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28/06/2021 | FRANCE | N°19VE02861

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 28 juin 2021, 19VE02861


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1612200 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, déchargé Mme B... des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2009 et des péna

lités correspondantes ainsi que des majorations pour manquement délibéré appliquées au ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1612200 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, déchargé Mme B... des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes ainsi que des majorations pour manquement délibéré appliquées au titre des années 2010 et 2011, et, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 août 2019 et le 30 novembre 2020, Mme B..., représentée par Me Atlan, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, et des intérêts de retard afférents, mis à sa charge au titre de la période correspondant aux années 2010 et 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- conformément à l'avis rendu par le Conseil d'État le 10 mars 2020, l'administration fiscale ne pouvait remettre en cause rétroactivement l'exonération découlant de l'attestation délivrée par les services compétents en matière de formation professionnelle, obtenue de bonne foi et qui constitue une décision créatrice de droits ;

- les prestations dispensées par l'IRETT constituaient des actions de formation professionnelle au sens des dispositions de l'article L. 6313-1 du code du travail.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

- et les observations de Me Atlan, avocat, pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... exerce, sous le nom commercial d'Institut de recherche et d'étude en thérapie transpersonnelle (IRETT), une activité dans le domaine de l'enseignement en psychothérapie transpersonnelle et techniques de respiration holotropique. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 2009 à 2011, à l'issue de laquelle l'administration a mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, par une proposition de rectification en date du 17 décembre 2012. Par la requête susvisée, Mme B... fait appel du jugement du 7 juin 2019 en tant que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, et des intérêts de retard afférents, mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

2. D'une part, le a du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts exonère de taxe sur la valeur ajoutée les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectuées dans le cadre " de la formation professionnelle continue, telle qu'elle est définie par les dispositions législatives et réglementaires qui la régissent, assurée soit par des personnes morales de droit public, soit par des personnes de droit privé titulaires d'une attestation délivrée par l'autorité administrative compétente reconnaissant qu'elles remplissent les conditions fixées pour exercer leur activité dans le cadre de la formation professionnelle continue ". Il prévoit en outre qu'" un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de ces dispositions, notamment pour ce qui concerne les conditions de délivrance et de validité de l'attestation ". D'autre part, le I de l'article 202 A de l'annexe II au code général des impôts, pris pour l'application de ces dispositions, prévoit que, pour obtenir l'attestation mentionnée au a du 4° du 4 de l'article 261 de ce code, les personnes de droit privé exerçant une activité de formation professionnelle continue autres que les organismes paritaires agréés souscrivent une demande adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ou à la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi pour les départements d'outre-mer, dont le demandeur relève. Le II du même article précise notamment que " l'attestation ne peut être délivrée qu'à la condition que l'activité du demandeur entre dans le cadre de la formation professionnelle continue telle que définie conjointement par les articles L. 6311-1 et L. 6313-1 du code du travail (...) ". En vertu du III du même article, le service dispose d'un délai de trois mois à compter de la réception de la demande pour délivrer l'attestation, qui est réputée accordée à l'issue de ce délai à défaut de décision explicite. L'article 202 B de la même annexe dispose que " La délivrance de l'attestation entraîne l'exonération de TVA au jour de la réception de la demande. / L'attestation ne vaut que pour les opérations effectuées dans le cadre de la formation professionnelle continue ou des missions dévolues aux organismes paritaires agréés. Elle s'applique obligatoirement à l'ensemble de ces opérations réalisées par le titulaire de l'attestation ". Enfin, aux termes de son article 202 D : " Les agents de l'administration des impôts contrôlent l'application des articles 202 A à 202 C et s'assurent notamment que les opérations qui ouvrent droit à exonération relèvent d'une activité entrant dans le cadre de la formation professionnelle continue ".

3. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'administration compétente, saisie d'une demande de délivrance de l'attestation mentionnée au a du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, y fait droit après avoir vérifié que l'organisme qui la sollicite remplit les conditions auxquelles elle est subordonnée et, notamment, celle tenant à ce que l'activité au titre de laquelle il demande l'attestation relève de la formation professionnelle continue. Il résulte en outre des dispositions précitées du II de l'article 202 A et de l'article 202 B de l'annexe II au code général des impôts que l'attestation entraîne reconnaissance du droit au bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée.

4. Si elle ne constitue, en toute hypothèse, dès lors qu'elle n'émane pas de l'administration chargée d'établir, de recouvrer et de contrôler la taxe sur la valeur ajoutée, ni une prise de position opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, ni un agrément régi par les articles 1649 nonies et 1649 nonies A du code général des impôts, l'attestation mentionnée au a du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts présente néanmoins le caractère d'une décision créatrice de droits au profit de son bénéficiaire.

5. En vertu des principes généraux régissant la procédure administrative et, depuis le 1er janvier 2016, des articles L. 242-1 et L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration, l'administration ne peut, si elle n'a pas procédé au retrait de l'attestation pour illégalité dans les quatre mois de sa délivrance, que l'abroger et mettre fin à ses effets pour l'avenir, lorsqu'elle constate que l'une des conditions auxquelles elle est subordonnée n'est pas ou plus remplie, notamment que l'activité exercée par l'organisme n'entre pas dans le champ de la formation professionnelle continue. L'administration ne peut, en revanche, remettre en cause les effets que l'attestation a produits antérieurement, sauf dans le cas où elle a été obtenue par fraude.

6. Il en résulte que, lorsqu'elle constate à l'occasion du contrôle mentionné à l'article 202 D de l'annexe II au code général des impôts que l'activité au titre de laquelle un organisme s'est vu délivrer l'attestation prévue au a du 4° du 4 de l'article 261 du même code n'entre pas dans le champ de la formation professionnelle continue, l'administration fiscale ne peut, sauf à ce que l'attestation ait été obtenue par fraude, remettre en cause pour le passé l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée. Elle ne peut le faire qu'à raison des opérations réalisées à compter de l'abrogation de l'attestation par l'administration qui l'a délivrée, si tel a été le cas. A défaut d'abrogation, l'administration fiscale tient aussi de l'article 202 D de l'annexe II le pouvoir de remettre en cause le bénéfice de l'exonération à raison des opérations réalisées à compter de la notification à l'intéressé des résultats du contrôle. Le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ne saurait, en revanche, être remis en cause pour la période antérieure.

7. Toutefois, dès lors qu'en vertu du second alinéa de l'article 202 B de l'annexe II au code général des impôts l'attestation ne vaut que pour les opérations effectuées dans le cadre de la formation professionnelle continue, il appartient à l'administration fiscale, lorsqu'elle constate, à l'occasion du contrôle, que l'organisme a appliqué l'exonération de taxe à des opérations autres que celles correspondant à l'activité au titre de laquelle il a obtenu l'attestation, de procéder, dans le délai de reprise déterminé par l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, au rappel des droits éludés à raison de ces opérations.

8. D'une part, si Mme B... soutient que l'administration fiscale ne pouvait remettre en cause de manière rétroactive, l'exonération découlant de l'attestation délivrée par les services compétents en matière de formation professionnelle, l'administration fait valoir en défense que les activités déclarées par la requérante en 1997 ne correspondent pas à celles effectivement exercées par l'IRETT. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 17 décembre 2012 procède à l'examen des activités de l'IRETT et conclut que les actions menées par cet institut " doivent être considérées comme visant un but thérapeutique ou un développement personnel et non l'apprentissage de compétences propres à certaines fonctions ou poste de travail ", alors que la déclaration d'activité ne mentionne pas l'activité de psychologie transpersonnelle mais seulement des formations centrées autour de la relation interpersonnelle. En outre, les diplômes proposés ne correspondent pas aux formations expressément visées par la déclaration d'activité de l'IRETT laquelle, si elle mentionne la psychologie et la psychothérapie, et ce, alors que l'organisme n'est pas habilité par l'ARS à délivrer le diplôme de psychothérapeute, ne fait nullement état de " psychopratique " ou d'" animathérapie ". Dans ces conditions, et alors même que la proposition de rectification est antérieure à la décision du préfet de la région d'Île-de-France du 30 juillet 2013 portant abrogation de l'agrément délivré à l'IRETT et que cette abrogation ne vaut que pour l'avenir, c'est sans erreur de droit et par une exacte appréciation des circonstances de l'espèce que le service a, comme il en avait la possibilité, procédé dans le délai de reprise au rappel de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux opérations en litige, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elles aient été couvertes par l'agrément en cause.

