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04/03/2021 | FRANCE | N°18VE02519

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 04 mars 2021, 18VE02519


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI du Rosset a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011.

Par un jugement n° 1506428 du 1er juin 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 juillet 2018 et le 21 juin 2019, la SCI du Rosset, repré

sentée par Me Dumont, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI du Rosset a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011.

Par un jugement n° 1506428 du 1er juin 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 juillet 2018 et le 21 juin 2019, la SCI du Rosset, représentée par Me Dumont, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur matérielle ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'avis de vérification et la charte du contribuable vérifié ne lui ont pas été notifiés régulièrement en méconnaissance des articles L. 47 et L. 10 du livre des procédures fiscales ;

- la réponse aux observations du contribuable ne lui a pas été notifiée régulièrement ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- la réponse aux observations du contribuable est insuffisamment motivée ;

- la décision de rejet de sa réclamation contentieuse est insuffisamment motivée ;

- le compte rendu de son entretien avec le supérieur hiérarchique est insuffisant et ne peut tenir lieu de réponse aux observations du contribuable ;

- le délai de reprise n'a pas été respecté ;

- la substitution de motif opérée par l'administration l'a privée d'une garantie, du droit à un procès équitable et a méconnu le principe des droits de la défense ;

- elle remplit les conditions énoncées à l'article 239 ter du code général des impôts ;

- l'application d'intérêts de retard devait être motivée en application de la loi du 11 juillet 1979 et méconnaît l'article 6-1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'avis de mise en recouvrement est insuffisamment motivé.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des relations de l'administration avec le public ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Illouz, rapporteur public.

Une note en délibéré présentée par la SCI du Rosset a été enregistrée le 10 février 2021.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) du Rosset a fait l'objet, au cours de l'année 2014, d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 à l'issue de laquelle elle a été assujettie, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, au titre de l'exercice clos en 2011, pour un montant total, en droits et pénalités, de 40 212 euros. La SCI du Rosset a demandé au tribunal de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 ainsi que des intérêts de retard correspondants. La société fait appel du jugement n° 1506428 du 1er juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge de ces suppléments d'impôt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, s'il résulte du point n° 2 du jugement attaqué que les premiers juges ont fait référence à un avis de réception postal du 23 mai 2014 alors que cet avis de réception datait du 23 septembre 2014, cette simple erreur matérielle, pour regrettable qu'elle soit, n'a eu aucune incidence sur le dispositif du jugement et n'a pas entaché celui-ci d'irrégularité.

3. En second lieu, contrairement à ce que soutient la SCI du Rosset, pour écarter son moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense, les premiers juges ne se sont pas uniquement fondés, au point n° 4 du jugement attaqué, sur le fait que l'administration ne peut renoncer au bénéfice de la loi fiscale, mais ont apprécié si la société requérante avait été ou non privée d'une garantie en raison de la substitution de motif opérée par l'administration. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit en conséquence être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

S'agissant de la notification de l'avis de contrôle, de la charte du contribuable vérifié et de réponse aux observations du contribuable :

4. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité ". L'alinéa 4 de l'article L. 10 du même livre dans sa version applicable aux impositions en litige dispose que : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que l'avis de contrôle, la charte du contribuable vérifié et la réponse aux observations du contribuable doivent être notifiés à ce dernier. En cas de contestation sur l'existence d'une telle notification, il incombe à l'administration fiscale d'établir que celle-ci a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.

5. Il résulte de l'instruction que le pli recommandé contenant l'avis de contrôle et celui contenant la réponse aux observations du contribuable, tous deux expédiés à l'adresse exacte du siège social de la SCI du Rosset, ont été retournés à l'administration, accompagnés d'un avis de réception comportant la date à laquelle ces plis ont été présentés et avisés, soit le 1er février 2014 et le 23 septembre 2014. En outre, chacune des enveloppes de ces plis recommandés est revêtue d'une étiquette sur laquelle la case " non réclamé ", correspondant au motif de non-distribution, est cochée. Compte tenu de ces mentions précises, claires et concordantes, l'avis de contrôle et la réponse aux observations du contribuable doivent être regardés comme ayant été régulièrement notifiés à la SCI du Rosset. La charte du contribuable vérifié doit également être considérée comme régulièrement notifiée, dès lors qu'elle est mentionnée comme pièce jointe dans l'avis de contrôle et, qu'à supposer que ce document ait fait défaut, la SCI du Rosset n'établit pas avoir accompli la moindre démarche pour en obtenir communication auprès de l'administration.

6. La notification de l'avis de contrôle étant intervenue le 1er février 2014 alors que le contrôle s'est ouvert le 12 mars 2014, la SCI du Rosset n'est pas fondée à soutenir que la charte du contribuable vérifié ne lui a pas été remise dans les délais prévus par l'instruction

BOI-CF-PGR-20-10-20150522 et à invoquer la méconnaissance de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales, des articles L. 312-2 et L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, ainsi que des dispositions de la charte du contribuable vérifié.

