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08/10/2021 | FRANCE | N°18VE01559

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 08 octobre 2021, 18VE01559


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la société Ginger CEBTP à lui verser la somme totale de 432 422,46 euros toutes taxes comprises en réparation des préjudices subis du fait d'un sinistre survenu le 24 mai 2012 à l'occasion des opérations de réhabilitation du réseau de recueil et d'évacuation des eaux pluviales des communes de Thillay, Vaud'herland et Roissy en France, de c

ondamner la société aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la société Ginger CEBTP à lui verser la somme totale de 432 422,46 euros toutes taxes comprises en réparation des préjudices subis du fait d'un sinistre survenu le 24 mai 2012 à l'occasion des opérations de réhabilitation du réseau de recueil et d'évacuation des eaux pluviales des communes de Thillay, Vaud'herland et Roissy en France, de condamner la société aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600884, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné la société Ginger CEBTP à verser au syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne une somme de 218 612,95 euros, a mis les frais d'expertise à la charge de la société à hauteur de 9 267,60 euros et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 mai 2018 et le 18 octobre 2018, le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne, représenté par Me Gentilhomme, avocat, demande à la cour :

1°) de condamner la société Ginger CEBTP à lui verser la somme complémentaire de 17 026,85 euros toutes taxes comprises au titre du coût des études géotechniques supplémentaires qui ont été réalisées et de la somme de 196 782,66 euros hors taxes au titre du coût des travaux de comblement de cavités ;

2°) de condamner la société Ginger CEBTP aux entiers dépens, comprenant les frais des deux expertises judiciaires ;

3°) de mettre à la charge de la société Ginger CEBTP la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

Il soutient que :

- la société Ginger CEBTP a manqué à son obligation contractuelle et ses missions de conseil et d'assistance et elle est responsable du dommage survenu le 24 mai 2012, ce manquement étant la cause directe de la réalisation de deux études géotechniques supplémentaires et de travaux de comblement de cavités ;

- son préjudice résulte directement du coût de ces études et travaux supplémentaires, qui n'étaient pas indispensables, qu'il a supporté.

........................................................................................................

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mauny,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,

- et les observations de Me Coudere, substituant Me Carrière, représentant le syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne, de Me Miah représentant la société Ginger CEBTP et de Me Iorio représentant la SAS Valentin.

Une note en délibéré présentée pour le syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne a été enregistrée le 30 septembre 2021.

1. Dans le cadre de la réhabilitation du réseau intercommunal de recueil des eaux usées des communes de Thillay, Vaud'herland et Roissy en France, le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne a signé, le 25 janvier 2010, l'acte d'engagement confiant à la société Ginger CEBTP un marché d'assistance à maitrise d'ouvrage en vue de la réalisation d'études géotechniques. En exécution de ce marché, la société Ginger CEBTP a produit des études géotechniques préliminaires de site en avril et septembre 2010, lesquelles ont été intégrées au dossier de consultation des entreprises pour l'attribution des lots 1 et 2 du marché de travaux de réhabilitation du réseau intercommunal de recueil des eaux usées des communes de Thillay, Vaud'herland et Roissy en France. Le 24 mai 2012, le microtunnelier mis en œuvre par la SAS Valentin, attributaire du lot n° 2 du marché portant sur l'exécution par fonçage, a chuté et effectué une importante déviation entre les puits 29 et 31, sous la rue du capitaine Girard à Vaud'herland. Cet incident a justifié la réalisation de travaux supplémentaires pour la récupération du microtunnelier et la réalisation de deux études géotechniques complémentaires ainsi que de travaux de comblements de cavités pour la poursuite de la pose des tuyaux de collecte des eaux usées par la même technique du fonçage. Par un jugement du 8 mars 2018, le tribunal administratif de Cergy-pontoise a fait droit à la demande du syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne tendant à la condamnation de la société Ginger CEBTP à l'indemniser du coût des travaux de récupération du micro tunnelier, pour un montant de 218 612,95 euros, a mis à la charge de la société la somme de 9 267,60 euros mais a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Par la présente requête, le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne demande à la cour d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Dans un mémoire en défense comportant des conclusions à fin d'appel incident, la société Ginger CEBTP conclut au rejet de la requête et à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à indemniser partiellement le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne.

