La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2021 | FRANCE | N°20VE01656

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 09 novembre 2021, 20VE01656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Sakar a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle à cette cotisation, et de frais d'assiette et intérêts de retard, auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015, pour un montant total de 16 022 euros.

Par un jugement n° 1901344 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
<

br>Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 juillet et 27 novembre 2020, la SAS Saka...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Sakar a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle à cette cotisation, et de frais d'assiette et intérêts de retard, auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015, pour un montant total de 16 022 euros.

Par un jugement n° 1901344 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 juillet et 27 novembre 2020, la SAS Sakar, représentée par Me Bensaid, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la restitution des impositions contestées ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a remis en cause l'existence même du prêt consenti par sa société-mère alors que la preuve en a été rapportée et que le service ne la remet plus en cause ;

- c'est également à tort que le tribunal a considéré que le taux de référence accordé à sa filiale par un établissement bancaire est de 3,75 %, alors qu'en prenant en compte le coût des garanties liées à cet emprunt, ce taux s'établit à 4,58 %, proche du taux de 5,5 % en litige ;

- le taux d'intérêt de 5,5 % de l'emprunt que lui a accordé sa société mère n'est pas excessif dès lors qu'elle établit qu'une autre société du groupe s'est financée auprès d'un établissement tiers pour un taux d'intérêt quasiment identique ; ce taux est justifié par les risques encourus par la société prêteuse, qui n'a pas exigé de garanties ;

- le taux de 2,84 % retenu par le service n'est pas justifié ;

- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine référencée BOI-IS-BASE-35-20-10-20140415 qui permet au contribuable de justifier d'un taux d'intérêt supérieur au taux légal.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Sakar, holding animatrice du réseau de centres de contrôle technique automobile Autovision, détenue à 100 % par la société de droit chypriote Nérima Enterprises Company Limited, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2015 à l'issue de laquelle des rehaussements de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ont été mis à sa charge, au titre des années 2013, 2014 et 2015, à raison notamment de la remise en cause de charges d'intérêts d'emprunt versés à sa société mère. La SAS Sakar demande l'annulation du jugement en date du 2 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge de ces impositions.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. D'une part, aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts : " I. - Les personnes physiques ou morales (...) dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. / II. 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies (...) ". Le 4 de l'article 1586 sexies du même code dispose que : " La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, (...) / b) Et, d'autre part : (...) / - les autres charges de gestion courante, (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 238 A du code général des impôts : " Les intérêts, (...) payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. " Lorsqu'elle se prévaut de ces dispositions pour contester la déduction de sommes payées ou dues à des personnes domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France, l'administration doit justifier que le bénéficiaire de ces rémunérations est soumis hors de France à un régime fiscal privilégié. Dans le cas où l'administration établit que le bénéficiaire n'est pas imposable ou est assujetti à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont il aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France, il appartient alors au contribuable d'apporter la preuve que les dépenses correspondent à des prestations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.

4. En l'espèce, il est constant que la SAS Sakar a, suivant contrat de prêt conclu le 31 mars 2012, emprunté la somme de 2 millions d'euros, moyennant un taux d'intérêts de 5,5 %, à sa société mère, la société Nérima Enterprises Company Limited, dont le siège est situé à Chypre. Le taux normal d'imposition à l'impôt sur les sociétés résidentes de Chypre était de 10 % en 2012 et de 12,5 % à compter de 2013, inférieur de plus de moitié au taux normal d'imposition de 33 % alors applicable aux sociétés françaises. S'agissant plus particulièrement de la société bénéficiaire des dépenses en cause, l'administration fiscale établit, par les renseignements obtenus dans le cadre de l'assistance administrative auprès des autorités chypriotes, que la société Nérima Enterprises Company Limited a supporté un taux d'imposition de 10 % au titre de l'année 2012, inférieur de plus de moitié au taux d'imposition de droit commun auquel elle aurait été imposée en France, et qu'elle n'avait pas déposé de déclarations pour les années 2013 et 2014. Il n'est d'ailleurs pas contesté que la société Nérima Enterprises Company Limited est soumise à un régime fiscal privilégié. Il s'ensuit qu'il appartient à la SAS Sakar de démontrer que les intérêts d'emprunt qu'elle a versés correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.

