE00960

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 06 octobre 2020, 18VE00960


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) RB HOLDING EUROPE DU SUD a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contributions sociales et de contributions exceptionnelles ainsi que les intérêts de retard correspondants, auxquels elle a été assujettie en tant que société mère du groupe fiscalement intégré dont fait partie la SAS Reckitt Benckiser France, au titre de l'exercice clos en 2011, pour un montant

de 3 826 223 euros, et la restitution des sommes déjà versées, et, d'autre par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) RB HOLDING EUROPE DU SUD a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contributions sociales et de contributions exceptionnelles ainsi que les intérêts de retard correspondants, auxquels elle a été assujettie en tant que société mère du groupe fiscalement intégré dont fait partie la SAS Reckitt Benckiser France, au titre de l'exercice clos en 2011, pour un montant de 3 826 223 euros, et la restitution des sommes déjà versées, et, d'autre part, de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701374 du 18 janvier 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 mars 2018 et 24 mai 2019, la SNC RB HOLDING EUROPE DU SUD, représentée par Mes de Monès et Morhain, avocats, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge sollicitée et la restitution des sommes déjà versées ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4° de condamner l'État aux entiers dépens.

Elle soutient que le service lui a, à tort, opposé la " théorie du prix d'acquisition " pour remettre en cause la déduction, à titre de charge, de la somme de 9 800 000 euros de ses bases imposables au titre de l'exercice clos en 2011, alors que cette théorie n'est pas applicable dans le cadre d'une opération de transmission universelle de patrimoine effectuée en application de l'article 1844-5 du code civil.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC RB HOLDING EUROPE DU SUD est la société mère d'un groupe fiscal intégré qui compte, au nombre de ses filiales, la SAS Reckitt Benckiser France. A la suite d'une vérification de comptabilité de cette dernière portant sur les exercices clos en 2010 et 2011, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité d'une charge de 9 800 000 euros. La SNC RB HOLDING EUROPE DU SUD fait appel du jugement du 18 janvier 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contributions sociales et contributions exceptionnelles, ainsi que les intérêts de retard correspondants, auxquels elle a été assujettie en tant que société mère du groupe fiscalement intégré dont fait partie la SAS Reckitt Benckiser France, au titre de l'année 2011 pour un montant de 3 826 223 euros.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / (...) " et aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du CGI, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du CGI que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration fiscale, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

3. Il résulte de l'instruction que la SAS Reckitt Benckiser France, qui a pour activité la distribution de produits pharmaceutiques et de confort, a lancé une offre publique d'achat sur les titres de la société de droit britannique SSL Healthcare, propriétaire des marques Durex et Scholl, dont l'actionnaire unique est la société de droit néerlandais New Bridge Holdings BV. La cession des 16 791 276 actions composant le capital de la société SSL Healthcare est intervenue le 28 février 2011, pour un montant de 33 600 000 euros. Le même jour, la SAS Reckitt Benckiser France a décidé la dissolution sans liquidation de la société britannique, avec effet au 1er avril 2011 et a placé cette opération sous le régime de l'article 210 A du code général des impôts. Le 7 avril 2011, elle a déduit de son résultat imposable, à titre de charge, la somme de 9 800 000 euros correspondant au remboursement d'un abandon de créance consenti, par contrat du 31 mars 2003, par la société New Bridge Holding BV à sa filiale, la société SSL Healthcare mais assorti d'une clause de remboursement en cas de retour à meilleure fortune et prévoyant le rétablissement de la créance en cas de transfert de l'actif et du passif de la société SSL Healthcare à une société autre que la société-mère, c'est-à-dire que la New Bridge Holding BV. L'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de cette charge au motif que le paiement par une société absorbante d'une dette de la société absorbée née antérieurement à la fusion et acquittée au titre des obligations résultant des termes mêmes de l'acte de fusion ne constitue pas une charge se rapportant à la gestion de l'absorbante, en se fondant sur la théorie dite du " prix d'acquisition ".

