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08/02/2022 | FRANCE | N°20VE02613

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 08 février 2022, 20VE02613


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Performing Rights Society Ltd. a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement d'un montant de 2 276 271 euros retenu à la source au titre de l'année 2015 et d'un montant de 1 638 447 euros retenu à la source au titre de l'année 2016.

Par un jugement nos 1802560, 1812689 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 octobre 202

0 et le 11 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Performing Rights Society Ltd. a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement d'un montant de 2 276 271 euros retenu à la source au titre de l'année 2015 et d'un montant de 1 638 447 euros retenu à la source au titre de l'année 2016.

Par un jugement nos 1802560, 1812689 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 octobre 2020 et le 11 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour :

1° d'annuler les articles 1er et 2 du jugement attaqué ;

2° de remettre à la charge de la société Performing Rights Society Ltd. les retenues à la source d'un montant de 2 276 271 euros au titre de l'année 2015 et de 1 638 447 euros au titre de l'année 2016 dont le tribunal administratif de Montreuil a ordonné la décharge.

Il soutient que la société Performing Rights Society Ltd. n'est pas le bénéficiaire effectif des redevances collectées en France pour son compte par la SACEM mais un simple intermédiaire en sa qualité de société civile de gestion collective.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham, première conseillère,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de Me Vail, pour la société Performing Rights Society Ltd.

Considérant ce qui suit :

1. La société Performing Rights Society Ltd., domiciliée au Royaume-Uni, exerce une activité de collecte et de gestion des droits d'utilisation, de diffusion et de distribution des œuvres, notamment musicales, dont les membres sont les auteurs, compositeurs ou interprètes. Elle a conclu avec la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) un accord de représentation réciproque aux termes duquel cette dernière société recouvre et lui reverse les redevances correspondant à l'utilisation, en France, des œuvres des artistes britanniques qu'elle représente. Conformément à cet accord, la SACEM encaisse les redevances dues aux ayants-droit et les lui reverse. Au titre des années 2015 et 2016, la SACEM a acquitté des retenues à la source pour des montants respectifs de 8 613 530 euros et 9 242 884 euros en application des dispositions des articles 182 B et 92 du code général des impôts, sur le montant des redevances ainsi collectées par elle, dont 6 337 259 euros lui ont été restitués par l'administration fiscale par une décision du 14 décembre 2017 au titre de 2015 et 7 604 437 euros par une décision du 13 septembre 2018 au titre de 2016. Par un jugement nos 1802560 et 1812689 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit aux conclusions de la société Performing Rights Society Ltd. tendant à la restitution de la partie des retenues à la source non dégrevée. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Montreuil :

2. D'une part, l'article 182 B du code général des impôts dispose, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige, que : " I. - Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : (...) b. Les produits définis à l'article 92 et perçus par les inventeurs ou au titre de droits d'auteur ", tandis qu'aux termes de l'article 92 du même code : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. / 2. Ces bénéfices comprennent notamment : (...) 2° Les produits de droits d'auteurs perçus par les écrivains ou compositeurs et par leurs héritiers ou légataires ".

3. D'autre part, l'article 4 de la convention franco-britannique du 19 juin 2008 stipule que : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, y est assujettie à l'impôt en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son lieu d'enregistrement ou de tout autre critère de nature analogue, et s'applique aussi à cet Etat ainsi qu'à toutes ses subdivisions politiques ou à ses collectivités locales, ainsi qu'à toute personne morale de droit public de cet Etat, de cette subdivision ou de cette collectivité " tandis qu'aux termes de son article 13 : " 1. Les redevances provenant d'un Etat contractant et dont le bénéficiaire effectif est un résident de l'autre Etat contractant ne sont imposables que dans cet autre Etat. / 2. Le terme " redevances " employé dans le présent article désigne les rémunérations de toute nature payées pour l'usage ou la concession de l'usage d'un droit d'auteur sur une œuvre littéraire, artistique ou scientifique ". Il résulte de ces stipulations que les redevances tirées de la gestion des droits d'auteur versées en France et dont le bénéficiaire effectif est un résident du Royaume-Uni ne sont imposables qu'au Royaume-Uni.