Sur les fins de non-recevoir opposées par la société Ginger CEBTP :

2. La société Ginger CEBTP s'est bornée, dans ses conclusions, à soutenir que le président du syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne n'avait pas qualité pour engager l'instance enregistrée au tribunal administratif de Cergy-Pontoise sans apporter aucune argumentation nouvelle à l'appui de cette fin de non-recevoir ni critiquer la solution retenue par les premiers juges pour l'écarter. Il y a donc lieu d'adopter les motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 2, 3 et 4 du jugement attaqué pour écarter la fin de non-recevoir opposée par la société Ginger CEBTP. Par ailleurs, la circonstance que les prétentions du syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne puissent être mal fondées ne peut, en tout état de cause, qu'être sans incidence sur l'appréciation à porter sur son intérêt donnant qualité pour agir.

Sur l'appel principal :

3. Si le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne soutient, d'abord, qu'il existe un lien de causalité direct entre le coût des études géotechniques supplémentaires, pour un montant de 17 026,85 euros toutes taxes comprises, celui des travaux de comblement de cavités pour un montant de 196 782,66 euros hors taxes et le manquement de la société Ginger CEBTP à ses obligations contractuelles retenu par le tribunal, et ensuite qu'il pouvait, pour ce motif, obtenir l'indemnisation de ce préjudice dont il justifie, il se borne à alléguer que ce manquement l'a placé dans l'impossibilité d'envisager des méthodes alternatives moins onéreuses, un autre tracé voire un renoncement à l'opération de réhabilitation, sans apporter aucun élément sur les autres méthodes ou l'autre tracé qui s'offraient à lui ou même sur la possibilité de renoncer à cette opération sur la commune de Vaud'herland. Il ressort en revanche du rapport d'expertise déposé le 6 février 2015 que le repli et la réinstallation du tunnelier , dont l'usage est de nature à limiter les nuisances pour les riverains et les usagers de la voirie, étaient justifiés économiquement et que la solution du tunnelier restait la seule envisageable postérieurement à l'incident survenu le 24 mai 2012 au regard du tracé des travaux, de la proximité immédiate d'une église, du passage sous un carrefour et de la présence de nombreux réseaux, ainsi que la commune l'admet d'ailleurs elle-même dans ses propres écritures. Le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne, qui n'apporte aucun élément sur la réalité et le sérieux des options qui s'offraient à lui avant de décider de recourir à la technique du fonçage et qui ne conteste pas que la poursuite du recours à cette technique s'imposait postérieurement à l'incident du 24 mai 2012, ne critique donc pas sérieusement le jugement contesté, lequel a retenu à bon droit que les dépenses susmentionnées étaient nécessaires.

4. Il suit de là que les conclusions du syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

Sur l'appel incident :

5. Si l'exécution de l'obligation du débiteur d'une prestation d'étude prend normalement fin avec la remise de son rapport et le règlement par l'administration du prix convenu, sa responsabilité reste cependant engagée, en l'absence de toute disposition ou stipulation particulière applicable à ce contrat, à raison des erreurs ou des carences résultant d'un manquement aux diligences normales attendues d'un professionnel pour la mission qui lui était confiée, sous réserve des cas où, ces insuffisances étant manifestes, l'administration aurait, en payant la prestation, nécessairement renoncé à se prévaloir des fautes commises.

6. Il suit de là, d'une part, que la société Ginger CEBTP ne peut pas utilement se prévaloir du règlement par le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne de son marché d'assistance à maitrise d'ouvrage en vue de la réalisation d'études géotechniques pas plus que de la réception sans réserve des travaux exécutés dans le cadre des lots 1 et 2 du marché de réhabilitation du réseau de collecte des eaux usées.

7. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la société Ginger CEBTP s'est vue confier une mission G11 selon la norme NF P94-500, laquelle consiste en la réalisation d'une enquête documentaire sur le cadre géotechnique du site devant préciser l'existence d'avoisinants. Il résulte en outre du rapport établi par la société en avril 2010, dans lequel elle a précisé l'objet de sa mission en écartant la reconnaissance de cavités, qu'elle a mentionné ces dernières comme susceptibles de figurer sur la carte des aléas ou les plans de prévention des communes de Le Thillay et de Vaud'Herland qu'elle a consultés. Il en ressort également qu'elle a consulté le site internet du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) pour apprécier l'aléa de gonflement-retrait des argiles sur le site du projet. Ainsi, la société Ginger CEBTP n'est pas fondée à soutenir que, en ne relevant pas l'existence d'anciennes carrières à proximité immédiate du tracé de la rue du capitaine Girard sur la commune de Vaud'Herland, alors que la présence de ces dernières était signalée sur les documents mis à disposition du public par l'inspection générale des carrières de Versailles, elle n'a pas commis une faute dans l'exécution de la mission d'étude géotechnique qui lui a été confiée.

