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11/01/2022 | FRANCE | N°20VE01037

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 11 janvier 2022, 20VE01037


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL RMP Plaisirs du Maroc a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits, majorations et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes 2011, 2012 et 2013, à concurrence de la somme globale de 40 638 euros.

Par un jugement no 1802228 du 4 février 2020, le tribunal administratif de

Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL RMP Plaisirs du Maroc a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits, majorations et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes 2011, 2012 et 2013, à concurrence de la somme globale de 40 638 euros.

Par un jugement no 1802228 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2020, la SARL RMP Plaisirs du Maroc, représentée par Me Michelot, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de faire droit à sa demande ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL RMP Plaisirs du Maroc soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal ne s'est pas prononcé sur ses moyens et ses conclusions mais s'est borné à reprendre les moyens présentés par l'administration.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

- au regard des termes de l'article L. 123-12 du code de commerce, qui n'exigent ni de caisse enregistreuse, ni l'enregistrement comptable par mode de règlement et qui autorisent l'enregistrement mensuel, la comptabilité, bien qu'imparfaite, ne pouvait pas être considérée comme n'étant pas probante, ce qui excluait la reconstitution du chiffre d'affaires à laquelle a procédé le service, qui par nature ne peut être qu'imparfaite ; elle ne pouvait davantage être qualifiée de non probante alors que, par ailleurs, la comptabilisation des stocks, des achats et des marges n'a pas été remise en cause ;

- s'agissant de la méthode de reconstitution, même si la consommation de viande est importante, elle ne peut être considérée comme principale ; il aurait fallu retenir un autre composant des plats ; les poids moyens d'agneau dans les menus est évalué au gramme près, ce qui permet de douter de la réalité de cette précision ; l'étude par catégorie de vins vendus fait apparaître un taux moyen de marge de 2,65 alors que celui retenu par les services fiscaux a été de 3,3.

En ce qui concerne le bien-fondé des pénalités :

- le caractère intentionnel des faits reprochés et la volonté de diminuer ou d'éluder l'impôt n'est pas établie.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouzar, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL RMP Plaisirs du Maroc, qui exerce une activité de restauration traditionnelle marocaine, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant en matière d'impôt sur les sociétés sur les exercices clos en 2011 et 2012, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée au 31 décembre 2013. L'administration a écarté la comptabilité tenue par cette société, qu'elle a regardée comme non probante et a en conséquence procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires. Compte tenu des sommes réintégrées dans les bénéfices imposables de cette société, l'administration a, par une proposition de rectification du 15 juillet 2014, envisagé des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis le 11 juin 2015 un avis défavorable au maintien des rectifications envisagées. La SARL RMP Plaisirs du Maroc relève appel du jugement du 4 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à prononcer la décharge, en droits, majorations et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes 2011, 2012 et 2013, à concurrence de la somme globale de 40 638 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient la SARL RMP Plaisirs du Maroc, le tribunal, qui ne s'est pas borné à reprendre les moyens présentés par l'administration, a répondu à l'ensemble des moyens invoqués par la requérante et statué sur ses conclusions. Par suite, le moyen tiré du défaut de réponse à un moyen et de l'omission à statuer sur ses conclusions doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la charge de la preuve :

3. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ".

4. Eu égard au caractère contradictoire de la procédure suivie, et à l'avis défavorable de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, il appartient à l'administration d'établir tant le caractère non probant de la comptabilité que le bien-fondé de la reconstitution des recettes à laquelle elle a procédé.

S'agissant du rejet de la comptabilité :

5. Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration ". Aux termes de l'article 286 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " I.- Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit : / (...) / 3° Si elle ne tient pas habituellement une comptabilité permettant de déterminer son chiffre d'affaires tel qu'il est défini par le présent chapitre, avoir un livre aux pages numérotées sur lequel elle inscrit, jour par jour, sans blanc ni rature, le montant de chacune de ses opérations, en distinguant, au besoin, ses opérations taxables et celles qui ne le sont pas. / Chaque inscription doit indiquer la date, la désignation sommaire des objets vendus, du service rendu ou de l'opération imposable, ainsi que le prix de la vente ou de l'achat, ou le montant des courtages, commissions, remises, salaires, prix de location, intérêts, escomptes, agios ou autres profits. Toutefois, les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à 76 € pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois. / Le livre prescrit ci-dessus ou la comptabilité en tenant lieu, ainsi que les pièces justificatives des opérations effectuées par les redevables, notamment les factures d'achat, doivent être conservés selon les modalités prévues aux I et I bis de l'article L. 102 B du livre des procédures fiscales ; ". Enfin, aux termes de l'article L. 86 du livre des procédures fiscales : " Les contribuables soumis aux obligations comptables du code de commerce doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les livres, les registres et les rapports dont la tenue est rendue obligatoire par le même code ainsi que tous documents relatifs à leur activité ".

6. En l'espèce, il résulte de l'instruction que, à l'occasion des opérations de contrôle de la SARL RMP Plaisirs du Maroc, le vérificateur a écarté comme irrégulière et non probante la comptabilité de la société aux motifs qu'elle ne disposait pas de caisse enregistreuse et par suite de bandes de caisse, que les recettes avaient été enregistrées à la main et globalement en fin de journée sans distinguer les moyens de paiement utilisés et, enfin, que les seules pièces justificatives produites étaient une copie de notes non numérotées et rédigées à la main, ayant également servi à prendre la commande auprès des clients du restaurant. Alors que la SARL RMP Plaisir du Maroc n'est pas en mesure de justifier les résultats déclarés en l'absence de justificatifs du détail des recettes journalières, elle ne peut utilement soutenir que les relevés bancaires indiquaient les moyens de paiement utilisés, de tels documents, non produits au demeurant, n'étant pas de nature à justifier à eux seuls le montant des recettes déclarées. Par suite, sans qu'y fassent obstacle les dispositions invoquées de l'article L. 123-12 du code de commerce, l'administration a pu à bon droit considérer que la comptabilité de la SARL RMP Plaisirs du Maroc ne présentait pas de caractère probant et procéder à la reconstitution de ses recettes, la circonstance que l'administration n'a pas remis en cause les achats, les stocks et la marge de l'entreprise étant à cet égard sans incidence.

S'agissant de la reconstitution des recettes :

7. Il résulte de l'instruction que pour procéder à la reconstitution des recettes de la SARL RPM Plaisirs du Maroc, le service vérificateur a employé la méthode dite " des viandes ". En notant que la majorité des plats sont composés de viande et, principalement de viande d'agneau, il a évalué la quantité de viande d'agneau nécessaire à la préparation des plats, la proportion des plats composés d'agneau dans les plats vendus, le nombre d'assiettes réalisables et le prix moyen d'un repas. Il a pour cela pris en compte la quantité de viande achetée, en se fondant sur les factures d'achat de la société. Il a également appliqué, par souci de réalisme économique, un taux de perte évalué à 5 % sur la viande consommée.

8. L'administration apporte ainsi la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé de la reconstitution à laquelle elle a procédé. La SARL RPM Plaisirs du Maroc n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause cette appréciation en se bornant à mentionner que le service aurait pu prendre en compte une autre viande composant les plats servis et que la précision du poids retenu de l'agneau dans chaque plat est sujette à caution. Si elle soutient également que le taux moyen de marge pour les boissons alcoolisées est trop élevé au regard de l'étude par catégorie de vins vendus, ces observations ne sont pas assorties des justifications permettant d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne le bien-fondé des pénalités :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

10. Compte-tenu des manquements relevés au point 6 ci-dessus, de l'importance des montants des gains en résultant pour la SARL RMP Plaisirs du Maroc, et de leur caractère répété, c'est à bon droit que l'administration a assorti les rappels de TVA et les rectifications en matière d'impôt sur les sociétés de la majoration pour manquement délibéré prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.

11. Il résulte de ce qui précède que la SARL RMP Plaisirs n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL RMP Plaisirs du Maroc est rejetée.

2

N° 20VE01037


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01037
Date de la décision : 11/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Mohammed BOUZAR
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : MICHELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-01-11;20ve01037 ?
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