5. En premier lieu, si l'administration fiscale a admis, par mesure de tolérance, suite à l'interlocution départementale, la déductibilité des intérêts en cause à concurrence du taux de 2,84 % auquel la SAS Sakar a accordé des avances en compte courant à ses filiales Jankar et ACS, la réalité de son besoin de financement est, contrairement à ce que soutient la société requérante, contestée. La SAS Sakar, qui ne présente aucune argumentation ni pièce justificative sur ce point, n'établit pas qu'elle n'était pas en mesure de financer son développement par elle-même sans recourir à l'emprunt contracté le 31 mars 2012 auprès de sa société mère, alors que l'administration fiscale fait valoir sans être contredite qu'elle lui a versé 3 565 000 euros de dividendes à la clôture de l'exercice 2011 et 2 934 000 euros à la clôture de l'exercice 2012.

6. En second lieu, aux termes du I de l'article 212 du code général des impôts : " Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 sont déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ". Aux termes de l'article 39 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années en litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans. (...) ".

7. Le taux de référence servant au calcul du plafonnement des intérêts déductibles servis aux associés ou actionnaires à raison des sommes mises à disposition de la société en sus de leur part du capital s'établissait à 2,84 % pour un exercice clos au 30 septembre 2013, 2,87 % pour un exercice clos au 30 septembre 2014 et 2,25 % pour un exercice clos au 30 septembre 2015. Pour démontrer que le taux de 5,5 %, substantiellement supérieur au taux de référence des intérêts déductibles, ne présente pas un caractère anormal, il appartient à la SAS Sakar d'établir que le taux d'intérêt servi à sa société mère établie hors de France est conforme à celui qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues. Le taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues s'entend, pour l'application de ces dispositions, du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence.

8. Pour justifier de ce que le taux d'intérêt de 5,5 % auquel la société Nérima Enterprises Company Limited lui a prêté la somme de 2 millions d'euros sur une durée de cinq ans, est conforme à celui qu'elle aurait pu obtenir auprès d'un établissement ou organisme financier indépendant, la société requérante fait valoir que l'une de ses filiales a emprunté à un établissement bancaire la somme de 500 000 euros sur la même durée à un taux effectif mensuel, garanties comprises, de 4,58 % et que le taux de 5,5 % est justifié compte tenu des risques pris par sa société mère, qui n'a pas exigé de garanties de sa part. Toutefois, l'offre de prêt dont se prévaut la société requérante, destinée au refinancement du prix d'acquisition d'un bien immobilier, concerne une autre société du groupe, porte sur le quart du montant de l'emprunt en litige et ne présente pas, dès lors, des conditions analogues. En outre, le taux effectif global de 3,91 % stipulé, même porté à 4,58 % garanties comprises, reste inférieur au taux pratiqué par la société Nérima Enterprises Company Limited, alors que, compte tenu du lien capitalistique la liant à la SAS Sakar, et des résultats très largement positifs de sa filiale, la prêteuse pouvait sans risque ne pas exiger de garanties. Dans ces conditions, la SAS Sakar ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, que compte tenu de ses caractéristiques propres, elle n'aurait pu financer ses activités, dans des circonstances analogues de pleine concurrence, à un taux supérieur au taux de 2,84 % retenu par le service à titre de tempérament.

9. Il résulte de ce qui précède que la SAS Sakar ne justifie ni de la réalité de son besoin de financement, ni de la normalité du taux d'intérêt de l'emprunt contracté auprès de sa société mère et que les rectifications sont par suite justifiées au regard de la loi fiscale.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

10. La SAS Sakar ne peut utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, pour contester des suppléments d'imposition à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, des paragraphes n° 40 et n° 70 de l'instruction administrative référencée BOI-IS-BASE-35-10-10 du 15 avril 2014 qui concernent l'impôt sur les sociétés et qui, en tout état de cause, n'ajoutent pas à la loi fiscale.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Sakar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Sakar est rejetée.

N° 20VE01656 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01656
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-045-03-02 Contributions et taxes. - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : BENSAID

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-11-09;20ve01656 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award