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01/04/2021 | FRANCE | N°19VE01760

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 01 avril 2021, 19VE01760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du président de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis du 18 décembre 2017 prononçant sa révocation, d'enjoindre à cette autorité de prononcer sa réintégration avec reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux, de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis à lui verser une indemnité au titre du préjudice financier correspondant à la perte de ses salai

res et primes depuis sa révocation, ainsi qu'une somme de 20 000 euros au titre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du président de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis du 18 décembre 2017 prononçant sa révocation, d'enjoindre à cette autorité de prononcer sa réintégration avec reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux, de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis à lui verser une indemnité au titre du préjudice financier correspondant à la perte de ses salaires et primes depuis sa révocation, ainsi qu'une somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801451 du 8 mars 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et des mémoires complémentaires enregistrés, respectivement le 13 mai 2019, le 25 novembre 2019, le 27 novembre 2020 et le 18 décembre 2020, M. D..., représenté par Me E..., avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au président de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis de procéder à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière ;

4°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis à lui verser, sauf à parfaire, la somme de 30 096,76 euros augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

5°) de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a visé ni analysé avec une précision suffisante les conclusions et moyens des parties en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- il n'a pas tenu compte de ses contestations concernant la matérialité des faits figurant dans son mémoire en réplique enregistré au greffe le 19 novembre 2018 ;

- la décision de révocation ne comporte aucun considérant relatif à la proportionnalité de la sanction à la faute ;

- les dispositions de l'article 63 du statut ont été méconnues ; il n'est pas établi que la lettre l'informant de l'engagement d'une procédure disciplinaire et de son droit à communication lui aurait été notifiée dans les huit jours de la consultation du bureau de la chambre ; il a été privé d'une garantie ;

- le conseil de discipline n'était pas régulièrement composé lors de sa séance du 14 novembre 2017 ; l'article 65 du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat prévoit que le conseil de discipline comprend notamment deux représentants du personnel membres titulaires ou suppléants de la commission paritaire nationale ; pourtant, M. C..., qui a siégé au conseil de discipline, ne figure pas sur la liste des représentants du personnel siégeant à la commission paritaire nationale nommés par l'arrêté du 27 septembre 2017 ; il n'est pas non plus possible de s'assurer que l'un des deux représentants relevait de la même catégorie que lui ;

- il n'a pas été mis à même de présenter ses observations lors de la séance du bureau du 18 décembre 2017 ; il appartenait au président de la chambre de métiers et de l'artisanat de l'informer de ce que son dossier serait examiné lors de la séance du 18 décembre 2017 afin de lui permettre d'y être entendu conformément aux dispositions de l'article 63 du statut ;

- les faits ne sont pas matériellement établis ; il n'a jamais eu de comportement inapproprié avec les élèves de sexe féminin ; le message qui aurait été reçu par une élève a été effacé ; son poste informatique était accessible par les autres agents ;

- la sanction est disproportionnée ; il n'a jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire ; son dossier administratif ne comporte aucun élément de nature à mettre en cause son comportement ;

- la décision est entachée d'une rétroactivité illégale dès lors que son entrée en vigueur fixée au 19 décembre 2017 est antérieure à la date à laquelle il a reçu cette décision, le 22 décembre 2017 ;

- il excipe de l'illégalité des dispositions de l'article 61 du statut du personnel de la chambre de métiers et de l'artisanat qui méconnaissent le principe de proportionnalité et d'individualisation des peines découlant de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et des citoyens ; cet article ne comporte pas, s'agissant des fautes les plus graves, une échelle de sanctions permettant à l'autorité disciplinaire de faire le choix d'une sanction proportionnée à la faute ; le statut ne prévoit que deux sanctions pour le troisième groupe ; le statut ne prévoit aucune sanction d'exclusion d'une durée supérieure à quinze jours ; eu égard à ces dispositions, l'autorité disciplinaire s'est trouvée en situation de compétence liée pour prononcer une révocation car si les faits étaient établis, un simple abaissement d'échelon aurait été disproportionné ; l'absence d'une sanction intermédiaire entre l'abaissement d'échelon et la cessation définitive des fonctions entache la décision d'un vice d'incompétence négative de la commission nationale paritaire dans l'adoption du statut ; les dispositions de l'article 61 portent également atteinte à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car elle ne permettent pas au juge d'exercer utilement son contrôle sur la proportionnalité de la sanction ;

