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18/12/2020 | FRANCE | N°19VE03334

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 18 décembre 2020, 19VE03334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Findim Investments a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'ordonner la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française qu'elle a perçus au titre des années 2004 à 2007, à hauteur de la somme de 486 836,88 euros, assortie des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 0902669 du 19 mai 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a ordonné la restitution des retenues à la source dont la société Findim Investments s'était acquittée a

u titre des années 2006 et 2007 et rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 15V...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Findim Investments a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'ordonner la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française qu'elle a perçus au titre des années 2004 à 2007, à hauteur de la somme de 486 836,88 euros, assortie des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 0902669 du 19 mai 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a ordonné la restitution des retenues à la source dont la société Findim Investments s'était acquittée au titre des années 2006 et 2007 et rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 15VE02634 du 12 décembre 2017, la Cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel du MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS contre ce jugement, ainsi que les conclusions d'appel incident de la société Findim Investments.

Par un arrêt n° 418080 du 30 septembre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS, a annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt n° 15VE02634 du 12 décembre 2017 et renvoyé dans cette mesure l'affaire à la Cour administrative d'appel de Versailles.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 août, 19 août et 15 décembre 2015 et les 4 décembre 2019, 8 janvier 2020 et 26 février 2020, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour , dans le dernier état de ses écritures :

1° d'annuler les articles 1er et 2 du jugement attaqué ;

2° de remettre à la charge de la société Findim Investments la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française perçus au titre des années 2006 et 2007, à concurrence de la somme de 381 891,65 euros.

Il soutient, dans ses écritures postérieures à la décision du 30 septembre 2019 du Conseil d'Etat, que :

- la retenue à la source sur les dividendes de source française, dont est redevable une société établie dans un Etat tiers à l'Union européenne en application du 2 de l'article 119 bis du CGI, dont les caractéristiques principales sont inchangées depuis 1920, entre dans le champ d'application de la clause de gel de l'article 64 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, lorsqu'elle concerne un investissement direct ; la participation de 8 % du capital de la société Cogifrance détenue par la société Findim Investments constituait un investissement direct au sens de la clause de gel de l'article 64 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dès lors qu'elle lui permettait de participer à la gestion de la société Cogifrance, et qu'elle présentait le caractère d'un investissement durable et direct ;

- la clause de non-discrimination prévue par l'article 26 de la convention fiscale franco-suisse n'est pas applicable dès lors qu'elle comporte une clause insérée au point VI du protocole qui y est annexé selon laquelle sont seules proscrites les discriminations fondées sur la nationalité et non celles fondées sur la résidence fiscale.

......................................................................................................

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et son protocole additionnel, modifiée par les avenants du 3 décembre 1969 et du 22 juillet 1997 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 65-566 du 12 juillet 1965 :

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique,

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- les observations de Me A... pour la société Findim Investments.

Une note en délibéré, présentée pour la société Findim Investments, a été enregistrée le 9 décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société de droit suisse Findim Investments, résidente suisse, a perçu, au cours des années 2006 et 2007, des dividendes de la société française Cogifrance, dont elle était actionnaire, pour un montant total de 2 545 944,27 euros. Ces dividendes ont été soumis à une retenue à la source, en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, au taux conventionnel de 15 %, pour un montant total de 381 891,65 euros. Par un jugement du 19 mai 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a ordonné la restitution de ces impositions. Sur le pourvoi formé par le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS, le Conseil d'Etat a annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt du 12 décembre 2017 par lequel la Cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre ce jugement et renvoyé à la Cour, dans cette mesure, le jugement de l'affaire.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, issu de l'article 4 de la loi du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France ". Aux termes du 1 de l'article 187 du même code, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " Le taux de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis est fixé à : (...) - 25 % pour tous les autres revenus. " Aux termes de l'article 145 du même code : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : (...) b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice (...) ". Aux termes du I de l'article 216 de ce code : " Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris (...) ".

3. D'autre part, aux termes du paragraphe 1 de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne applicable au litige, devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites. " En vertu du 1 de l'article 57 du traité instituant la Communauté européenne, devenu article 64 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, " l'article 56 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit de l'Union en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs (...) ". En vertu de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, les investissements directs visés par les stipulations de cet article 57 sont ceux qui créent ou maintiennent des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l'entreprise, c'est-à-dire qui permettent à l'actionnaire de participer effectivement à la gestion ou au contrôle de cette société.