8. Enfin, il est constant que la méthode du fonçage par microtunnelier n'est adaptée qu'en cas de sol homogène, que ce caractère n'est pas celui des sols constitués de remblais apportés pour combler d'anciennes carrières ou galeries et que la société Ginger CEBTP a préconisé cette méthode dans le secteur où le microtunnelier a chu le 24 mai 2012. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'appuyant sur les constats opérés par la société Sémofi, mandatée pour réaliser une étude géotechnique après l'incident du 24 mai 2012, que le microtunnelier a chuté dans une cavité constituée par une ancienne galerie imparfaitement remblayée à proximité immédiate de la zone indiquée par l'inspection générale des carrières de Versailles comme constituée d'anciennes carrières. Il suit de là que la société n'est pas fondée à soutenir qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le préjudice que le tribunal l'a condamnée à indemniser et la faute qu'elle a commise en ne signalant pas la présence potentielle de cavités incompatibles avec l'emploi d'un microtunnelier. Par ailleurs, au regard des éléments portés à leur connaissance par l'étude que la société Ginger CEBTP a réalisée, ni le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne ni la SAS Valentin n'ont commis de faute en engageant les travaux litigieux sans procéder à une étude géotechnique complémentaire. Enfin, il résulte de l'instruction que le montant de l'indemnisation mise à la charge de la société Ginger CEBTP en première instance correspond à celui des coûts supplémentaires que la SAS Valentin a supportés pour la récupération de son tunnelier, dont elle a pu justifier au cours de l'expertise et qu'elle a réclamés au syndicat intercommunal. La société Ginger CEBTP, qui ne conteste pas sérieusement le montant de ces frais et n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la nécessité de leur paiement par le syndicat, n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort qu'elle a été condamnée à payer au syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne la somme de 218 612,95 euros.

9. Il suit de là que les conclusions de la société Ginger CEBTP tendant à l'annulation des articles 1er, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et à ce que la SAS Valentin la garantisse d'une condamnation doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

En ce qui concerne les frais d'expertise :

10. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif a mis à la charge de la société Ginger CEBTP les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 9 267,60 euros toutes taxes comprises. Le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne n'est donc pas recevable en appel et dans cette mesure à demander à ce que les frais d'expertise soient mis à la charge de la société Ginger CEBTP.

11. Il résulte en revanche de l'instruction que les frais taxés et liquidés par le président du tribunal de Cergy-Pontoise le 8 avril 2013 à hauteur de 5 016 euros toutes taxes comprises, procédant de l'ordonnance du juge des référés du tribunal du 21 septembre 2012, ont été mis à la charge du syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne. Ce dernier, qui n'est pas la partie perdante dans ce litige, peut donc prétendre à ce qu'ils soient mis à la charge définitive de la société Ginger CEBTP. Il y a donc lieu de fixer le montant total des frais d'expertise mis à la charge de la société Ginger CEPTP à 14 283,60 euros, toutes taxes comprises.

En ce qui concerne l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12.Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne et par la société Ginger CEBTP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

13. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Ginger CEBTP la somme de 1500 euros au titre des frais exposés par la SAS Valentin non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le montant des frais d'expertise mis à la charge la société Ginger CEBTP est porté à la somme totale de 14 283,60 euros toutes taxes comprises.

Article 2 : Le surplus des conclusions du syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions en appel incident présentées par la société Ginger CEBTP et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le jugement n° 1600884 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 8 mars 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : La société Ginger CEBTP versera la somme de 1500 euros à la SAS Valentin en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 18VE01559 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01559
Date de la décision : 08/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-02-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution technique du contrat. - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. - Marchés. - Mauvaise exécution.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Olivier MAUNY
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : SELARL CABINET GENTILHOMME

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-10-08;18ve01559 ?
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