4. Il résulte de l'instruction que les artistes membres de la société Performing Rights Society Ltd. lui cèdent, en vertu de l'article 7 de ses statuts constitutifs, les droits qu'ils détiennent sur leurs œuvres. Si, en vertu des articles 47 et 48 de ces mêmes statuts, le conseil d'administration de la société détermine l'affectation des revenus tirés de l'exploitation de ces œuvres, ces revenus doivent néanmoins, en principe, être répartis entre les membres de la société " après déduction des frais y compris à caractère social justifié ". Les redevances redistribuées sont alors comptabilisées en charges déductibles dans les écritures comptables de la société et imposées entre les mains de ses membres et non de la société. Il résulte en outre de l'instruction que, si une partie des redevances collectées par la société est affectée par le conseil d'administration de la société, soit à des œuvres charitables ou des dons aux membres ou aux employés, soit à des fonds de réserve, à l'entretien des biens de la société ou à toute autre fin que le conseil estime nécessaire ou propice aux intérêts de la société, l'essentiel de ces redevances est, chaque année, en pratique, reversée aux membres de la société. Au vu de ces éléments, la société Performing Rights Society Ltd, qui a pour objet de collecter et de gérer les revenus perçus par ses membres, ne peut être regardée comme le " bénéficiaire effectif ", au sens des stipulations de l'article 13 de la convention fiscale franco-britannique cité au point 4, de la part des redevances collectées pour elle en France par la SACEM et reversées à ses membres.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la société Performing Rights Society Ltd. devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur l'autre moyen soulevé par la société Performing Rights Society Ltd., examiné dans le cadre de l'effet dévolutif :

6. Aux termes du b) du paragraphe 5 de l'article 4 de la convention franco-britannique du 19 juin 2008 : " un élément de revenu, bénéfice ou gain : / (i) provenant d'un Etat contractant par l'intermédiaire d'un " partnership ", d'un groupement de personnes ou d'une autre entité analogue établi dans l'autre Etat contractant ; et / (ii) traité, en vertu de la législation fiscale de cet autre Etat contractant, comme le revenu de ce " partnership ", de ce groupement de personnes ou de cette autre entité analogue, / peut bénéficier des dispositions de la présente Convention au même titre que celui d'un résident de cet autre Etat contractant, que ce revenu soit considéré ou non, en vertu de la législation fiscale du premier Etat, comme le revenu de ce " partnership ", de ce groupement de personnes ou de cette autre entité analogue, dès lors que ce " partnership ", ce groupement de personnes ou cette autre entité analogue est résident de cet autre Etat contractant et satisfait à toute autre condition imposée par la Convention ". A supposer même que ces stipulations soient applicables aux revenus tirés de l'exploitation des œuvres des membres de la société requérante, le bénéfice des stipulations de la convention reste subordonné à la satisfaction, par la société Performing Rights Society Ltd., de toute autre condition imposée par la convention, notamment celle d'être le bénéficiaire effectif des revenus en cause. Or, la société Performing Rights Society Ltd. ne remplit pas cette condition cumulative, ainsi qu'il a été relevé au point 4 de cet arrêt. Par suite, le moyen tiré de ce que la société Performing Rights Society Ltd devrait être déchargée des retenues à la source litigieuses en application du b) du paragraphe 5 de l'article 4 de la convention franco-britannique du 19 juin 2008 doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Performing Rights Society Ltd. des retenues à la source mises à sa charge au titre des années 2015 et 2016. Par suite, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Performing Rights Society Ltd. présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1812689 du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Performing Rights Society Ltd. devant le tribunal administratif de Montreuil ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les retenues à la source au titre des années 2015 et 2016 sont remises à la charge de la société Performing Rights Society Ltd.

2

N° 20VE02613


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02613
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers - Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-02-08;20ve02613 ?
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