4. Les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts qui prévoient une retenue à la source prélevée sur les dividendes versés à une société-mère non résidente par sa filiale établie en France, alors que les sociétés françaises ayant opté pour le régime prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts sont exonérées, en quasi-totalité, de l'impôt sur les sociétés dû à raison des dividendes versés par leurs filiales françaises, et que cette différence de traitement n'est justifiée ni par des situations différentes, ni par une raison impérieuse d'intérêt général, constitue, pour les contribuables non-résidents qui établissent être dans l'impossibilité d'imputer cette retenue sur l'impôt acquitté dans leur Etat de résidence, une restriction à la liberté de circulation des capitaux incompatible avec les stipulations de l'article 56 du traité instituant la communauté européenne. Toutefois, en vertu de la " clause de gel " prévue à l'article 57 du même traité, cette restriction n'est pas incompatible avec le droit de l'Union dès lors que les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts sont antérieures au 31 décembre 1993, dans la mesure où les retenues en cause se rapportent à des investissements directs.

5. Il résulte de l'instruction que la société Findim Investments détenait 8,08 % en 2006 et 7,83 % en 2007 du capital de la société Cogifrance, ce qui lui permettait de participer de manière effective à sa gestion. En outre, elle disposait d'un siège au conseil d'administration. Avec sa société-mère Findim Group, elles détenaient 19 % du capital et disposaient de deux sièges sur les neuf sièges au conseil d'administration, et ont conclu le 9 décembre 2005 avec l'actionnaire majoritaire détenteur de 76 % du capital social un pacte de cession mutuelle de leurs participations " dans leur volonté commune d'accompagner et de soutenir le développement de Cogifrance ". Le président directeur général de la société Cogifrance atteste d'ailleurs de la participation active de l'administrateur représentant le groupe Findim aux travaux du conseil d'administration et à la définition des recommandations, en étroite collaboration avec l'administrateur représentant l'actionnaire principal. Dans ces conditions, si la détention de 8 % du capital social de la société Cogifrance ne permettait pas à la société Findim Investments d'exercer un pouvoir de contrôle ou de direction sur sa filiale, ni même d'exercer une influence certaine sur les décisions de cette société ou d'en déterminer les activités au sens des dispositions relatives à la liberté d'établissement des ressortissants européens, cette participation lui permettait de participer de manière effective à la gestion de sa filiale et dès lors, pouvait être qualifiée d'investissement direct au sens des stipulations de l'article 57 du traité. Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes reçus par la société Findim Investments de la société Cogifrance au titre des années 2006 et 2007 au motif de leur incompatibilité avec les stipulations de l'article 56 du traité instituant la communauté européenne relatives à la liberté de circulation des capitaux.

6. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par la société Findim Investments.

7. Aux termes de l'article 26 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966, relatif à l'égalité de traitement : "1. Les nationaux d'un Etat contractant ne sont soumis dans l'autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation (...) / 2. Le terme " nationaux " désigne : (...) b) Toutes les personnes morales, sociétés de personnes et associations constituées conformément à la législation en vigueur dans un État contractant (...) ". Aux termes des stipulations du paragraphe VI du protocole additionnel à cette convention : " Pour l'application des dispositions du paragraphe 1 de l'article 26 de la convention, il est entendu qu'une personne physique ou morale, société de personnes ou association qui est un résident d'un Etat contractant ne se trouve pas dans la même situation qu'une personne physique ou morale, société de personnes ou association qui n'est pas un résident de cet Etat, même si, s'agissant des personnes morales, sociétés de personnes ou associations, ces entités sont considérées, en application du paragraphe 2 du même article, comme des nationaux de l'Etat contractant dont elles sont des résidents. "

8. Il résulte de ces stipulations qu'alors même que, pour les personnes morales, le lieu de leur siège social détermine leur nationalité, les Etats parties ont entendu prohiber les seules différences de traitement fondées sur la nationalité, à l'exclusion des différences de traitement fondées sur la résidence fiscale des personnes physiques ou morales. Il s'ensuit que les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, qui soumettent les personnes à une retenue à la source à raison de leur domiciliation fiscale hors de France, n'entrent pas dans le champ d'application de ces stipulations. La société Findim Investments, résidente fiscale suisse, n'est par suite pas fondée à soutenir qu'elle devrait être exonérée des impositions contestées au motif qu'elles méconnaissent la clause d'égalité de traitement entre nationaux suisses et français.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a ordonné la restitution des retenues à la source dont la société Findim Investments s'est acquittée au titre des années 2006 et 2007.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Findim Investiments demande au titre de ses frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement n° 0902669 du 19 mai 2015 du Tribunal administratif de Montreuil sont annulés.

Article 2 : Les retenues à la source dont la société Findim Investments s'est acquittée au titre des années 2006 et 2007 sont remises à sa charge.

Article 3 : Les conclusions de la société Findim Investments tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 19VE03334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03334
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Libertés de circulation - Libre circulation des capitaux.

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers - Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : CABINET SOYER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-18;19ve03334 ?
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