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11/01/2022 | FRANCE | N°20VE01983

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 11 janvier 2022, 20VE01983


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande et une réclamation soumise d'office, M. et Mme C... et B... D... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer le sursis de paiement et la décharge en droits, intérêts et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement nos 1706792, 1902562 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer en

ce qui concerne les conclusions tendant au sursis de paiement, a prononcé la déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande et une réclamation soumise d'office, M. et Mme C... et B... D... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer le sursis de paiement et la décharge en droits, intérêts et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement nos 1706792, 1902562 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer en ce qui concerne les conclusions tendant au sursis de paiement, a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 août 2020 et le 9 juillet 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Dumont, demandent à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'administration a régulièrement pu prolonger le délai de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au-delà d'un an sur le fondement des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales alors qu'elle ne s'est pas fondée sur les éléments obtenus auprès de l'autorité judiciaire pour fonder les rectifications ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs ;

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que l'administration n'a pas apporté la preuve qu'ils avaient été régulièrement informés de l'allongement de la durée de contrôle.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

- l'année 2010 est prescrite en application de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, l'article L. 188 C du même livre n'étant pas applicable ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales dès lors que, d'une part, elle ne les a pas régulièrement informés de l'allongement du délai de contrôle et, d'autre part, elle ne s'est pas fondée sur les informations obtenus auprès de l'autorité judiciaire pour fonder les rectifications ;

- l'administration, en mentionnant une date erronée de fin du délai de réponse, a méconnu les dispositions de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales, les a induits en erreur et les a privés d'une garantie ;

- en refusant de proroger le délai de réponse, l'administration a entaché la procédure d'imposition d'une irrégularité substantielle ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration n'a pas respecté le devoir de loyauté ;

- les irrégularités dont la procédure est entachée sont substantielles ;

- les avis de mise en recouvrement ne justifient pas l'exigibilité immédiate des rectifications ;

- ils sont insuffisamment motivés au sens de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales en ce qu'ils ne précisent pas les faits, les références légales des impositions supplémentaires et les variations avant et après contrôle ;

- ces avis ne comportent pas la mention du nom et de la qualité, ni de la signature de l'auteur ;

- la compétence du signataire des avis de mise en recouvrement n'est pas établie ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :

- l'administration a, à tort, imposé des sommes correspondant à des prêts et des présents d'usage consentis par M. F..., ancien concubin de Mme D..., alors qu'elles devraient se voir appliquer la présomption jurisprudentielle d'entraide familiale ;

- il en va de même concernant les sommes perçues der M. A..., frère de Mme D... ;

- les sommes versées par Mme A... et Mme E..., sœur et mère de Mme D..., constituent des remboursements d'achats non imposables ; ils peuvent bénéficier de la tolérance prévue par la doctrine BOI-BIC-CHG-10-20-20 n° 40 et BOI-BIC-DECLA 30-10-20-10 n° 250 ;

- les cotisations sociales doivent être déchargées par voie de conséquence de la décharge des contributions supplémentaires d'impôt sur le revenu ;

En ce qui concerne les intérêts et majorations :

- à titre principal, les intérêts de retard et pénalités doivent être déchargés par voie de conséquence de l'irrégularité de la procédure et de la décharge prononcée en droits ;

- les intérêts de retard ne sont pas motivés dans la proposition de rectification, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; leur taux est excessif par rapport aux taux d'intérêt légal, ce qui leur confère un caractère répressif ; le montant des intérêts réclamés doit être limité au taux d'intérêt légal ; à défaut, il est constitutif d'un enrichissement sans cause au profit du Trésor public ; il doit pouvoir faire l'objet d'une modulation en vertu de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts est insuffisamment motivée ;

- en l'absence de la démonstration de l'élément matériel et de l'élément intentionnel, la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts n'est pas fondée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Beaujard, président,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de Me Nerrand, substituant Me Dumont, pour M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2010 et 2011, à l'issue de laquelle l'administration leur a notifié, par une proposition de rectification en date du 15 décembre 2014, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties d'intérêts de retard et de majoration, pour les années mentionnées. M. et Mme D... font appel du jugement du 11 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles, après les avoir déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des intérêts et majorations correspondants, a rejeté le surplus de la demande tendant à la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision, en date du 18 mai 2021, postérieure à l'enregistrement de la requête d'appel, le ministre de l'économie, des finances de la relance a prononcé, au bénéfice de M. et Mme D..., un dégrèvement à concurrence de 950 euros correspondant à la majoration prévue à l'article 1728 A du code général des impôts. Les conclusions de M. et Mme D... sont, dans cette mesure, devenues sans objet, de sorte qu'il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur l'objet du litige :

3. Le tribunal administratif ayant déchargé M. et Mme D... des droits, pénalités et intérêts de retard correspondant à l'année 2010, ceux-ci ne sont pas recevables à discuter de leur bien-fondé en appel. Ils ne sont ainsi recevables qu'à demander l'annulation de l'article 3 du jugement contesté, qui a rejeté le surplus de leurs conclusions.