S'agissant de la motivation de la proposition de rectification :

7. La substitution de motif opérée par l'administration dans la décision de rejet de la réclamation préalable de la SCI du Rosset n'a pas pour effet d'entacher d'insuffisance de motivation la proposition de rectification adressée à celle-ci.

S'agissant de la motivation de la réponse aux observations du contribuable :

8. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être également motivée ". La réponse aux observations du contribuable, qui expose chacune des observations formulées par la SCI du Rosset pour y répondre, est suffisamment motivée. La circonstance qu'une substitution de base légale ait été opérée au niveau de la décision de rejet de la réclamation contentieuse est sans incidence sur le caractère suffisant de cette motivation.

S'agissant du compte rendu de l'entretien tenu avec le supérieur hiérarchique :

9. En premier lieu, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose que les divergences qui subsistent à l'issue de l'entretien tenu avec le supérieur hiérarchique du vérificateur soient portées par écrit à la connaissance du contribuable. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du compte rendu d'entretien qui a été communiqué à la SCI du Rosset est inopérant.

10. En deuxième lieu, contrairement aux allégations de la SCI du Rosset, le

compte-rendu d'entretien précité n'a pas tenu lieu de réponse aux observations du contribuable, l'administration ayant expressément répondu aux observations de la société requérante par un courrier daté du 17 septembre 2014.

S'agissant de la substitution de motif et la violation alléguée des droits de la défense :

11. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement invoqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de la décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis l'auteur du recours à même de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

12. Les moyens tirés de ce que la substitution de motif opérée par l'administration fiscale au stade de la décision de rejet de la réclamation préalable de la SCI du Rosset aurait empêché celle-ci de se défendre équitablement, aurait méconnu les droits de la défense, l'aurait privée d'une garantie, lui aurait occasionné une perte manifeste de chance d'obtenir gain de cause et violerait les stipulations de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles des articles 20, 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés, dès lors que l'administration, qui ne peut renoncer au bénéfice de la loi fiscale, est en droit, lorsqu'elle statue sur la réclamation du contribuable, de substituer à cette fin un motif nouveau à celui initialement retenu pour la liquidation des impositions et que la SCI du Rosset a pu contester ce nouveau fondement, de manière contradictoire, dans le cadre de la procédure contentieuse devant la juridiction administrative saisie du litige.

S'agissant de l'avis de mise en recouvrement du 16 janvier 2015 :

13. Aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications ". L'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales prévoit ainsi la motivation des avis de mise en recouvrement par référence aux documents qui ont été précédemment envoyés au contribuable faisant l'objet d'une procédure de rectification et qui détaillent la nature, les motifs, les montants et les modalités de calcul des droits supplémentaires et pénalités mis en recouvrement. Dans ces conditions, ce renvoi ne prive d'aucune garantie le contribuable qui peut librement se reporter à ces documents et ne méconnaît ainsi, par lui-même et en tout état de cause, ni la loi du 11 juillet 1979, ni les articles L. 211-2, L. 211-3 et L. 211-4 du code des relations de l'administration avec le public.

S'agissant de la motivation de la décision de rejet de la réclamation préalable :

14. L'insuffisance de motivation de la décision de rejet de la réclamation préalable est insusceptible d'avoir une incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le

bien-fondé des impositions. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de rejet de la réclamation préalable ne peut qu'être écarté comme inopérant.

Sur le bien-fondé des impositions :

15. Si l'administration a, dans sa décision de rejet de la réclamation préalable de la SCI du Rosset, modifié les motifs des rectifications mises à la charge de cette société, cette circonstance n'a pas privé la proposition de rectification du 4 juillet 2014 de son effet interruptif de prescription dès lors que les bases ayant servi à l'établissement des droits en litige ont été limitées aux montants initialement notifiés.

16. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 239 ter du code général des impôts.

Sur les pénalités :

17. L'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales. Si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié. Il suit de là que la SCI du Rosset ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 pour critiquer la décision que l'administration a prise de lui demander le paiement de l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 du code général des impôts. En outre, le requérant ne peut pas invoquer les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, qui ne sont pas applicables au présent litige qui ne résulte ni d'une accusation en matière pénale, ni d'une contestation portant sur des droits et obligations de caractère civil. Ainsi, la SCI du Rosset n'est pas fondée à demander la décharge des intérêts de retard ni à titre principal, ni par voie de conséquence de l'annulation des impositions litigieuses, qui n'a pas été prononcée.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI du Rosset n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI du Rosset est rejetée.

6

N° 18VE02519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02519
Date de la décision : 04/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Questions communes. Personnes imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: M. ILLOUZ
Avocat(s) : SELARL DUBAULT-BIRI et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-03-04;18ve02519 ?
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