9. D'autre part, pour estimer que les prestations dispensées par l'IRETT ne constituaient pas des actions de formation professionnelle au sens des dispositions de l'article L. 6313-1 du code du travail, le service s'est notamment fondé sur la décision précitée du 30 juillet 2013, qui fait état de ce que les formations dispensées " posent un diagnostic et proposent un traitement de troubles psychologiques " et ont par conséquent " une finalité thérapeutique et curative " relevant du développement personnel, et de ce que les enseignements dispensés par l'IRETT ne débouchent pas sur une qualification professionnelle et ne peuvent être considérés comme diplômants ni, par suite, comme des actions de promotion professionnelle ou de conversion au sens du 3° et 5° de l'article L. 6313-1 du code du travail ni de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6311-1 du même code. Mme B... n'apporte aucun élément de nature à infirmer les constats selon lesquels moins de 7 % des participants ont obtenu un des diplômes de " phsychopraticien personnel ", d' " animathérapeute " ou de " respiration holotropique " proposés par l'IRETT dont, au demeurant, la qualification professionnelle n'est ni enregistrée au répertoire national de la certification professionnelle, ni reconnue dans les classifications d'une convention collective nationale de branche, ni ne débouche sur un certificat de formation professionnelle. Il ressort d'ailleurs des déclarations faites par l'intéressée à l'occasion d'une interview à la revue Génération Tao en juin 2010, reprises dans la proposition de rectification, que l'IRETT n'a pas pour objet de délivrer " un enseignement " mais d'" accompagner les gens dans leur cheminement ". Il résulte en outre de l'instruction, d'une part que les programmes de formation ne détaillent pas d'objectifs précis mais se bornent à résumer les thèmes et à aborder sommairement le contenu de la formation, ce qui rend impossible tout suivi pédagogique contrairement aux prescriptions alors en vigueur de l'article L. 6351-1 du code du travail, d'autre part, qu'aucune évaluation personnalisée ne permet de s'assurer de l'assimilation de connaissances théoriques ou pratiques, ce qui relativise la finalité pédagogique du cursus proposé, et enfin que les prestations s'adressent à un auditoire indéterminé, aucun document n'indiquant qu'elles sont destinées à un public précis, notamment en termes de fonctions occupées ou de niveau requis pour assister à une communication technique. Ainsi, eu égard aux objectifs très vagues des formations, à leur faible contenu théorique, à leur déroulement très largement expérientiel ainsi qu'à l'hétérogénéité du public concerné, et alors que le vérificateur a insisté sur la confusion des genres entretenue par l'IRETT, la requérante, seule à même de pouvoir le faire, n'apporte pas d'éléments suffisamment précis permettant d'établir qu'au-delà de la dimension thérapeutique relevant du développement personnel, tout ou partie des stages, et notamment ceux proposés aux personnes ne travaillant pas déjà dans le domaine médical, relevaient d'une action de promotion professionnelle ou d'acquisition de connaissances au sens des dispositions précitées du code du travail.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant à sa charge au titre des années 2010 et 2011. Les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.

2

N° 19VE02861


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02861
Date de la décision : 28/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : CABINET ATLAN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-06-28;19ve02861 ?
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