- dès lors que la décision de révocation est illégale, il a droit à la réparation de son préjudice financier et moral qui peut être évalué à la somme totale de 30 096,76 euros et à tout le moins à la somme de 197,68 euros compte tenu de la rétroactivité illégale de la sanction.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat du 13 novembre 2008 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., pour M. D... et de Me G..., pour la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., assistant éducatif titulaire du centre de formation des apprentis " Campus des métiers et de l'entreprise " à Bobigny, relève appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 8 mars 2019 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 2017 par laquelle le président de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis a prononcé à son encontre la sanction de révocation.

Sur la légalité de la décision de révocation :

2. Aux termes de l'article 65 du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat : " 1. Il est créé, au plan national, un conseil de discipline chargé de donner un avis sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. 2. Le conseil de discipline comprend : • deux présidents de chambres de métiers et de l'artisanat, membres titulaires, et deux présidents de chambre de métiers et de l'artisanat, membres suppléants, désignés par le bureau de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat ; • deux représentants du personnel, membres titulaires ou suppléants de la commission paritaire nationale mentionnée à l'article 56. 3. Les représentants du personnel sont choisis pour chaque affaire par le collège des représentants du personnel de la commission paritaire nationale visée au quatrième alinéa de l'article 56. Ils doivent appartenir à une catégorie au moins égale à celle de l'agent objet de la procédure, l'un des deux représentants devant, si possible, relever de la même catégorie que lui. Ils ne peuvent avoir été frappés d'aucune sanction relevant du conseil de discipline. ". Aux termes de l'article 56 du même statut : " Il est constitué une commission paritaire nationale comprenant six présidents de chambres de métiers et de l'artisanat et six représentants du personnel. Les représentants du personnel comprennent trois représentants pour chacun des deux groupes de catégories suivants : 1 - secrétaires généraux adjoints, cadres supérieurs, cadres ; 2 - personnel de maîtrise, techniciens et employés. / Les présidents sont désignés par l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, à raison de six titulaires et six suppléants, y compris le président de la commission du personnel instituée par le règlement intérieur de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat. / Les douze représentants du personnel sont élus à raison de six titulaires et six suppléants. (...) ".

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

4. M. D... soutient, pour la première fois en appel, que la composition du conseil de discipline réuni le 14 novembre 2017 était irrégulière. Il ressort en effet des pièces du dossier que M. A... C..., qui y a siégé en qualité de représentant des salariés ne figure pas parmi les membres de la commission paritaire nommé par l'arrêté du ministre de l'économie et des finances du 27 septembre 2017 portant nomination à la commission paritaire du personnel administratif des chambres de métiers et de l'artisanat créée en application de la loi du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligation d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers. Dans ces conditions, M. D... est fondé à soutenir que le conseil de discipline appelé à se prononcer sur le projet de sanction disciplinaire a siégé dans une composition irrégulière et que le vice affectant la procédure préalable à la sanction a été de nature, dans les circonstances de l'espèce, à le priver d'une garantie.

5. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de révocation du 18 décembre 2017.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. M. D... ne conteste pas le motif d'irrecevabilité de ses conclusions indemnitaires retenu par le jugement attaqué. Ainsi, les conclusions de sa requête tendant à la condamnation de la chambre de métiers et de l'artisanat à l'indemniser de ses préjudices résultant de la décision de révocation ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le présent arrêt, qui annule, la décision de révocation de M. D..., implique nécessairement que la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis réintègre l'intéressé à compter du 19 décembre 2017, date d'effet de la révocation, avec reconstitution de ses droits sociaux et à pension, dans un délai de quatre mois.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis la somme que demande M. D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801451 du tribunal administratif de Montreuil du 8 mars 2019 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de la demande de M. D....

Article 2 : La décision du président de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis du 18 décembre 2017 prononçant la révocation de M. D... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au président de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis de réintégrer M. D... à compter du 19 décembre 2017, dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

2

N° 19VE01760


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01760
Date de la décision : 01/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

14-06-02-03 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Organisation professionnelle des activités économiques. Chambres des métiers. Personnel.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : THEOBALD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-04-01;19ve01760 ?
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