Sur la régularité du jugement :

4. Ainsi que le soutiennent M. et Mme D..., le tribunal n'a pas répondu au moyen soulevé dans leur mémoire du 23 septembre 2019, qui n'était pas inopérant, tiré de la méconnaissance par l'administration des dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales en ce qu'ils n'auraient pas été informés de la prorogation du délai de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle. Le jugement attaqué est par suite entaché d'irrégularité. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres motifs d'irrégularité invoqués par les requérants, le jugement doit être annulé.

5. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande de première instance présentée par M. et Mme D... relative aux droits, pénalités et intérêts de retard afférents à l'année 2011.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt./ A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal./ Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification./ (...) La période mentionnée au troisième alinéa est portée à deux ans en cas de découverte, en cours de contrôle, d'une activité occulte. Il en est de même lorsque, dans le délai initial d'un an, les articles L. 82 C ou L. 101 ont été mis en œuvre ". Aux termes de l'article L. 82 C de ce livre, dans sa version applicable en l'espèce : " A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances ". Aux termes de l'article L. 101 du même livre, dans sa version applicable en l'espèce : " L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des impôts toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu ".

7. Il résulte de l'instruction, d'une part, que l'administration a régulièrement informé les requérants par un courrier du 4 février 2014, réceptionné le 6 février 2014, soit dans le délai de contrôle initial d'un an, de la mise en œuvre de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire sur le fondement des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales et de la prorogation du délai de contrôle. D'autre part, la circonstance que les renseignements recueillis à cette occasion n'ont donné lieu à aucune rectification n'affecte pas le droit de l'administration d'allonger la période de contrôle prévue par les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, lesquelles ne fixent pas une telle condition. L'administration n'a ainsi ni entaché la rectification d'un détournement de procédure, ni méconnu une obligation de loyauté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 €. (...) / Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur ". Aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ".

9. D'une part, il résulte de l'instruction que l'administration a envoyé une demande d'éclaircissements et de justifications aux requérants le 31 mars 2014, reçue le 5 avril 2014, à laquelle ces derniers ont répondu par un courrier du 4 juin 2014. Si les requérants soutiennent qu'ils ont été privés d'une garantie dès lors que l'administration leur a indiqué, dans un courrier en date du 31 mai 2014, que le délai expirait le 5 juin 2014 alors qu'il expirait le 6 juin 2014, cette simple erreur matérielle est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition dès lors que l'administration a accepté de prendre en compte, lors d'un entretien avec le vérificateur qui a eu lieu le 2 juillet 2014, soit postérieurement à l'expiration du délai de réponse, tous les éléments de réponse apportés par les contribuables, et qu'elle ne les a mis en demeure de produire tout justificatif dans un délai de trente jours que par une lettre du 28 juillet 2014, reçue le 10 août 2014. A cet égard, M. et Mme D... ne peuvent utilement se prévaloir de la doctrine BOI-CF-IOR-50-30-20150701 n° 80 pour une question de procédure, qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration les aurait privés d'une garantie en mentionnant une date d'expiration erronée du délai de réponse dont ils disposaient.

10. D'autre part, il appartient à l'administration, afin de déterminer la nécessité d'un délai supplémentaire, de prendre en compte le nombre et la difficulté des questions posées. En l'espèce, la demande de justifications adressée à M. et Mme D... portait sur une centaine de crédits. Les requérants ont informé l'administration qu'ils n'avaient pas conservé leurs relevés bancaires, et qu'ils avaient également contacté un notaire en Martinique au sujet de la vente d'un bien, afin qu'il leur fournisse les documents relatifs à la vente de ce bien et au produit qui en était résulté. Toutefois, sur le premier point, les intéressés se bornaient à demander à l'administration communication des relevés bancaires, sans avoir initié par eux-mêmes aucune démarche auprès des établissements bancaires, et sur le second point, le courrier adressé au notaire ne faisait état d'aucune urgence, et il ne résulte pas de l'instruction qu'il ait fait l'objet d'une relance. Dans les circonstances de l'espèce, le refus implicite de l'administration d'accorder une prolongation du délai n'apparait pas infondé.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. " et aux termes de l'article R.57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, l'année d'imposition et la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de manière à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à l'administration de mentionner les dispositions du code général des impôts sur lesquelles les redressements sont fondés.

12. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 15 décembre 2014 énonce les motifs sur lesquels l'administration s'est fondée pour justifier le montant des sommes imposées et précise les montants des redressements. En ce qui concerne les cotisations sociales, la proposition de rectification indique les taux applicables, précise qu'ils s'appliquent aux rehaussements en base en matière d'impôt sur le revenu et a indiqué le montant des rectifications. Ainsi, la proposition de rectification était suffisamment motivée pour permettre aux contribuables de présenter leurs observations de manière utile.

13. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'administration leur a adressé non des avis de mise en recouvrement, mais des avis d'imposition. Dans le cadre d'un contentieux d'assiette, les irrégularités qui entachent les avis relatifs aux impositions recouvrées par voie de rôle sont sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de l'impôt. En outre, et en tout état de cause, l'article L. 255 A du livre des procédures fiscales n'impose nullement la signature de l'avis d'imposition. Par suite, les moyens tirés de ce que les avis d'imposition ne mentionneraient pas les informations relatives aux modalités d'application de l'exigibilité immédiate des suppléments d'imposition et aux conséquences de son non-respect, ne seraient pas suffisamment motivés, et ne seraient pas signés par un agent habilité sont inopérants. Enfin, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les avis d'imposition auraient dû être adressés non pas à M. ou Mme D... mais à Mme D... s'agissant de ses revenus propres, dès lors que les deux époux font l'objet d'une imposition commune.

14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à se prévaloir d'irrégularités substantielles au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales dans la procédure de redressement menée à leur encontre et à soutenir que l'administration aurait ainsi méconnu son obligation de loyauté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :

15. En premier lieu, les requérants soutiennent que les sommes provenant de M. F..., pour un montant de 99 765,28 euros, constituent des prêts et des présents d'usage non imposables et entendent se prévaloir de la présomption d'entraide familiale. Cependant, Mme D... ne se prévaut que d'une relation extraconjugale, dont la réalité n'est pas établie, avec M. F..., dont elle aurait eu une fille, laquelle n'a pas été reconnue par M. F..., Mme D... ayant en outre elle-même déclaré, lors d'une audition dans le cadre d'une procédure pénale pour abus de faiblesse présumé, que sa fille était déjà âgée de trois mois lors du début de la relation alléguée. Par suite, la présomption d'entraide familiale ne peut être retenue.

16. En deuxième lieu, en ce qui concerne les sommes dont il est constant qu'elles sont été versées par M. A..., frère de Mme D..., les requérants sont fondés à soutenir que ni l'absence de contrats de prêt écrits, ni l'absence de justificatifs de remboursement, ni l'importance des montants en cause ne sont de nature à écarter la présomption d'entraide familiale.

17. En troisième lieu, si les requérants soutiennent que c'est à tort que l'administration a imposé des sommes qui correspondraient à des remboursements d'achats effectués par Mme D... pour le compte de sa mère et de sa sœur, ils n'apportent aucun commencement de preuve de nature à établir la provenance familiale de ces sommes. Les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la tolérance administrative prévue par la doctrine BOI-BIC-CHG-10-20-20 n° 40 et BOI-BIC-DECLA-30-10-20-10 n° 250 dès lors qu'elle concerne les bénéfices industriels et commerciaux et n'est pas applicables en l'espèce.

En ce qui concerne les pénalités et intérêts de retard :

18. En premier lieu, aux termes de l'article 1727 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I.- Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...) / III.- Le taux de l'intérêt de retard est de 0,40 % par mois. Il s'applique sur le montant des créances de nature fiscale mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé ".

19. D'une part, il résulte de ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à demander la décharge, par voie de conséquence de la décharge des rappels contestés, des intérêts de retard dont ont été assortis les rappels afférents aux prêts consentis par le frère de Mme D....

20. D'autre part, l'intérêt de retard prévu par ces dispositions, qui s'applique indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur le comportement du contribuable, vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales. Si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié. Il s'ensuit que les requérants ne sauraient utilement invoquer l'absence de motivation des intérêts de retard mis à leur charge. Les requérants ne sauraient davantage soutenir, en se prévalant notamment des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il incomberait au juge de moduler le taux de l'intérêt de retard et, à tout le moins, de le ramener au niveau de l'intérêt légal.

21. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

22. Il résulte de l'instruction que, pour assortir la majoration pour manquement délibéré, l'administration s'est fondée sur l'importance des revenus d'origine indéterminée, notamment par rapport aux sommes déclarées par les contribuables, ainsi que sur l'absence de justificatifs permettant d'établir la nature exacte des versements dont ils ne pouvaient ignorer l'existence. Dès lors l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du manquement délibéré de M. et Mme D..., s'agissant des impositions restant en litige.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... sont seulement fondés à demander la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2011, et afférents aux sommes prêtées par le frère de Mme D..., ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondant. Le surplus des conclusions de leur requête doit être rejeté, y compris les conclusions relatives aux frais d'instance, dès lors que l'administration ne peut être regardée, dans la présente instance, comme la partie perdante pour l'essentiel.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement nos 1706792 et 1902562 du 11 juin 2020 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : M. et Mme D... sont déchargés des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 relatifs aux sommes provenant du frère de Mme D..., et des majorations et intérêts de retard correspondants.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme D... et les conclusions de leur demande relatives aux droits, pénalités et intérêts de retard sont rejetés.

3

N° 20VE01983


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01983
Date de la décision : 11/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Patrice BEAUJARD
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : SELARL DUBAULT-BIRI et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-01-11;20ve01983 ?
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