4. Aux termes de l'article 1844-5 du code civil : " La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. / (...) / En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation. Les créanciers peuvent faire opposition à la dissolution dans le délai de trente jours à compter de la publication de celle-ci. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties si la société en offre et si elles sont jugées suffisantes. La transmission du patrimoine n'est réalisée et il n'y a disparition de la personne morale qu'à l'issue du délai d'opposition ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées. / (...) ". Dans le cadre d'une opération de confusion-dissolution sans liquidation telle que prévue par ces dispositions, la société confondante prend en charge l'intégralité de l'actif recueilli et du passif transmis, pour leur valeur réelle telle que déterminée dans l'état des apports transmis, sans que cette opération ne donne lieu l'émission de titres par cette société, à la fixation d'une parité d'échange et donc à la rémunération des apports. Dans ces conditions, le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que l'opération en litige, s'agissant de l'appréciation du caractère déductible des résultats de la société confondante des charges et dettes nées chez la société confondue avant la transmission universelle de patrimoine ou qui étaient prévisibles à cette date, doit être assimilée aux opérations notamment de fusion de sociétés ou d'apport d'actif par voie de scission, pour lesquelles, selon la théorie dite du " prix d'acquisition ", la société absorbante ne peut déduire du résultat fiscal d'un exercice postérieur à la réalisation de cette opération des charges se rapportant à la gestion de la société absorbée, dans la mesure où les charges et les dettes nées chez la société absorbée avant la transmission universelle de patrimoine ou qui étaient prévisibles à cette date ont été nécessairement déjà été prises en compte pour le calcul du prix d'échange des titres ou la fixation de la rémunération des apports du fait de la minoration de l'actif qui en résulte.

5. En outre, en admettant même que le principe sur lequel est fondé la théorie dite du " prix d'acquisition ", en vertu duquel le remboursement, par une société absorbante, d'une dette de la société absorbée, née comme en l'espèce de la mise en oeuvre d'une clause de retour à meilleure fortune telle que celle susmentionnée, ne peut être admis en déduction des résultats de l'absorbante dès lors que cette dette a d'ores et déjà minoré le montant de l'actif net comptabilisé par celle-ci, soit transposable en l'espèce du fait de la reprise par la société procédant à l'opération de transmission universel du patrimoine, de l'actif net de la société dissoute dans l'opération, il est constant que la dette de 9 800 000 euros ne constituait, pour la société SSL Healthcare, qu'un simple engagement hors bilan sans prise en compte d'une dette ou constitution de provisions à son passif, conformément à la réglementation comptable, de sorte qu'en l'espèce, la SAS Reckitt Benckiser France était, en tout état de cause, en droit de déduire de ses propres résultats, après l'opération de dissolution, la charge découlant de la mise en oeuvre de la clause de retour à meilleure fortune.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SNC RB HOLDING EUROPE DU SUD est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande et à solliciter la décharge, en droits et majorations, des impositions supplémentaires contestées ainsi que la restitution des sommes déjà versées au titre de ces impositions.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales :

7. Il résulte des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales que, le présent arrêt accordant la décharge des impositions en litige, le remboursement des sommes correspondantes est de droit. Ainsi, en l'absence de litige né et actuel opposant les requérants au comptable public, les conclusions présentées à ce titre par la SNC RB HOLDING EUROPE DU SUD sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ne peuvent qu'être rejetées les conclusions présentées par la SNC RB HOLDING EUROPE DU SUD au titre des dépens dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante en aurait exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1701374 du 18 janvier 2018 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La SNC RB HOLDING EUROPE DU SUD est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contributions sociales et de contributions exceptionnelles ainsi que les intérêts de retard correspondants, auxquels la SAS Reckitt Benckiser France a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011.

Article 3 : L'État versera à la SNC RB HOLDING EUROPE DU SUD la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SNC RB HOLDING EUROPE DU SUD est rejeté.

2

N° 18VE00960


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00960
Date de la décision : 06/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : CABINET BREDIN PRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-10-06;18ve00960 ?
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